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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20130326

Dossier : T‑1801‑10

Référence : 2013 CF 307

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 26 mars 2013

En présence de monsieur le juge Russell

 

ENTRE :

 

BRITISH COLUMBIA LOTTERY CORPORATION

 

 

 

appelante

 

et

 

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

intimé

 

 

 

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

INTRODUCTION

[1]               La Cour est saisie d’une requête présentée en vertu du paragraphe 51(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles des Cours fédérales), visant à interjeter appel de la décision en date du 15 octobre 2012 par laquelle la protonotaire Milczynski a fait droit à la requête présentée par l’appelante en vue d’obtenir une ordonnance de confidentialité en vertu des paragraphes 55(1) et 73.21(4) de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, LC 2000, c 17 (la Loi), et de l’article 151 des Règles des Cours fédérales.

CONTEXTE

[2]               La Colombie‑Britannique Lottery Corporation (BCLC) est une société d’État de la Colombie‑Britannique qui a pour mandat de diriger, gérer et exploiter des activités de loterie, de casino, et de jeux de hasard et d’argent en Colombie‑Britannique. La BCLC est régie par la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, LC 2000, c 17 (la Loi), qui impose certaines obligations en matière de tenue de documents, d’identification des clients et de déclarations d’opérations financières.

[3]               Le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (le CANAFE) est un organisme indépendant créé en vertu de la loi qui recueille des renseignements utiles pour la détection, la prévention et la dissuasion en matière de recyclage des produits de la criminalité et de financement des activités terroristes. Le CANAFE a notamment pour mission d’effectuer des contrôles et des vérifications de conformité en vue de contraindre les entités réglementées comme la BCLC à se conformer à la loi. Les vérifications aident le CANAFE à déterminer la conformité à la Loi et à faciliter l’application de celle‑ci.

[4]               Le 30 octobre 2009, au terme de son examen de la conformité, le CANAFE a exigé de la BCLC qu’elle produise certains documents. Le 29 janvier 2010, le CANAFE a remis à la BCLC un rapport de vérification qui signalait certaines lacunes dans les rapports produits par la BCLC. La BCLC a répondu en affirmant qu’elle avait pris des mesures à l’égard de chacune des catégories de violations. Le 15 juin 2010, le CANAFE a dressé un procès‑verbal indiquant que la BCLC ne s’était pas conformée à la Loi du fait des lacunes constatées lors de la vérification.

[5]               La BCLC a demandé le 30 juin 2010 le réexamen du procès‑verbal et présenté des observations complémentaires le 3 août 2010. Dans une décision datée du 1er octobre 2010, le directeur du CANAFE a confirmé le procès‑verbal et a condamné la BCLC à une sanction pécuniaire administrative de 695 750 $. L’appel, interjeté par la BCLC, de la décision du directeur du CANAFE constitue la procédure sous‑jacente au présent appel.

[6]               Entre‑temps, des médias de la Colombie‑Britannique avaient rapporté que le CANAFE avait condamné la BCLC à d’importantes sanctions administratives pécuniaires. La Canadian Broadcasting Corporation/Société Radio‑Canada (la SRC), a déposé auprès de la BCLC, en vertu de la Freedom of Information and Protection of Privacy Act de la Colombie‑Britannique, RSBC c 165, des demandes visant à obtenir les documents suivants (les documents) :

a.                   tout procès‑verbal signifié à la BCLC par le CANAFE;

b.                  tout rapport de vérification établi par le CANAFE et remis à la BCLC;

c.                   tout document préparé en réponse par la BCLC et remis au CANAFE;

d.                  la décision par laquelle le CANAFE a confirmé la violation.

 

[7]               La BCLC a refusé de communiquer les renseignements en question à la SRC. Par conséquent, la SRC a réclamé la tenue d’une enquête du commissariat à l’information et à la protection de la vie privée de la Colombie‑Britannique (Office of the Information and Privacy Commission of British‑Columbia ou BCOIPC). Le BCOIPC a ordonné la communication des documents en question. La BCLC a déposé le 10 mai 2012 une requête visant à obtenir une ordonnance de confidentialité portant sur les documents en question, constituant la requête sous‑jacente au présent appel.

[8]               Le 15 octobre 2012, la protonotaire Milczynski a conclu que le paragraphe 73.21(4) de la Loi est une disposition expresse de non‑divulgation qui s’applique aux renseignements visés au paragraphe 55(1) de la Loi. Elle a estimé que les documents portaient sur des « opérations financières visées par règlement » et que ces documents tombaient par conséquent sous le coup du paragraphe 55(1) de la Loi. Elle a ordonné la mise sous scellés des documents. Le procureur général interjette appel de l’ordonnance par laquelle la protonotaire Milczynski a ordonné que les documents en questions soient déposés et conservés conformément à l’article 152 des Règles des Cours fédérales.

DÉCISION À L’EXAMEN

[9]               La décision faisant l’objet de l’appel est l’ordonnance en date du 15 octobre 2012 par laquelle la protonotaire a fait droit à la requête présentée par la BCLC en vue d’obtenir une ordonnance de confidentialité en vertu du paragraphe 73.21(4) de la Loi et de l’article 151 des Règles des Cours fédérales, ainsi qu’une ordonnance préservant la confidentialité de l’audience.

[10]           La protonotaire Milczynski a fait observer que, comme la requête ne comportait pas de contestation constitutionnelle, le litige concernait l’application de la Loi. Elle a estimé qu’en l’absence de contestation constitutionnelle, ni le critère énoncé dans l’arrêt Sierra Club du Canada, [2002] 2 RCS 522, ni l’interprétation atténuée d’une disposition législative de manière à rendre la restriction la plus conforme possible à l’intérêt du public envers la publicité des débats judiciaires ou à la Charte canadienne des droits et libertés n’entraient en jeu. La protonotaire a estimé que la Loi était claire quant à la nature des renseignements qui doivent demeurer confidentiels et mis sous scellés, que la mesure soit prise par le CANAFE ou par la Cour dans le cadre de l’appel d’une décision du directeur. La protonotaire a conclu que, même si une certaine portion des renseignements visés par le paragraphe 55(1) de la Loi pourrait ne pas répondre au critère de la confidentialité prévu à l’article 151 des Règles des cours fédérales, c’était cette loi qui devait s’appliquer.

[11]           La protonotaire Milczynski a fait observer que l’ordonnance de mise sous scellés demandée par la BCLC avait une portée trop large en ce sens qu’elle cherchait à faire déclarer confidentiel chaque document et chaque renseignement en cause parce qu’il était trop difficile, en pratique, de retirer ou d’expurger les éléments assujettis à la Loi par rapport à ceux qui ne l’étaient pas. La protonotaire Milczynski a rappelé que la Cour ne devait prononcer une ordonnance de confidentialité que dans des circonstances exceptionnelles, de sorte que seuls les renseignements mentionnés dans la Loi seraient visés par la requête de mise sous scellés. Dans la mesure où, au cours de l’appel, la protection de documents additionnels (exclus de l’application du paragraphe 55(1)) pourrait être demandée, la partie qui demanderait cette mesure devrait introduire une nouvelle requête.

[12]           La protonotaire Milczynski a signalé qu’il fallait tenir compte jusqu’à un certain point d’autres dispositions de la Loi pour déterminer quels renseignements étaient visés par le paragraphe 55(1) de la Loi, mais qu’en l’espèce les renseignements étaient exhaustifs et clairement définis. La BCLC a soutenu que la Cour devait tenir compte de l’objet de la Loi, de considérations de principe et de l’intérêt public pour déterminer si les renseignements devaient demeurer confidentiels. La SRC a quant à elle affirmé que chaque document devait être examiné en respectant des principes établis pour s’assurer que seuls les renseignements satisfaisant au critère énoncé dans l’arrêt Sierra Club demeurent confidentiels. La SRC était préoccupée par la très large portée de l’ordonnance demandée par la BCLC, et a rappelé que le principe de la publicité des débats et le droit à la liberté d’expression constituaient des aspects fondamentaux des droits garantis par la Charte.

[13]           La SRC a fait valoir que la Cour devait d’abord examiner le libellé de la Loi pour déterminer si le législateur entendait clairement interdire l’accès à la procédure et aux documents déposés. Elle a également soutenu que l’obligation de non‑divulgation imposée au CANAFE par le paragraphe 55(1) ne valait que pour la partie 3 de la Loi et que les documents dont la SRC demandait la divulgation avaient trait à l’application de la partie 1 de la Loi.

