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Date : 20131114

Dossier : IMM‑423‑13

Référence : 2013 CF 1160

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Calgary (Alberta), le 14 novembre 2013

En présence de monsieur le juge Campbell

 

 

 

ENTRE :

MOHAMMAD ASHRAF

 

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATIONN

 

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]               Le demandeur conteste par la présente demande la décision du 21 novembre 2012 par laquelle un agent d’immigration supérieur (l’agent) a rejeté la demande de résidence permanente qu’il avait présentée en invoquant, aux termes de l’article 25 de la LIPR, des considérations d’ordre humanitaire.

 

[2]               Le demandeur est un citoyen du Pakistan qui a de graves problèmes médicaux. L’agent a tiré les conclusions suivantes à l’égard de ces problèmes :

[traduction]

FACTEURS D’ORDRE MÉDICAL           

Le demandeur souffre de trouble de stress post‑traumatique (TSPT) et de dépression. Il a produit quatre lettres attestant ses problèmes de santé : deux rapports du psychologue Hap Davis, datés du 15 janvier 2009 et du 17 décembre 2010, et deux lettres du Dr Safeen Khan, datées du 7 novembre 2011 et du 27 août 2012.

 

Le Dr Davis mentionne dans ses rapports qu’un diagnostic de [traduction] « trouble concomitant de TSPT et de dépression majeure » a été établi à l’endroit du demandeur. Il expose principalement dans ses rapports les raisons pour lesquelles le demandeur a pu sembler non crédible à la SPR pendant l’audience. Le Dr Davis déclare ce qui suit au sujet du demandeur : [traduction] « Ses maladies conjuguées à ses capacités cognitives diminuées le rendent incapable de vivre de manière indépendante au Canada; il est improbable qu’il fasse mieux au Pakistan s’il devait retourner dans ce pays. » Je juge cet énoncé de nature hypothétique. Le demandeur affirme qu’il vit actuellement seul au Canada. Il est en outre raisonnable de supposer que, si le demandeur ne peut pas vivre de manière indépendante, il serait bénéfique dans son état de le réunir aux autres membres de sa famille au Pakistan. Le demandeur déclare ce qui suit : [traduction] « Je ne crois pas que ma famille puisse m’aider puisque, si je comprends bien, mon état risque de s’aggraver fortement si je devais retourner au Pakistan. » Le demandeur ne précise pas pour quel motif il dit croire que sa famille ne pourrait ou ne voudrait pas lui venir en aide.

 

Le Dr Khan mentionne dans ses lettres que le demandeur a toujours besoin de soins et qu’on lui a prescrit des antidépresseurs. Il déclare que le demandeur s’ennuie de sa famille. Le Dr Khan ajoute ce qui suit au sujet du demandeur : [traduction] « J’espère pouvoir constater une amélioration notable de son état de santé lorsque sera réglée la question de sa demande d’asile. » Le Dr Khan ne dit toutefois pas sur quoi se fonde sa conviction.

 

S’il est vrai que le demandeur a reçu des traitements et des médicaments au Canada, il n’a présenté aucune preuve démontrant qu’il ne pourra également en recevoir au Pakistan pour améliorer son état de santé. Il incombe au demandeur de faire confirmer par les autorités de santé du Pakistan qu’il ne pourrait recevoir des traitements acceptables dans ce pays, sinon au prix de grandes difficultés si de tels traitements devaient être requis. Selon les rapports, en outre, il pourrait être difficile pour le demandeur de mener une vie indépendante. En l’absence de preuve contraire, il est raisonnable de présumer qu’à cet égard il serait avantageux pour le demandeur d’être réuni avec les membres de sa famille au Pakistan.  

 

[Non souligné dans l’original.]

 

(Décision, pages 3 et 4)

 

[3]               L’avocat du demandeur déclare ce qui suit sur ce à quoi on s’attend d’un agent d’immigration lorsqu’il aborde la question de l’état de santé d’un demandeur en vue de se prononcer sur sa demande pour CH :

[traduction] 

D’après la jurisprudence, lorsqu’un rapport psychologique est produit dans le cadre d’une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, l’agent d’immigration est tenu d’examiner si le rapport établit que le renvoi du demandeur vers son pays d’origine engendrera des difficultés d’ordre psychologique (Gaya c. Canada (M.C.I.), [2007] A.C.F. no 1308; Mughrabi c. Canada (M.C.I.), [2008] A.C.F. no 1115). Selon la jurisprudence, en outre, lorsque l’auteur d’un rapport psychologique indique que le renvoi du demandeur du Canada amplifiera vraisemblablement ses problèmes psychologiques, l’agent doit aborder directement la question : il ne lui suffit pas de simplement faire état du fait que, pour remédier au problème, des soins en santé mentale peuvent être obtenus dans le pays d’origine (Martinez c. Canada (M.C.I.), [2012] A.C.F. no 1388).

