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Date : 20131118

Dossier : T‑868‑12

Référence : 2013 CF 1170

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 novembre 2013

En présence de monsieur le juge Boivin

Dossier : T‑868‑12

 

ENTRE :

PAUL ABI‑MANSOUR

 

demandeur

ET

LE Ministère des Affaires étrangères

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision, rendue le 28 mars 2012, par laquelle le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le TDFP) a rejeté les plaintes d’abus de pouvoir déposées par le demandeur en application de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, LC 2003, c 22, art 12 et 13 (la LEFP). Le TDFP a conclu que le défendeur n’avait commis aucun abus de pouvoir, que ce soit en faisant preuve de discrimination à l’égard du demandeur dans le cadre du processus de nomination, en omettant d’appliquer les exigences organisationnelles ou en nommant des candidats qui ne répondaient pas aux exigences en matière d’études.

 

Contexte factuel

[2]               Il convient en l’espèce d’exposer les faits en détail.

 

[3]               M. Paul Abi‑Mansour (le demandeur) a posé sa candidature à un poste en technologie de l’information de niveau CS‑02 au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada (le défendeur) à Ottawa (Ontario). La date limite de dépôt des candidatures était le 15 janvier 2010 (dossier du demandeur, onglet 3, pièce « dossier du Tribunal », page 4; dossier du défendeur, volume 1, section D, onglet 1, à la page 2, Annonce de possibilité d’emploi (APE)).

 

[4]               Il était précisé dans l’APE et l’Énoncé des critères de mérite et conditions de travail (ECM) pour le poste CS‑02 que les candidats devaient notamment satisfaire aux exigences suivantes en matière d’études (dossier du demandeur, onglet 3, pièce « dossier du Tribunal », page 4; dossier du défendeur, volume 1, section D, onglet 2, à la page 1; APE) :

Deux années d’un programme acceptable d’études postsecondaires terminées avec succès en science informatique, technologie de l’information, gestion de l’information ou dans un autre domaine lié au poste à combler.

 

[5]               Selon l’APE, les candidats devaient annexer à leur dossier une lettre de présentation dans laquelle ils expliquaient de quelle façon ils satisfaisaient aux exigences en matière d’études et d’expérience. Il y était précisé que le curriculum vitæ pourrait servir de source secondaire pour valider les études et l’expérience décrites dans la lettre de présentation. Les candidats étaient informés que le défaut de fournir l’information dans le format exigé entraînerait le rejet de leur demande (dossier du demandeur, onglet 3, pièce « dossier du Tribunal », page 5, APE; dossier du défendeur, volume 1, section D, onglet 2, à page 1) :

Les candidats doivent inclure une lettre de couverture. Les candidats doivent démontrer, DANS LA LETTRE DE PRÉSENTATION, qu’ils répondent aux exigences en matière d’études et d’expérience énumérées dans la section des qualifications essentielles et qualifications constituant un atout. Ils doivent utiliser, pour titre, chacun des critères puis rédiger un ou deux paragraphes attestant qu’ils possèdent les qualifications exigées en veillant à la clarté et à la précision des détails. Le curriculum vitae peut constituer une source secondaire pour confirmer l’éducation et l’expérience décrite dans la page de présentation. À DÉFAUT DE RESPECTER LE FORMAT EXIGÉ CONCERNANT CES RENSEIGNEMENTS, VOTRE DEMANDE SERA REJETÉE.

[Majuscules dans l’original.]

 

[6]               Le demandeur n’a pas fait état de ses études dans sa lettre de présentation (dossier du demandeur, onglet 3, pièce « dossier du Tribunal », page 10, renseignements sur le demandeur – Paul Abi‑Mansour; dossier du défendeur, volume 1, section D, onglet 3, page 3; décision du TDFP, paragraphe 34). Dans son curriculum vitae, il a écrit qu’il possédait un diplôme en mathématiques appliquées, sans préciser que le programme menant à ce diplôme comprenait une option en science informatique (dossier du demandeur, onglet 3, pièce « dossier du Tribunal », page 12, renseignements sur le demandeur – Paul Abi‑Mansour; dossier du défendeur, volume 1, section D, onglet 3, page 3).

 

[7]               Le 4 mai 2010, le demandeur a reçu un courriel de Mme Geneviève Bégin Martineau, conseillère principale en ressources humaines pour le défendeur, l’informant qu’il avait été exclu du processus de nomination parce qu’il ne satisfaisait pas aux exigences en matière d’études. Il était aussi indiqué dans le courriel que le demandeur pouvait communiquer avec Mme Jessica Chénier, adjointe en ressources humaines du défendeur, s’il souhaitait discuter de façon informelle de son exclusion du processus de nomination (dossier du défendeur, volume 1, section D, onglet 6, aux pages 1‑3; courriel de Geneviève Bégin Martineau, 4 mai 2010; dossier du demandeur, onglet 3, pièce « dossier du Tribunal », aux pages 76‑77) :

Suite à un examen attentif de l’information que vous avez fournie dans votre demande, relativement au processus de nomination mentionné en rubrique, les personnes responsables de l’évaluation en sont arrivées à la conclusion que vous ne répondez pas à certains des critères de mérite fixés par la présélection, notamment :

 

Deux années d’un programme acceptable d’études postsecondaires terminées avec succès en science informatique, technologie de l’information, gestion de l’information ou dans un autre domaine lié au poste à combler.

 

En conséquence, votre candidature n’est pas retenue dans le cadre de ce processus de nomination.

 

Si vous souhaitez discuter de manière informelle de votre élimination de ce processus de nomination, veuillez communiquer avec Jessica Chénier, Adjointe en ressources humaines […]

 

[8]               Après avoir été informé de la décision, le demandeur a expliqué dans un courriel envoyé à Mme Chénier le 4 mai 2010 qu’il possédait un diplôme en science informatique. Le 5 mai 2010, Mme Chénier a répondu à ce courriel et a invité le demandeur à lui transmettre des copies de ses diplômes (dossier du demandeur, onglet 3, pièce « dossier du Tribunal », à la page 76, courriel de Jessica Chénier, 5 mai 2010) :

[traduction]

Bonjour Monsieur Abi‑Mansour,

 

Veuillez nous envoyer des copies de vos diplômes pour que nous puissions réévaluer votre candidature.

 

N’hésitez pas à communiquer avec moi si vous avez des questions.

 

[9]               Le 10 mai 2010, le demandeur a envoyé par courriel les attestations demandées (dossier du demandeur, onglet 3, pièce « dossier du Tribunal », page 76, courriel de Paul Abi‑Mansour, 5 mai 2010).

 

[10]           Lors de l’audience devant le TDFP, Mme Chénier a déclaré qu’elle avait classé les copies des diplômes du demandeur dans le dossier de candidature de ce dernier et avait ensuite transmis celui‑ci à Mme Bégin Martineau, selon la procédure habituelle. Mme Bégin Martineau a dit qu’elle n’avait jamais reçu les copies des diplômes du demandeur (dossier du demandeur, onglet 3, pièce 1, décision du TDFP aux paragraphes 37 et 38).

 

[11]           Les 20 et 21 septembre 2010, Mme Sue Fata, gestionnaire du service Opérations des systèmes protégés pour le défendeur, qui avait participé au processus de nomination, a écrit au demandeur pour donner suite à la demande de ce dernier de discuter de façon informelle de son élimination du processus de nomination; elle lui demandait à quel moment il serait libre et lui proposait d’effectuer l’échange par courriel (dossier du demandeur, onglet 3, pièce « dossier du Tribunal », page 83, courriels de Sue Fata, 20 et 21 septembre 2010; dossier du défendeur, volume 1, section D, onglet 7, page 2).

 

[12]           Le 13 octobre 2010, le demandeur a envoyé un courriel à Mme Fata dans lequel il lui expliquait qu’il déposerait une plainte devant le TDFP et qu’il la désignerait personnellement comme intimée (dossier du demandeur, onglet 3, pièce « dossier du Tribunal », page 83, courriel de Paul Abi‑Mansour, 13 octobre 2010; dossier du défendeur, volume 1, section D, onglet 7, page 1).

