Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 


Date : 20131119

Dossier : IMM‑913‑13

 

Référence : 2013 CF 1173

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 novembre 2013

En présence de madame la juge Mactavish

 

ENTRE :

AMAYA GARCIA, CARLOS RAUL

URIAS, SANDRA PATRICIA,

AMAYA URIAS, DANIELA EUNICE

AMAYA URIAS, NICOLE ALEXANDR

 

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               La demande d’asile présentée par Carlos Raul Amaya Garcia et les membres de sa famille, qui allèguent craindre le gang Mara Salvatrucha (MS), a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié pour des raisons de crédibilité. La Commission a aussi conclu que la famille pouvait bénéficier d’une protection de l’État au Salvador et qu’il existait une possibilité de refuge intérieur au sein du pays.

 

[2]               Pour les motifs exposés ci‑après, j’ai conclu qu’il était raisonnablement loisible à la Commission, compte tenu du dossier dont elle disposait, d’en arriver à la conclusion suivant laquelle la demande d’asile n’était pas crédible. Étant donné que cette conclusion joue un rôle déterminant dans l’issue de la demande d’asile, il n’est pas nécessaire de traiter des questions de la protection de l’État et de la possibilité de refuge intérieur. La demande sera donc rejetée.

 

Contexte

[3]               Le demandeur principal assurait la supervision de la production dans une usine de confection de linge de maison à Santa Tecla, au Salvador. Il soutient qu’en octobre ou novembre 2010, il a vu un opérateur de machine, Andres Elias, faire une mauvaise utilisation de la machinerie. Après avoir parlé à Elias de la situation, le demandeur principal a signalé l’incident à son patron, qui a réprimandé Elias et lui a dit que s’il était de nouveau surpris à faire quelque chose d’inapproprié, il serait congédié.

 

[4]               Au cours des deux semaines suivantes, Elias aurait lancé des regards menaçants au demandeur principal. Ce dernier affirme que les membres de sa famille et lui ont également reçu des menaces de mort par téléphone le 2 décembre et le 8 décembre 2010. La deuxième fois, l’appelant aurait dit à la femme du demandeur principal qu’il faisait partie du gang MS.

 

[5]               Le demandeur principal affirme qu’il a signalé la situation aux autorités le jour suivant. Les policiers ont dit qu’ils s’en occuperaient et ont conseillé à la famille de changer de numéro de téléphone. Toutefois, la police ne leur a offert aucune protection.

 

[6]               Le 10 décembre 2010, un collègue a dit au demandeur d’être prudent parce qu’Elias était un membre de la MS. Il a dit au demandeur principal qu’il avait entendu Elias parler au téléphone et dire quelque chose comme [traduction] « salut mara, est‑ce que tout est prêt? ».

 

[7]               Le même jour, le demandeur principal a reçu un autre appel à la maison. La personne au bout du fil a menacé de le tuer et de tuer sa famille. Le demandeur principal et sa famille ont débranché le téléphone et, le jour suivant, ils se sont installés chez la sœur de la femme du demandeur principal, qui demeurait à quelques kilomètres.

 

[8]               Le demandeur principal a déclaré que le 13 décembre 2010, Elias s’est approché de lui au travail et lui a dit : [traduction] « Nous allons vous tuer tous. » Il a affirmé qu’il avait peur de retourner voir la police parce qu’il craignait qu’elle ait été infiltrée par la MS. Le demandeur principal a mentionné qu’il avait cessé de se présenter au travail le 17 décembre 2010 et que sa femme avait arrêté de travailler le 23 décembre 2010.

 

[9]               La famille a quitté le pays le 27 décembre 2010. Elle a passé trois jours aux États‑Unis avant de se rendre au Canada. Selon le rapport des demandeurs, Elias a depuis perdu son emploi à l’usine de confection de linge de maison sous prétexte d’une « restructuration », et la femme de la sœur du demandeur principal a été approchée à plusieurs reprises par des inconnus cherchant à savoir où se trouvaient le demandeur principal et sa famille.

 

Analyse

[10]           La Commission avait de nombreuses raisons de douter de la crédibilité du récit des demandeurs.

 

[11]           La Commission s’est demandé pourquoi la famille avait attendu jusqu’au 11 décembre pour se cacher après avoir reçu le premier appel de menaces le 2 décembre 2010. La Commission a jugé que cela minait leur crédibilité.

 

[12]           Les demandeurs ont dit qu’ils s’étaient cachés tout de suite après que le collègue du demandeur principal lui ait dit qu’Elias était membre de la MS, le 10 décembre 2010. Toutefois, le demandeur principal a aussi mentionné que le 8 décembre 2010, la personne qui a appelé sa femme a affirmé faire partie du gang MS, mais rien n’indique que les demandeurs se sont cachés après cet appel.

 

[13]           Fait encore plus préoccupant, la famille se serait cachée le 11 décembre 2010, mais le demandeur principal a continué de se présenter au travail – exactement là où Elias se trouvait – jusqu’au 17 décembre 2010. On peut se demander quelle était l’utilité de se cacher si le demandeur principal continuait de travailler à l’endroit même où Elias pouvait le trouver. De plus, la femme du demandeur principal a continué de travailler jusqu’au 23 décembre 2010 et, d’après le demandeur principal, son lieu de travail était situé à proximité de l’usine de confection de linge de maison.