[14]           La protonotaire Milczynski a conclu que les observations de la SRC ne tenaient pas compte du libellé clair et non ambigu du paragraphe 55(1) de la Loi, qui ne fait pas référence à des documents précis, mais aux renseignements qu’ils contiennent. Les renseignements que l’on cherche à protéger dans la présente instance concernent la manière dont la BCLC consigne, surveille ou traite de quelque autre façon les opérations financières impliquant des activités de blanchiment d’argent et des activités terroristes susceptibles d’être décelées et signalées. Les renseignements en question ont trait aux opérations financières que la BCLC déclare au CANAFE en conformité avec l’article 9 de la Loi, aux renseignements obtenus dans le cadre de l’administration et de l’application de la partie 3 de la Loi, et aux renseignements préparés par le CANAFE à partir des renseignements mentionnés à l’alinéa 55(1)b) de la Loi. Le législateur a voulu que la Loi protège les données recueillies par le CANAFE, de même que les renseignements sur la façon dont le Centre assure le respect de la Loi.

[15]           Le procureur général du Canada (le PG), intimé en l’espèce, a soutenu que l’ordonnance sollicitée par la BCLC avait une portée trop large et qu’elle allait à l’encontre du principe de la publicité des débats, ajoutant que le paragraphe 55(1) ne justifiait pas une telle ordonnance. Le PG était d’avis que le paragraphe 73.21(4) de la Loi n’imposait pas à la Cour l’obligation d’ordonner la mise sous scellés des renseignements, et qu’il appartenait à la Cour d’user de son pouvoir discrétionnaire concernant la manière d’empêcher la divulgation de renseignements. Le PG a affirmé que la Cour pouvait permettre la communication de certains documents visés par le paragraphe 55(1) de la Loi, après les avoir examinés et analysés, en appliquant le critère de l’arrêt Sierra Club et après avoir conclu que ces documents ne commandaient pas la protection prévue à ce paragraphe.

[16]           La protonotaire Milczynski a fait observer qu’en l’absence de contestation constitutionnelle des dispositions de non‑divulgation de la Loi, rien ne justifiait la Cour de se livrer à l’analyse et à la pondération suggérées par le PG. Cet exercice ne pouvait avoir lieu selon elle que pour des documents non visés par le paragraphe 55(1). En ce qui concerne les documents qui intéressaient particulièrement la SRC, la protonotaire Milczynski a conclu qu’ils satisfaisaient nettement aux conditions prévues par la Loi. Elle a également conclu, en ce qui concerne les autres documents visés par le paragraphe 73.21(4) de la Loi que l’obligation de non‑divulgation était claire et non ambiguë, et elle a relevé qu’il « serait peu logique » que l’article 73.21 – qui porte que ce n’est qu’au terme de la procédure en violation que l’on peut rendre les renseignements publics – « fasse partie de la Loi si, par ailleurs, dans le déroulement de l’instance devant cette Cour, tous les renseignements touchant la violation étaient déjà divulgués ».

[17]           La protonotaire Milczynski a fait observer que le jugement Canada (Commissaire à l’information) c Canada (Premier ministre), [1993] 1 CF 427 (1re inst.), aux paragraphes 89 à 92, portait directement sur la question, étant donné que dans cette affaire, il y avait une dérogation expresse à un droit protégé :

L’avocat de Mme Calamai fait valoir qu’il ne conteste pas la constitutionnalité de l’article 14, qu’en fait ce dernier est valide, et qu’il est des cas où le refus de communication serait justifié. Il se trouve cependant que si l’article 14 habilite expressément le gouvernement à limiter un droit réputé protégé (accès aux documents de l’administration fédérale), la contestation doit porter sur la validité constitutionnelle, l’applicabilité ou l’effet de l’article 14. Ce qui signifie l’obligation de se conformer à l’article 57 de la Loi sur la Cour fédérale.

 

Essayant de tourner [sic] l’article 57, l’avocat de Mme Calamai soutient que l’article 14 doit être « interprété » par référence à l’alinéa 2b) de la Charte et que pareille démarche est différente de la contestation de la validité, de l’applicabilité ou de l’effet de cet article.

 

Bien qu’il y ait des cas où un argument touchant l’interprétation d’une loi ne remet pas en question sa validité, son applicabilité ou son effet, je ne peux conclure, à la lumière des arguments présentés, que tel est le cas en l’espèce. L’avocat de Mme Calamai soutient que les renseignements en cause contribuent aux « valeurs fondamentales », créant ainsi une présomption de droit d’accès, et que dans ce cas, l’exception prévue à l’article 14 est circonscrite par l’alinéa 2b ) de la Charte. À supposer qu’il soit accueilli, je pense que cet argument aurait pour résultat de rendre inapplicable ou inopérante l’exception prévue à l’article 14 ou, à tout le moins, d’en limiter ou restreindre l’applicabilité ou l’effet lorsqu’il s’agit de documents relatifs aux valeurs fondamentales. S’il n’a pas pour résultat de limiter ou de restreindre l’applicabilité ou l’effet de l’exception, il ne servirait à rien d’« interpréter » l’article 14 par référence à la Charte.

 

En conséquence, voici les conclusions que je tire au sujet des arguments fondés sur la Charte :

 

[...] Faute de l’avis requis, qui pourra aboutir à l’audition d’autres arguments, je ne me prononcerai donc pas sur la contestation fondée en l’espèce sur la Charte.

 

 

[18]           Dans l’arrêt Bell Express Vu Limited Partnership c Rex, 2002 CSC 42, la Cour suprême du Canada a déclaré, au paragraphe 66, que « lorsqu’une loi n’est pas ambiguë, les tribunaux doivent donner effet à l’intention clairement exprimée par le législateur et éviter d’utiliser la Charte pour arriver à un résultat différent ». La Cour suprême du Canada a fait observer, au paragraphe 62 :

Les textes législatifs sont l’expression de la volonté du législateur. Ils complètent, modifient ou remplacent la common law. Plus précisément, lorsqu’une loi est en jeu dans une instance judiciaire, il incombe au tribunal (sauf contestation fondée sur des motifs d’ordre constitutionnel) de l’interpréter et de l’appliquer conformément à l’intention souveraine du législateur. À cet égard, bien qu’on affirme parfois qu’[traduction] « il convient que les tribunaux privilégient les interprétations tendant à favoriser les principes et les valeurs consacrés par la Charte plutôt que celles qui n’ont pas cet effet » (Sullivan, op. cit., p. 325), il importe de souligner le fait que, dans la mesure où notre Cour a reconnu un principe d’interprétation fondé sur le respect des « valeurs de la Charte », ce principe ne s’applique uniquement qu’en cas d’ambiguïté véritable, c’est‑à‑dire lorsqu’une disposition législative se prête à des interprétations divergentes, mais par ailleurs tout aussi plausibles l’une que l’autre.

 

 

[19]           La protonotaire Milczynski a conclu qu’à défaut de question constitutionnelle, comme l’exige l’article 57 de la Loi sur les Cours fédérales, il y avait lieu d’accorder l’ordonnance de confidentialité demandée dans le cas des renseignements visés par le paragraphe 55(1) de la Loi, même les renseignements désignés qui, autrement, n’auraient pu être protégés en application de l’article 151 des Règles des cours fédérales et du critère de l’arrêt Sierra Club. Compte tenu du contexte législatif, ni les principes consacrés par la Charte ni le critère prévu par la common law en ce qui concerne les ordonnances de mise sous scellés ne s’appliquaient.

[20]           La protonotaire Milczynski a estimé qu’il était préférable de laisser au juge appelé à statuer sur le fond de l’appel de se prononcer quant à la présence du public ou des journalistes à l’audience. Cette considération valait aussi pour toute éventuelle procédure interlocutoire qui pouvait avoir lieu avant l’audition de l’appel.

QUESTIONS EN LITIGE

[21]           La seule question en litige dans le présent appel est celle de savoir si la protonotaire Milczynski a commis une erreur flagrante en ordonnant que les renseignements et les documents visés au paragraphe 55(1) de la Loi soient déposés et conservés conformément à l’article 152 des Règles des Cours fédérales.

NORME DE CONTRÔLE

[22]           Dans l’arrêt Merck & Co. c Apotex Inc., 2003 CAF 488, la Cour d’appel fédérale déclare ce qui suit, au paragraphe 19 :

Le juge saisi de l’appel contre l’ordonnance discrétionnaire d’un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants :

 

a) l’ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l’issue du principal,

b) l’ordonnance est entachée d’erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits.

La Cour a expliqué que ce n’est que lorsque l’une ou l’autre des conditions préalables susmentionnées est remplie que le juge doit exercer son propre pouvoir discrétionnaire en examinant l’affaire de novo.