 

[13]           Le demandeur a déclaré à l’audience devant le TDFP qu’il avait parlé au téléphone avec Mme Bégin Martineau et que cette dernière lui avait dit que sa candidature avait été éliminée parce qu’il avait omis de mentionner ses études dans sa lettre de présentation. Il a aussi ajouté que Mme Bégin Martineau lui avait laissé un message téléphonique le 5 novembre 2010 dans lequel elle disait que sa candidature n’avait pas été éliminée en raison de sa lettre de présentation, mais plutôt parce qu’il ne répondait pas aux exigences en matière d’études. Mme Bégin Martineau ne se rappelait aucun de ces appels téléphoniques, mais elle a affirmé que le contenu de la transcription semblait « fidèle » (dossier du demandeur, onglet 3, pièce « dossier du Tribunal », page 84, décision du TDFP, paragraphe 44). L’extrait suivant tiré de la transcription d’un appel a été produit en preuve :

Mon nom c’est Geneviève Bégin Martineau, je vous téléphone concernant votre élimination de processus CS‑02 au ministère des affaires étrangères. J’ai parlé au gens sur le comité de sélection et ils m’ont avisé que vous n’avez pas été éliminé au niveau de votre lettre de présentation mais au niveau de l’éducation tel que mentionné dans votre lettre sur votre lettre d’élimination. En fait, ils disent que [vous ne] rencontrez pas le nombre minimal d’éducation qui est de 2 années de programme acceptable des études postsecondaire terminées avec succès en sciences informatiques, technologie de l’information, gestion de l’information ou dans un autre domaine lié au poste à combler. Donc, si vous voulez discuter de cette élimination là, au niveau de l’éducation, vous pouvez communiquer avec Sergine D’Aoust au …

 

[14]           La décision d’éliminer la candidature du demandeur n’a pas été réexaminée par le défendeur (dossier du demandeur, onglet 3, pièce 1, décision du TDFP, paragraphe 6).

 

[15]           En tout, 332 personnes, y compris le demandeur, ont posé leur candidature au poste CS‑02. Selon le rapport de présélection du défendeur, 104 candidats ont indiqué être membres d’un « groupe désigné » au sens de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, LC 1995, c 44 (la LEE), et trente‑quatre (34) candidats ont déclaré faire partie d’un groupe de minorité visible (dossier du défendeur, volume 1, section 1, décision du TDFP, paragraphe 5; dossier du demandeur, onglet 3, pièce 1).

 

[16]           À l’issue du processus d’évaluation, vingt‑neuf (29) candidats ont été jugés admissibles. Le 30 novembre 2010, trois nominations ont été effectuées. Neuf (9) autres nominations ont suivi peu de temps après (dossier du demandeur, onglet 3, pièce 1, décision du TDFP, paragraphe 7).

 

[17]           Le demandeur a déposé en tout neuf (9) plaintes en vertu de l’article 77 de la LEFP : trois (3) en 2010 (2010‑0730, 2010‑0733, 2010‑0734), et six (6) en 2011 (2011‑0118, 2011‑0119, 2011‑0239, 2011‑0362, 2011‑0363, 2011‑0986). Aux fins de l’instance devant le TDFP, les plaintes ont été jointes, conformément à l’article 8 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006‑6, modifié par DORS/2011‑116 (dossier du demandeur, onglet 3, pièce 1, décision du TDFP, paragraphe 7).

 

[18]           Le TDFP a tenu des audiences sur les plaintes les 17 et 18 janvier 2012. Le 28 mars 2012, le TDFP a rejeté les plaintes du demandeur.

 

Décision contestée

[19]           Dans une décision de onze (11) pages, le TDFP a examiné trois (3) questions : (i) Le défendeur a‑t‑il abusé de son pouvoir en agissant de façon discriminatoire à l’égard du demandeur dans le processus de nomination en cause? (ii) Le défendeur a‑t‑il abusé de son pouvoir par non‑application des exigences organisationnelles? (iii) Le défendeur a‑t‑il abusé de son pouvoir dans l’application des critères de mérite en nommant des candidats qui ne répondaient pas aux exigences en matière d’études?

 

(i) Le défendeur a‑t‑il abusé de son pouvoir en agissant de façon discriminatoire à l’égard du demandeur dans le processus de nomination en cause?

[20]           En ce qui concerne la première question, le TDFP a conclu que le demandeur avait réussi à établir la preuve prima facie d’un acte discriminatoire au sens de l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, c H‑6 (la LCDP) (dossier du demandeur, onglet 3, pièce 1, décision du TDFP, aux paragraphes 19 à 27), mais que le défendeur avait fourni une explication raisonnable de son processus de nomination (dossier du défendeur, volume 1, onglet 1, décision du TDFP, paragraphes 28 à 53).

 

[21]           Le TDFP a expliqué que l’article 80 de la LEFP lui permettait d’interpréter la LCDP pour trancher la question de savoir si une plainte est fondée aux termes de l’article 77 de la LEFP. L’article 7 de la LCDP précise qu’il est discriminatoire de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu et de le défavoriser en cours d’emploi, que ce soit par des moyens directs ou indirects, pour des motifs de distinction illicites. L’article 3 de la LCDP dresse la liste des motifs de distinction illicites, qui incluent notamment la race et l’origine nationale ou ethnique. Le demandeur a allégué que le défendeur avait éliminé sa candidature à cause de son nom à consonance moyenne‑orientale et qu’il ne voulait pas reconnaître ses diplômes étrangers; par conséquent, il a soutenu que la décision était fondée sur sa race et/ou son origine nationale ou ethnique (dossier du demandeur, onglet 3, pièce 1, décision du TDFP, paragraphe 12).

 

[22]           Selon le TDFP, pour établir que le défendeur avait fait preuve de discrimination à son endroit lors de l’examen de sa candidature, le demandeur devait d’abord établir une preuve prima facie de discrimination (Ontario (Commission ontarienne des droits de la personne) c Simpsons Sears Ltd, [1985] 2 RCS 536, [1985] ACS no 74 [O’ Malley]). À partir du moment où une preuve prima facie est établie, il incombe au défendeur de fournir une explication raisonnable du processus suivi; cette explication ne doit pas être examinée à l’étape de l’établissement de la preuve prima facie (Lincoln c Bay Ferries Ltd, 2004 CAF 204, paragraphe 22, [2004] ACF no 941 (QL) [Lincoln].

 

Preuve prima facie de discrimination

[23]           Le TDFP a précisé que pour qu’une preuve prima facie soit établie, le demandeur devait simplement démontrer que la discrimination était l’un des facteurs qui avait motivé la décision contestée et non le seul motif (Holden c Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (1991), 14 CHRR D/12, (CAF), paragraphe 7).

 

[24]           Il a poursuivi en exposant le critère à trois (3) volets qui permet de conclure à l’existence d’une preuve prima facie de discrimination dans le cadre d’un processus de sélection :

(i)           le plaignant possède la qualification qui avait été établie pour le processus de nomination en cause;

 

(ii)         la candidature du plaignant a été éliminée du processus parce qu’il a été établi que celui‑ci ne possédait pas cette qualification;

 

(iii)       il a été jugé qu’une personne qui n’était pas plus qualifiée, mais qui n’avait pas le trait distinctif à l’origine de la plainte de discrimination, possédait cette qualification.

 

Ce critère est une adaptation de celui qui a été élaboré dans la décision Shakes c Rex Pak Ltd, (1981), 3 CHRR D/1001.

 

[25]           Le TDFP a conclu que le demandeur avait satisfait au premier volet du critère. En effet, il a fourni la preuve qu’il avait obtenu une maîtrise ès sciences en mathématiques appliquées de l’Université Libanaise et un baccalauréat en enseignement de l’Université d’Ottawa et qu’il avait été admis au programme Diplôme de deuxième cycle en génie logiciel. Étant donné que l’Université Libanaise est un établissement d’enseignement reconnu au regard des exigences en matière d’études, le TDFP a conclu que le demandeur satisfaisait à ces exigences pour le poste de niveau CS‑02 (dossier du demandeur, onglet 3, pièce 1, décision du TDFP, paragraphes 21 à 24).

 

[26]           Le TDFP a estimé que le demandeur avait satisfait au deuxième volet du critère étant donné que la candidature du demandeur avait été éliminée parce qu’il n’avait pas satisfait aux exigences en matière d’études pour le poste de niveau CS‑02 (dossier du demandeur, onglet 3, pièce 1, décision du TDFP, paragraphe 25).

