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Date : 16 décembre 2013

Dossier :

IMM-1514-13

 

Référence : 2013 CF 1253

[TRADUCTION FRANÇAISE RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 16 décembre 2013

En présence du Juge en chef

 

ENTRE :

KUOK MIO IAO

 

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               La présente demande de contrôle judiciaire vise la décision par laquelle la Section d’appel de l’immigration [la SAI] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté l’appel interjeté par Mme Iao à l’encontre de la décision d’un agent des visas de refuser la demande de visa de résident permanent de son époux.

 

[2]               La SAI a fondé sa décision sur sa conclusion selon laquelle Mme Iao n’avait pas la qualité de répondante au sens des alinéas 130(1)b) et 133(1)a) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le Règlement].

 

[3]               Madame Iao soutient que la SAI a commis les erreurs suivantes :

 

i.        la SAI a appliqué le mauvais critère en vue d’établir si Mme Iao « résidait au Canada » au sens du Règlement;

ii.      elle a tiré une conclusion de fait déraisonnable en déclarant que Mme Iao ne résidait pas au Canada;

iii.    elle a interprété incorrectement l’article 65 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], notamment quant à sa compétence aux fins de cet article.

 

[4]               Pour les motifs que j’exposerai ci-après, la présente demande est rejetée. 

 

I.          Contexte  

 

[5]                Madame Iao a immigré au Canada et elle est devenue résidente permanente en 1997.

 

[6]               Peu après leur arrivée au Canada avec leurs deux enfants, la demanderesse et son premier époux ont divorcé. Quelques années plus tard, la demanderesse a épousé son second mari en Chine; elle a demandé à parrainer la demande de résidence permanente au Canada de ce dernier. Elle a toutefois mis fin à son parrainage l’année suivante. D’après l’acte de divorce, la demanderesse et son second époux n’ont jamais vécu ensemble.

 

[7]               Selon son témoignage, Mme Iao a engagé une relation amoureuse avec M. Qing Shi Zeng une fois qu’elle a obtenu son second divorce. Le 13 décembre 2010, Mme Iao a parrainé les demandes de résidence permanente de M. Zeng ainsi que de ses enfants, au titre du regroupement familial, en application de l’article 13 de la LIPR.

 

[8]               Le 28 juillet 2011, l’agent des visas a rejeté ces demandes pour les trois motifs suivants :

 

i.        Mme Iao n’a pas résidé continuellement au Canada entre la date du dépôt de sa demande et la date de la décision, tel qu’il est prescrit à l’alinéa 133(1)a) du Règlement;

ii.      l’agent n’était pas convaincu, aux termes de l'article 4 du Règlement, du caractère authentique du mariage de Mme Iao et de M. Zeng, ni du fait que le mariage visait principalement autre chose que l’admission au Canada;

iii.    l’agent n’était pas non plus convaincu, aux termes de l'article 39 de la LIPR, que les dispositions nécessaires avaient été prises pour couvrir les besoins de M. Zeng et des personnes à sa charge.

 

II.        Décision faisant l’objet du contrôle

 

[9]               La SAI a rejeté l’appel de Mme Iao à l’encontre de la décision de l’agent des visas parce qu’elle ne s’était pas acquittée du fardeau de prouver qu’elle résidait au Canada, tel que requis à l’alinéa 130(1)b) du Règlement. La SAI a en outre conclu que Mme Iao n’avait pas démontré qu’elle avait résidé au Canada, tel que requis à l’alinéa 133(1)a), de la date du dépôt de la demande jusqu’à la date de la décision de l’agent des visas. La SAI a enfin conclu que si un répondant ne satisfaisait pas à l’une ou l’autre des exigences prévues aux articles 130 et 133, elle ne disposait pas du pouvoir discrétionnaire de prendre en considération, en vertu de l’article 65 de la LIPR, les motifs d’ordre humanitaire.

 

III.       Dispositions législatives pertinentes

 

[10]            Aux fins de la présente demande, le « répondant » est défini comme suit au paragraphe 130(1) du Règlement :

130. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), a qualité de répondant pour le parrainage d’un étranger qui présente une demande de visa de résident permanent au titre de la catégorie du regroupement familial ou une demande de séjour au Canada au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada aux termes du paragraphe 13(1) de la Loi, le citoyen canadien ou résident permanent qui, à la fois :

 

a) est âgé d’au moins dix-huit ans;

 

b) réside au Canada;

 

 

c) a déposé une demande de parrainage pour le compte d’une personne appartenant à la catégorie du regroupement familial ou à celle des époux ou conjoints de fait au Canada conformément à l’article 10.

 (1)    Subject to subsections (2) and (3), a sponsor, for the purpose of sponsoring a foreign national who makes an application for a permanent resident visa as a member of the family class or an application to remain in Canada as a member of the spouse or common-law partner in Canada class under subsection 13(1) of the Act, must be a Canadian citizen or permanent resident who:

 

 

(a) is at least 18 years of age;

 

(b) resides in Canada; and

 

(c) has filed a sponsorship application in respect of a member of the family class or the spouse or common-law partner in Canada class in accordance with section 10.

 

[11]           La définition de l’expression « répondant » qui précède se distingue des dispositions du paragraphe 133(1) du Règlement, qui prévoient les exigences à satisfaire, notamment les suivantes, pour être un répondant :

133. (1) L’agent n’accorde la demande de parrainage que sur preuve que, de la date du dépôt de la demande jusqu’à celle de la décision, le répondant, à la fois :

 

 

 

a) avait la qualité de répondant aux termes de l’article 130;

 (1) A sponsorship application shall only be approved by an officer if, on the day on which the application was filed and from that day until the day a decision is made with respect to the application, there is evidence that the sponsor

 

(a) is a sponsor as described in section 130;

 

 

[12]           L’article 65 de la LIPR prévoit que, lorsque la SAI examine un appel relatif à une demande au titre du regroupement familial, « les motifs d’ordre humanitaire ne peuvent être pris en considération que s’il est statué que l’étranger fait bien partie de cette catégorie et que le répondant a bien la qualité réglementaire ».

 

[13]           Les articles 130 et 133 du Règlement et l’article 65 de la LIPR sont reproduits intégralement à l’annexe 1 des présents motifs.

 

IV.       Norme de contrôle

 

[14]           La question soulevée par Mme Iao quant au critère appliqué par la SAI pour établir si elle « résidait au Canada » au sens du Règlement en est une d’interprétation législative.