[23]           Par ailleurs, dans l’arrêt Conseil Mushkegowuk c Canada (Procureur général), 2011 CAF 133, la Cour d’appel fédérale a déclaré que la Cour devrait se montrer particulièrement réticente à intervenir dans les décisions discrétionnaires rendues par un protonotaire, au cours de la gestion de l’instance, sur des questions non essentielles.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[24]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent à la présente instance :

Interdiction : Centre
 
 

 (1) Sous réserve du paragraphe (3), des articles 52, 55.1, 56.1 et 56.2, du paragraphe 58(1) et des articles 65 et 65.1 de la présente loi et du paragraphe 12(1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, il est interdit au Centre de communiquer les renseignements :

 

a) contenus dans une déclaration visée à l’article 7;

a.1) contenus dans une déclaration visée à l’article 7.1;

 

b) contenus dans une déclaration visée à l’article 9;

b.1) contenus dans une déclaration visée à l’article 9.1;

b.2) qui ont été fournis sous le régime des articles 11.12 à 11.3, à l’exclusion des renseignements identificateurs visés au paragraphe 54.1(3);

 

 

c) contenus dans une déclaration — complète ou non — visée au paragraphe 12(1) ou un rapport visé à l’article 20;

 

d) se rapportant à des soupçons de recyclage des produits de la criminalité ou de financement des activités terroristes qui lui sont transmis volontairement;

 

e) préparés par le Centre à partir de renseignements visés aux alinéas a) à d);

 

 

f) obtenus dans le cadre de l’administration et l’application de la présente partie, à l’exception de ceux qui sont accessibles au public.

 

[...]

 

 

Huis clos
 
 

73.21 (4) À l’occasion d’un appel, la Cour fédérale prend toutes les précautions possibles, notamment en ordonnant le huis clos si elle le juge indiqué, pour éviter que ne soient communiqués de par son propre fait ou celui de quiconque des renseignements visés au paragraphe 55(1).

 

[...]

 

Publication
 

 Au terme de la procédure en violation, le Centre peut rendre publics la nature de la violation, le nom de son auteur et la pénalité imposée.

Disclosure by Centre prohibited
 

 (1) Subject to subsection (3), sections 52, 55.1, 56.1 and 56.2, subsection 58(1) and sections 65 and 65.1 of this Act and to subsection 12(1) of the Privacy Act, the Centre shall not disclose the following:

 

 

 

 

(a) information set out in a report made under section 7;

(a.1) information set out in a report made under section 7.1;

 

(b) information set out in a report made under section 9;

(b.1) information set out in a report referred to in section 9.1;

(b.2) information provided under sections 11.12 to 11.3 except for identifying information referred to in subsection 54.1(3);

 

(c) information set out in a report made under subsection 12(1), whether or not it is completed, or section 20;

 

 

(d) information voluntarily provided to the Centre about suspicions of money laundering or of the financing of terrorist activities;

 

(e) information prepared by the Centre from information referred to in paragraphs (a) to (d); or

 

(f) any other information, other than publicly available information, obtained in the administration or enforcement of this Part.

 

[...]

 

 

Precautions against disclosure
 

73.21 (4) In an appeal, the Court shall take every reasonable precaution, including, when appropriate, conducting hearings in private, to avoid the disclosure by the Court or any person or entity of information referred to in subsection 55(1).

 

[...]

 
Publication
 

 When proceedings in respect of a violation are ended, the Centre may make public the nature of the violation, the name of the person or entity that committed it, and the amount of the penalty imposed.

 

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Le procureur général (le PG)

[25]           Le PG souligne que la Loi prévoit de nombreuses mesures visant à protéger l’utilisation, la conservation et la divulgation des renseignements que le CANAFE reçoit ou recueille dans le cadre de l’exécution de son mandat. Mentionnons les suivantes :

                     le CANAFE doit pouvoir agir sans aucun lien de dépendance par rapport à tout organisme chargé de l’application de la Loi et aux autres entités à qui il est autorisé à communiquer des renseignements (al. 40a));

                     le CANAFE ne peut utiliser que les sources de renseignements énumérées pour mener son analyse (art. 54);

                     le CANAFE ne peut communiquer de renseignements qu’à un nombre restreint de destinataires désignés (par. 55(3), art. 55.1, 56.1);

                     le CANAFE ne peut divulguer au destinataire désigné que les renseignements factuels désignés qu’il a reçus ou recueillis (par. 55(7), 55.1(3), 56.1(5));

                     le CANAFE peut communiquer à tout organisme compétent chargé de l’application de la loi tout renseignement dont il prend connaissance et qu’il soupçonne de constituer une preuve de contravention à la partie 1 de la Loi (art. 65);

                     le CANAFE ne peut communiquer des renseignements qu’après avoir respecté les conditions minimales prévues par la loi;

                     le CANAFE peut faire l’objet, de la part du Commissaire à la protection de la vie privée, d’un examen des mesures qu’il a prises en vue de protéger les renseignements qu’il a recueillis ou reçus en application de la Loi (par. 72(2));

                     la Loi limite le pouvoir de contraindre le CANAFE, sous réserve de certaines exceptions précises.

[26]           Malgré ces garanties, la Loi prévoit certaines situations dans lesquelles des renseignements désignés peuvent ou doivent être communiqués. Le CANAFE doit communiquer certains renseignements factuels dans le contexte de certaines enquêtes ou poursuites. De plus, l’interdiction générale prévue à l’article 55 ne s’applique qu’au CANAFE, à ses employés et à ses entrepreneurs.

[27]           Le PG affirme que la protonotaire a commis une erreur de droit en déclarant que la Loi obligeait la Cour à rendre une ordonnance de mise sous scellés pour interdire la communication de tous les renseignements visés à l’article 55 au cours d’un appel. Le PG affirme qu’en édictant le paragraphe 73.21(4), le législateur a laissé aux tribunaux le soin de décider quelle mesure devait le cas échéant être prise pour protéger les renseignements au cours d’un appel.

Dispositions de nature facultative plutôt qu’impérative

[28]           Le PG affirme que le libellé utilisé par le législateur au paragraphe 73.21(4) de la Loi démontre son intention de protéger le pouvoir discrétionnaire de notre Cour et de lui permettre de décider des moyens qu’elle juge les meilleurs pour éviter la divulgation de renseignements personnels délicats au cours d’un appel. Aucune modification ou contestation constitutionnelle de la Loi n’est nécessaire pour s’assurer que notre Cour conserve la latitude nécessaire pour concevoir la réparation appropriée dans les circonstances de l’espèce. Le libellé actuel de la Loi confère nettement à la Cour ce pouvoir discrétionnaire.

[29]           Bien que notre Cour doive prendre « toutes les précautions possibles » pour protéger les renseignements visés au paragraphe 55(1), la Loi ne précise pas les moyens que la Cour peut prendre pour s’acquitter de cette obligation. Pour dégager le sens du paragraphe 73.21(4), la Cour doit interpréter les termes que le législateur a délibérément choisis en tenant compte du contexte global de la Loi (Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 RCS 27, au paragraphe 21).

[30]           Outre le libellé de la Loi elle‑même, le PG affirme que la jurisprudence appuie la proposition que notre Cour conserve toute latitude pour déterminer quels sont, selon elle, les meilleurs moyens d’éviter la divulgation de renseignements visés par la Loi. Dans l’arrêt Ruby c Canada (Solliciteur général), 2002 CSC 75, la Cour suprême du Canada a estimé que le libellé presque identique de dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels conférait au juge saisi d’une demande de contrôle judiciaire le pouvoir discrétionnaire de décider de la manière de protéger des renseignements sensibles. La Cour suprême du Canada a mis en contraste le passage indiquant que « la Cour prend toutes les précautions possibles, notamment, si c’est indiqué, par la tenue d’audiences à huis clos et l’audition d’arguments en l’absence d’une partie » avec le libellé impératif de l’article 51 de la Loi en question, qui exige que certains recours fassent l’objet d’une audience à huis clos et que les arguments soient présentés en l’absence de la partie adverse.

