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Date : 20131108

Dossier : IMM‑5470‑12

Référence : 2013 CF 1129

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 8 novembre 2013

En présence de monsieur le juge Campbell

 

ENTRE :

 

 

BING LIN

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Le demandeur, citoyen chinois, demande l’asile au Canada en tant que chrétien en raison d’une crainte subjective et objective car, s’il devait être forcé de retourner chez lui dans la province du Fujian, il serait exposé à plus qu’à une simple possibilité de persécution au sens de l’article 96 de la LIPR ou qu’à un risque probable au sens de l’article 97. La présente demande est une contestation de la décision du 16 mai 2012 par laquelle la Section de la protection des réfugiés (la SPR) a rejeté sa demande d’asile.

 

[2]               Dans sa décision, la SPR a fourni le résumé suivant des faits sur lesquels le demandeur se fondait à l’appui de sa demande d’asile :

Le demandeur d’asile est devenu membre d’une église clandestine le 25 décembre 2008 et il a été baptisé le 28 juin 2009. Parce qu’il estimait qu’il apprenait moins vite que les autres à l’école, il a été mis l’écart pendant des années et il n’avait pas confiance en lui. Comme son voisin l’avait initié au christianisme, le demandeur d’asile a réussi à résister à l’envie de se battre contre ses camarades de classe en raison des mauvais traitements qu’ils lui infligeaient. Il allait régulièrement à l’église, il lisait souvent la Bible et il faisait connaître l’Évangile à des amis de confiance. Il était bien conscient des risques lorsqu’il est devenu membre de l’église clandestine. Le 20 septembre 2009, l’église a fait l’objet d’une descente par le Bureau de la sécurité publique (PSB); le demandeur d’asile s’est échappé par la porte arrière. Le 21 septembre 2009, le demandeur d’asile a été informé par son père qu’un organisateur et un membre de l’église avaient été capturés au moment de la descente. Le 22 septembre 2009, des agents du PSB se sont présentés chez le demandeur d’asile et lui ont ordonné de se rendre immédiatement afin de collaborer à l’enquête. Comme les visites du PSB à son domicile se multipliaient, le demandeur d’asile a quitté la Chine avec l’aide d’un passeur. Les agents du PSB continuent de se rendre au domicile du demandeur d’asile et veulent encore l’arrêter.

 

(Décision, paragraphe 3)

 

[3]               En résumé, la SPR a tiré les conclusions essentielles suivantes au sujet du fait que le demandeur était un chrétien en Chine et un chrétien au Canada :

Le demandeur d’asile a donné une description de certains des événements qui ont eu lieu dans son église clandestine en Chine. Le tribunal estime, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur d’asile a bel et bien fréquenté une église clandestine au Fujian.

 

Le demandeur d’asile a répondu correctement à la plupart des questions concernant la Bible, l’homélie prononcée par le pasteur le dimanche précédent — il a présenté un témoignage à ce sujet — et d’autres questions relatives au christianisme. Le tribunal estime, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur d’asile est un chrétien pratiquant au Canada.

 

(Décision, paragraphes 11 et 12)

 

[4]               La SPR n’a toutefois pas accepté le témoignage du demandeur au sujet de la descente effectuée dans son église clandestine, les activités subséquentes du BSP et la façon dont il avait quitté la Chine pour venir au Canada. Par ailleurs, la SPR a conclu qu’en tout état de cause, le demandeur ne serait pas exposé à un risque s’il devait retourner chez lui au Fujian, étant donné qu’« [e]n ce qui a trait tout particulièrement au Fujian, aucun élément de preuve n’a convaincu le tribunal que les fonctionnaires veulent persécuter les chrétiens protestants clandestins » (Décision, paragraphe 27).

 

[5]               Il y a deux aspects de la décision de la SPR qui exigent un examen attentif. En premier lieu, les conclusions négatives tirées par la SPR au sujet de la crédibilité revêtent une importance critique dans la présente demande parce que, si la SPR avait ajouté foi au témoignage donné par le demandeur au sujet de la descente effectuée à l’église, elle aurait disposé d’éléments de preuve susceptibles d’appuyer l’argument que, comme il avait été persécuté au Fujian en tant que chrétien, il existait plus qu’une simple possibilité qu’il soit persécuté comme chrétien s’il devait retourner en Chine. En second lieu, l’affirmation de la SPR suivant laquelle il n’existait aucun élément de preuve permettant de conclure à l’existence pour l’avenir d’un risque en cas de retour en Chine est importante parce qu’elle repose, non pas sur l’existence d’éléments de preuve suivant lesquels le BSP n’exerce pas d’activités contre les chrétiens au Fujian, mais sur l’absence d’éléments de preuve démontrant que le BSP se livre à des activités contre les chrétiens au Fujian.