 

[27]           Le TDFP a jugé que le demandeur satisfaisait aussi au troisième volet du critère. Le demandeur s’est intéressé aux qualifications en matière d’études de deux (2) des personnes nommées, à savoir les candidats no 191 et 279. Alors que le candidat 191 s’était identifié comme membre d’un groupe de minorité visible, le candidat 279 ne l’avait pas fait; le TDFP a donc supposé qu’il n’était pas membre d’un groupe de minorité visible. Étant donné qu’il ne possédait pas plus de compétences que le demandeur et qu’il ne portait pas le trait distinctif d’un nom à consonance moyenne‑orientale, le TDFP a conclu que le demandeur avait satisfait au dernier volet du critère (dossier du demandeur, onglet 3, pièce 1, décision du TDFP, paragraphe 26).

 

Explication par le défendeur de son processus de sélection

[28]           Après avoir conclu que le demandeur avait réussi à faire la preuve prima facie de l’existence d’une discrimination, le TDFP a examiné l’explication du défendeur et a estimé qu’elle était raisonnable (dossier du demandeur, onglet 3, pièce 1, décision du TDFP, paragraphes 28 à 53).

 

[29]           Le TDFP a souligné que dans l’APE il était demandé aux candidats d’inclure dans leur dossier une lettre de présentation et de démontrer dans ce document de quelle façon ils pouvaient satisfaire aux exigences en matière d’études et d’expérience. Il y était précisé que le curriculum vitae pourrait servir de source secondaire pour valider les études et l’expérience décrites dans la lettre de présentation. Il était aussi indiqué dans l’APE que le défaut de fournir les renseignements dans le format exigé entraînerait le rejet des demandes (dossier du demandeur, onglet 3, pièce 1, décision du TDFP, paragraphes 28 et 29).

 

[30]           Le TDFP a ensuite décrit le processus de sélection du défendeur (dossier du demandeur, onglet 3, pièce 1, décision du TDFP, paragraphes 30 à 35). Il a cité M. Robert Miron, directeur du service Messagerie électronique du défendeur, qui a décrit le fonctionnement des équipes qui examinaient les demandes (dossier du défendeur, volume 1, onglet 1, décision du TDFP, paragraphe 33) :

… Si une équipe jugeait que ce n’était pas le cas ou que la description fournie ne répondait pas aux exigences en matière d’études ou d’expérience, elle éliminait la candidature de la personne en question. M. Miron a précisé que 35 personnes avaient vu leur candidature éliminée à la présélection parce qu’elles avaient omis de préciser leurs études dans leur lettre de présentation. Il a ajouté que 25 autres personnes avaient vu leur candidature éliminée parce que la description de leurs études ne répondait pas aux exigences du poste.

 

 

[31]           Le TDFP a souligné que le demandeur n’avait pas contesté la clarté des instructions, mais qu’il avait décidé de ne pas mentionner ses études dans sa lettre de présentation parce qu’il n’avait pas l’habitude de le faire et qu’il avait fait état dans son curriculum vitae de son diplôme en mathématiques appliquées, sans mentionner qu’il avait suivi l’option en informatique. Selon le demandeur, les personnes chargées de l’évaluation de son dossier auraient dû déduire de la nature de son diplôme qu’il comprenait une option en informatique (dossier du demandeur, onglet 3, pièce 1, décision du TDFP, paragraphe 34).

 

[32]           Mme Fata, l’employée du défendeur qui avait éliminé la candidature du demandeur, a déclaré qu’elle l’avait fait parce qu’il n’avait pas fait état de ses études dans sa lettre de présentation. À l’audience, elle a authentifié une note manuscrite qu’elle avait rédigée sur le dossier de candidature du demandeur et qui précisait que ce dernier n’avait pas mentionné ses études dans sa lettre de présentation (dossier du défendeur, volume 1, section D, onglet 3, renseignements sur le demandeur – Paul Abi‑Mansour; dossier du demandeur, onglet 3, pièce « dossier du Tribunal », pages 10‑11, décision du TDFP, paragraphe 35).

 

[33]           La preuve révèle aussi que Mme Fata et Mme Bégin Martineau avaient examiné ensemble le dossier du demandeur et qu’elles avaient constaté qu’en plus de ne pas faire état de ses études dans sa lettre de présentation, il n’avait pas précisé que son diplôme en mathématiques appliquées comprenait une option en informatique (dossier du défendeur, volume 1, section D, onglet 7 à la page 1, courriel de Sue Fata, 13 octobre 2010).

 

[34]           Le TDFP a ensuite fait un compte rendu des échanges de courriels et de conversations téléphoniques entre le demandeur et divers employés du défendeur. Mme Bégin Martineau a déclaré qu’elle ne se rappelait pas avoir eu des conversations téléphoniques avec le demandeur et elle a ajouté que si elle lui avait parlé, elle lui aurait d’abord dit « qu’il ne possédait pas les qualifications nécessaires en matière d’études parce que sa lettre de présentation n’en faisait pas mention » (dossier du défendeur, volume 1, onglet 1, décision du TDFP, paragraphe 44; dossier du demandeur, onglet 3, pièce 1). Mme Bégin Martineau ne se rappelait pas avoir laissé un message téléphonique au demandeur, mais elle a déclaré que le contenu de la transcription qui lui avait été montrée à l’audience semblait « fidèle » et qu’il était probable qu’elle aurait dit au demandeur que sa candidature n’avait pas été rejetée à cause de sa lettre de présentation, mais parce qu’il ne satisfaisait pas aux exigences en matière d’études (dossier du demandeur, onglet 3, pièce 1, décision du TDFP, paragraphe 44). Elle a affirmé qu’elle ne voulait pas donner l’impression que le contenu de la lettre de présentation du demandeur n’était pas pertinent et elle a insisté pour dire que le dossier avait été rejeté à cause de sa lettre de présentation et du fait qu’il ne satisfaisait pas aux exigences minimales en matière d’études (dossier du demandeur, onglet 3, pièce 1, décision du TDFP, paragraphes 43 à 46).

 

[35]           Le TDFP a souligné que, pour étayer son allégation selon laquelle le défendeur n’avait pas agi de façon discriminatoire contre le demandeur dans le cadre du processus d’embauche, le défendeur avait soumis les faits « non contestés » suivants :

… En effet, 29 candidats ont été jugés qualifiés à l’issue du processus, et 16 d’entre eux (55 %) avaient indiqué être membres d’un groupe de minorité visible. Trois (10,3 %) des candidats qualifiés possédaient des diplômes d’universités situées en Égypte, dans les Antilles et en Chine. En tout, 12 nominations ont été effectuées à partir du bassin de candidats qualifiés. Parmi les personnes nommées, six (50 %) avaient indiqué être membres d’un groupe de minorité visible et, de ce nombre, trois (25 % des personnes nommées) étaient nées à l’étranger, c’est‑à‑dire en Somalie, au Liban et dans les Philippines. Selon les données présentées en preuve, la disponibilité des membres des groupes de minorités visibles au MAECI au moment où les nominations ont été effectuées était de 10,3 %, ce qui indique que le pourcentage des nominations à l’issue du processus dépassait le pourcentage de disponibilité. Le plaignant n’a accordé que peu de crédit à ces chiffres, mais il ne les a contestés d’aucune façon, si ce n’est qu’en exprimant sa propre opinion.

(Dossier du défendeur, volume 1, onglet 1, décision du TDFP, paragraphe 47).

 

[36]           Le TDFP a rejeté l’argument du demandeur selon lequel le fait qu’il lui ait été demandé de soumettre ses diplômes lui aurait conféré le droit de faire réévaluer sa candidature. En effet, sa demande avait été rejetée parce qu’il n’avait pas satisfait aux exigences de l’APE et de l’ECM et qu’il « ne pouvait ni modifier le résultat de la présélection, ni contraindre [le défendeur] à réévaluer ses études » (dossier du défendeur, volume 1, onglet 1, décision du TDFP, paragraphe 51). Le TDFP a ajouté ceci : « S’il avait fait une entorse à l’instruction afin d’admettre une exception pour le plaignant, l’intimé se serait montré injuste envers les autres postulants dont la candidature avait été éliminée pour la même raison, et il se serait exposé à des plaintes d’abus de pouvoir pour des motifs de traitement inéquitable » (dossier du défendeur, volume 1, onglet 1, décision du TDFP, paragraphe 52).