[31]           Le PG affirme que la Cour d’appel fédérale est arrivée à la même conclusion dans l’arrêt Hunter c Canada (Ministre des Consommateurs et des Sociétés), [1991] 3 CF 186 (CAF). Examinant des dispositions identiques de la Loi sur l’accès à l’information, LRC 1985, c A‑1 (la Loi sur l’accès à l’information), la Cour d’appel a estimé que l’article en question faisait en sorte que la Cour était « absolument tenue de prendre les précautions nécessaires pour éviter que des renseignements ne soient divulgués. Le seul pouvoir discrétionnaire que l’article 47 confère à la Cour porte sur le choix des moyens retenus pour éviter la divulgation des renseignements. » La Cour a également déclaré, au paragraphe 13 de l’arrêt Hunter, qu’il était facile de comprendre pourquoi le législateur avait conféré ce pouvoir discrétionnaire à la Cour, qu’il n’y aurait pas lieu dans chaque cas que les audiences se déroulent à huis clos ou se tiennent en l’absence de la partie adverse. Dans ses motifs concordants, le juge Robert Décary a déclaré que le contraste entre les dispositions impératives que l’on trouve ailleurs dans la Loi sur l’accès à l’information et le libellé plus souple et facultatif que l’on trouve à l’article 47 indiquait l’intention du Parlement de laisser à la Cour le soin de choisir les moyens auxquels elle souhaitait recourir pour éviter la divulgation. Voici ce qu’il déclare au paragraphe 36 :

Le Parlement eût‑il voulu empêcher toute forme de communication à l’avocat au cours du contrôle judiciaire qu’il aurait pu facilement le dire en quelques mots. Sinon, pourquoi parler de toutes les précautions « possibles », pourquoi utiliser le terme « notamment », y ajouter « si c’est indiqué » et donner deux exemples ‑ l’audition d’arguments en l’absence d’une partie et les audiences à huis clos ‑, si la loi vise à imposer à la Cour l’obligation absolue, dans toutes les instances, quel que soit le document en litige, la partie ou l’avocat, de s’assurer que les renseignements ne seront communiqués à personne? Si le Parlement n’avait voulu donner à la Cour d’autre choix que de fermer la porte à toute forme de communication pendant l’instance, n’aurait‑il pas utilisé à l’article 47 un langage semblable à celui qu’il a utilisé aux articles 35 et 52 ou dans la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, ou encore dans la Loi sur l’immigration ?

 

 

[32]           Le PG souligne que la Cour fédérale a également reconnu le pouvoir discrétionnaire conféré au juge par l’article 47 de la Loi sur l’accès à l’information dans les jugements Steinhoff c Canada (Ministre des Communications), (1996) 114 FTR 108 (1re inst.), au paragraphe 6, et Blank c Canada (Ministre de la Justice), 2007 CAF 87.

[33]           Dans le cas qui nous occupe, une disposition presque identique est en cause. Bien que l’obligation imposée à la Cour au paragraphe 73.21(4) de la Loi de prendre « toutes les précautions possibles » soit une obligation absolue, comme la Cour d’appel fédérale l’a fait observer dans l’arrêt Hunter, le choix des moyens utilisés pour éviter la divulgation appartient exclusivement à la Cour. Les articles 151 et 152 des Règles et la jurisprudence qui s’y rapporte mettent à la disposition de notre Cour les mécanismes appropriés pour faire ce choix.

 

Les articles 151 et 152 et le critère de l’arrêt Sierra Club

[34]           Les ordonnances de confidentialité constituent une exception au principe de la publicité des débats. L’article 151 des Règles des Cours fédérales autorise la Cour à rendre une ordonnance de confidentialité lorsqu’elle est convaincue de la nécessité de considérer les documents en cause comme confidentiels, indépendamment de l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires. Une ordonnance de confidentialité n’est jamais accordée de façon automatique, même lorsque les parties y consentent, étant donné l’intérêt primordial du public à la publicité des débats judiciaires (Ishmela c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 838).

[35]           Dans l’arrêt Sierra Club, au paragraphe 53, la Cour suprême du Canada a traité de la question des circonstances dans lesquelles une ordonnance de confidentialité pourrait être prononcée en vertu de l’article 151 :

Une ordonnance de confidentialité en vertu de la règle 151 ne doit être rendue que si

 

a) elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important, y compris un intérêt commercial, dans le contexte d’un litige, en l’absence d’autres options raisonnables pour écarter ce risque;

b) ses effets bénéfiques, y compris ses effets sur le droit des justiciables civils à un procès équitable, l’emportent sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur la liberté d’expression qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires.

 

 

[36]           En ce qui concerne le premier volet du critère, le risque en question doit être réel et important et être bien étayé par la preuve. Pour ce qui est de déterminer les solutions de rechange raisonnables autres que le prononcé d’une ordonnance de confidentialité, la Cour doit non seulement considérer les autres mesures possibles, mais aussi restreindre autant que possible la portée de l’ordonnance (Sierra Club, paragraphes 54 et 57). Il appartient par ailleurs à celui qui sollicite l’ordonnance de confidentialité de satisfaire aux deux volets du critère. Ce fardeau est très lourd et les arguments en faveur du prononcé de l’ordonnance de confidentialité doivent être clairement établis selon la preuve (Abbott Laboratories Ltd. c Canada (Ministre de la Santé), 2005 CF 989, au paragraphe 68).

[37]           Bien que les Règles des Cours fédérales reflètent le souci d’efficacité et de célérité, notre Cour a déclaré, dans le jugement Levi Strauss & Co. c Era Clothing Inc., (1999) 172 FTR 248 (1re inst.), au paragraphe 20, que ce principe

... ne devrait pas se faire aux dépens du principe encore plus important voulant que dans une société démocratique qui s’est engagée à assurer la primauté du droit, il convient d’apporter le moins de restrictions possible au caractère public des tribunaux et du processus judiciaire. Lorsque, dans le contexte de l’administration de la justice, il est impossible d’éviter un conflit entre ces valeurs, des considérations d’ordre utilitaire, sur le plan des coûts et de la célérité, devraient normalement céder le pas à l’impératif constitutionnel plus élevé.

 

            Les renseignements sur la sécurité constituent un intérêt important

[38]           Le PG est d’accord pour dire que la communication au public de renseignements concernant les méthodes de sécurité suivies par la BCLC constitue un risque sérieux pour un intérêt important au sens du premier volet de l’arrêt Sierra Club. Compte tenu de la nature des documents et des conséquences éventuelles d’une mauvaise utilisation de ceux‑ci, le PG convient que leur divulgation est susceptible de compromettre sérieusement l’intérêt public.

[39]           Toutefois, selon le second volet du critère de l’arrêt Sierra Club, la Cour doit s’assurer de restreindre la portée de l’ordonnance autant que possible. À cet égard, l’ordonnance que la BCLC sollicite a vraisemblablement une portée trop large. Selon le PG, les parties suivantes de l’affidavit de Doug Morrison sont à juste titre confidentielles étant donné qu’elles font référence aux politiques et méthodes employées par la BCLC en matière de sécurité :

a)                  Paragraphes 61‑63, 65‑66, 68‑75, 78‑79, 82‑84, 143‑144, 149‑151, 155, 157‑159, 166‑169, 173, 189‑192;

b)                  Pièces 13‑18, 22‑25, 28‑29, 35‑37, 42‑27, 50‑58, 78‑82.

[40]           Toutefois, le PG soutient que les autres éléments de preuve contenus dans l’affidavit de Doug Morrison devraient pouvoir être communiqués au public.

La BCLC

            Les principes fondamentaux d’interprétation des lois confirment le bien‑fondé de l’ordonnance de la protonotaire

[41]           La BCLC affirme que nul ne conteste la conclusion que les quatre documents en cause en l’espèce renferment des renseignements visés au paragraphe 55(1). Par conséquent la seule question en litige est la portée du « pouvoir discrétionnaire » conféré par le paragraphe 73.21(4), ce qui constitue une question d’interprétation législative.

[42]           La BCLC signale que la thèse défendue par le procureur général ressort clairement de l’échange suivant qui a eu lieu, au cours des plaidoiries sur la requête, entre la protonotaire Milczynski et l’avocat du procureur général :

[traduction]

LA PROTONOTAIRE MILCZYNSKI : J’aimerais seulement vous demander si, selon votre interprétation du paragraphe 73.21(4) et selon la façon dont il s’appliquerait dans le cadre du présent appel, il y aurait divulgation de certains des renseignements visés par l’article 55?

Me BRUCKER : Vous savez, cela serait possible si la Cour le juge à propos. Autrement dit [...] tout dépend du sens que l’on donne au mot « raisonnable » [...] La Cour peut estimer que, compte tenu du principe de la publicité des débats, il y a quand même lieu de communiquer ces renseignements que l’on peut considérer comme relevants sous certains aspects de l’article 55.

 

 

[43]           La BCLC affirme que le paragraphe 73.21(4) n’est tout simplement pas libellé de manière à permettre à la Cour de révéler à sa discrétion des renseignements visés par le paragraphe 55(1). La protonotaire Milczynski a rejeté à bon droit cet argument. La BCLC affirme que les principes fondamentaux d’interprétation des lois, ainsi que l’interprétation donnée en common law à des dispositions semblables d’autres lois, appuient cette interprétation du paragraphe 73.21(4).