 

I.          Les conclusions négatives tirées au sujet de la crédibilité

[6]               En ce qui concerne la décision présentement à l’examen, il est nécessaire de rappeler les règles de droit reconnues en ce qui concerne la formulation d’une conclusion négative en matière de crédibilité, telles que je les ai énoncées dans la décision Istvan Vodics c Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2005 CF 783 :

[10] En ce qui a trait aux conclusions défavorables sur la crédibilité en général et les conclusions d’invraisemblance en particulier, le juge Muldoon a énoncé, dans la décision Valtchev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] A.C.F. no 1131, la norme à appliquer :

 

6. Le tribunal a fait allusion au principe posé dans l’arrêt Maldonado c. M.E.I., [1980] 2 C.F. 302 (C.A.), à la page 305, suivant lequel lorsqu’un revendicateur du statut de réfugié affirme la véracité de certaines allégations, ces allégations sont présumées véridiques sauf s’il existe des raisons de douter de leur véracité. Le tribunal n’a cependant pas appliqué le principe dégagé dans l’arrêt Maldonado au demandeur et a écarté son témoignage à plusieurs reprises en répétant qu’il lui apparaissait en grande partie invraisemblable. Qui plus est, le tribunal a substitué à plusieurs reprises sa propre version des faits à celle du demandeur sans invoquer d’éléments de preuve pour justifier ses conclusions.

 

7. Un tribunal administratif peut tirer des conclusions défavorables au sujet de la vraisemblance de la version des faits relatée par le revendicateur, à condition que les inférences qu’il tire soient raisonnables. Le tribunal administratif ne peut cependant conclure à l’invraisemblance que dans les cas les plus évidents, c’est‑à‑dire que si les faits articulés débordent le cadre de ce à quoi on peut logiquement s’attendre ou si la preuve documentaire démontre que les événements ne pouvaient pas se produire comme le demandeur d’asile le prétend. Le tribunal doit être prudent lorsqu’il fonde sa décision sur le manque de vraisemblance, car les demandeurs d’asile proviennent de cultures diverses et que des actes qui semblent peu plausibles lorsqu’on les juge en fonction des normes canadiennes peuvent être plausibles lorsqu’on les considère en fonction du milieu dont provient le revendicateur [voir L. Waldman, Immigration Law and Practice (Markham, ON, Butterworths, 1992) à la page 8.22].

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[11] Il n’est pas difficile de comprendre que, en toute justice pour la personne qui jure de dire toute la vérité, des motifs concrets s’appuyant sur une preuve forte doivent exister pour qu’on refuse de croire cette personne. Soyons clairs. Dire qu’une personne n’est pas crédible, c’est dire qu’elle ment. Donc, pour être juste, le décideur doit pouvoir exprimer les raisons qui le font douter du témoignage sous serment, à défaut de quoi le doute ne peut servir à tirer des conclusions. La personne qui rend témoignage doit bénéficier de tout doute non étayé.

 

[12] [En ce qui concerne la formulation de motifs clairs,] [l]a Cour d’appel fédérale impose à la CISR l’obligation de suivre un processus décisionnel, dans l’arrêt Hilo c. Canada (M.E.I.), [1991] A.C.F. no 228, (1991), 15 Imm. L.R. (2d) 199 (C.A.F.) (paragraphe 6) :

 

Selon moi, la Commission se trouvait dans l’obligation de justifier, en termes clairs et explicites, pourquoi elle doutait de la crédibilité de l’appelant. L’évaluation précitée que la Commission a faite au sujet de la crédibilité est lacunaire parce qu’elle est exposée en termes vagues et généraux.

 

En outre, comme l’indique la décision Leung c. Canada (M.E.I.), (1994), 81 F.T.R. 303 (paragraphe 14), l’obligation d’être clair est liée à l’exigence d’énoncer la preuve :

 

La Commission est clairement tenue de justifier ses conclusions sur la crédibilité en faisant expressément et clairement état des éléments de preuve.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[7]               Il y a deux passages de la décision de la SPR qu’il est particulièrement important d’examiner pour trancher la question de la crédibilité du demandeur.

