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Date : 20140306

Dossier : IMM-994-13

Référence : 2014 CF 219

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 mars 2014

En présence de monsieur le juge Manson

 

ENTRE :

 

VICTOR AZHAEV

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]        Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle S. Behrue, un agent d’exécution de la loi des services intérieurs [l’agent], en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi], a rejeté la demande de report du renvoi du Canada.

 

I.          Question

[2]               A.  La présente demande de contrôle judiciaire n’a-t-elle qu’un intérêt théorique?

i.        Dans l’affirmative, la Cour devrait-elle néanmoins exercer son pouvoir discrétionnaire et l’entendre sur le fond?

                 

II.        Contexte

[3]               Le demandeur est un citoyen d’Israël. Il est venu au Canada la première fois le 16 décembre 2008 grâce à un permis de résidence temporaire de six mois. Le 22 juin 2009, il a présenté une demande d’asile. Sa demande a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié le 10 avril 2012 et la Cour fédérale a rejeté sa demande d’autorisation le 3 juillet 2012.

 

[4]               Le demandeur a présenté une demande de résidence permanente au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada [demande de résidence permanente] le 20 juillet 2012.

 

[5]               Le 15 janvier 2013, le demandeur a été avisé qu’il faisait l’objet d’une mesure de renvoi exécutoire et a été convoqué dans les locaux de l’Agence des services frontaliers du Canada [ASFC] à Toronto pour le 31 janvier 2013.  

 

[6]               Le 24 janvier 2013, la demande de résidence permanente du demandeur a été acceptée en principe.

 

[7]               Le 26 janvier 2013, le demandeur a épousé Svetlana Batyrshina, qu’il avait désignée comme sa répondante dans sa demande de résidence permanente.

 

[8]               Le 30  janvier 2013, les agents de l’ASFC ont procédé à la vérification du respect des conditions de cautionnement. Le demandeur ne vivait pas à l’adresse indiquée.

 

[9]               Le 31 janvier 2013, le demandeur s’est rendu dans les bureaux de l’ASFC et a reconnu qu’il vivait plutôt en union de fait avec une autre femme et que son mariage avec Mme Batyrshina avait été un mariage de convenance.

 

[10]           Le 2 février 2013, le demandeur a été avisé que sa mesure de renvoi allait être exécutée le l7 février 2013.  

 

[11]           Le 4 février 2013, la demande de résidence permanente du demandeur a été rejetée.

 

[12]           Le 6 février 2013, le demandeur a demandé que sa mesure de renvoi soit reportée de 30 à 60 jours ou jusqu’à ce qu’il ait la possibilité d’obtenir le contrôle judiciaire de la décision de la Cour fédérale rejetant sa demande de résidence permanente. La demande de renvoi a été rejetée le jour même par l’agent, et le demandeur a immédiatement sollicité le contrôle judiciaire de cette décision, lequel fait l’objet de la présente instance.

 

[13]           Dans sa lettre de refus, l’agent a déclaré ceci :

[traduction]

L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) est tenue en vertu de l’article 48 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés d’exécuter les mesures de renvoi dans les plus brefs délais. Après avoir examiné votre demande, je ne suis pas d’avis que le report de l’exécution de la mesure se justifie dans les circonstances de l’espèce.

 

 

[14]           Le 7 février 2013, le juge John A. O’Keefe a accordé un sursis de la mesure de renvoi jusqu’à ce que la présente demande soit entendue ou que l’autorisation soit refusée.

 

[15]           Le 19 février 2013, le demandeur a présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision du 4 février 2013 rejetant sa demande de résidence permanente.   

 

[16]           Le 25 juin 2013, le juge en chef Paul S. Crampton a refusé d’autoriser le contrôle judiciaire de la décision rejetant la demande de résidence.

 

[17]           Compte tenu des faits qui m’ont été présentés, je considère que la présente affaire n’a qu’un intérêt théorique pour les raisons suivantes.

 

III.       Analyse

[18]           Le demandeur soutient que la Cour peut exercer son pouvoir discrétionnaire s’il existe un rapport contradictoire entre les parties, s’il lui faut trancher dans un souci d’économie des ressources judicaires et si, par sa décision, elle ne s’ingérera pas dans le domaine législatif (Borowski c Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342 [arrêt Borowski]).

 

[19]           Le demandeur avance que le rapport contradictoire existe toujours, étant donné que le défendeur et lui‑même ont des idées différentes sur le délai qui devrait être accordé au demandeur pour liquider ses biens avant d’être renvoyé du Canada.  