[44]           Il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur (Rizzo, précité). Compte tenu du « contexte global » de la loi en question, la Cour doit situer celle‑ci en fonction d’autres lois (R c Ulybel Enterprises Ltd., [2001] 2 RCS 867, aux paragraphes 28 et 30). Suivant un autre principe bien établi d’interprétation des lois, le législateur ne peut avoir voulu des conséquences absurdes (Rizzo, au paragraphe 27).

[45]           Le sens ordinaire et grammatical du paragraphe 73.21(4) est clair et évident : il a pour objet d’éviter la divulgation de renseignements protégés, et la Cour doit prendre « toutes les précautions possibles » pour ce faire. La Cour n’a d’autre choix que de s’assurer que les renseignements visés ne sont pas divulgués. La BCLC affirme que cette disposition interdit de façon impérative toute communication, ajoutant qu’elle est « claire et non ambiguë ».

[46]           La BCLC affirme que la thèse du PG en ce qui concerne le libellé facultatif du paragraphe 73.21(4) et la nature du pouvoir discrétionnaire conféré par cet article est mal fondée. L’objectif visé par le paragraphe 73.21(4) n’a rien de facultatif : les renseignements visés par le paragraphe 55(1) ne doivent en aucun cas être communiqués. Le paragraphe 73.21(4) impose à la Cour l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour éviter que les renseignements en question soient communiqués et il ne nuance pas cette obligation, comme le PG le laisse entendre, en laissant à la Cour le choix de ne prendre aucune mesure. D’ailleurs il serait impossible d’éviter la divulgation de documents déposés publiquement si aucune mesure n’était prise.

[47]           La BCLC affirme qu’à tout le moins, le paragraphe 73.21(4) oblige la Cour à éviter la divulgation en mettant les renseignements protégés sous scellés. À défaut de cette exigence minimale, les renseignements déposés dans le cadre d’une instance qui tombent sous le coup du paragraphe 55(1) seront divulgués au public, ce qui irait à l’encontre des dispositions obligatoires de la Loi.

[48]           La BCLC affirme également qu’il n’est d’aucun secours pour la thèse du PG de souligner que le paragraphe 73.21(4) mentionne le fait d’ordonner le huis clos comme exemple de précaution possible que la Cour peut prendre pour éviter la divulgation. Bien que cet argument permette de conclure que la Cour dispose du pouvoir discrétionnaire de prendre certaines mesures supplémentaires, ce pouvoir discrétionnaire ne diminue en rien les mesures minimales que la Cour doit prendre pour éviter la communication des renseignements visés. La Loi prévoit plutôt que des précautions plus poussées qu’une simple ordonnance de mise sous scellés peuvent être nécessaires dans certaines circonstances pour assurer la non‑divulgation.

[49]           Le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 73.21(4) ne joue qu’après constatation de l’existence de renseignements visés au paragraphe 55(1). Dès lors, la Cour peut choisir le moyen le plus approprié pour éviter que les renseignements soient divulgués. La protonotaire Milczynski a bien interprété la nature de ce pouvoir discrétionnaire en estimant qu’il y avait lieu de rendre une ordonnance de mise sous scellés des renseignements visés au paragraphe 55(1) mais que la décision d’ordonner ou non le huis clos relevait du pouvoir discrétionnaire de la Cour.

[50]           La BCLC souligne que l’article 73.22 suit immédiatement le paragraphe 73.21(4), qui permet la mise sous scellés. La protonotaire Milczynski a conclu qu’on obtiendrait un résultat absurde si l’on interprétait le paragraphe 73.21(4) de manière à rendre le paragraphe 73.22 inutile en permettant à la Cour de divulguer des renseignements alors que le CANAFE doit attendre la fin de la procédure pour rendre public tout renseignement protégé. De plus, même au terme de la procédure, le CANAFE ne peut rendre publics que la nature de la violation, le nom de son auteur et la pénalité infligée.

[51]           La BCLC affirme que l’interprétation proposée par le PG aux paragraphes 23 et 24 de son mémoire rendrait l’article 73.22 incompatible avec le paragraphe 73.21(4) en plus de vider l’article 73.22 de son sens. Pareil résultat va à l’encontre d’un principe fondamental d’interprétation des lois, suivant lequel le législateur a voulu dire ce qu’il a dit et n’a pas commis d’erreur (Heckendorn c Canada, [2005] ACF no 1006 (CF), au paragraphe 18). Par conséquent, la BCLC affirme qu’il y a lieu d’éviter un tel résultat.

Les précédents invoqués par le PG appuient l’ordonnance de la protonotaire

[52]           La BCLC affirme que les précédents invoqués par le PG en vue d’interpréter la nature du pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 73.21(4) n’appuient pas l’argument du PG. Le PG invoque les arrêts Ruby et Hunter à l’appui de la proposition que la Cour demeure compétente pour décider du meilleur moyen d’éviter la communication des renseignements protégés; la BCLC affirme que ces précédents appuient plutôt la décision de la protonotaire Milczynski.

[53]           L’affaire Ruby portait sur une disposition législative interdisant expressément la communication de renseignements. Il s’agissait toutefois d’une contestation constitutionnelle et la seule question que la Cour devait trancher était celle de savoir si elle pouvait exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère la Loi sur la protection des renseignements personnels d’entendre des arguments en l’absence d’une partie et de tenir des audiences à huis clos ou si la Cour était impérativement tenue de prendre ces mesures. Il était acquis aux débats que les renseignements contestés devaient être protégés; la seule question qu’il restait à régler était celle de savoir si la Cour devait employer un moyen précis pour protéger les renseignements désignés en tenant des audiences à huis clos et en permettant la présentation d’arguments en l’absence de la partie adverse.

[54]           Dans l’affaire Hunter, la Cour a examiné l’article 47 de la Loi sur l’accès à l’information et, plus précisément, l’obligation de prendre « toutes les précautions possibles [...] pour éviter que ne soient divulgués des renseignements » par la Cour. Au paragraphe 13 de cet arrêt, la Cour affirme qu’elle « n’a pas discrétion pour ordonner ou autoriser la communication de renseignements qu’elle juge nécessaires ou utiles; elle est absolument tenue de prendre les précautions nécessaires pour éviter que des renseignements ne soient divulgués. Le seul pouvoir discrétionnaire que l’article 47 confère à la Cour porte sur le choix des moyens retenus pour éviter la divulgation des renseignements. »

[55]           Par conséquent, la BCLC affirme que les arrêts Ruby et Hunter s’accordent tous les deux avec l’ordonnance de la protonotaire Milczynski et avec sa conclusion que le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 73.21(4) de la Loi porte sur les moyens ou les mesures que la Cour peut employer pour éviter la divulgation de renseignements tout en l’obligeant de façon impérative à prendre les moyens ou les mesures en question. Autrement dit, la Cour peut mettre les documents sous scellés ou tenir l’audience à huis clos ou même en l’absence de la partie adverse selon ce qu’elle juge raisonnable dans les circonstances; elle ne dispose toutefois d’aucun pouvoir discrétionnaire et elle a l’obligation de refuser d’ordonner ou d’autoriser la communication des renseignements qu’elle a l’obligation de protéger.

Dispositions législatives analogues confirmant le bien‑fondé de l’ordonnance de la protonotaire

[56]           La BCLC affirme également que la décision de la protonotaire Milczynski s’accorde avec des décisions dans lesquelles des dispositions semblables d’autres lois fédérales ou provinciales ont été interprétées. Ainsi, le paragraphe 42(3) de la Freedom of Information and Protection of Privacy Act de la Nouvelle‑Écosse, SNS 1993, c 5 (la FIPPA) renferme une disposition pratiquement identique au paragraphe 73.21(4) de la Loi. La Cour d’appel de la Nouvelle‑Écosse a retenu le sens ordinaire du texte législatif et a ordonné que les documents soient mis sous scellés et que les arguments soient présentés à huis clos dans les cas où la FIPPA le prévoyait (Coates c Capital District Health Authority, [2012] NSJ no 24 (CANÉ) [Coates]; Shannex Health Care Management Inc c Nova Scotia (Attorney General), [2005] NSJ no 496 (CANÉ) [Shannex].

[57]           La Loi sur l’accès à l’information prévoit que, saisie d’un appel interjeté sous le régime de cette Loi, la Cour fédérale doit prendre des mesures pour assurer la confidentialité des renseignements et des documents que le responsable d’une institution fédérale serait autorisé à refuser de communiquer. Dans l’arrêt Blank, précité, la Cour d’appel fédérale s’est autorisée de ce libellé pour permettre à Sa Majesté de présenter des arguments à huis clos et en l’absence de la partie adverse.