 

[15]           Il existe un lien étroit entre le Règlement et le mandat de la SAI. La SAI, en outre, a une connaissance approfondie du Règlement. Par conséquent, la question soulevée par Mme Iao est présumée appeler la norme de contrôle de la raisonnabilité, à moins qu’elle ne relève d’une des catégories de questions auxquelles la norme de la décision correcte continue de s’appliquer (McLean c Colombie-Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67, aux paragraphes 21 et 22 [McLean]). Ces catégories sont : (i) les questions constitutionnelles, (ii) les questions de droit qui revêtent une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et qui sont étrangères au domaine d’expertise du décideur, (iii) les questions portant sur la délimitation des compétences respectives de tribunaux spécialisés concurrents et (iv) les questions touchant véritablement à la compétence (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c  Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 RCS 654 [Alberta Teachers], aux paragraphes 30, 34 et 46; Smith c Alliance Pipeline Ltd, 2011 CSC 7, [2011] 1 RCS 160, aux paragraphes 26 à 28; Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, aux paragraphes 54 à 61 [Dunsmuir]). J’estime que la question soulevée par Mme Iao n’appartient pas à l’une ou l’autre de ces catégories (McLean, précité, aux paragraphes 25 à 33). Madame Iao, d’ailleurs, n’a pas fait valoir le contraire. J’estime également que la situation n’est pas par ailleurs exceptionnelle au point de justifier le contrôle de la question selon la norme de la décision correcte (Alberta Teachers, précité, au paragraphe 34). La norme de contrôle de la raisonnabilité, par conséquent, s’applique à la première question soulevée par Mme Iao.

 

[16]           Les parties s’entendent pour dire, et j’estime également, que la raisonnabilité est la norme applicable à la deuxième question soulevée par Mme Iao quant au caractère raisonnable des conclusions de fait tirées par la SAI au sujet de sa résidence au Canada.

 

[17]           Je suis également d’avis que la troisième question soulevée par Mme Iao, quant à l’interprétation par la SAI de l’article 65 de la LIPR, commande la norme de la décision raisonnable. Selon Mme Iao, la norme de la décision correcte s’applique à cette question parce que la SAI a interprété de manière erronée sa compétence. Elle est d’avis qu’ainsi la question relèverait d’une des quatre catégories susmentionnées, en matière d’interprétation législative, auxquelles la norme de la décision correcte continue de s’appliquer.

 

[18]           Je ne suis pas d’accord. Tel qu’il a été expliqué dans Alberta Teachers, précité, au paragraphe 34, et confirmé dans McLean, précité, au paragraphe 25, la Cour doit interpréter restrictivement la catégorie des véritables questions de compétence lorsqu’elle procède au contrôle de l’interprétation par un tribunal administratif de sa « loi constitutive ». Il en est ainsi parce que l’interprétation par un tel tribunal de sa loi constitutive se fonde pour bonne part sur l’examen de la question de savoir s’il a le pouvoir ou la compétence d’accomplir l’acte contesté par voie de contrôle judiciaire. Pour cette raison, la norme de la raisonnabilité est présumée s’appliquer au contrôle des questions qui découlent d’une telle interprétation. Madame Iao n’a avancé aucun argument visant à écarter cette présomption, et rien ne me laisse croire que la présente situation est exceptionnelle au point de rendre cela nécessaire.

 

V.        Analyse

A)        La SAI a-t-elle appliqué le mauvais critère lorsqu’elle a conclu au défaut de Mme Iao de « résider au Canada » au sens du Règlement?

 

[19]           La SAI a conclu que Mme Iao ne résidait pas au Canada alors qu’elle visait à établir si celle‑ci répondait aux exigences prévues aux alinéas 130(1)b) et 133(1)a) du Règlement.

 

[20]           La SAI s’est initialement concentrée à cette fin sur ce que les parties ont qualifié de période « déterminante » visée à l’alinéa 133(1)a), soit la période entre la date du dépôt par l’époux de Mme Iao de sa demande parrainée de résidence permanente (le 13 décembre 2010) et la date de la décision de l’agent des visas de refuser cette demande (le 28 juillet 2011).

 

[21]           En vue d’établir si Mme Iao « résidait au Canada » pendant la période déterminante, la SAI a appliqué une forme modifiée du critère qualitatif de la citoyenneté énoncé par la juge Reed dans le jugement Koo (Re), [1993] 1 CF 286, au paragraphe 10 [Koo].

 

[22]           Dans le jugement Koo, précité, la juge Reed a formulé les six questions suivantes auxquelles il faut répondre pour établir si un demandeur de la citoyenneté vit « régulièrement, normalement ou habituellement » au Canada, le critère élaboré par la jurisprudence relativement à l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985 c C-29 :

                                                              i.      La personne était-elle physiquement présente au Canada durant une période prolongée avant de s'absenter juste avant la date de sa demande de citoyenneté?

                                                            ii.      Où résident la famille proche et les personnes à charge (ainsi que la famille étendue) du requérant?

                                                          iii.      La forme de présence physique de la personne au Canada dénote-t-elle que cette dernière revient dans son pays ou, alors, qu'elle n'est qu'en visite?

                                                          iv.      Quelle est l'étendue des absences physiques (lorsqu'il ne manque à un requérant que quelques jours pour atteindre le nombre total de 1 095 jours, il est plus facile de conclure à une résidence réputée que lorsque les absences en question sont considérables)?

                                                            v.      L'absence physique est-elle imputable à une situation manifestement temporaire (par exemple, avoir quitté le Canada pour travailler comme missionnaire, suivre des études, exécuter un emploi temporaire ou accompagner son conjoint, qui a accepté un emploi temporaire à l'étranger)?

                                                          vi.      Quelle est la qualité des attaches du requérant avec le Canada : sont-elles plus importantes que celles qui existent avec un autre pays?

 

[23]           Dans la décision Gao c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CanLII 48092 (CISR) [Gao], la SAI a appliqué une forme adaptée du critère dans un contexte de demande de parrainage d’un époux. Elle a déclaré que l’objet premier du critère modifié consistait à établir si l’appelant avait « centralisé son mode de vie au Canada » (Gao, précitée, au paragraphe 18). La SAI a exposé la formulation adaptée suivante des facteurs énoncés dans le jugement Koo, précité :

i.        Est-ce que l’appelant était effectivement présent au Canada pendant une longue période avant les absences récentes, qui ont eu lieu immédiatement avant ou pendant le traitement de la demande parrainée de visa de résident permanent de la demandeure?

ii.      Quelle est l’importance des absences physiques de l’appelant? 

iii.    Où sont les membres de la famille immédiate et les personnes à charge de l’appelant?

iv.    Est-ce que les présences effectives au Canada montrent que l’appelant rentre chez lui ou qu’il vient simplement en visite?

v.      Quelle est la qualité du lien avec le Canada : est‑il plus important que le lien avec un autre pays?

