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Date : 20140318


Dossier :

IMM‑904‑13

 

Référence : 2014 CF 261

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 mars 2014

En présence de monsieur le juge Phelan

 

ENTRE :

VICTOR CUTBERTO AYALA LOPEZ

EVELYN RUIZ PANTOJA

ESTEBAN AYALA RUIZ

GENESIS THALIA AYALA RUIZ

 

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

I.          INTRODUCTION

[1]               La Cour est saisie du contrôle judiciaire d’une décision par laquelle était refusée une demande de statut de résident permanent fondée sur des considérations d’ordre humanitaire (CH). Les demandeurs sont Victor Cutberto Ayala Lopez, sa femme et leurs deux enfants de 7 et 4 ans.

 

II.        CONTEXTE

[2]               La disposition législative applicable à la décision de l’agente d’immigration [l’agente] est l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LPIR] :

25. (1) Sous réserve du paragraphe (1.2), le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui demande le statut de résident permanent et qui soit est interdit de territoire — sauf si c’est en raison d’un cas visé aux articles 34, 35 ou 37 —, soit ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada — sauf s’il est interdit de territoire au titre des articles 34, 35 ou 37 — qui demande un visa de résident permanent, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

 

 

 

 

(1.3) Le ministre, dans l’étude de la demande faite au titre du paragraphe (1) d’un étranger se trouvant au Canada, ne tient compte d’aucun des facteurs servant à établir la qualité de réfugié — au sens de la Convention — aux termes de l’article 96 ou de personne à protéger au titre du paragraphe 97(1); il tient compte, toutefois, des difficultés auxquelles l’étranger fait face.

25. (1) Subject to subsection (1.2), the Minister must, on request of a foreign national in Canada who applies for permanent resident status and who is inadmissible — other than under section 34, 35 or 37 — or who does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada — other than a foreign national who is inadmissible under section 34, 35 or 37 — who applies for a permanent resident visa, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

 

 

(1.3) In examining the request of a foreign national in Canada, the Minister may not consider the factors that are taken into account in the determination of whether a person is a Convention refugee under section 96 or a person in need of protection under subsection 97(1) but must consider elements related to the hardships that affect the foreign national.

[3]               Les demandeurs sont citoyens du Mexique; ils vivent au Canada depuis quatre ans. Leur demande d’asile et leur demande de contrôle judiciaire ont été rejetées. Ils ont ensuite présenté une demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, l’affaire qui nous occupe en l’espèce.

 

[4]               Selon l’agente, la demande des demandeurs comportait trois éléments : a) le père avait été menacé par les membres d’une organisation criminelle au Mexique, ce qui les empêchait de retourner dans leur ville de résidence, b) la famille était établie au Canada et serait exposée à des difficultés si elle était forcée de quitter le pays, et c) il était dans l’intérêt supérieur des enfants que ces derniers demeurent au Canada.

 

[5]               L’agente a fait état des dispositions législatives qu’elle était tenue d’appliquer, plus particulièrement des paragraphes 25(1) et (1.3) de la LPIR, dans leur version modifiée par la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés, LC 2010, c 8. Elle a conclu qu’il incombait aux demandeurs de démontrer que le dépôt d’une demande de résidence permanente depuis l’étranger constituerait une difficulté inhabituelle et injustifiée ou excessive.

 

[6]               S’agissant du degré d’établissement des demandeurs, l’agente a d’abord mentionné que les demandeurs se trouvaient au Canada depuis seulement quatre ans, que l’aîné des enfants fréquentait l’école, mais que ce n’était pas le cas du plus jeune. La mère travaillait comme caissière depuis 2011. L’agente a tenu compte des éléments de preuve relatifs au travail bénévole du père, mais n’a pas pu conclure que ce bénévolat avait été effectué pendant plus d’un mois. Depuis, le père travaillait comme opérateur de bétonnière et il avait obtenu des évaluations positives de son rendement qui, selon l’agente, jouaient en sa faveur; cependant, l’agente n’a pas ajouté foi à l’assertion selon laquelle son employeur aurait de la difficulté à le remplacer. L’agente a reconnu le fait qu’une entreprise de vente de voitures avait été immatriculée au nom du père, tout en soulignant que rien ne démontrait que l’entreprise faisait réellement des affaires, possédait des actifs ou avait créé de l’emploi pour des Canadiens.

S’appuyant sur ces facteurs, l’agente a conclu que le degré d’établissement des demandeurs était un facteur positif, mais qu’il n’avait rien d’exceptionnel. En effet, en matière d’établissement, la situation des demandeurs était celle à laquelle on s’attendrait de toute personne qui vit au Canada et espère obtenir la résidence permanente.

 

[7]               En ce qui concerne l’intérêt supérieur des enfants, l’agente a estimé que, malgré l’importance de ce facteur, ce n’en était qu’un parmi d’autres dans l’analyse des difficultés. L’agente a conclu que les enfants n’avaient pas créé de liens importants avec le Canada et qu’ils pourraient s’adapter à leur retour au Mexique. Aucun élément de preuve n’avait été présenté quant aux répercussions psychologiques négatives sur les enfants du retour de la famille au Mexique ou de la perspective de grandir dans des conditions économiques ou sociales défavorables.