 

[8]               En ce qui concerne le témoignage donné par le demandeur au sujet des événements qui ont suivi la descente, la SPR a tiré les conclusions suivantes :

Le demandeur d’asile a déclaré que, lorsque les agents du PSB se sont rendus à son domicile pour la première fois, le 27 septembre 2009, ils ont demandé où il était et ont dit à ses parents qu’ils voulaient l’arrêter. Le tribunal a questionné le demandeur d’asile au sujet de l’utilisation du mot [traduction] « arrêter » et lui a demandé si le PSB voulait vraiment qu’il comparaisse. Le demandeur d’asile a insisté sur le fait que le PSB voulait l’arrêter. Le tribunal tire une conclusion défavorable. Ce témoignage est contraire à la documentation dont dispose le tribunal. La preuve documentaire [...] indique qu’il existe deux genres d’assignation en Chine : le zuanhuan, qui n’est pas une mesure coercitive et est délivré lorsque l’arrestation ou la détention des suspects n’est pas nécessaire ni envisagée, par exemple lorsque la police s’attend à leur collaboration et qu’ils ne risquent pas de fuir; et le juzhuan, qui est une assignation assortie d’un mandat d’arrestation (en vue d’un interrogatoire). Cette assignation est une mesure coercitive qui est délivrée lorsque la comparution volontaire n’est pas envisagée et que le zuanhuan n’a pas été respecté. La même documentation indique que les assignations assorties d’un mandat d’arrestation (Juzhuan) ne peuvent être délivrées que sous l’approbation des organes de sécurité publique à l’échelon des comtés ou à un échelon supérieur, sur présentation d’une [traduction] « demande d’arrestation‑assignation ». Cette demande énoncera clairement, preuves crédibles à l’appui, qu’un crime a été commis, que la personne devant être arrêtée et convoquée à l’interrogatoire est liée à ce crime et que le suspect risque de ne pas se présenter volontairement, ou bien elle mentionnera que la convocation à l’interrogatoire n’a pas été respectée. Il n’est ni vraisemblable ni crédible que le PSB ait envisagé d’arrêter le demandeur d’asile ou de délivrer un mandat d’arrestation deux jours après la prétendue descente du 20 septembre 2009. Dans ses observations, le conseil a cité la même documentation, selon laquelle « le BSP [Bureau de la sécurité publique] n’a pas encore établi la primauté du droit ». Le tribunal est d’avis, même s’il prend ces observations en considération, qu’il n’est pas probable, ni possible, que le PSB veuille arrêter la personne deux jours après la prétendue descente, compte tenu de la documentation à l’appui qui a été citée. L’enquête qui doit être menée relativement à une infraction criminelle avant de demander ce type de document aurait raisonnablement dû prendre beaucoup plus de temps. Le tribunal tire une conclusion défavorable du témoignage du demandeur d’asile.

[Non souligné dans l’original.]

 

(Décision, paragraphe 7)

 

[9]               Le demandeur a affirmé sous serment que ses parents lui avaient dit que des agents du BSP s’étaient présentés au domicile familial pour l’arrêter deux jours après la descente. La SPR a conclu que le demandeur ne disait pas la vérité et elle a tiré une conclusion d’invraisemblance qui comportait deux volets : elle a estimé qu’il était invraisemblable qu’une arrestation ait lieu sans qu’un mandat d’arrestation (juzhuan) ait été délivré et que, comme un mandat d’arrestation juzhuan ne pouvait être délivré qu’après avoir obtenu une approbation « à l’échelon des comtés », il était invraisemblable qu’une telle approbation ait été donnée « deux jours après ». J’estime que cette conclusion défavorable sur la crédibilité est erronée pour deux raisons. On ne trouve au dossier aucun élément de preuve permettant de penser que le BSP n’aurait recouru qu’à un bref d’« assignation » dans le cadre de son enquête sur les agissements du demandeur. La SPR n’a pas tenu compte du fait qu’à la lumière du témoignage du demandeur, il était fort possible que le BSP l’avait « pris en chasse » et tentait de l’arrêter. En tout état de cause, j’estime que la SPR s’est fondée sur de pures suppositions en se prononçant sur le délai qui pouvait s’écouler avant qu’un bref d’assignation ne soit délivré au domicile du demandeur en 2009.