 

(Mémoire des faits et du droit du demandeur, au paragraphe 18)

 

[4]               Le conseil du demandeur fait ainsi valoir que l’agent, en rendant sa décision, a abordé de manière fondamentalement erronée la question des traitements requis par le demandeur, et qu’il s’est prononcé incorrectement sur ces besoins :  

[traduction]

Plutôt que d’examiner les conclusions tirées par les Drs Davis et Khan sur les conséquences du renvoi du demandeur du Canada, l’agent s’en est tenu dans ses motifs à la disponibilité des soins en santé mentale au Pakistan. L’agent a indiqué que le demandeur n’avait présenté aucun élément de preuve démontrant qu’il ne pourrait pas obtenir de traitements pour ses troubles psychologiques dans ce pays. Ce commentaire était éminemment déraisonnable puisque le Dr Davis avait clairement indiqué dans ses rapports que le demandeur n’était pas un bon candidat pour des traitements, et qu’ainsi le fait que des traitements soient disponibles au Pakistan n’avait absolument aucune importance. Le Dr Davis a décrit le demandeur comme une personne atteinte de lésion cérébrale et a cité des « études par IRMf » indiquant que de telles personnes étaient « particulièrement réfractaires au traitement ». Le Dr Davis a ajouté que l’expérience du demandeur confirmait ces recherches parce que, même s’il prenait des antidépresseurs, il avait « toujours un sommeil agité, dont il s’éveille parfois en criant, un indice du fait que les médicaments psychiatriques ne sont pas efficaces » (souligné dans l’original).

 

Comme le Dr Khan l’a déclaré dans son plus récent rapport, bien que le demandeur ait continué de prendre des antidépresseurs, son état non seulement a persisté, mais s’est même aggravé. Dans le rapport de 2009, le Dr Davis a affirmé que le demandeur se débrouillait bien « au Canada sans réponse thérapeutique aux interventions médicales et que sa survie ne dépendrait pas de l’obtention de tels traitements à son retour ». Il a conclu son rapport en disant ce qui suit au sujet du demandeur : « Les traitements psychiatriques subis pour le TSPT et la dépression se sont avérés inefficaces au Canada, et on ne peut s’attendre à ce qu’ils lui viennent en aide quel que soit le scénario de retour. » Il faut nécessairement conclure de cet élément de preuve que, même si le demandeur avait accès à des soins de santé mentale au Pakistan, il ne pourrait en tirer aucun bénéfice. Il était par conséquent déraisonnable pour l’agent de faire abstraction de la preuve d’ordre psychologique au motif que le demandeur n’avait pas démontré qu’il n’aurait pas accès à des traitements au Pakistan.

 

Quoi qu’il en soit, à la suite du jugement P.M.D., même si le demandeur avait pu bien répondu au traitement et si les soins en santé mentale avaient été parfaits au Pakistan, l’agent était néanmoins tenu 1) de prendre en compte la preuve d’expert selon laquelle le retour au Pakistan aggraverait les problèmes psychologiques du demandeur, et 2) de vérifier si faire vivre une telle situation au demandeur entraînerait des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives. En ne s’acquittant pas de ces obligations, l’agent a commis une erreur susceptible de contrôle.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

(Mémoire des faits et du droit du demandeur, aux paragraphes 25 à 27)

 

[5]               Je souscris à l’argument du conseil du demandeur. La demande fondée sur des considérations humanitaires du demandeur reposait principalement sur ses graves problèmes de santé mentale. À mon avis, pour rendre une décision raisonnable à l’égard d’une telle demande, il faut démontrer une compréhension non seulement juste, mais aussi fondée sur des considérations humanitaires, des difficultés auxquelles le demandeur serait exposé s’il devait retourner vers un avenir fort incertain au Pakistan. L’auteur de la décision n’a pas démontré une telle compréhension. Je conclus par conséquent que la décision est déraisonnable.

 


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

Pour les motifs exposés, j’annule la décision objet du contrôle et je renvoie l’affaire à un autre agent d’immigration pour nouvel examen.  

Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

« Douglas R. Campbell »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑423‑13

 

INTITULÉ :                                                  MOHAMMAD ASHRAF c
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE : Le 13 novembre 2013

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :          LE JUGE CAMPBELL

 

DATE DES MOTIFS :         Le 14 novembre 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

G. Michael Sherritt

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Rick Garvin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

G. Michael Sherritt

Calgary (Alberta)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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