 

[14]           La raison donnée par les demandeurs pour expliquer pourquoi ils ne sont pas retournés voir la police après qu’Elias les eut menacés le 13 décembre 2010 pose aussi problème. Le demandeur principal a fait valoir qu’ils n’étaient pas retournés au poste de police après avoir été menacés le 13 décembre 2010 parce qu’ils savaient que la MS était impliquée et qu’ils craignaient que la police ait été infiltrée par le gang. Toutefois, le demandeur principal prétend également que le 8 décembre 2010, la personne qui a appelé sa femme a affirmé faire partie de la MS, et il s’est tout de même adressé aux autorités le jour suivant.

 

[15]           Le témoignage du collègue du demandeur principal comportait également une incohérence. D’après le demandeur principal, son collègue aurait entendu Elias dire au téléphone quelque chose comme [traduction] « salut mara, est‑ce que tout est prêt? ». Toutefois, la version livrée par le collègue dans la lettre qu’il a remise à la Commission est fort différente. D’après la lettre, la collègue aurait en fait [traduction] « été témoin du fait qu’[Elias] [...] a menacé de tuer [le demandeur principal] parce qu’il avait été réprimandé au travail [...] ».

 

[16]           Les demandeurs affirment que la Commission a commis une erreur en se fondant sur une incohérence aussi mineure ou accessoire dans la preuve pour tirer une conclusion défavorable quant à la crédibilité. Je ne suis pas d’accord pour dire qu’il s’agit d’une incohérence mineure ou accessoire. La lettre du collègue constituait un élément de preuve indépendant clé confirmant l’existence d’Elias, son appartenance à la MS et les menaces proférées à l’endroit du demandeur principal. De fait, c’est le seul élément de preuve indépendant qui établit un lien entre Elias et la MS. Il est donc essentiel pour établir le bien‑fondé de la cause, et il était tout à fait raisonnable que la Commission soit préoccupée par les incohérences importances relevées dans le témoignage.

 

[17]           De même, la Commission pouvait raisonnablement douter de l’appartenance d’Elias à la MS étant donné qu’au moment des incidents, cela faisait cinq ans qu’il travaillait à l’usine. Le commissaire a souligné que, d’après ses connaissances spécialisées, les membres de la MS n’occupent pas d’emploi régulier, qu’ils « travaillent dans la rue et qu’ils sont impliqués dans des activités criminelles à temps plein ». Bien que les demandeurs aient fait référence à des éléments de preuve qui donnent à penser que certains membres de la MS infiltrent des entreprises afin d’en prendre le contrôle, rien ne laisse croire que durant les cinq années où Elias a travaillé comme opérateur de machine à l’usine de confection de linge de maison, il a agi en ce sens.

 

[18]           La Commission pouvait raisonnablement avoir des doutes quant au récit des demandeurs compte tenu du fait qu’Elias a perdu son emploi à l’usine de confection de linge de maison, mais que le patron du demandeur principal, qui a mis fin à l’emploi d’Elias, n’a pas eu de problèmes.

 

[19]           Les demandeurs estiment qu’il n’était pas équitable que la Commission tienne compte du fait qu’Elias n’avait aucun des tatouages que portent normalement les membres de la MS étant donné qu’on n’a jamais demandé au demandeur principal si Elias avait des tatouages. J’aurais peut‑être eu tendance à être d’accord avec les demandeurs sur ce point si on m’avait présenté des éléments de preuve indiquant quelle aurait été la réponse du demandeur principal si on lui avait posé la question, mais je ne dispose pas d’une telle preuve.

 

[20]           Enfin, le demandeur principal n’a pas expliqué les incohérences entre sa déclaration lors de l’entrevue au point d’entrée et l’exposé circonstancié dans son formulaire de renseignements personnels (FRP). Au point d’entrée, il a dit qu’il pensait que les menaces envers lui et sa famille [traduction] « pourrai[en]t avoir quelque chose à voir avec les personnes où [il] travaille » et que « [c]ertains d’entre eux pourraient être impliqués dans les gangs » mais qu’il n’y avait « aucun moyen de les identifier ». Cependant, dans l’exposé du FRP, il est clairement dit qu’Elias est le membre de la MS qui a proféré les menaces. Il s’agit là d’incohérences importantes qui minent davantage la crédibilité des demandeurs.

 

Conclusion

[21]           Par conséquent, j’estime que la conclusion de la Commission selon laquelle le récit des demandeurs n’était pas crédible appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : voir Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée. Je conviens avec les parties que l’affaire ne soulève aucune question à certifier.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« Anne L. Mactavish »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Stéphanie Champagne

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑913‑13

 

INTITULÉ :                                                  AMAYA GARCIA, CARLOS RAUL ET AUTRES c
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 14 novembre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 19 novembre 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Laura Setzer

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Peter Nostbakken

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Laura Setzer

Avocate

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.