 

[10]           En ce qui concerne le témoignage du demandeur au sujet de ce dont il se rappelait des événements entourant la descente, la SPR a tiré les conclusions suivantes :

Le demandeur d’asile a affirmé que 21 membres de l’église clandestine étaient présents le jour de la descente. Selon son témoignage, l’organisateur a reçu un appel téléphonique d’un guetteur, et les 21 personnes sont sorties par la porte arrière. La description que le demandeur d’asile a faite de la façon dont il a échappé au PSB était toute faite et limitée. Il a déclaré que deux personnes étaient sorties avant lui. Il a expliqué qu’il était nerveux et qu’il a fermé sa bible, s’est enfui par la porte arrière à la suite de deux membres, a traversé un verger et deux petits champs, s’est rendu jusqu’à une route, a loué une voiture et est allé chez son oncle. Questionné par le tribunal, le demandeur d’asile a déclaré qu’il ne se souvenait de rien d’autre. Le tribunal l’a invité à donner plus de détails en lui demandant si le désordre régnait lorsque les 21 personnes avaient tenté de sortir par la même porte. Le demandeur d’asile a répondu qu’une chaise était tombée. Le tribunal l’a questionné de nouveau pour savoir s’il y avait eu des cris ou des hurlements. Le demandeur d’asile a répondu qu’il n’y avait pas eu de cris ni de hurlements, puisque le groupe voulait éviter d’attirer l’attention du PSB. Il ne se souvenait d’aucun autre détail de la descente. Le tribunal tire une conclusion défavorable. Il est impossible que le demandeur d’asile, après avoir vécu une situation aussi marquante que celle où il a été pris dans une descente et a été pourchassé par le PSB, n’ait pas plus de souvenirs de ce qui s’est passé. La déclaration du demandeur d’asile selon laquelle il était nerveux constitue la seule indication des répercussions émotionnelles de cette situation. Ce témoignage n’est pas raisonnable. Il est normal de s’attendre à ce que le demandeur d’asile manifeste toute une gamme d’émotions dans de telles circonstances et à ce qu’il se souvienne de certains problèmes survenus lorsque 21 personnes ont tenté de sortir par la même porte et se sont échappées. Le tribunal estime, selon la prépondérance des probabilités, que le PSB n’a pas effectué de descente dans l’église clandestine du demandeur d’asile comme ce dernier l’a allégué dans sa preuve documentaire et son témoignage.

 

(Décision, paragraphe 9)

 

[11]           Dans le témoignage qu’il a donné sous serment, le demandeur a relaté ce dont il se souvenait des événements entourant la descente. Les déclarations de la SPR au sujet des souvenirs que l’on devrait s’attendre de la part du demandeur ne sont que l’expression de l’opinion subjective personnelle du commissaire de la SPR. J’estime qu’à défaut d’éléments permettant d’en établir la vérifiabilité, cette opinion repose sur des hypothèses et qu’elle n’aurait donc pas dû entrer en ligne de compte pour tirer une conclusion au sujet de la demande d’asile présentée par le demandeur.

 

[12]           Pour ces motifs, j’estime que la conclusion de la SPR suivant laquelle « le PSB n’a pas effectué de descente dans l’église clandestine du demandeur d’asile » n’est pas appuyée par la preuve et qu’elle constitue une erreur susceptible de révision.

 

II.        Risques auxquels les chrétiens sont exposés au Fujian

[13]           Voici les éléments clés de la décision de la SPR sur cette question :

Le tribunal s’est penché sur le traitement réservé aux membres d’églises clandestines dans la province du Fujian, notamment en examinant les éléments de preuve documentaire fournis par le conseil ainsi que ses observations. Très peu de renseignements laissent entendre que les chrétiens protestants clandestins ont été persécutés dans la province du Fujian, d’où provient le demandeur d’asile, depuis 2006. En ce qui a trait à la persécution religieuse dans la province du demandeur d’asile, le Fujian, aucune information convaincante ne porte à croire à l’existence de persécution fondée sur les croyances religieuses à l’égard de groupes aussi petits que celui du demandeur d’asile.

 

[...]