 

[8]               Enfin, l’agente a passé en revue d’autres facteurs, y compris la débrouillardise et la capacité d’adaptation des parents. Étant donné qu’ils avaient été en mesure de s’établir au Canada et d’y trouver du travail, l’agente a estimé qu’ils seraient probablement en mesure de le faire dans une autre ville mexicaine que leur ville d’origine. Il se peut que les demandeurs aient au Mexique un niveau de vie inférieur à celui dont ils profitent actuellement au Canada, mais leur situation serait tout simplement celle d’autres citoyens mexicains vivant dans des conditions semblables.

 

[9]               L’agente a conclu de toute cette analyse que les considérations d’ordre humanitaire ne justifiaient pas d’accepter les demandes de résidence permanente des demandeurs.

 

III.       ANALYSE

[10]           Il est bien établi que la norme de contrôle qui s’applique aux décisions en matière d’établissement est celle de la décision raisonnable (Tindale c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 236, 407 FTR 9 [Tindale]; Diabate c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 129, 427 FTR 87).

 

[11]           Les demandeurs soutiennent que la décision est déraisonnable parce que l’agente n’a pas justifié ses conclusions. En fait, les demandeurs soutiennent que l’agente n’a pas expliqué en quoi leur situation n’était pas exceptionnelle.

 

[12]           Respectueusement, j’estime que cet argument a pour effet d’inverser le fardeau de la preuve. C’est aux demandeurs qu’il incombe de démontrer pour quelles raisons leur situation était exceptionnelle. De plus, ils doivent démontrer que cette situation exceptionnelle entraînera des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives s’ils sont obligés de déposer leur demande de résidence permanente depuis l’étranger.

 

[13]           L’agente a exposé clairement son raisonnement lorsqu’elle a expliqué les facteurs pris en compte et la valeur accordée aux principaux éléments de preuve. Il est inexact d’alléguer que l’agente n’a pas tenu compte des aspects chronologiques de l’affaire. Elle a bel et bien mentionné les quatre années passées au Canada et les événements qui se sont passés au cours de cette période (voir le dossier certifié du tribunal, page 6). Lorsqu’elle n’accordait pas beaucoup de poids aux éléments de preuve, elle s’expliquait. Par exemple, elle n’a guère accordé d’importance aux activités bénévoles du père étant donné que la preuve documentaire démontrait qu’il avait fait du bénévolat pendant seulement un mois. De la même façon, elle n’a pas attribué beaucoup d’importance à l’entreprise de vente d’automobiles étant donné qu’elle ne disposait, outre le certificat d’immatriculation de l’entreprise, d’aucun élément de preuve établissant que cette dernière faisait réellement des affaires. L’agente a aussi expliqué pour quelles raisons la situation des demandeurs n’avait rien d’[traduction] « exceptionnel » (voir le dossier certifié du tribunal, page 7).

 

[14]           Les demandeurs se plaignent en fait du poids que l’agente a accordé à la preuve et ils souhaitent que la Cour réévalue ladite preuve. Or, c’est une chose que la Cour ne peut pas et ne doit pas faire. L’article 25 a un caractère hautement discrétionnaire (c’est une exception à la règle générale) et il faut faire preuve de déférence à l’égard du défendeur lorsqu’un fonctionnaire de ce dernier a justifié par un raisonnement clair et raisonnable une conclusion qui est elle‑même raisonnable.

 

[15]           Les décisions Adu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 565, 139 ACWS (3d) 164, Cobham c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 585, 178 ACWS (3d) 421, et Tindale portent toutes sur des situations où le demandeur ignorait les véritables raisons de la décision de la CISR le concernant et où le demandeur avait passé beaucoup plus de temps au Canada, ce qui renforçait la présomption d’établissement. Cela n’est pas le cas en l’espèce. Dans ces affaires, la décision contestée ne possédait pas les qualités mentionnées au paragraphe 14. J’estime, contrairement à ce qu’affirme le défendeur, que l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Newfoundland and Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708, n’a pas nécessairement affaibli la valeur de précédent des décisions susmentionnées, mais je n’ai pas à trancher cette question.

 

[16]           Par conséquent, je ne vois rien de déraisonnable dans la décision qui fait l’objet du contrôle.

 

IV.       CONCLUSION

[17]           La présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

IMM‑904‑13

 

INTITULÉ :

VICTOR CUTBERTO AYALA LOPEZ, EVELYN RUIZ PANTOJA, ESTEBAN AYALA RUIZ, GENESIS THALIA AYALA RUIZ c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            Le 10 DÉCEMBRE 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :

                                                            Le juge PHELAN

DATE DES MOTIFS :

                                                            Le 18 mars 2014

COMPARUTIONS :

Ram Sankaran

 

POUR LES demandeurs

 

Brad Hardstaff

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stewart Sharma Harsanyi

Avocats

Calgary (Alberta)

 

POUR LES demandeurs

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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