 

[24]           Dans la décision à l’examen, la SAI a recouru au même critère et aux mêmes facteurs d’évaluation que ceux exposés dans Gao, précitée.

 

[25]           Madame Iao soutient que la SAI a commis une erreur en appliquant essentiellement [traduction] « sans distinction », dans le contexte d’une demande de parrainage d’un époux, le critère de la citoyenneté énoncé dans le jugement Koo. Madame Iao fait valoir que le recours dans un tel contexte au critère énoncé dans le jugement Koo est inapproprié et préjudiciable, en partie du moins, parce qu’il conduit le répondant à une impasse. Une telle situation peut se produire lorsque le répondant ou la répondante juge nécessaire de passer de longues périodes à l’étranger avec son épouse ou son époux, selon le cas, en vue d’établir l’authenticité du mariage. Madame Iao souligne qu’ainsi les périodes passées à l’étranger et les ressources dépensées dans le pays de résidence de l’épouse ou de l’époux peuvent, si l’on applique le critère énoncé dans le jugement Koo, jouer en défaveur du répondant ou de la répondante.

 

[26]           Madame Iao soutient que le critère énoncé dans le jugement Koo ne prend pas cet élément en considération dans le contexte des demandes de parrainage d’un époux. Elle fait notamment valoir que ce qui est « raisonnable » comme absence du Canada dans ce contexte peut fort bien différer de ce qui est « raisonnable » dans celui de la citoyenneté. Il serait donc indiqué, selon Mme Iao, d’utiliser un critère plus libéral permettant de réaliser les objectifs visés par la LIPR, probablement celui de la réunification des familles énoncé à son alinéa 3(1)d). Madame Iao ajoute que, dans l’application du critère aux demandes de parrainage d’époux, il faudrait reconnaître la possibilité que le répondant, comme le contribuable aux fins du droit fiscal, ait plus d’un lieu de résidence.

 

[27]           À mon avis, il n’était pas déraisonnable pour la SAI d’appliquer la forme adaptée du critère énoncé dans le jugement Koo. Contrairement à ce que Mme Iao a soutenu, la SAI n’a pas appliqué le critère énoncé dans le jugement Koo « sans distinction ».

 

[28]           La SAI a expressément reconnu le risque d’une impasse relevé par Mme Iao. Elle a ainsi fait observer qu’en reconnaissance du fait « qu’un couple dont le mariage est authentique désire passer le plus de temps possible ensemble », « le critère d’une présence effective stricte est trop restrictif ». C’est d’ailleurs pourquoi elle a adopté la forme du critère énoncé dans le jugement Koo modifiée dans la décision Gao, précitée. Étant donné les modifications apportées au critère énoncé dans le jugement Koo, il était entièrement raisonnable et indiqué que la SAI procède comme elle l’a fait.

 

[29]           Les principales différences existant entre les facteurs d’évaluation pour l’application du critère énoncé dans le jugement Koo et l’application du critère adopté par la SAI tant dans la décision Gao, précitée, que dans la décision visée par la présente demande de contrôle sont les suivantes :

i.        la mention faite dans le deuxième facteur prévu dans le jugement Koo de la famille étendue du requérant a été éliminée;

ii.      le quatrième facteur, prévu dans le jugement Koo concernant l’étendue des absences effectives du Canada, a été modifié de manière à éliminer l’allusion à de telles absences « lorsqu’il ne manque […] que quelques jours pour atteindre le nombre total de 1 095 jours » et au caractère éventuellement préjudiciable d’absences considérables;

iii.    le cinquième facteur, faisant ressortir que les absences manifestement temporaires du Canada ne devraient pas jouer en défaveur du demandeur, a été complètement éliminé.

 

[30]           Compte tenu des faits de la présente affaire, chacune des modifications ainsi opérées semble avoir profité à Mme Iao. En effet, la plupart des membres de sa famille étendue vivraient en Chine et ses absences ont été plus considérables que ne le supposaient les quatrième et cinquième facteurs du critère énoncé dans le jugement Koo, précité. Ces éléments ayant été écartés dans l’approche modifiée, le fait de compter de nombreux membres de la famille étendue à l’étranger et d’être absent de manière plus que temporaire ne jouerait pas nécessairement en défaveur de Mme Iao et des autres personnes dans la même situation qu’elle.

 

[31]           Plus important encore, les facteurs que la SAI a pris en compte pour évaluer si Mme Iao résidait au Canada pendant la période déterminante étaient tout à fait raisonnables dans le contexte de l’alinéa 130(1)b) du Règlement. Bref, les facteurs en cause nécessitent de prendre en compte l’étendue de la présence effective au Canada avant le parrainage d’une demande de résidence permanente, l’étendue des absences effectives du Canada, le lieu de résidence des membres de la famille immédiate et des personnes à charge, la qualité comparative des attaches avec le Canada et avec le pays étranger et le fait que la forme de présence effective de l’intéressé au Canada dénote un retour dans son pays ou une simple visite. À mon avis, chacun de ces facteurs touche au cœur même de la question de savoir si une personne « réside au Canada » ou non aux fins de l’alinéa 130(1)b). 

 

[32]           Certes, d’autres facteurs peuvent être pris en considération, dans la mesure où ils aident à établir si le répondant « a centralisé son mode de vie au Canada ». Il n’est pas déraisonnable, selon moi, d’appliquer ce critère aux demandes de parrainage. Il s’agit en fait d’un critère entièrement raisonnable, étant donné particulièrement l’objectif énoncé à l’alinéa 3(1)e) de la LIPR « de promouvoir l’intégration des résidents permanents au Canada, compte tenu du fait que cette intégration suppose des obligations pour les nouveaux arrivants et pour la société canadienne ».

 

[33]           À mon avis, un critère qui permettrait à un répondant de toujours avoir un mode de vie centralisé à l’étranger serait incompatible avec cet objectif. Il serait sans doute également incompatible avec l’objectif énoncé à l’alinéa 3(1)a) de la LIPR, soit « de permettre au Canada de retirer de l’immigration le maximum d’avantages sociaux, culturels et économiques ». Quoi qu’il en soit, et contrairement à ce qu’affirme Mme Iao, la SAI n’est pas tenue d’appliquer un critère pouvant permettre à un répondant de toujours avoir un mode de vie centralisé à l’étranger.

 

B)        La SAI a-t-elle tiré une conclusion de fait déraisonnable lorsqu’elle a jugé que Mme Iao ne résidait pas au Canada?