 

[37]           Le TDFP a conclu que le défendeur avait fourni une explication complète et raisonnable des circonstances entourant l’élimination de la candidature du plaignant et que, conformément à l’article 36 de la LEFP, il avait adopté une méthode d’évaluation rapide et efficace. Le demandeur a reconnu que les instructions figurant dans l’APE et l’ECM étaient claires, mais qu’il ne s’y était pas conformé (dossier du demandeur, onglet 3, pièce 1, décision du TDFP, paragraphe 50).

 

[38]           Le TDFP a rappelé qu’il incombe au candidat de démontrer dans son dossier de candidature qu’il possède toutes les qualifications essentielles (Edwards c Canada (Sous‑ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2011 TDFP 10, 2011 LNCPSST 10 [Edwards]; Walker‑McTaggart c le président‑directeur général de Passeport Canada, 2011 TDFP 39 (CanLII) [Walker‑McTaggart]) et de s’assurer que son dossier de candidature est complet et conforme aux exigences de l’APE et de l’ECM (Charter c Canada (Sous‑ministre de la Défense nationale), 2007 TDFP 48, 2007 LNCPSST 48 [Charter]). Le comité d’évaluation n’est pas tenu d’assurer un suivi auprès des candidats ou de faire des déductions lorsqu’il a été demandé aux candidats de démontrer dans leurs dossiers de candidature la nature de leurs qualifications (Henry c Canada (Ministère des Ressources humaines et du Développement social), 2008 TDFP 10, 2008 LNCPSST 10 [Henry]).

 

[39]           Étant donné qu’il était convaincu que le rejet de la candidature du demandeur par le défendeur était fondé non pas sur un prétexte, mais sur le défaut de ce dernier de se conformer aux instructions de l’APE, le TDFP a conclu que le défendeur avait « fourni une explication plus que raisonnable pour réfuter la preuve prima facie » (dossier du défendeur, volume 1, onglet 1, décision du TDFP, paragraphe 53).

 

(ii) Le défendeur a‑t‑il abusé de son pouvoir par non‑application des exigences organisationnelles?

[40]           Le TDFP a conclu que le défendeur n’avait pas commis d’erreur en décidant de ne pas utiliser son pouvoir discrétionnaire pour tenir compte des besoins organisationnels dans le cadre du processus d’embauche en cause.

 

[41]           Le TDFP a expliqué que l’APE et l’ECM utilisés dans le cadre du processus de nomination contenaient le passage suivant (dossier du défendeur, volume 1, section D, onglet 2, page 4, APE, ECM) :

Besoins organisationnels

Améliorer la représentativité des membres des groupes d’équité en emploi.

 

Il a aussi souligné que, dans une section de l’APE intitulée « Autre information (remarques) », figurait le passage suivant (dossier du défendeur, volume 1, section D, onglet 1, page 6, APE) :

Parvenir à une main‑d’œuvre représentative a été identifié comme un besoin de l’organisation dans les critères de mérite et peut être appliqué dans ce processus de nomination …

                                                            [Souligné dans l’original.]

 

[42]           Le TDFP a rejeté l’argument du demandeur selon lequel, à partir du moment où il était constaté qu’un candidat possédait les qualifications essentielles, le défendeur était tenu d’appliquer les critères d’équité dans l’emploi énoncés dans les passages précédents (dossier du défendeur, volume 1, onglet 1, décision du TDFP, paragraphes 56 et 62; dossier du demandeur, onglet 3, pièce 1).

 

[43]           Le TDFP a résumé les témoignages de trois (3) employés du défendeur qui ont participé au processus d’embauche. Selon ces derniers, le critère relatif aux besoins organisationnels s’applique lorsque deux (2) candidats possèdent exactement les mêmes qualifications, une situation très rare; c’est un outil qui permet à un gestionnaire de remédier à une lacune sur le plan de l’équité en matière d’emploi, mais il n’est pas nécessaire de l’utiliser dans chaque cas (dossier du défendeur, volume 1, onglet 1, décision du TDFP, paragraphes 57 à 59; dossier du demandeur, onglet 3, pièce 1).

 

[44]           Le Tribunal a rappelé que l’alinéa 30(2)b) de la LEFP confère aux gestionnaires le pouvoir de prendre en compte toute qualification supplémentaire, toute exigence opérationnelle et tout besoin actuel ou futur de l’administration qu’ils jugent nécessaires ou utiles (Glasgow c Canada (Sous‑ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux), 2008 TDFP 7, paragraphe 60, 2008 LNCPSST 7 (CanLII) [Glasgow]; Guimond c Canada (Sous‑ministre de la Défense nationale), 2009 TDFP 23, paragraphe 34, 2009 LNCPSST 23 (CanLII) [Guimond]) (dossier du demandeur, onglet 3, pièce 1, décision du TDFP, paragraphes 60 et 61).

 

[45]           En l’espèce, le TDFP a tiré la conclusion suivante :

... un gestionnaire se serait reporté aux besoins organisationnels seulement s’il avait été jugé que deux candidats étaient tout aussi qualifiés l’un que l’autre pour une nomination. En outre, l’annonce de possibilité d’emploi et l’ECM indiquaient clairement que le critère relatif aux besoins organisationnels pourrait être appliqué, ce qui, en langage clair, signifie qu’il ne le serait pas nécessairement. Le Tribunal ne considère pas comme fautive une approche qui permet à un gestionnaire d’user de son pouvoir discrétionnaire et d’appliquer un critère relatif aux besoins organisationnels s’il s’avère approprié de le faire.

[Souligné dans l’original.]

 

(Dossier du défendeur, volume 1, onglet 1, décision du TDFP, paragraphe 62; dossier du demandeur, onglet 3, pièce 1).

 

 

(iii) Le défendeur a‑t‑il abusé de son pouvoir dans l’application des critères de mérite en nommant des candidats qui ne répondaient pas aux exigences en matière d’études?

[46]           Le TDFP a estimé que le demandeur n’avait pas démontré la validité de son allégation selon laquelle les deux (2) candidats qu’il avait mentionnés – soit le candidat no 191 et le candidat no 279 – ne satisfaisaient pas aux exigences en matière d’études.

 

[47]           Le TDFP a mentionné qu’une note incluse dans la norme de qualification précise que c’est l’établissement d’enseignement – un « établissement d’enseignement reconnu » – qui détermine si les cours suivis par un candidat correspondent à « deux années d’un programme postsecondaire » au sein de l’établissement. Lorsque M. Paul Hendriks, directeur adjoint du service Génie logiciel du défendeur qui a évalué la demande du candidat no 191, a lu dans la lettre de présentation de ce dernier qu’il avait obtenu un diplôme du Collège CDI, il a été convaincu qu’il s’agissait d’un établissement accrédité. Il a parlé par téléphone avec un représentant du Collège CDI, qui lui a confirmé que le diplôme du candidat no 191 équivalait à un programme d’une durée de deux ans et demi (dossier du demandeur, onglet 3, pièce 1, décision du TDFP, au paragraphe 65). Le demandeur a soutenu que le défendeur avait présumé que le candidat no 191 possédait un diplôme exigeant deux (2) années d’études, contrairement à la note qui figurait dans la norme de qualification. Il a allégué que le défendeur aurait dû produire une preuve plus complète relativement à la conversation entre son employé et le représentant du Collège CDI et qu’une inférence défavorable aurait dû être tirée à cet égard (dossier du demandeur, onglet 3, pièce 1, décision du TDFP, paragraphes 64 à 66).

 

[48]           Le TDFP a souligné que le candidat no 279 avait précisé dans sa lettre de présentation qu’il était titulaire d’un baccalauréat en administration des affaires avec concentration en systèmes d’information organisationnels. M. Miron, qui a évalué la demande, a lu le curriculum vitae du candidat, a effectué une recherche sur le programme en question et a confirmé que les systèmes d’information organisationnels constituaient une composante importante de ce programme. Le demandeur a fait valoir que le défendeur aurait dû rejeter la demande du candidat no 279 parce que ce dernier n’avait pas décrit ses études de façon précise dans sa lettre de présentation et que le défendeur aurait dû produire un relevé de notes pour étayer sa conclusion (dossier du demandeur, onglet 3, pièce 1, décision du TDFP, paragraphes 67 et 68).