[58]           La Loi sur l’accès à l’information réglemente l’accès du public aux documents (y compris tout élément d’information) relevant d’une institution fédérale au sens de la Loi sur l’accès à l’information. Le CANAFE est une institution fédérale au sens de la Loi sur l’accès à l’information. Aux termes du paragraphe 24(1) de cette loi, le CANAFE doit refuser de divulguer tout document visé par les alinéas 55(1)a), d) et e) de la Loi. Cette disposition est compatible avec les exigences de la Loi en matière de confidentialité et interdit expressément au CANAFE de communiquer au public les renseignements recueillis pour s’acquitter de ses obligations en matière de déclaration sous le régime de la Loi.

[59]           Au paragraphe 42(3) de la FIPPA et dans la disposition semblable figurant dans la Loi sur l’accès à l’information, le législateur recourt à une approche encore plus restrictive en matière de confidentialité que celle retenue dans la Loi, en ce qu’ils permettent la présentation d’arguments en l’absence de la partie adverse. Les tribunaux ont toutefois interprété ces dispositions législatives selon leur sens courant et ils ont interdit au public et aux parties à l’action d’être présents lors de l’exposé de certains arguments et d’examiner les documents s’y rapportant.

[60]           La Loi ne vise pas à mettre des documents sous scellés pour empêcher l’une des parties à l’instance de les consulter. Elle témoigne toutefois de l’intention manifeste du législateur d’exiger une ordonnance de mise sous scellés dans le cadre de l’appel sous‑jacent à la présente procédure, pour empêcher la communication de renseignements désignés au public. Tout comme dans le cas de la Loi sur l’accès à l’information et de la FIPPA, la Loi contient des dispositions impératives qui obligent notre Cour à assurer la confidentialité des renseignements désignés. Dans le cas qui nous occupe, l’appel sous‑jacent se fonde sur ces renseignements et le degré exigé de confidentialité ne peut donc être assuré que par le prononcé d’une ordonnance de mise sous scellés. Le pouvoir discrétionnaire conféré par le paragraphe 73.21(4) donne la possibilité à la Cour d’ordonner la tenue d’une audience à huis clos ou de prendre d’autres mesures, en plus de l’ordonnance de mise sous scellés, nécessaires pour s’assurer que les renseignements prescrits ne soient pas communiqués.

Non‑application de l’arrêt Sierra Club

[61]           La BCLC affirme que c’est à bon droit que la protonotaire Milczynski a refusé d’appliquer le critère de l’arrêt Sierra Club et a conclu qu’en l’absence de contestation constitutionnelle du paragraphe 73.21(4), « rien ne justifie que la Cour se commette dans cet exercice d’analyse et de mise en balance ». Pour arriver à cette conclusion, la protonotaire s’est fondée sur les décisions Commissaire à l’information et Bell Express Vu, précitées.

[62]           Il n’y a pas de contestation constitutionnelle en l’espèce et la BCLC affirme que les décisions sur lesquelles la protonotaire Milczynski s’est fondée portent directement sur la question. Comme la Cour suprême l’a expliqué, « lorsqu’une loi n’est pas ambiguë, les tribunaux doivent donner effet à l’intention clairement exprimée par le législateur et éviter d’utiliser la Charte pour arriver à un résultat différent » (Bell Express Vu, au paragraphe 66). Les textes législatifs sont l’expression de la volonté du législateur et il incombe aux tribunaux de les appliquer conformément à l’intention souveraine du législateur (Bell Express Vu, au paragraphe 62).

[63]           La BCLC soutient que le paragraphe 73.21(4) et l’article 73.22 de la Loi sont l’expression de la volonté impérative du législateur que les tribunaux évitent la communication de renseignements protégés. Dès lors qu’un renseignement est réputé relever du paragraphe 55(1), le tribunal n’a aucun pouvoir discrétionnaire : la divulgation n’est pas permise. Le PG demande à la Cour de faire fi du libellé clair de la Loi et des principes d’interprétation législative en vue de reconnaître à la Cour un pouvoir discrétionnaire lui permettant de faire quelque chose qu’on lui interdit strictement de faire, en l’occurrence, divulguer des renseignements visés au paragraphe 55(1) de la Loi.

[64]           La BCLC affirme que la protonotaire Milczynski a examiné adéquatement les dispositions législatives applicables et a interprété la Loi d’une manière compatible avec son libellé clair et non ambigu. Sa décision est par conséquent bien fondée.

La SRC

[65]           La SRC affirme que chacun des documents, collectivement désignés les documents, devrait être examiné séparément pour déterminer s’il doit ou non faire l’objet d’une ordonnance de confidentialité. Bien que la SRC n’ait pas vu les rapports, elle soupçonne que bon nombre des documents contiennent des renseignements généraux et non des renseignements spécifiques.

[66]           La SRC affirme que le principe de la publicité des débats constitue un aspect essentiel du principe de la primauté du droit (Société Radio‑Canada c Canada (Procureur général), 2011 CSC 2 [Radio‑Canada]). La liberté de presse est un droit essentiel au sein de toute société démocratique et c’est à celui qui cherche à limiter la communication qu’il incombe de démontrer la nécessité de cette mesure (Dagenais c Société Radio‑Canada, [1994] 3 RCS 835). La SRC affirme également que toute mesure législative qui restreint la liberté d’expression des médias doit recevoir une interprétation stricte (Morguard Properties Ltd. c Winnipeg (Ville), [1983] 2 RCS 493).

[67]           La BCLC ne précise pas quels documents, parmi ceux qu’elle a déposés, tombent sous le coup de l’interdiction prévue au paragraphe 55(1) et, à la lecture des articles de la Loi à l’origine des documents contenus dans le rapport, la SRC ne croit pas que celui‑ci contienne des renseignements censés être visés par le paragraphe 55(1). C’est la partie 3 de la Loi qui est visée par l’alinéa 55(1)f) et les documents en question se rapportent au contrôle d’application de la partie 1.

[68]           La BCLC affirme également que les documents contenus dans le rapport sont visés par l’expression « fourre‑tout » que l’on trouve aux alinéas a) à d) du paragraphe 55(1); la SRC affirme qu’il est contraire aux principes d’interprétation des lois de laisser entendre que ces documents tombent sous le coup d’une disposition générale et qu’il n’est pas nécessaire qu’ils soient mentionnés expressément. Se fondant sur l’hypothèse que le législateur vise l’uniformité dans les lois (R. c Finta, [1994] 1 RCS 701), la SRC soutient que, si le législateur avait voulu que les renseignements contenus dans les documents demeurent confidentiels, il l’aurait dit expressément, comme il l’a fait pour la partie 3 de la Loi. De plus, l’expression « procès‑verbal » est un terme technique propre à la Loi et, s’il avait eu l’intention que les procès‑verbaux soient visés par l’interdiction de communication prévue au paragraphe 55(1), le législateur l’aurait précisé.

[69]           La SRC souligne également que le CANAFE n’a pas tenté d’invoquer le paragraphe 55(1) lorsque la demande de production de renseignements a été présentée. Qui plus est, la BCOIPC a conclu que l’on ne pouvait déterminer avec certitude si le rapport relevait du paragraphe 55(1) et qu’en raison de la présomption interdisant de restreindre des droits, l’ambiguïté militait en faveur de la conclusion que les documents contenus dans le rapport devaient être communiqués. De plus, la SRC affirme que l’article 73.22 de la Loi ne s’applique qu’au CANAFE et ne vise personne d’autre, y compris la Cour.

[70]           Il incombe à la BCLC de démontrer la nécessité de l’ordonnance de confidentialité (Sierra Club, précité). La SRC doute que tous les documents contenus dans le rapport doivent être protégés contre toute divulgation, ajoutant que la BCLC n’a soumis aucun élément de preuve convaincant pour démontrer la raison pour laquelle tous les documents devraient être traités de la même manière. La Cour a rejeté des requêtes semblables visant à obtenir des ordonnances de confidentialité générales (Canada (Procureur général) c Almalki, 2010 CF 733).

[71]           La SRC affirme que l’intérêt public exige que la procédure fasse l’objet d’un examen et que la BCLC rende des comptes sur la façon dont elle gère les jeux de hasard et d’argent dans la province. Des doutes ont été soulevés au sein de la population au sujet de l’intégrité du système des jeux de hasard et d’argent en Colombie‑Britannique et certains estiment que la question du blanchiment d’argent dans les casinos nécessite des études plus approfondies. La SRC affirme que la Cour devrait imposer une ordonnance de confidentialité uniquement dans la mesure nécessaire pour protéger la BCLC contre le préjudice démontré et qu’il suffit, pour ce faire, d’expurger les renseignements sensibles des documents tout en garantissant dans toute la mesure du possible le respect du principe de la publicité des débats.