 

[34]           Madame Iao soutient que la SAI a tiré une conclusion de fait déraisonnable au sujet de sa résidence au Canada. Elle fait particulièrement valoir qu’il était déraisonnable pour la SAI de juger défavorablement le fait que les membres de sa famille immédiate, y compris son époux et la plupart des personnes à sa charge, vivaient en Chine. En outre, elle affirme qu’il était déraisonnable que la SAI conclue qu’elle ne résidait pas au Canada compte tenu des éléments suivants :

 

i.        son actuelle carte de résident permanent lui a été délivrée en 2009, comme elle respectait les conditions de résidence prévues par la LIPR, et cette carte ne vient à expiration qu’en 2014;

ii.      les renseignements figurant dans ses dossiers d’impôt sur le revenu du Canada pour les années d’imposition 2009, 2010 et 2011;

iii.    elle a une fille issue d’un précédent mariage qui vit à Vancouver avec l’un de ses ex‑époux;

iv.    elle a pu décrire le rez-de-chaussée d’une maison qu’elle a louée quelque six ou sept ans, ainsi que le propriétaire de la maison.

 

[35]           J’estime comme le défendeur que Mme Iao demande essentiellement à la Cour d’apprécier de nouveau la preuve qui avait été présentée à la SAI.

 

[36]           La SAI a expressément répondu à l’argument de Mme Iao relatif à l’importance de sa carte de résident permanent, bien qu’elle l’ait fait lorsqu’elle s’est penchée sur l’application de l’article 65 de la LIPR – une question que j’examinerai à la prochaine section. On peut donc constater que la SAI a bien pris en compte cet élément de preuve et s’est montrée sensible aux arguments de Mme Iao quant à sa possible pertinence.

 

[37]           Quant aux années d’imposition 2009, 2010 et 2011, la SAI a mentionné les avis de cotisation ainsi que les calculs d’impôt sur le revenu de Mme Iao. Elle a toutefois jugé qu’un autre élément de preuve – l’information communiquée par l’époux actuel de Mme Iao à l’agent des visas le 28 juillet 2011 – était davantage probant et fiable. La SAI a calculé, sur la foi de cette preuve, que Mme Iao avait résidé en Chine 404 jours en tout sur une période possible de 555 jours (à peu près 73 p.100 du temps), depuis la date de son départ du Canada pour aller rejoindre son époux en décembre 2009 jusqu’à la date de la décision de l’agent des visas. La SAI a aussi fait remarquer que Mme Iao avait fait trois voyages en Malaisie et à Singapour pendant cette période, et qu’elle avait passé à peu près 71 p.100 de son temps en Chine pendant la période déterminante, de plus courte durée. Il n’était pas déraisonnable pour la SAI de conclure que ce cycle de présence effective de Mme Iao au Canada et en Chine ne constituait « pas un facteur favorable dans le cadre de son appel ».

 

[38]           La SAI a aussi traité expressément du fait que Mme Iao avait une fille au Canada, qui vivait avec son premier époux depuis 1998. La SAI a toutefois décidé d’accorder plus d’importance au fait que le reste de la famille immédiate de Mme Iao vivait en Chine, notamment son fils, qui y travaillait avec elle, son époux et ses parents. Cette décision de la SAI était raisonnable.

 

[39]           En outre, la SAI a traité tout particulièrement de la maison où Mme Iao a déclaré avoir résidé au Canada pendant les six ou sept dernières années, ainsi que du propriétaire de la maison. Là encore, cependant, la SAI pouvait raisonnablement conclure que le cycle de présence effective de Mme Iao dénotait que celle‑ci n’était qu’en visite au Canada, plutôt qu’elle n’y rentrait chez elle, en fonction de ce qui suit :

i.        Mme Iao n’a présenté aucun élément de preuve corroborant qu’elle ait habité cette maison, comme un bail, des chèques annulés ou tout autre élément de preuve documentaire;

ii.      à la question de savoir comment elle avait connu le propriétaire, elle a donné une réponse vague;

iii.    elle ne possède aucune propriété ni aucun bien au Canada;

iv.    il y a peu d’argent dans les deux comptes de banque dont elle dispose au Canada;

v.      elle n’a pu fournir la preuve d’aucune vente effectuée au Canada, ni aucun autre document pouvant confirmer qu’elle faisait des affaires au Canada;

vi.    lorsqu’elle retournait au Canada, c’était pour de courtes périodes.

 

[40]           Outre ce qui précède, il n’était pas déraisonnable pour la SAI de conclure que Mme Iao avait des liens plus importants avec la Chine qu’avec le Canada, pour les motifs suivants :

i.        Mme Iao a passé beaucoup plus de temps en Chine qu’au Canada ces dernières années;

ii.      son entreprise est enregistrée en Chine;

iii.    elle possède trois comptes de banque en Chine, dans chacun desquels se trouvent des sommes importantes;

iv.    elle n’a pu expliquer pourquoi elle ne pouvait se trouver du travail au Canada ou y élargir les activités de son entreprise.

 

[41]           La SAI, après avoir évalué les divers facteurs quantitatifs et qualitatifs qu’elle a jugé jouer en faveur d’une conclusion de non-résidence de Mme Iao au Canada, a fait observer que celle‑ci avait produit « peu d’éléments de preuve pour prouver qu’elle était établie au Canada », et qu’elle n’avait pas démontré qu’elle tenait à résider au Canada dans un proche avenir. 

 

[42]           Compte tenu de ce qui précède, la SAI a conclu selon la prépondérance des probabilités que Mme Iao ne résidait pas au Canada tel qu’il est prescrit à l’alinéa 130(1)b) du Règlement. 

 

[43]           J’estime que cette conclusion appartient assurément « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47). En outre, les motifs donnés pour en arriver à cette conclusion possédaient les attributs requis de la justification, de la transparence et de l’intelligibilité.

 

C)        La SAI a-t-elle interprété de manière erronée l’article 65 de la LIPR, notamment quant à sa compétence aux fins de cet article?