 

[49]           Le TDFP a rappelé qu’il incombait au demandeur d’établir le bien‑fondé de sa plainte selon la prépondérance des probabilités en l’appuyant par des témoignages, des faits ou des documents (Tibbs c Canada (Sous‑ministre de la Défense nationale), 2006 TDFP 8, 2007 LNCPSST 8 (CanLII); Broughton c Canada (Sous‑ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux), 2007 TDFP 20, paragraphe 50, 2007 LNCPSST 20 (CanLII)).

 

[50]           Selon le TDFP, le demandeur n’avait fourni aucun élément de preuve pour étayer son allégation selon laquelle le défendeur avait exercé de façon non appropriée le pouvoir qui lui était conféré en matière d’évaluation des études des candidats et qu’il n’avait pas réussi à contredire la preuve présentée par les témoins du défendeur relativement aux qualifications des deux (2) candidats. Le fait que le défendeur ait pris des mesures supplémentaires pour évaluer les études de ces candidats montre simplement qu’il n’avait fait aucune supposition et que le processus de vérification était sérieux (dossier du demandeur, onglet 3, pièce 1, décision du TDFP, paragraphe 70).

 

Dispositions pertinentes

[51]           Les dispositions pertinentes en l’espèce sont reproduites en annexe.

 

Questions en litige

[52]           Les questions suivantes sont soulevées en l’espèce :

a)            Le TDFP a‑t‑il manqué à ses obligations en matière d’équité procédurale?

b)            La décision du TDFP selon laquelle le défendeur n’a pas abusé de son pouvoir en agissant de façon discriminatoire contre le demandeur était‑elle raisonnable?

 

c)            La décision du TDFP selon laquelle le défendeur n’a pas abusé de son pouvoir en omettant d’appliquer le critère relatif aux besoins organisationnels était‑elle raisonnable?

 

d)            La décision du TDFP selon laquelle le défendeur n’a pas abusé de son pouvoir en nommant des candidats qui ne satisfaisaient pas aux exigences en matière d’études était‑elle raisonnable?

 

 

Norme de contrôle

[53]           Il est bien établi en droit que la Cour n’a pas à faire preuve de retenue en ce qui a trait aux questions d’équité procédurale (Sketchley c Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, paragraphe 53, [2006] 3 RCF 392; Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) c Ontario (ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 RCS 539 [SCFP].

 

[54]           En ce qui a trait aux trois (3) autres questions, c’est la norme de la décision raisonnable qui s’applique. Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, (Dunsmuir), la Cour suprême du Canada a décidé qu’une cour de révision n’a pas à effectuer une analyse de la norme de contrôle lorsque la jurisprudence a déjà établi de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à la question dont la cour est saisie (arrêt Dunsmuir, précité, paragraphe 62). Les trois (3) questions relatives à l’abus de pouvoir peuvent être considérées comme des questions mixtes de fait et de droit. Elles concernent l’interprétation de la LEFP de même que les dispositions de la LCDP relatives à la discrimination dans l’emploi, que le TDFP est explicitement autorisé à interpréter et qui sont liées de près à sa fonction. Selon la jurisprudence, les décisions de cette nature rendues par le TDFP font l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Lavigne c Canada (Sous‑ministre de la Justice), 2009 CF 684, paragraphes 42, 45, 46 et 50, [2009] ACF no 827 [Lavigne]; Alexander c Canada (Procureur général), 2011 CF 1278, au paragraphe 44, [2011] ACF no 1560 (QL) [Alexander]; Kilbray c Canada (Procureur général), 2009 CF 390, paragraphe 33, [2009] ACF no 531 (QL); [Kilbray]; Kane c Canada (Procureur général), 2011 CAF 19, paragraphe 40, [2011] ACF no 79 (QL); Jalal c Canada (Ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2013 CF 611, au paragraphe 31, [2013] ACF no 640 (QL); Canada (Procureur général) c Lahlali, 2012 CF 601, paragraphes 22 et 23, [2012] ACF no 591 (QL) [Lahlali]; Smith c Canada (Procureur général), 2011 CF 1401, paragraphe 21, [2011] ACF no 1709 (QL).

 

[55]           La Cour rappelle que le rôle de la cour de révision, lorsqu’elle applique la norme de la décision raisonnable, n’est pas de réévaluer la preuve qui avait été soumise au décideur. En effet, elle doit se limiter à vérifier la « […] justification de la décision, […] la transparence et […] l’intelligibilité du processus décisionnel » et statuer sur l’« appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (arrêt Dunsmuir, précité, paragraphe 47; Newfoundland and Labrador Nurses’ Union v Newfoundland and Labrador (CT), 2011 CSC 62, paragraphes 15 et 16, [2011] 3 RCS 708 [Newfoundland Nurses]).

 

Arguments

[56]           Tant le demandeur que le défendeur ont présenté de très nombreux arguments.

 

Question a)      Manquement à l’équité procédurale

Arguments du demandeur

[57]           Le demandeur a formulé tout au long de son mémoire diverses allégations selon lesquelles le défendeur ou le TDFP ont manqué à l’équité procédurale.

 

[58]           Le demandeur soutient que le TDFP n’a pas tenu compte de son allégation selon laquelle le préambule de la « nouvelle version » de la LEFP accorde aux gestionnaires une plus grande marge de manœuvre pour augmenter la diversité au sein de la fonction publique et que le TDFP aurait dû analyser l’exercice par le défendeur de son pouvoir discrétionnaire et le choix de sa méthode d’évaluation afin d’établir s’il avait respecté les valeurs exprimées dans le préambule (dossier du demandeur, onglet 5, mémoire du demandeur, paragraphe 35).

 

[59]           Le demandeur soutient aussi que le TDFP ne lui a pas fourni l’occasion de bien présenter ses arguments et de contre‑interroger correctement les témoins du défendeur (dossier du demandeur, onglet 5, mémoire du demandeur, paragraphe 82)

 

Arguments du défendeur

[60]           Le défendeur nie qu’il y ait eu manquement à l’équité procédurale. Il soutient que le demandeur a eu tout le loisir de présenter ses éléments de preuve, de contre‑interroger les témoins et de formuler des observations à l’audience et que la seule limitation de sa possibilité de contre‑interroger des témoins a pris la forme d’une objection à des questions posées par le demandeur à Mme Fata sur les études de cette dernière, questions qui n’étaient pas pertinentes (dossier du défendeur, volume 1, onglet 2, affidavit d’Anisa Coofle, paragraphes 15 et 17).

 

Question b)      Discrimination

Arguments du demandeur

[61]           Le demandeur soutient que l’article 36 de la LEFP, selon lequel la Commission de la fonction publique et ses délégués ont le pouvoir discrétionnaire d’utiliser toute méthode d’évaluation qu’ils estiment indiquée pour évaluer la demande d’un candidat, ne s’applique pas aux études d’un candidat étant donné qu’un diplôme ne peut pas être évalué au moyen d’une entrevue ou d’une appréciation du rendement.

 

[62]           Le demandeur allègue que la méthode utilisée par le défendeur pour évaluer les études des candidats était inéquitable (dossier du demandeur, onglet 5, mémoire du demandeur, paragraphes 37 et 38).

 

[63]           Selon le défendeur, vu que ce dernier n’avait pas accès aux locaux dans lesquels travaillent les employés du défendeur qui ont témoigné à l’audience, il n’a pas été en mesure de produire d’éléments pour contredire la preuve du défendeur.

 

[64]           Le demandeur soutient que le véritable critère sur lequel le défendeur a fondé sa décision était les diplômes des candidats et non leur lettre de présentation (dossier du demandeur, mémoire du demandeur, paragraphe 42) et que le TDFP a commis une erreur en concluant que [traduction] « la présélection au moyen de la lettre de présentation » de même que la procédure d’évaluation qui a mis à contribution neuf (9) employés et qui a duré trois (3) mois étaient « efficaces », en l’absence de tout élément de preuve sur le manque de ressources du défendeur (dossier du demandeur, onglet 5, mémoire du demandeur, paragraphe 43). Le demandeur croit que le TDFP a commis une erreur en refusant d’accepter de réévaluer sa candidature (dossier du demandeur, onglet 5, mémoire du demandeur, paragraphe 44).