 

[20]           Le demandeur prétend aussi que des « circonstances personnelles impérieuses » justifient le report de l’exécution de la mesure (Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) c Shpati, 2011 CAF 286, au paragraphe 44; Ramada c Canada (Solliciteur général), 2005 CF 1112, au paragraphe 3). Ces circonstances impérieuses comprennent le défaut de l’agent de tenir compte de l’intérêt supérieur du fils du demandeur (Kolosovs c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 165, au paragraphe 7) ainsi que les obstacles linguistiques qui ont occasionné le rejet de sa demande de résidence permanente.  

 

[21]           Le demandeur a présenté une demande de sursis de la mesure de renvoi le 6  février 2013 dans l’espoir de rester au Canada durant 30 à 60 jours après la date de la décision de report ou jusqu’à ce que sa demande de contrôle judiciaire de la décision rejetant sa demande de résidence soit instruite. Comme le délai demandé s’était déjà écoulé et que l’autorisation de contrôle judiciaire du rejet de sa demande de résidence permanente avait été refusée, un contrôle judiciaire de la décision relative au sursis du renvoi est devenu théorique et il n’y a plus de litige actuel à résoudre entre les parties compte tenu du litige qui a donné naissance à l’action initiale (arrêt Borowski, précité, au paragraphe 15).

 

[22]           Bien que la Cour ait le pouvoir discrétionnaire de statuer sur le bien-fondé de la présente demande, selon les principes énoncés dans l’arrêt Borowski, je ne suis pas d’accord avec le demandeur sur l’existence d’un contexte contradictoire dans la présente affaire. Dans l’arrêt Borowski, la Cour suprême a décrit le contexte contradictoire comme un contexte où surviennent des « conséquences accessoires » dans des instances connexes. Par exemple, si le règlement d’une question dans le cadre d’une affaire qui serait devenue théorique pouvait éventuellement donner lieu à un recours en responsabilité ou à une poursuite dans une instance connexe entre les parties, cela signifie que le contexte contradictoire existe toujours entre les parties. Dans la présente affaire, aucune conséquence accessoire ne découlera de la décision de savoir si l’agent a fait erreur.

 

[23]           Le deuxième facteur énoncé dans l’arrêt Borowski, à savoir l’économie des ressources judiciaires, est aussi défavorable au demandeur. Dans un sens, le souci des ressources judiciaires exige qu’on évite de gaspiller des ressources judiciaires limitées si la question est purement théorique (arrêt Borowski, au paragraphe 34). Ce facteur n’est pas pertinent en l’espèce étant donné que les ressources judiciaires ont déjà été consacrées à la présente affaire. Toutefois, dans l’arrêt Borowski, le juge estime qu’il est justifié d’affecter des ressources judiciaires pour résoudre tout flou dans la loi afin de favoriser la prompte résolution de litiges semblables éventuels (arrêt Borowski, au paragraphe 35). L’argument qu’a présenté le demandeur à la Cour en faveur de l’exercice du pouvoir discrétionnaire est essentiellement fondé sur ce principe. Il soutient qu’il sera utile aux futurs plaideurs, lui‑même y compris, de clarifier la jurisprudence relative aux « circonstances personnelles impérieuses » qui justifient le sursis d’une mesure de renvoi. Cependant, la Cour suprême dans l’arrêt Borowski a précisément fait une mise en garde contre l’application de ce facteur de la manière préconisée par le demandeur, au paragraphe 36 :

Le simple fait, cependant, que la même question puisse se présenter de nouveau, et même fréquemment, ne justifie pas à lui seul l'audition de l'appel s'il est devenu théorique.  Il est préférable d'attendre et de trancher la question dans un véritable contexte contradictoire, à moins qu'il ressorte des circonstances que le différend aura toujours disparu avant d'être résolu.

 

 

[24]           J’estime que ce facteur milite également contre l’audition de la présente demande. 

 

[25]           Le troisième principe énoncé dans l’arrêt Borowski n’est pas pertinent en l’espèce.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que

1.                  la demande est rejetée;

2.                  aucune question n’est à certifier.

 

 

« Michael D. Manson »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Marie-Michèle Chidiac, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-994-13  

 

INTITULÉ :                                      Azhaev c MSPPC

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 5 mars 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            Le juge Manson

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 6 mars 2014

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Joel Etienne

 

POUR LE DEMANDEUR

John Lancar

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Joel Etienne

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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