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Date : 20130404

Dossier : IMM‑6679‑12

IMM‑7964‑12

 

Référence : 2013 CF 338

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 4 avril 2013

En présence de madame la juge Mactavish

 

 

ENTRE :

 

CORMAC JOSEPH LIDDY

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Cormac Joseph Liddy sollicite le contrôle judiciaire de deux décisions par lesquelles sa demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire a été rejetée. M. Liddy a fondé sa demande pour motifs d’ordre humanitaire sur plusieurs facteurs, dont l’intérêt supérieur de ses deux jeunes enfants.

 

[2]               À la conclusion de l’audience, j’ai informé les parties que j’estimais que l’agente d’immigration avait commis une erreur dans son évaluation de l’intérêt supérieur des enfants de M. Liddy, de sorte que les demandes de contrôle judiciaire seraient accueillies. Cette conclusion repose sur les motifs qui suivent.

 

Contexte

[3]               Dans sa demande de dispense pour des motifs d’ordre humanitaire, M. Liddy a cité un certain nombre de raisons pour lesquelles l’intérêt de ses enfants serait compromis s’il était obligé de retourner en Irlande. Celles‑ci comprenaient le fait que ses enfants seraient séparés de leur père pour une durée indéterminée ou de façon permanente, les dommages moraux infligés aux enfants en conséquence, et le fait que le renvoi du Canada de M. Liddy nuirait à sa capacité de subvenir aux besoins de ses enfants.

 

[4]               L’agente d’immigration a rendu une décision initiale fondée sur plusieurs séries d’observations présentées par M. Liddy, concernant, entre autres, l’intérêt supérieur des enfants de M. Liddy. L’agente a conclu que l’octroi d’une dispense pour des motifs d’ordre humanitaire n’était pas justifié.

 

[5]               Toutefois, avant que cette décision n’ait été transmise à M. Liddy, l’agente a appris que M. Liddy avait fait parvenir une autre série d’observations à son bureau quelques jours avant la prise de la décision, observations dont elle ne disposait pas lorsqu’elle avait rendu sa décision. L’agente a donc décidé de réexaminer sa décision à la lumière des observations additionnelles, ce qui l’a amenée à rendre une seconde décision, dans laquelle elle a aussi conclu que les circonstances décrites par M. Liddy ne justifiaient pas l’octroi d’une dispense pour des motifs d’ordre humanitaire.

 

[6]               M. Liddy a sollicité le contrôle judiciaire de chacune des décisions, et les motifs qui suivent se rapportent aux deux demandes.

 

ANALYSE

[7]               L’agente a admis que, avant que le couple ne se sépare, M. Liddy et son épouse [traduction] « assumaient à parts égales le rôle de principaux fournisseurs de soins » de leurs enfants. L’agente a également admis que la rupture du mariage de M. Liddy avait sans aucun doute été un fait marquant dans la vie de ses enfants, qui avaient six et sept ans au moment de la décision. L’agente a aussi reconnu que les enfants verraient probablement leur père [traduction] « à l’occasion » seulement si celui‑ci était renvoyé du Canada.

 

[8]               L’agente a traité toutes les questions soulevées par M. Liddy quant à l’intérêt supérieur de ses enfants. Dans chaque cas, l’agente a conclu que M. Liddy n’avait pas réussi à démontrer que lui ou ses enfants seraient exposés à des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives s’il était renvoyé du Canada.

 

[9]               La jurisprudence enseigne que lorsque la question de l’intérêt supérieur des enfants est soulevée dans le cadre d’une demande de dispense fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, la tâche d’un agent d’immigration consiste à tenir compte de l’avantage pour les enfants à ce que le parent ne soit pas renvoyé du Canada ainsi que des difficultés que subiraient les enfants si le parent était renvoyé : Hawthorne c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] 2 CF 555, 2002 CAF n475 (CAF), au paragraphe 4. Le critère des « difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives » n’est pas approprié lorsqu’il s’agit d’évaluer l’intérêt supérieur de l’enfant : Hawthorne, précité, au paragraphe 9; E.B. c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 110; Sinniah c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1285.

 

[10]           L’intérêt supérieur des enfants ne déterminera pas l’issue d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Il incombe plutôt à l’agent de décider du poids qu’il convient d’accorder à l’intérêt supérieur des enfants compte tenu de tous les autres facteurs en cause dans l’affaire : Legault c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, aux paragraphes 12 à 14; Kisana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 189, au paragraphe 24.

 

[11]           La simple utilisation des termes « difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives » dans l’analyse de l’« intérêt supérieur d’un enfant » ne donne pas automatiquement à une décision fondée sur des motifs d’ordre humanitaire un caractère déraisonnable. Il suffit qu’à la lecture de la décision dans son ensemble il ressorte clairement que l’agent a appliqué le bon critère et procédé à une analyse appropriée : Segura c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 894, [2009] ACF no 1116 (QL), au paragraphe 29.

 

[12]           Ce ne semble pas avoir été le cas dans la présente affaire. Nulle part dans les motifs de l’agente n’est‑il mention des avantages que tireraient les enfants de M. Liddy si celui‑ci était autorisé à demeurer au Canada. De plus, même si l’agente a examiné chacun des facteurs mentionnés par M. Liddy relativement à l’intérêt supérieur des enfants, elle a conclu son analyse de chaque point en affirmant expressément que M. Liddy n’avait pas réussi à montrer que lui ou ses filles subiraient des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives s’il était forcé de quitter le Canada.

 

[13]           Il est donc clair d’après les motifs de l’agente que celle‑ci a commis une erreur en faisant équivaloir la situation de M. Liddy à celle de ses enfants et en appliquant le critère des « difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives » aux deux cas. Il est tout simplement impossible d’interpréter les motifs autrement. L’agente a ensuite répété l’erreur dans la seconde décision qu’elle a rendue, dans laquelle elle a réexaminé sa décision initiale à la lumière des observations dont il n’avait pas été tenu compte.

 

[14]           Il était en outre déraisonnable de la part de l’agente d’insister sur des éléments de preuve concernant précisément les effets de la séparation d’avec le père sur le bien‑être des enfants. De tels éléments de preuve pourraient être requis si la situation d’un enfant était inhabituelle – si, par exemple, un enfant était atteint d’une incapacité qui le rendait particulièrement vulnérable à une rupture ou à une séparation. Cependant, l’agent peut être réputé savoir que, règle générale, un enfant qui vit au Canada avec son parent se trouve dans une meilleure position qu’un enfant vivant au Canada sans son parent : Hawthorne, précité, au paragraphe 5.

 

Conclusion

[15]           Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. Compte tenu de ma conclusion à cet égard, il n’est pas nécessaire de traiter des autres questions soulevées par M. Liddy dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, qui ont trait pour la plupart au caractère équitable du processus d’évaluation de sa demande.

 

[16]           Je conviens avec les parties qu’aucune question pour certification ne se pose en l’espèce.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE :

 

1.         La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre agent d’immigration pour nouvelle décision.

 

 

« Anne L. Mactavish »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Myra‑Belle Béala De Guise

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑6679‑12 et IMM‑7964‑12

 

INTITULÉ :                                      CORMAC JOSEPH LIDDY c

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 2 avril 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 4 avril 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Aisling Bondy

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Veronica Cham

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

AISLING BONDY

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

WILLIAM F. PENTNEY

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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