 

[65]           Enfin, le demandeur allègue que le TDFP a commis des erreurs et a fondé une partie de sa décision sur une interprétation erronée des faits (dossier du demandeur, onglet 5, mémoire du demandeur, paragraphe 45).

 

Arguments du défendeur

[66]           Le défendeur souligne que selon le paragraphe 62 de la décision Lavigne, précitée, toute conclusion d’abus de pouvoir exige « plus que l’erreur ou l’omission, ou même une conduite irrégulière ». Le critère qui permet de conclure à l’existence d’un abus de pouvoir est donc exigeant et il faut que le demandeur établisse [traduction] « que la décision de nommer un candidat a été prise de mauvaise foi et a été influencée par le favoritisme personnel ou une autre considération semblable comme la discrimination » (dossier du défendeur, volume II, pages 159 et 160, mémoire du défendeur, paragraphes 55‑57).

 

[67]           Selon le défendeur, en l’espèce, la preuve documentaire (dossier du défendeur, volume 1, onglet 1, décision du TDFP, paragraphes 28 et 50) et testimoniale (dossier du défendeur, volume 1, onglet 1, décision du TDFP, paragraphe 52) a révélé qu’on avait expressément enjoint aux évaluateurs de rejeter toutes les demandes qui n’étaient pas accompagnées d’une lettre de présentation dans laquelle il était fait état des diplômes (dossier du défendeur, volume 1, section D, onglet 4, page 1, courriel de Sergine Daoust, 17 mars 2010), que la demande du demandeur avait été rejetée parce qu’il ne s’était pas conformé à ces instructions et que le demandeur était l’un des trente‑cinq (35) candidats dont la candidature avait été rejetée à cause de cette non‑conformité (dossier du défendeur, volume II, page 161, mémoire du défendeur, paragraphe 62). Après avoir effectué l’examen de ces éléments de preuve, le TDFP a jugé cette preuve convaincante, a estimé que les témoins étaient crédibles et a conclu que le défendeur avait réussi à expliquer pourquoi son processus de sélection était raisonnable (dossier du défendeur, volume II, page 163, mémoire du défendeur, paragraphe 69).

 

[68]           Le défendeur soutient aussi que le TDFP a affirmé à plusieurs reprises qu’il incombe aux plaignants de fournir tous les éléments relatifs aux qualifications essentielles du poste visé dans leurs demandes (décisions Edwards, Walker‑McTaggart et Henry, paragraphe 34, précitées).

 

[69]           Le défendeur soutient que la sélection des candidats équivaudrait à classer les candidats, ce qui serait contraire aux principes du « mérite relatif » (Visca c Canada (Sous‑ministre de la Justice), 2007 TDFP 24, paragraphe 44, 2007 LNCPSST 24 [Visca]) (dossier du défendeur, volume II, pages 171‑172, mémoire du défendeur, paragraphe 99).

 

[70]           Le défendeur estime que le demandeur, en remettant ses diplômes après avoir été informé que sa candidature avait été rejetée, n’obtenait pas de ce simple fait le droit à une réévaluation de sa demande étant donné que le défendeur n’avait commis aucune erreur et que sa candidature avait été rejetée parce qu’il n’avait pas mentionné ses diplômes dans sa lettre de présentation. Accorder une telle réévaluation serait contraire à l’objet de la LEFP de favoriser des pratiques d’emploi équitables et transparentes (dossier du défendeur, volume II, pages 164 et 165, mémoire du défendeur, paragraphes 72 et 74).

 

Question c)      Défaut d’appliquer le critère relatif aux besoins organisationnels

Arguments du demandeur

[71]           Le demandeur allègue que le TDFP aurait dû conclure que la Loi sur l’équité en matière d’emploi, LC 1995, c 44 (la LEE) imposait au défendeur l’obligation d’éliminer des obstacles à l’emploi pour les membres des groupes désignés. Le défendeur n’aurait pas dû disposer du pouvoir discrétionnaire d’appliquer ou non les mesures d’équité en matière d’emploi (dossier du demandeur, onglet 5, mémoire du demandeur, paragraphes 47 à 61).

 

Arguments du défendeur

[72]           Le défendeur s’inscrit en faux contre les arguments du demandeur et affirme que l’alinéa 30(2)b) de la LEFP accorde à la Commission et à ses délégués le pouvoir d’utiliser les qualifications considérées comme un atout ou correspondant aux besoins organisationnels, mais qu’elle ne les oblige pas à le faire (décisions Glasgow, paragraphe 60, et Guimond, paragraphe 34, précitées) (dossier du défendeur, volume II, page 166, mémoire du défendeur, paragraphe 79).

 

[73]           Le défendeur ajoute qu’il ne revient pas au TDFP d’appliquer la LEE, mais que c’est plutôt le mandat de la Commission canadienne des droits de la personne (arrêt Lincoln, précité, paragraphe 70; décision Brown, précitée, paragraphes 69 et 70) (dossier du défendeur, volume II, page 166, mémoire du défendeur, paragraphe 80). Les gestionnaires peuvent décider de joindre des objectifs d’équité en matière d’emploi aux besoins organisationnels, mais ils n’ont pas à appliquer ce critère de mérite si les circonstances ne le justifient pas (dossier du défendeur, volume III, onglet C‑26, Guide pour la mise en œuvre des Lignes directrices sur l’équité en matière d’emploi dans le processus de nomination de la Commission de la fonction publique, page 3). Selon le défendeur, le TDFP a conclu à bon droit qu’un gestionnaire a le pouvoir d’appliquer, au besoin, les normes d’équité en matière d’emploi selon les besoins organisationnels et qu’il était raisonnable que le défendeur prenne en compte l’équité en matière d’emploi uniquement lorsque deux (2) candidats étaient réputés avoir des qualifications égales (dossier du défendeur, volume II, page 167 et 168, mémoire du défendeur, paragraphes 83 à 86; décision de TDFP, paragraphes 57 à 62).

 

Question d)      Nomination de candidats qui ne satisfaisaient pas aux exigences en matière d’études

Arguments du demandeur

[74]           Le demandeur allègue que le TDFP a commis une erreur en rejetant sa requête visant à obtenir des éléments de preuve relatifs aux épreuves écrites et aux entrevues des candidats, dont il aurait eu besoin pour établir si les candidats nommés à un poste possédaient des qualifications essentielles comme l’expérience et les connaissances (dossier du demandeur, onglet 5, mémoire du demandeur, paragraphes 64 à 69).

 

[75]           Il allègue aussi que le défendeur ne s’était pas acquitté du fardeau qui lui incombait, soit expliquer pour quelles raisons il avait nommé un candidat qui ne satisfaisait pas aux exigences en matière d’études. En effet, Jack Mah (candidat no 191) était titulaire d’un diplôme du Collège CDI. Le TDFP a commis une erreur en acceptant le témoignage de l’employé du défendeur, M. Paul Hendriks, qui a reconnu le Collège CDI comme un des établissements accrédités aux fins du processus de nomination (dossier du demandeur, onglet 3, pièce 6, page 85). Selon le demandeur, le témoignage de M. Hendriks, qui savait que le Collège CDI n’était pas un établissement accrédité, équivaut à un faux témoignage et la Cour devrait annuler la décision rendue par le TDFP sur la foi de cette preuve (Agustawestland International Ltd c Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2005 CF 627, [2005] ACF n805 (QL). Enfin, le demandeur ajoute que le défendeur n’a produit aucun élément de preuve pour démontrer que le diplôme du candidat ne correspondait pas à l’équivalent d’un programme de deux (2) ans (dossier du demandeur, onglet 5, mémoire du demandeur, paragraphes 72 à 80).

 

Arguments du défendeur

[76]           Le défendeur soutient que la demande du demandeur visant à obtenir des renseignements avait été rejetée par le TDFP parce qu’elle avait une portée trop large et que l’existence d’un lien entre la plainte et l’information demandée n’avait pas été établie. La demande en question a été faite après que le TDFP eut accueilli sa demande de modifier ses allégations afin d’ajouter l’allégation selon laquelle les candidats nommés Jack Mah et Danny Sirois n’avaient pas satisfait aux critères du poste en matière d’études, contrairement au paragraphe 30(2) de la LEFP. Le demandeur a demandé l’accès aux locaux du défendeur et à tous les documents relatifs à neuf (9) candidats nommés afin de vérifier s’ils possédaient les qualifications essentielles. Le TDFP a rejeté la demande parce que les allégations modifiées du demandeur concernaient uniquement le respect par deux (2) des candidats nommés des critères de mérite relatifs aux études (dossier du défendeur, volume I, section C, onglet 2, lettre de décision du TDFP datée du 10 janvier 2012; dossier du défendeur, volume II, pages 173 à 175, mémoire du défendeur, paragraphes 104 à 109).