 

[44]           Madame Iao a présenté sur ce point une argumentation longue et répétitive. On peut résumer cette argumentation comme suit : la SAI aurait commis une erreur en déclarant que l’article 65 l’empêchait d’exercer son pouvoir discrétionnaire de prise en considération des motifs d’ordre humanitaire si un répondant ne satisfaisait pas aux exigences prévues au paragraphe 130(1) du Règlement ainsi qu’aux « autres exigences établies au paragraphe 133(1) ». La SAI a aggravé cette erreur (i) en intégrant la période déterminante décrite au paragraphe 133(1) à la définition de l’expression « réside au Canada » utilisée à l’alinéa 130(1)b), puis (ii) en se concentrant exclusivement ou indûment sur la période déterminante pour évaluer si Mme Iao satisfaisait à la définition donnée d’un répondant à l’article 130. Madame Iao soutient que la SAI aurait dû prendre en compte le temps qu’elle a passé au Canada avant et après la période déterminante en vue d’établir si elle « résidait au Canada » au sens de l’alinéa 130(1)b). Elle ajoute qu’un répondant, sans satisfaire aux exigences pour avoir la qualité de répondant visées à l’article 133, peut néanmoins bénéficier d’une exception pour motifs d’ordre humanitaire, dans la mesure où, comme le prescrit l’article 65 de la LIPR, il « a bien la qualité réglementaire » de répondant aux termes de l’alinéa 130(1)b). 

 

[45]           J’estime comme Mme Iao que l’article 133 du Règlement n’est pas pertinent en vue d’établir si un « répondant a bien la qualité réglementaire » aux fins de l’exception fondée sur des motifs d’ordre humanitaire prévue à l’article 65 de la LIPR. L’article 133 n’énonce que les exigences à respecter par un répondant lorsqu’est évaluée la demande de parrainage. Lorsqu’elle examine si l’article 65 peut recevoir application, la SAI devrait uniquement se demander si celui qui demande le visa en cause est membre de la catégorie du regroupement familial, et si son répondant est bien un répondant au sens de l’article 130. Une personne peut, sans satisfaire aux exigences pour avoir la qualité de répondant visées à l’article 133, néanmoins « résider au Canada » au sens de l’alinéa 130(1)b).

 

[46]           La SAI a commis une erreur dans la mesure où elle a pu croire que l’article 65 l’empêchait de prendre en considération les motifs d’ordre humanitaire si Mme Iao ne satisfaisait pas aux exigences de l’article 133, en plus de celles prévues à l’article 130. J’estime toutefois, compte tenu de la décision dans son ensemble, que cette erreur n’a pas eu d’incidence. J’arrive à cette conclusion parce que la SAI a aussi conclu expressément que Mme Iao « ne résid[ait] pas au Canada comme l’exige l’alinéa 130(1)b) du Règlement ». Après avoir tiré cette conclusion, la SAI ne pouvait prendre en considération les motifs d’ordre humanitaire prévus à l’article 65 de la LIPR.

 

[47]           Pour en arriver à sa conclusion sur la question plus générale de savoir si Mme Iao « résidait au Canada », la SAI a fait remarquer que celle‑ci avait passé 75 p.100 de son temps en Chine depuis décembre 2009, en plus d’être allée à Singapour et en Malaisie. La SAI a en outre fait remarquer que hormis ses calculs de l’impôt sur le revenu pour une année et ses avis de cotisation pour les années 2010 et 2011, Mme Iao avait produit peu d’éléments de preuve démontrant qu’elle était établie au Canada. La SAI a aussi mentionné que Mme Iao était « mieux établie en Chine qu’en Chine »; je suis convaincu qu’il s’agissait là d’une erreur typographique, et que la SAI voulait en fait dire « en Chine qu’au Canada ». En outre, la SAI a déclaré que Mme Iao ne l’avait pas convaincue qu’elle tenait à résider au Canada dans un proche avenir, étant donné les raisons qu’elle avait invoquées pour continuer à faire des affaires en Chine. À mon avis, ces divers motifs permettaient à la SAI de raisonnablement conclure au défaut de Mme Iao de « résider au Canada » au sens de l’alinéa 130(1)b) du Règlement.

 

[48]           Quant à la période de temps visée par l’examen de la SAI, il est de droit constant qu’un appel interjeté devant la SAI est « une audition de novo au sens large » (Kahlon c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 7 Imm LR (2d) 91, [1989] ACF n° 104, au paragraphe 5 (CAF); Mohamed c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1986] 3 CF 90 (CAF), aux paragraphes 9 à 13; Viera c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1086, aux paragraphes 10, 11 et 14).

 

[49]           Contrairement à ce que prétend Mme Iao, la SAI ne s’est pas restreinte à la période déterminante, ni ne s’est concentrée exclusivement ou indûment sur cette période, pour en arriver à sa conclusion relative à l’alinéa 130(1)b). Ainsi que je l’ai mentionné aux paragraphes 37 à 41, la SAI s’est tournée vers le passé jusqu’en décembre 2009, soit une année avant le début de la période déterminante, et elle a aussi examiné de manière prospective si Mme Iao tenait à résider au Canada dans un proche avenir. En outre, lorsqu’elle a évalué le lieu de résidence de la famille immédiate et des enfants à charge de Mme Iao, son cycle de présence effective au Canada et la qualité comparative de ses liens avec le Canada et avec la Chine, la SAI semble avoir apprécié la période allant jusqu’à sa décision, datée du 1er février 2013. Cela ressort de l’emploi du présent dans la décision de la SAI, tout au long de l’analyse de ces divers facteurs.

 

[50]           S’il est vrai que la décision aurait été plus exhaustive et mieux fondée si la SAI avait abordé expressément les éléments de preuve additionnels versés au dossier concernant la période postérieure à la période déterminante (se terminant le 28 juillet 2011), le défaut de la SAI de le faire ne doit pas nécessairement mener à conclure qu’elle a appliqué erronément l’article 65 de la LIPR (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62,  [2011] 3 RCS 708, au paragraphe 16; Construction Labour Relations c Driver Iron Inc, 2012 CSC 65, [2013] 3 RCS 405, au paragraphe 3). 

 

[51]           Madame Iao a déclaré à l’audience devant la SAI qu’habituellement, elle passait environ huit mois au Canada et quatre mois en Chine chaque année. Or, comme je l’ai mentionné précédemment au paragraphe 37, sa déclaration a été contredite par le témoignage de son époux. Cela étant dit, et compte tenu du fait que Mme Iao n’a produit aucun élément de preuve documentaire visant à démontrer qu’elle avait passé une longue période de temps au Canada entre le 28 juillet 2011 et la date de l’audience de la SAI (le 2 novembre 2012), j’estime que le défaut de la SAI d’aborder expressément les autres prétentions non corroborées de Mme Iao à ce sujet n’a pas rendu sa décision déraisonnable.

 

[52]           À mon avis, la SAI était consciente des faits pertinents et sa décision sur cette question appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47). La décision possédait aussi suffisamment les attributs de la justification, de la transparence et de l’intelligibilité pour résister à un contrôle judiciaire.