 

Le tribunal a tenu compte des commentaires formulés par M. Bob Fu, président de la CAA, en ce qui concerne la situation qui a cours dans les provinces du Guangdong et du Fujian. Il a affirmé que les provinces de la côte Est étaient généralement plus ouvertes et que la CAA y enregistrait moins d’incidents impliquant des chrétiens. M. Fu fait observer que cela ne signifie pas nécessairement que moins d’incidents s’y sont produits, mais plutôt que ceux‑ci n’ont pas été signalés. Il reprend cette position dans une lettre, dans laquelle il déclare que « [s]i l’on considère  précisément le Fujian et le Guangdong, il est totalement incorrect de conclure que la liberté de culte est respectée dans ces provinces [...]. [L]es persécutions sont sporadiques et ne sont pas entièrement prévisibles, mais elles se produisent encore. »

 

Le tribunal est conscient que le nombre d’incidents de persécution est vraisemblablement beaucoup plus élevé en raison de la censure des communications, et il a même envisagé la possibilité que toute l’information ne soit pas à la disposition des analystes. Le tribunal conclut que, puisqu’il existe une quantité importante d’information qui donne des exemples très précis recensés dans des régions de la Chine beaucoup plus éloignées et difficiles d’accès que le Fujian, il est raisonnable pour le tribunal de s’attendre à voir des éléments de preuve convaincants démontrant que des groupes comme celui du demandeur d’asile, qui sont petits et qui ne sont pas obligés de s’enregistrer, ont fait l’objet de descentes et que des personnes ont été emprisonnées dans la province du Fujian. Par exemple, le cartable national de documentation sur la Chine cite bon nombre d’incidents précis de persécution contre des défenseurs des droits de la personne, des journalistes, des personnalités religieuses non enregistrées, des blogueurs, des prisonniers politiques et des membres de leurs familles, et donne beaucoup de renseignements sur la persécution dans l’ensemble de la Chine (rapport du Département d’État des États‑Unis, rapport du ministère de l’Intérieur du Royaume‑Uni, rapport annuel de la CAA, etc.).

 

[...]

 

Étant donné que les éléments de preuve documentaire ne citent qu’un seul incident de persécution d’un chrétien clandestin au Fujian depuis 2006, outre l’incident susmentionné; que les autorités disposent du cadre légal ainsi que des ressources nécessaires pour persécuter les protestants clandestins si elles le souhaitent et que l’information sur la persécution des Chinois qui sont réputés s’opposer au gouvernement est largement citée dans le cartable de documentation, le tribunal estime que, selon la prépondérance des probabilités, s’il y avait eu des arrestations ou des incidents récents de persécution de chrétiens protestants clandestins dans la province du Fujian, des sources dignes de foi en auraient fait mention. En l’absence d’une documentation qui, selon toute attente, devrait exister, le tribunal n’est pas convaincu que les autorités locales du Fujian cherchent à persécuter les chrétiens protestants clandestins.

 

[Non souligné dans l’original.] [Renvois omis.]

 

(Décision, aux paragraphes 22, 25, 26, 28)

 

[14]           À mon avis, ce que le commissaire de la SPR a jugé raisonnable en se fondant sur l’absence d’éléments de preuve était fortement conjectural. Par contre, le témoignage d’opinion de M. Fu ne repose pas sur des hypothèses; il s’agit d’un témoignage d’opinion qui exigeait un examen attentif. Bien que le commissaire cite cette opinion, il est évident qu’il ne lui a pas accordé beaucoup de poids dans la balance par rapport à la valeur qu’il a accordée aux conjectures pour conclure, quant à l’avenir, qu’il existait plus qu’une simple possibilité que le demandeur soit persécuté s’il devait être forcé de retourner au Fujian. À cet égard, j’estime que la décision de la SPR est entachée d’une erreur susceptible de révision.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ANNULE la décision à l’examen pour les motifs qui ont été exposés et RENVOIE l’affaire à la Commission pour qu’elle soit réexaminée par un tribunal différemment constitué.

 

Il n’y a pas de question à certifier.

 

 

« Douglas R. Campbell »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑5470‑12

 

INTITULÉ :                                                  BING LIN c
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 6 novembre 2013

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                  LE JUGE CAMPBELL

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 8 novembre 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Clifford Luyt

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Sybil Thompson

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

CZUMA, RITTER

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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