 

[77]           Le défendeur allègue aussi que le TDFP a agi correctement en concluant que le demandeur n’avait fourni aucun élément de preuve tendant à indiquer que les deux (2) candidats nommés n’avaient pas satisfait aux exigences en matière d’études ou de nature à contredire les témoins du défendeur (dossier du demandeur, onglet 3, décision du TDFP, paragraphe 70; dossier du défendeur, volume II, pages 168 et 169, mémoire du défendeur, paragraphes 87 et 88).

 

Analyse

[78]           La Cour rappelle que le demandeur a retiré à l’audience son allégation selon laquelle le TDFP avait agi de mauvaise foi.

 

[79]           Le demandeur a aussi produit devant la Cour des éléments de preuve tendant à indiquer que le collège dans lequel le candidat nommé Jack Mah avait étudié n’était pas un établissement reconnu dans le contexte du processus de nomination au poste de niveau CS‑02 (dossier du demandeur, onglet 3, pièce 6). Cependant, étant donné que le TDFP ne possédait pas ce document, la Cour n’en tiendra pas compte dans le contexte du présent contrôle judiciaire.

 

[80]           Selon la preuve au dossier et les arguments des parties, la Cour estime que le TDFP n’a pas manqué à son obligation d’équité. Il n’a pas manqué à son obligation d’équité lorsqu’il a maintenu l’objection du défendeur à la poursuite de l’interrogatoire de Mme Fata, la représentante du défendeur qui avait évalué la candidature du demandeur, concernant ses études. En effet, le TDFP avait le pouvoir de décider si la question était pertinente et, au vu du dossier, la Cour ne croit pas que le TDFP a commis une erreur en concluant que les diplômes de Mme Fata n’étaient pas pertinents pour la décision au sujet des plaintes du demandeur (dossier du défendeur, volume 1, onglet 2, affidavit d’Anisa Coofle, aux paragraphes 15 et 17).

 

[81]           De plus, la Cour estime que le TDFP n’a pas commis d’erreur en décidant de rejeter la demande du demandeur en vue d’avoir accès aux locaux du défendeur et aux dossiers complets de demande de neuf (9) des candidats nommés. En effet, comme l’allégation du demandeur ne concernait que les études de deux (2) des candidats nommés, le TDFP n’a pas commis d’erreur en rejetant la demande à cause de sa portée trop large (dossier du défendeur, volume I, section C, onglet 2, lettre de décision du TDFP datée du 10 janvier 2012).

 

[82]           Le TDFP n’a commis aucune erreur susceptible de révision en décidant que le défendeur n’avait pas commis d’abus de pouvoir en agissant de façon discriminatoire à l’endroit du demandeur. En effet, l’article 36 de la LEFP donne au défendeur le pouvoir de choisir toute méthode d’évaluation pour décider si les candidats possèdent les qualifications requises. Le demandeur n’a pas réussi à convaincre la Cour que le TDFP avait commis une erreur en concluant que la méthode de sélection choisie par le défendeur n’était pas discriminatoire, inéquitable ou contraire aux objectifs de la LEFP. En effet, les instructions de l’APE et de l’ECM ne contenaient aucune ambiguïté étant donné que tous les candidats savaient que leur curriculum vitae ne constituait qu’une source secondaire d’information et que le défaut d’un candidat de mentionner ses qualifications relatives au poste de niveau CS‑02 dans sa lettre de présentation entraînerait son exclusion du processus (dossier du défendeur, volume 1, section D, onglet 1, page 2, Annonce de possibilité d’emploi (APE)).

 

[83]           Il importe aussi de souligner que le défendeur, tant dans ses observations écrites qu’à l’audience devant la Cour, a reconnu que les instructions figurant dans l’APE et l’ECM étaient limpides et que les conséquences en cas de non‑conformité étaient clairement expliquées. Le demandeur a de plus reconnu qu’il ne les avait pas lues. Il n’avait pas mentionné ses études dans sa lettre de présentation et il n’avait pas non plus précisé que son diplôme en mathématiques appliquées comprenait une option en informatique (dossier du défendeur, volume 1, section D, onglet 3, pages 1 et 2, renseignements sur le demandeur – Paul Abi‑Mansour). Le demandeur a néanmoins soutenu que les instructions ne sont pas pertinentes étant donné qu’elles établissent un processus de sélection inéquitable. Au vu de la preuve, le TDFP n’a commis aucune erreur susceptible de révision en concluant que le défendeur avait réussi à expliquer pourquoi le processus en cause était raisonnable et non discriminatoire.

 

[84]           Le demandeur critiquait le processus mis en œuvre par le défendeur qui a débouché sur la communication de l’exclusion de sa candidature du processus de nomination – plus particulièrement le courriel de Mme Geneviève Bégin Martineau envoyé le 4 mai 2010 (dossier du défendeur, volume 1, section D, onglet 6, pages 1 à 3) et le courriel de Mme Chénier envoyé le 5 mai 2010, dans lequel elle invitait le demandeur à fournir des copies de ses diplômes (dossier du demandeur, onglet 3, pièce 2, courriel de Jessica Chénier, 5 mai 2010). Cependant, il reste que, selon le dossier, la question soulevée par le demandeur n’est pas déterminante. En effet, il était loisible au TDFP de conclure que la candidature du demandeur avait été rejetée parce qu’il n’avait pas suivi les instructions relatives à la lettre de présentation. Le TDFP a entendu les témoignages des personnes qui avaient joué un rôle dans le processus de nomination et il les a jugés crédibles. Il s’est appuyé sur la preuve documentaire qui révélait qu’on avait clairement enjoint aux évaluateurs d’éliminer les candidatures de toutes les personnes qui n’avaient pas mentionné dans leur lettre de présentation la façon dont ils satisfaisaient aux exigences relatives aux qualifications essentielles. Il a aussi souligné que l’évaluateur qui avait examiné la candidature du demandeur avait écrit sur la lettre de présentation de ce dernier que le demandeur n’avait pas abordé la question de ses études (dossier du demandeur, onglet 3, pièce 1, décision du TDFP, paragraphes 36 à 46).

 

[85]           Le TDFP n’a pas commis d’erreur en concluant que le défendeur avait fourni une explication raisonnable de son processus de sélection. Le TDFP a examiné toute la preuve qui lui avait été soumise, a entendu les témoins qui ont comparu devant lui et a tenu compte de tous les critères juridiques applicables. Après avoir jugé que le demandeur avait réussi à établir la preuve prima facie de discrimination, le TDFP a conclu que le défendeur avait expliqué de façon raisonnable son processus de sélection et que le demandeur n’avait pas réussi à démontrer que cette explication n’était qu’un prétexte (dossier du demandeur, onglet 3, pièce 1, décision du TDFP, paragraphe 52).

 

[86]           Les conclusions du TDFP, fondées sur la preuve présentée, selon lesquelles le demandeur n’avait pas réussi à démontrer que le défendeur avait commis un abus de pouvoir en nommant un candidat qui n’aurait pas satisfait aux exigences en matière d’études, étaient aussi raisonnables. Le TDFP a entendu le témoignage des représentants du défendeur qui ont évalué les demandes ayant débouché sur les deux (2) nominations contestées et n’a trouvé aucune raison de conclure que les candidats nommés ne satisfaisaient pas aux exigences en matière d’études (dossier du demandeur, onglet 3, pièce 1, décision du TDFP, paragraphes 63 à 70).