 

[53]           J’ajouterais simplement que la SAI a fait remarquer qu’il n’y avait au dossier aucun élément de preuve concernant la période de temps passée par Mme Iao au Canada avant de se rendre en Chine, en 2010, pour épouser son mari actuel. Madame Iao a elle‑même reconnu que sa présence au Canada ces dernières années avait [traduction] « pu être restreinte ». Il semble qu’après la période déterminante Mme Iao n’a passé que quelques mois additionnels au Canada. Au vu des faits de l’espèce, le fait que Mme Iao ait obtenu en 2009 une carte de résident permanent comme membre de la catégorie des investisseurs, et ait obtenu le renouvellement jusqu’en 2014 de cette carte, n’était pas aussi pertinent que les renseignements pris en considération par la SAI pour en arriver à sa décision.

 

VI.       Questions proposées aux fins de certification

 

[54]           Madame Iao a essentiellement proposé la certification des questions suivantes dans le cadre de la présente demande :

[traduction]

i.        Une audience devant la SAI étant une audience de novo, la SAI devrait-elle interpréter l’expression « décision [sur la demande de parrainage] » au paragraphe 133(1) du Règlement comme comprenant une décision rendue par la SAI?

ii.      Quelle est la période pertinente devant être prise en compte par la SAI pour établir si une personne « réside au Canada » et est ainsi un « répondant [qui] a bien la qualité réglementaire » aux fins d’application de l’article 65 de la LIPR?

iii.    Dans un contexte de demandes de parrainage de conjoints et où des dispositions législatives requièrent que le répondant « réside au Canada », faut-il trancher la question de la résidence au Canada en fonction du critère de la résidence principale énoncé dans le jugement Koo (Re), [1993] 1 CF 286?

 

[55]           Le défendeur s’est opposé à la certification des questions qui précèdent et il n’a proposé la certification d’aucune autre question.

 

[56]           Quant à la première question proposée par Mme Iao, il est de droit constant, comme je l’ai indiqué ci-dessus au paragraphe 48, qu’un appel interjeté devant la SAI est une « audition de novo au sens large ». Les parties en conviennent d’ailleurs toutes deux. Elles conviennent aussi qu’il en découle que la SAI devait établir non seulement si l’agent des visas avait conclu erronément au défaut de Mme Iao de « résider au Canada », mais aussi si cette dernière satisfaisait aux exigences de la LIPR au moment où il a été disposé de son appel, tel que le prescrit le paragraphe 67(1) de cette loi.

 

[57]           Ainsi que je l’ai mentionné au paragraphe 49 ci-dessus, c’est précisément ce que la SAI a fait à l’égard de plusieurs facteurs qu’elle a évalués pour en arriver à sa conclusion. La question proposée par Mme Iao ne respecte donc pas deux éléments du critère de la certification. Premièrement, il ne s’agit pas d’une « question grave de portée générale » comme le requiert l’alinéa 74d) de la LIPR. Deuxièmement, la question ne permettrait pas de régler l’appel dans la présente affaire (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Zazai, 2004 CAF 89, au paragraphe 11; Varela c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 145, au paragraphe 28).

 

[58]           La deuxième question proposée par Mme Iao n’est pas une question qu’il convient de certifier pour un motif différent. En bref, la période pertinente que la SAI doit prendre en compte pour établir si une personne « réside au Canada », et est ainsi un « répondant [qui] a bien la qualité réglementaire » aux fins d’application de l’article 65 de la LIPR, variera en fonction des faits de chaque affaire. Les parties s’entendent pour dire que cette période s’étend de manière prospective au‑delà de la période déterminante définie à l’alinéa 133(1)a) du Règlement, jusqu’au jour où est rendue la décision, que ce soit par un agent des visas ou par la SAI, à l’égard de la demande de parrainage. Les parties sont aussi d’accord pour dire qu’on doit faire remonter cette période dans le passé avant le point de départ de la période déterminante. Jusqu’où s’agit-il de revenir en arrière? Il faudra se fonder sur les faits de chaque espèce pour l’établir. Comme je l’ai dit plus tôt au paragraphe 53, le dossier ne comporte que très peu d’éléments, particulièrement pour la période antérieure à 2010. La deuxième question proposée ne permettrait donc pas non plus de régler l’appel (Zazai, précité).

 

[59]           Il en est de même pour la troisième question proposée par Mme Iao, quant à savoir s’il convient de trancher en fonction du critère de résidence énoncé dans le jugement Koo, précité, si un répondant « réside au Canada » au sens de l’alinéa 130(1)b). Pour en arriver à sa conclusion sur cette question, la SAI n’a pas appliqué le critère énoncé dans le jugement Koo, mais a plutôt énoncé le critère énoncé dans le jugement Koo modifié par la décision Gao, précitée.

 

[60]           Même si Mme Iao avait fait allusion au critère énoncé dans la décision Gao dans le libellé de la troisième question proposée, je n’aurais pas jugé la certification indiquée pour deux motifs. Premièrement, la question posée était dénuée de tout contexte, aucun critère précis de remplacement n’a été proposé et les avocats n’ont présenté aucune observation à ce sujet. Madame Iao a simplement laissé entendre que le critère devrait être plus libéral, à l’image du critère de la résidence utilisé en droit fiscal. Essentiellement, la certification de la question « constitue en fait un renvoi » à la Cour d’appel (Zazai, précité, au paragraphe 12). Deuxièmement, compte tenu de l’absence de contexte, l’existence d’une « question grave de portée générale » n’apparaît pas d’emblée. Comme ce fut le cas pour d’autres questions proposées dans le passé, il y aurait avantage à ce que la troisième question soit examinée par la Cour dans d’autres décisions avant qu’elle ne soit prête à être certifiée. J’ajouterais simplement que la SAI a traité expressément de la [traduction] « contradiction injuste » invoquée par Mme Iao dans ses observations au soutien de la troisième question, et que cela l’a conduite à rejeter le critère de résidence fondé sur la présence effective au profit du critère formulé dans la décision Gao.

 

VII.     Conclusion

 

[61]           Pour les motifs énoncés, la présente demande sera rejetée.

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande est rejetée.

 

 

« Paul S. Crampton »

Juge en chef

 

 


 

 

ANNEXE 1

 

 

 

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

Qualité de répondant

*        130. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), a qualité de répondant pour le parrainage d’un étranger qui présente une demande de visa de résident permanent au titre de la catégorie du regroupement familial ou une demande de séjour au Canada au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada aux termes du paragraphe 13(1) de la Loi, le citoyen canadien ou résident permanent qui, à la fois :

a) est âgé d’au moins dix-huit ans;

b) réside au Canada;

c) a déposé une demande de parrainage pour le compte d’une personne appartenant à la catégorie du regroupement familial ou à celle des époux ou conjoints de fait au Canada conformément à l’article 10.