ANALYSE

[72]           Ainsi que l’arrêt Merck & Co, précité, et de nombreuses autres décisions portant sur l’article 51 des Règles des Cours fédérales le démontrent à l’évidence, l’ordonnance discrétionnaire d’un protonotaire ne devrait être examinée de novo que si les questions soulevées dans la requête ont une influence déterminante sur l’issue du litige ou si l’ordonnance est entachée d’une erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en se fondant sur un mauvais principe ou une mauvaise appréciation des faits.

[73]           Dans le présent appel, nul n’a laissé entendre que la question soulevée dans la requête soumise à la protonotaire portait sur des questions ayant une influence déterminante sur l’issue du litige, et personne n’a reproché à la protonotaire d’avoir mal apprécié les faits. Il me reste donc à décider si la protonotaire Milczynski a commis une erreur flagrante en accordant l’ordonnance de mise sous scellés demandée sur le fondement de son interprétation du paragraphe 73.21(4) de la Loi. En d’autres termes, la protonotaire a‑t‑elle commis une erreur de droit en statuant que la Cour avait l’obligation de mettre sous scellés les documents déposés dans le cadre de l’appel et en estimant que la Cour n’avait pas le pouvoir discrétionnaire d’appliquer le critère énoncé dans l’arrêt Sierra Club, précité?

[74]           Les conclusions de la protonotaire se trouvent au paragraphe 8 de sa décision :

Bien qu’elle soit large dans sa portée et son application et contraire aux principes des procédures publiques, je suis convaincue que l’ordonnance portant sur les documents et l’information placés sous scellés tels que cités et indiqués dans la Loi doit être accordée. La Loi est claire quant à la nature des renseignements qui doivent demeurer confidentiels et mis sous scellés afin de les soustraire à l’accès public, que la mesure soit prise par le CANAFE dans l’exécution de son mandat dans le cadre de la Loi ou par la Cour dans le cadre d’un appel interjeté par le directeur. Il ne s’agit ni de l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour, ni de l’application du critère énoncé dans l’arrêt Sierra Club du Canada, [2002] 2 R.C.S. 522, ni de l’interprétation atténuée d’une disposition législative de manière à rendre la restriction la plus conforme possible à l’intérêt public par rapport aux principes des procédures publiques ou à la Charte canadienne des droits et libertés. Il s’agit d’une question d’application de la Loi qui, en l’absence de contestation constitutionnelle, doit être appliquée, même si, comme le reconnaissent les parties, une certaine portion de renseignements visés par le paragraphe 55(1) de la Loi pourrait ne pas répondre au critère de la confidentialité prévu à la règle 151 des Règles des cours fédérales.

 

 

[75]           Devant moi, les parties et la SRC ont essentiellement repris les arguments qu’ils ont présentés à la protonotaire.

[76]           La thèse du PG est que l’ordonnance générale sollicitée par la BCLC a une portée trop large et contredit le principe de la publicité des débats, et que le paragraphe 55(1) de la Loi ne frappe pas automatiquement d’interdiction la divulgation de tout renseignement, pas plus que ce paragraphe ne justifie le prononcé de l’ordonnance de confidentialité « tous azimuts » demandée. Le PG affirme que le paragraphe 73.21(4) n’impose aucune obligation précise à la Cour en ce qui concerne la mise sous scellés de renseignements et, au paragraphe 22 de ses observations écrites, il ajoute ce qui suit :

[traduction] Le paragraphe 55(1) n’a jamais été conçu pour soustraire un appelant visé par la partie IV aux obligations normales de tout plaideur devant la Cour. Si le législateur avait voulu imposer une « interdiction générale de communication de renseignements » pour les catégories de renseignements énumérés au paragraphe 55(1), comme la BCLC le prétend, il aurait pris soin de préciser que ce paragraphe s’applique à tous, et non seulement au Centre.

 

[77]           Le PG soutient qu’il appartient à la Cour d’user de son pouvoir discrétionnaire concernant la manière d’empêcher la divulgation de renseignements et qu’elle doit procéder à une analyse plus poussée afin de déterminer si la confidentialité est justifiée au sens du critère énoncé dans l’arrêt Sierra Club, et :

(i)      si elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important, y compris un intérêt commercial, dans le contexte d’un litige, en l’absence d’autres options raisonnables pour écarter ce risque;

 

(ii)      si ses effets bénéfiques, y compris ses effets sur le droit des justiciables civils à un procès équitable, l’emportent sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur la liberté d’expression qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires.

 

[78]           Dans ses observations verbales, le PG a fait valoir que la Cour pourrait permettre la communication de certains documents visés par le paragraphe 55(1) de la Loi à la suite de leur examen et de leur analyse, après avoir appliqué le critère de l’arrêt Sierra Club et constaté que la protection de ces documents n’est pas justifiée.

[79]           Dans ses observations orales, la SRC a affirmé que le législateur voulait uniquement que les renseignements personnels de tiers soient protégés par le paragraphe 55(1) de la Loi. La SRC a fait référence aux règles fondamentales d’interprétation des lois pour tenter de démontrer que telle était effectivement l’intention du législateur. Lors de son examen des dispositions de la Loi, la SRC a invité la Cour à accorder une attention particulière aux éléments suivants :

a.                   la présomption contre la limitation des droits que la Cour suprême du Canada a récemment confirmée dans l’arrêt Radio‑Canada, précité, au paragraphe 1;

b.                  la présomption des tendances récurrentes qui, ainsi que l’auteure Ruth Sullivan l’explique dans son ouvrage Sullivan on the Construction of Statutes (5e éd., Markham, Lexis Nexis, 2008) à la p. 476, repose sur la présomption que le législateur crée des régimes généraux logiques, cohérents et économiques, de sorte que si des questions comparables sont censés recevoir le même traitement, elles devraient être examinées en parallèle ou de la même façon dans le cadre du régime établi par la loi;

c.                   le principe que des mots différents signifient des choses différentes, de sorte que le législateur aurait, par exemple, expressément mentionné le procès‑verbal s’il avait voulu qu’il demeure confidentiel en application du paragraphe 55(1) de la Loi;

d.                  le principe de la publicité des débats et des ordonnances de confidentialités (Sierra Club, précité).

[80]           En examinant la décision de la protonotaire Milczynski, je constate qu’elle a abordé à sa manière les arguments soulevés par la SRC et par le PG et que le raisonnement qu’elle a suivi pour justifier ses conclusions aux paragraphes 21, 22, 23, 27 et 29 est clair et cohérent :

Cependant, ces observations ne tiennent pas compte du libellé clair et non ambigu du paragraphe 55(1) de la Loi, qui fait référence non pas à la non‑divulgation d’un rapport ou d’un dossier précis, mais aux renseignements qui pourraient être contenus dans un document ou rapport parmi un certain nombre d’autres, ou qui touchent à l’application du mandat du CANAFE, lequel inclut nécessairement les contrôles d’application de la partie 1 (alinéa 40e)). De plus, l’alinéa 55(1)e) mentionne clairement et sans ambiguïté les renseignements préparés par le CANAFE à partir de renseignements visés aux alinéas a) à d) du paragraphe 55(1) – lesquels sont des renseignements présentés par la BCLC conformément à ses obligations de déclaration prévues à la partie 1 de la Loi.

 

Les renseignements présentés que l’on cherche à protéger dans cette instance ont trait aux opérations financières visées par règlement que la BCLC déclare au CANAFE en conformité avec l’article 9 de la Loi, aux renseignements obtenus dans le cadre de l’administration et l’application de la partie 3 de la Loi, et aux renseignements préparés par le CANAFE à partir des renseignements mentionnés à l’alinéa 55(1)b) de la Loi. Il s’agit de renseignements concernant la manière dont la BCLC consigne, surveille ou traite de quelque autre façon les opérations financières dans lesquelles des activités de blanchiment d’argent et des activités terroristes sont susceptibles d’être décelées et signalées. Le législateur a voulu que la Loi protège les données recueillies par le CANAFE de même que les renseignements sur la façon dont le Centre assure le respect de la Loi – la Loi exige que l’intégralité des politiques et procédures du CANAFE relatives au respect et à l’application de la Loi soient protégée.

 

Qui plus est, l’article 73.22 de la Loi précise bien l’intention du législateur, à savoir que ce n’est qu’au terme de la procédure en violation que le CANAFE peut rendre publics la nature de la violation, le nom de son auteur et la pénalité imposée. Il serait peu logique que cette disposition fasse partie de la Loi si, par ailleurs, dans le déroulement de l’instance devant cette Cour, tous les renseignements touchant la violation étaient déjà divulgués.