 

[87]           La Cour rejette aussi l’argument du demandeur selon lequel le défendeur aurait été tenu de tenir compte de qualifications supplémentaires considérées comme un atout pour le travail à accomplir ou les besoins organisationnels ou encore d’objectifs en matière d’équité. En effet, le paragraphe 30(2) de la LEFP accorde aux gestionnaires de la fonction publique qui effectuent des embauches le pouvoir de prendre en compte, à partir du moment où il est confirmé qu’un demandeur possède les qualifications essentielles relatives à un poste, d’autres qualifications qui pourraient constituer des atouts pour le présent ou l’avenir. Le libellé de l’alinéa b), selon lequel la Commission « prend en compte » ces qualifications ou exigences, montre clairement que les gestionnaires chargés de l’embauche possèdent un pouvoir discrétionnaire à cet égard. La preuve dont disposait le TDFP démontre aussi que 50 p. 100 des nominations dans ledit processus d’embauche visent des personnes qui se sont désignées elles‑mêmes comme membres de groupes de minorités visibles. Ces résultats correspondaient à un nombre supérieur de membres de groupes de minorités visibles jugés disponibles pour le poste de niveau CS‑02 (dossier du défendeur, volume 1, onglet 1, décision du TDFP, paragraphe 47).

 

[88]           En définitive, il incombait en l’espèce au demandeur de démontrer clairement dans sa demande qu’il possédait toutes les qualifications essentielles et qu’il respectait les instructions. La décision du TDFP fait partie des issues possibles acceptables au regard des faits et du droit (arrêts Dunsmuir et Newfoundland Nurses).

 

[89]           Pour tous ces motifs, l’intervention de la Cour n’est pas justifiée et la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. La Cour, exerçant son pouvoir discrétionnaire, a décidé qu’aucuns dépens ne seraient adjugés.

 


JUGEMENT

 

LA COUR REJETTE la présente demande de contrôle judiciaire, sans frais.

 

 

« Richard Boivin »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 

 


ANNEXE A

 

 

Loi sur l’emploi dans la fonction publique

 

Article 30

 

PARTIE 2

 

NOMINATIONS

 

[…]

Modalités de nomination

 

Principes

 

30. (1) Les nominations — internes ou externes — à la fonction publique faites par la Commission sont fondées sur le mérite et sont indépendantes de toute influence politique.

 

Définition du mérite

 

(2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

 

a) selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles — notamment la compétence dans les langues officielles — établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir;

 

b) la Commission prend en compte :

 

(i) toute qualification supplémentaire que l’administrateur général considère comme un atout pour le travail à accomplir ou pour l’administration, pour le présent ou l’avenir,

 

(ii) toute exigence opérationnelle actuelle ou future de l’administration précisée par l’administrateur général,

 

(iii) tout besoin actuel ou futur de l’administration précisé par l’administrateur général.

 

[…]

PART 2

 

APPOINTMENTS

 

Basis of Appointment

 

Appointment on basis of merit

 

30. (1) Appointments by the Commission to or from within the public service shall be made on the basis of merit and must be free from political influence.

 

 

Meaning of merit

 

(2) An appointment is made on the basis of merit when

 

 

(a) the Commission is satisfied that the person to be appointed meets the essential qualifications for the work to be performed, as established by the deputy head, including official language proficiency; and

 

 

(b) the Commission has regard to

 

(i) any additional qualifications that the deputy head may consider to be an asset for the work to be performed, or for the organization, currently or in the future,

 

 

(ii) any current or future operational requirements of the organization that may be identified by the deputy head, and

 

(iii) any current or future needs of the organization that may be identified by the deputy head.

 

 

 

 

LEFP – Article 36

 

Méthode d’évaluation

 

36. La Commission peut avoir recours à toute méthode d’évaluation – notamment prise en compte des réalisations et du rendement antérieur, examens ou entrevues – qu’elle estime indiquée pour décider si une personne possède les qualifications visées à l’alinéa 30(2)a) et au sous‑alinéa 30(2)b)(i).

Assessment methods

 

36. In making an appointment, the Commission may use any assessment method, such as a review of past performance and accomplishments, interviews and examinations, that it considers appropriate to determine whether a person meets the qualifications referred to in paragraph 30(2)(a) and subparagraph 30(2)(b)(i).

 

 

 

LEFP – Article 77

 

Partie 5

 

ENQUÊTES ET PLAINTES RELATIVES AUX NOMINATIONS

 

Plaintes relatives aux nominations internes devant le Tribunal

 

[…]

 

Motifs des plaintes

 

77. (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui‑ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

 

a) abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);

 

b) abus de pouvoir de la part de la Commission du fait qu’elle a choisi un processus de nomination interne annoncé ou non annoncé, selon le cas;

 

c) omission de la part de la Commission d’évaluer le plaignant dans la langue officielle de son choix, en contravention du paragraphe 37(1).

 

Zone de recours

 

(2) Pour l’application du paragraphe (1), une personne est dans la zone de recours si :

 

a) dans le cas d’un processus de nomination interne annoncé, elle est un candidat non reçu et est dans la zone de sélection définie en vertu de l’article 34;

 

b) dans le cas d’un processus de nomination interne non annoncé, elle est dans la zone de sélection définie en vertu de l’article 34.

 

Exclusion

 

(3) Le Tribunal ne peut entendre les allégations portant qu’il y a eu fraude dans le processus de nomination ou que la nomination ou la proposition de nomination a résulté de l’exercice d’une influence politique.

Part 5

 

INVESTIGATIONS AND COMPLAINTS RELATING TO APPOINTMENTS

 

Complaints to Tribunal – Internal Appointments

 

 

Grounds of complaint

 

77. (1) When the Commission has made or proposed an appointment in an internal appointment process, a person in the area of recourse referred to in subsection (2) may – in the manner and within the period provided by the Tribunal’s regulations – make a complaint to the Tribunal that he or she was not appointed or proposed for appointment by reason of

 

 

 

 

(a) an abuse of authority by the Commission or the deputy head in the exercise of its or his or her authority under subsection 30(2);

 

(b) an abuse of authority by the Commission in choosing between an advertised and a non‑advertised internal appointment process; or

 

(c) the failure of the Commission to assess the complainant in the official language of his or her choice as required by subsection 37(1).

 

Area of recourse

 

(2) For the purposes of subsection (1), a person is in the area of recourse if the person is

 

(a) an unsuccessful candidate in the area of selection determined under section 34, in the case of an advertised internal appointment process; and

 

(b) any person in the area of selection determined under section 34, in the case of a non‑advertised internal appointment process.

 

Excluded grounds

 

(3) The Tribunal may not consider an allegation that fraud occurred in an appointment process or that an appointment or proposed appointment was not free from political influence.

 

 

LEPF – Article 80

 

Application de la Loi canadienne sur les droits de la personne

 

80. Lorsqu’il décide si la plainte est fondée, le Tribunal peut interpréter et appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne, sauf les dispositions de celle‑ci sur le droit à la parité salariale pour l’exécution de fonctions équivalentes.

 

Application of Canadian Human Rights Act

 

80. In considering whether a complaint under section 77 is substantiated, the Tribunal may interpret and apply the Canadian Human Rights Act, other than its provisions relating to the right to equal pay for work of equal value.

 

 

 

Loi canadienne sur les droits de la personne

 

Articles 3 et 7

 

PARTIE 1

 

MOTIFS DE DISTINCTION ILLICITE

 

Dispositions générales

 

Motifs de distinction illicite

 

3. (1) Pour l’application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, la situation de famille, l’état de personne graciée ou la déficience.

 

 

Idem

 

(2) Une distinction fondée sur la grossesse ou l’accouchement est réputée être fondée sur le sexe.

 

 

[…]

 

Emploi

 

7. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

 

a) de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu;

 

b) de le défavoriser en cours d’emploi.

PART 1

 

PROSCRIBED DISCRIMINATION

 

General

 

Prohibited grounds of discrimination

 

3. (1) For all purposes of this Act, the prohibited grounds of discrimination are race, national or ethnic origin, colour, religion, age, sex, sexual orientation, marital status, family status, disability and conviction for an offence for which a pardon has been granted or in respect of which a record suspension has been ordered.

 

Idem

 

(2) Where the ground of discrimination is pregnancy or child‑birth, the discrimination shall be deemed to be on the ground of sex.

 

 

Employment

 

7. It is a discriminatory practice, directly or indirectly,

 

 

 

(a) to refuse to employ or continue to employ any individual, or

 

(b) in the course of employment, to differentiate adversely in relation to an employee, on a prohibited ground of discrimination.

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T‑868‑12

 

INTITULÉ :                                                  PAUL ABI‑MANSOUR c
MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 23 septembre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        Le juge BOIVIN

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 18 novembre 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Paul Abi‑Mansour

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Christine Langill

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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