Note marginale : Répondant ne résidant pas au Canada

(2) Le citoyen canadien qui ne réside pas au Canada peut parrainer un étranger qui présente une demande visée au paragraphe (1) et qui est son époux, son conjoint de fait, son partenaire conjugal ou son enfant à charge qui n’a pas d’enfant à charge à condition de résider au Canada au moment où l’étranger devient résident permanent.

Note marginale : Exigence — cinq ans

(3) Le répondant qui est devenu résident permanent après avoir été parrainé à titre d’époux, de conjoint de fait ou de partenaire conjugal en vertu du paragraphe 13(1) de la Loi ne peut parrainer un étranger visé au paragraphe (1) à titre d’époux, de conjoint de fait ou de partenaire conjugal à moins, selon le cas :

a) d’avoir été un résident permanent pendant au moins les cinq ans précédant le dépôt de sa demande de parrainage visée à l’alinéa 130(1)c) à l’égard de cet étranger;


b) d’être devenu un citoyen canadien durant la période de cinq ans précédant le dépôt de cette demande et d’avoir été un résident permanent au moins depuis le début de cette période de cinq ans jusqu’à ce qu’il devienne un citoyen canadien.

 

[. . .]

 

Immigration and Refugee Protection Regulations, SOR/2002-227

Sponsor

130. (1) Subject to subsections (2) and (3), a sponsor, for the purpose of sponsoring a foreign national who makes an application for a permanent resident visa as a member of the family class or an application to remain in Canada as a member of the spouse or common-law partner in Canada class under subsection 13(1) of the Act, must be a Canadian citizen or permanent resident who

(a) is at least 18 years of age;

(b) resides in Canada; and

(c) has filed a sponsorship application in respect of a member of the family class or the spouse or common-law partner in Canada class in accordance with section 10.

Marginal note : Sponsor not residing in Canada

(2) A sponsor who is a Canadian citizen and does not reside in Canada may sponsor a foreign national who makes an application referred to in subsection (1) and is the sponsor’s spouse, common-law partner, conjugal partner or dependent child who has no dependent children, if the sponsor will reside in Canada when the foreign national becomes a permanent resident.

Marginal note : Five-year requirement

(3) A sponsor who became a permanent resident after being sponsored as a spouse, common-law partner or conjugal partner under subsection 13(1) of the Act may not sponsor a foreign national referred to in subsection (1) as a spouse, common-law partner or conjugal partner, unless the sponsor

(a) has been a permanent resident for a period of at least five years immediately preceding the day on which a sponsorship application referred to in paragraph 130(1)(c) is filed by the sponsor in respect of the foreign national; or

(b) has become a Canadian citizen during the period of five years immediately preceding the day referred to in paragraph (a) and had been a permanent resident from at least the beginning of that period until the day on which the sponsor became a Canadian citizen.

 

[. . .]

 

Exigences : répondant

133. (1) L’agent n’accorde la demande de parrainage que sur preuve que, de la date du dépôt de la demande jusqu’à celle de la décision, le répondant, à la fois :


a) avait la qualité de répondant aux termes de l’article 130;

b) avait l’intention de remplir les obligations qu’il a prises dans son engagement;

c) n’a pas fait l’objet d’une mesure de renvoi;

d) n’a pas été détenu dans un pénitencier, une prison ou une maison de correction;

e) n’a pas été déclaré coupable, sous le régime du Code criminel :

(i) d’une infraction d’ordre sexuel ou d’une tentative ou menace de commettre une telle infraction, à l’égard de quiconque,

(i.1) d’un acte criminel mettant en cause la violence et passible d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une tentative de commettre un tel acte à l’égard de quiconque,

(ii) d’une infraction entraînant des lésions corporelles, au sens de l’article 2 de cette loi, ou d’une tentative ou menace de commettre une telle infraction, à l’égard de l’une ou l’autre des personnes suivantes :

 

(A) un membre ou un ancien membre de sa famille,

(B) un membre de sa parenté, ou un membre ou ancien membre de la famille de celui-ci,

(C) un membre de la parenté d’un membre de sa famille, ou un membre ou ancien membre de la famille de celui-ci,

(D) son partenaire conjugal ou ancien partenaire conjugal,

(E) un membre ou un ancien membre de la famille d’un membre de sa famille ou de son partenaire conjugal,

(F) un membre de la parenté de son partenaire conjugal, ou un membre ou ancien membre de la famille de celui-ci,

(G) un enfant qui est ou était sous sa garde et son contrôle, ou sous celle d’un membre de sa famille ou de son partenaire conjugal ou d’un ancien membre de sa famille ou de son ancien partenaire conjugal,

(H) un enfant qui est ou était sous la garde et le contrôle d’un membre de sa parenté, ou d’un membre ou ancien membre de la famille de ce dernier,

(I) une personne avec qui il a ou a eu une relation amoureuse, qu’ils aient cohabité ou non, ou un membre de la famille de cette personne;

f) n’a pas été déclaré coupable, dans un pays étranger, d’avoir commis un acte constituant une infraction dans ce pays et, au Canada, une infraction visée à l’alinéa e);

g) sous réserve de l’alinéa 137c), n’a pas manqué :

(i) soit à un engagement de parrainage,

(ii) soit à une obligation alimentaire imposée par un tribunal;

h) n’a pas été en défaut quant au remboursement d’une créance visée au paragraphe 145(1) de la Loi dont il est redevable à Sa Majesté du chef du Canada;

i) sous réserve de l’alinéa 137c), n’a pas été un failli non libéré aux termes de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité;

j) dans le cas où il réside :

(i) dans une province autre qu’une province visée à l’alinéa 131b), a eu un revenu total au moins égal à son revenu vital minimum,

(ii) dans une province visée à l’alinéa 131b), a été en mesure, aux termes du droit provincial et de l’avis des autorités provinciales compétentes, de respecter l’engagement visé à cet alinéa;

k) n’a pas été bénéficiaire d’assistance sociale, sauf pour cause d’invalidité.


Note marginale : Exception : déclaration de culpabilité au Canada

(2) Malgré l’alinéa (1)e), la déclaration de culpabilité au Canada n’emporte pas rejet de la demande de parrainage dans les cas suivants :

a) la réhabilitation — sauf révocation ou nullité — a été octroyée au titre de la Loi sur le casier judiciaire ou un verdict d’acquittement a été rendu en dernier ressort à l’égard de l’infraction;

b) le répondant a fini de purger sa peine au moins cinq ans avant le dépôt de la demande de parrainage.


Note marginale :Exception : déclaration de culpabilité à l’extérieur du Canada

(3) Malgré l’alinéa (1)f), la déclaration de culpabilité à l’extérieur du Canada n’emporte pas rejet de la demande de parrainage dans les cas suivants :

a) un verdict d’acquittement a été rendu en dernier ressort à l’égard de l’infraction;

b) le répondant a fini de purger sa peine au moins cinq ans avant le dépôt de la demande de parrainage et a justifié de sa réadaptation.

 

Note marginale : Exception au revenu minimal

(4) L’alinéa (1)j) ne s’applique pas dans le cas où le répondant parraine l’une ou plusieurs des personnes suivantes :

a) son époux, conjoint de fait ou partenaire conjugal, à condition que cette personne n’ait pas d’enfant à charge;

b) son époux, conjoint de fait ou partenaire conjugal, dans le cas où cette personne a un enfant à charge qui n’a pas d’enfant à charge;

c) son enfant à charge qui n’a pas lui-même d’enfant à charge ou une personne visée à l’alinéa 117(1)g).

Note marginale : Répondant adopté

(5) La personne adoptée à l’étranger et dont l’adoption a été annulée par des autorités étrangères ou un tribunal canadien compétent ne peut parrainer la demande de visa de résident permanent présentée par une personne au titre de la catégorie du regroupement familial que si l’annulation de l’adoption n’a pas été obtenue dans le but de pouvoir parrainer cette demande.

 

Requirements for sponsor

133. (1) A sponsorship application shall only be approved by an officer if, on the day on which the application was filed and from that day until the day a decision is made with respect to the application, there is evidence that the sponsor

(a) is a sponsor as described in section 130;

(b) intends to fulfil the obligations in the sponsorship undertaking;


(c) is not subject to a removal order;

(d) is not detained in any penitentiary, jail, reformatory or prison;

(e) has not been convicted under the Criminal Code of

(i) an offence of a sexual nature, or an attempt or a threat to commit such an offence, against any person,

 

(i.1) an indictable offence involving the use of violence and punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, or an attempt to commit such an offence, against any person, or

(ii) an offence that results in bodily harm, as defined in section 2 of the Criminal Code, to any of the following persons or an attempt or a threat to commit such an offence against any of the following persons:

(A) a current or former family member of the sponsor,

(B) a relative of the sponsor, as well as a current or former family member of that relative,

(C) a relative of the family member of the sponsor, or a current or former family member of that relative,

(D) a current or former conjugal partner of the sponsor,

(E) a current or former family member of a family member or conjugal partner of the sponsor,

(F) a relative of the conjugal partner of the sponsor, or a current or former family member of that relative,

(G) a child under the current or former care and control of the sponsor, their current or former family member or conjugal partner,


(H) a child under the current or former care and control of a relative of the sponsor or a current or former family member of that relative, or

(I) someone the sponsor is dating or has dated, whether or not they have lived together, or a family member of that person;

(f) has not been convicted outside Canada of an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence referred to in paragraph (e);

(g) subject to paragraph 137(c), is not in default of

(i) any undertaking, or

(ii) any support payment obligations ordered by a court;

(h) is not in default in respect of the repayment of any debt referred to in subsection 145(1) of the Act payable to Her Majesty in right of Canada;

(i) subject to paragraph 137(c), is not an undischarged bankrupt under the Bankruptcy and Insolvency Act;

(j) if the sponsor resides

(i) in a province other than a province referred to in paragraph 131(b), has a total income that is at least equal to the minimum necessary income, and

(ii) in a province referred to in paragraph 131(b), is able, within the meaning of the laws of that province and as determined by the competent authority of that province, to fulfil the undertaking referred to in that paragraph; and

(k) is not in receipt of social assistance for a reason other than disability.

Marginal note : Exception — conviction in Canada

(2) Despite paragraph (1)(e), a sponsorship application may not be refused


(a) on the basis of a conviction in Canada in respect of which a pardon has been granted and has not ceased to have effect or been revoked under the Criminal Records Act, or in respect of which there has been a final determination of an acquittal; or

(b) if a period of five years or more has elapsed since the completion of the sentence imposed for an offence in Canada referred to in paragraph (1)(e).

Marginal note : Exception — conviction outside Canada

(3) Despite paragraph (1)(f), a sponsorship application may not be refused


(a) on the basis of a conviction outside Canada in respect of which there has been a final determination of an acquittal; or

(b) if a period of five years or more has elapsed since the completion of the sentence imposed for an offence outside Canada referred to in that paragraph and the sponsor has demonstrated that they have been rehabilitated.

Marginal note : Exception to minimum necessary income

(4) Paragraph (1)(j) does not apply if the sponsored person is

(a) the sponsor's spouse, common-law partner or conjugal partner and has no dependent children;

(b) the sponsor's spouse, common-law partner or conjugal partner and has a dependent child who has no dependent children; or

(c) a dependent child of the sponsor who has no dependent children or a person referred to in paragraph 117(1)(g).

Marginal note : Adopted sponsor

(5) A person who is adopted outside Canada and whose adoption is subsequently revoked by a foreign authority or by a court in Canada of competent jurisdiction may sponsor an application for a permanent resident visa that is made by a member of the family class only if the revocation of the adoption was not obtained for the purpose of sponsoring that application.

 

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001. c 27

Motifs d’ordre humanitaires

65. Dans le cas de l’appel visé aux paragraphes 63(1) ou (2) d’une décision portant sur une demande au titre du regroupement familial, les motifs d’ordre humanitaire ne peuvent être pris en considération que s’il a été statué que l’étranger fait bien partie de cette catégorie et que le répondant a bien la qualité réglementaire.

 

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

Humanitarian and compassionate considerations

65. In an appeal under subsection 63(1) or (2) respecting an application based on membership in the family class, the Immigration Appeal Division may not consider humanitarian and compassionate considerations unless it has decided that the foreign national is a member of the family class and that their sponsor is a sponsor within the meaning of the regulations.

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :  

                                                            IMM-1514-13

 

INTITULÉ :

KUOK MIO IAO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            LE 12 AOÛT 2013

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :

                                                            LE JUGE EN CHEF CRAMPTON

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :

                                                            LE 16 DÉCEMBRE 2013

COMPARUTIONS :

Masao Morinaga

POUR LA DEMANDERESSE

 

Helen Park

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lawrence Wong & Associates

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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