 

[...]

 

Toutefois, comme je l’ai mentionné précédemment, en l’absence de contestation constitutionnelle des dispositions de non‑divulgation de la Loi, rien ne justifie que la Cour se commette dans cet exercice d’analyse et de mise en balance. L’exercice ne peut avoir lieu que pour ces renseignements ou ces documents qui sont ne sont pas visés par le paragraphe 55(1) de la Loi, mais qui font l’objet d’une demande d’ordonnance de confidentialité. Cet exercice peut être nécessaire pour une nouvelle requête, mais pour ce qui est des quatre documents identifiés par la SRC aux fins de la publication (eu égard à la table de concordance recensant les renseignements contenus dans la Loi), et des autres documents visés par le paragraphe 73.21(4) de la Loi, l’obligation de non‑divulgation est claire et non ambigüe. La Cour ne peut appliquer les considérations de la règle 151 à des documents [traduction] « moins importants » visés par le paragraphe 55(1) comme la Loi le prescrit, et dans la mesure où la SRC ou le PG invitent la Cour à appliquer les considérations fondées sur la Charte dans l’interprétation des dispositions sur la non‑divulgation, cela constituerait une contestation constitutionnelle voilée, sans que les prescriptions pour une telle contestation soient respectées. Comme l’a noté la BCLC, la décision Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Premier ministre), [1993] 1 C.F. 427 porte directement sur la question, alors que, justement, il y avait une dérogation expresse à un droit protégé :

 

            89        L’avocat de Mme Calamai fait valoir qu’il ne conteste pas la constitutionnalité de l’article 14, qu’en fait ce dernier est valide, et qu’il est des cas où le refus de communication serait justifié. Il se trouve cependant que si l’article 14 habilite expressément le gouvernement à limiter un droit réputé protégé (accès aux documents de l’administration fédérale), la contestation doit porter sur la validité constitutionnelle, l’applicabilité ou l’effet de l’article 14. Ce qui signifie l’obligation de se conformer à l’article 57 de la Loi sur la Cour fédérale.

  

            90        Essayant de tourner [sic] l’article 57, l’avocat de Mme Calamai soutient que l’article 14 doit être « interprété » par référence à l’alinéa 2b) de la Charte et que pareille démarche est différente de la contestation de la validité, de l’applicabilité ou de l’effet de cet article.

 

            91        Bien qu’il y ait des cas où un argument touchant l’interprétation d’une loi ne remet pas en question sa validité, son applicabilité ou son effet, je ne peux conclure, à la lumière des arguments présentés, que tel est le cas en l’espèce. L’avocat de Mme Calamai soutient que les renseignements en cause contribuent aux « valeurs fondamentales », créant ainsi une présomption de droit d’accès, et que dans ce cas, l’exception prévue à l’article 14 est circonscrite par l’alinéa 2b) de la Charte. À supposer qu’il soit accueilli, je pense que cet argument aurait pour résultat de rendre inapplicable ou inopérante l’exception prévue à l’article 14 ou, à tout le moins, d’en limiter ou restreindre l’applicabilité ou l’effet lorsqu’il s’agit de documents relatifs aux valeurs fondamentales. S’il n’a pas pour résultat de limiter ou de restreindre l’applicabilité ou l’effet de l’exception, il ne servirait à rien d’« interpréter » l’article 14 par référence à la Charte.

 

 

            92        En conséquence, voici les conclusions que je tire au sujet de la Charte :

 

****

 

            [...] Faute de l’avis requis, qui pourra aboutir à l’audition d’autres arguments, je ne me prononcerai donc pas sur la contestation fondée en l’espèce sur la Charte.

 

[...]

 

Pareillement, dans la présente instance, j’estime que les dispositions expresses de la Loi sur la non‑divulgation régissant le traitement des renseignements désignés dans le cadre d’un appel devant cette Cour constituent une dérogation non ambigüe à l’égard de droits protégés (liberté d’expression, procédures publiques), pour lesquels toute contestation doit faire l’objet d’un avis de question constitutionnelle comme le prescrit l’article 75 de la Loi sur les cours fédérales. L’ordonnance de confidentialité doit être accordée pour des renseignements visés au paragraphe 55(1) de la Loi, même pour les renseignements désignés qui, autrement, n’auraient pu être protégés de la sorte en application de la règle 151 des Règles des cours fédérales et du critère de l’arrêt Sierra Club.

 

 

[81]           Je ne saurais affirmer que la protonotaire Milczynski a commis une erreur flagrante dans son interprétation et son application des dispositions législatives en litige dans le présent appel. De fait, je souscris à son interprétation de ces dispositions.

[82]           Le PG et la SRC n’arrivent tout simplement pas à accepter que le législateur ait voulu mettre de côté le principe de la publicité des débats dans le présent contexte. J’estime toutefois qu’ils n’ont invoqué aucun principe d’interprétation des lois qui permettrait de conclure que la protonotaire a commis une erreur flagrante dans la présente affaire.

[83]           D’ailleurs, ainsi que la BCLC le souligne, il y a de bonnes raisons de suivre la démarche suivie par la protonotaire et de souscrire à ces conclusions :

a.                   le sens courant et ordinaire des mots expressément employés par le législateur au paragraphe 73.21(4) de la Loi commande explicitement que la Cour prenne toutes les précautions possibles pour éviter que ne soient communiqués des renseignements visés au paragraphe 55(1). Il n’oblige pas la Cour à décider si les renseignements visés au paragraphe 55(1) nécessite une protection suivant les principes de l’arrêt Sierra Club;

b.                  à moins qu’une ordonnance de mise sous scellés ne soit prononcée, les renseignements visés au paragraphe 55(1) déposés dans le cadre d’une instance seront divulgués publiquement, ce qui serait contraire aux exigences impératives de la Loi;

c.                   il y a lieu de reconnaître une certaine valeur à l’argument suivant lequel le paragraphe 73(22) de la Loi, qui restreint considérablement la portée des renseignements que le CANAFE peut divulguer une fois que l’appel a été tranché, démontre l’intention du législateur d’empêcher la communication des renseignements visés au paragraphe 55(1);

d.                  les objectifs visés par la Loi et son contexte global permettent de penser que le législateur avait de bonnes raisons de protéger les renseignements visés au paragraphe 55(1) au cours du processus d’appel d’une manière qui ne mine pas les objectifs et les moyens employés par le CANAFE pour régler les problèmes de terrorisme international et de blanchiment d’argent. Pour régler efficacement ces questions, il était nécessaire de déroger explicitement à des droits, ce qui appuie l’interprétation du paragraphe 73.21(4) retenue par la protonotaire;

e.                   contrairement à ce que la SRC prétend, je ne vois aucune redondance entre les alinéas e) et f) et les autres alinéas du paragraphe 55(1). L’alinéa e) traite expressément des « renseignements préparés par le Centre » à partir de renseignements visés aux alinéas a) à d) et l’alinéa f) vise les renseignements « obtenus dans le cas de l’administration et l’application de la présente partie, à l’exception de ceux qui sont accessibles au public ». Les autres alinéas mentionnent des rapports et les renseignements précis liés à certains articles de la Loi.

[84]           Ni le PG ni la SRC ne contestent le fait que le législateur peut déroger, et déroge effectivement, au principe de la publicité des débats lorsque le contexte l’exige. Ils estiment simplement que le contexte de la présente affaire n’exige pas pareille dérogation. Pour arriver à étayer leur thèse, ils s’écartent du sens courant et évident du paragraphe 73.21(4) et ils demandent à la Cour de recourir aux principes énoncés dans l’arrêt Sierra Club. Ainsi que la protonotaire Milczynski l’a souligné, les dispositions claires et évidentes de la Loi interdisant la communication des renseignements désignés ne permettent pas un tel exercice.

[85]           Je suis également d’accord avec la BCLC pour dire que les arrêts Ruby et Hunter, précités, n’aident pas vraiment le PG et qu’aucune de ces deux affaires n’est incompatible avec les motifs ou les conclusions de la protonotaire Milczynski.

[86]           Dans l’arrêt Ruby, la seule question en litige était celle de savoir si la Cour avait l’obligation de protéger les documents désignés en recourant à un moyen particulier tel qu’une audience à huis clos. Cela ne contredit nullement la décision. Quant à l’arrêt Hunter, il confirme plutôt l’analyse de la protonotaire Milczynski. La Cour d’appel fédérale déclare en effet, au paragraphe 13 :

L’article 47 de la Loi sur l’accès à l’information impose à la Cour saisie d’un recours prévu à l’article 41, le devoir de prendre « toutes les précautions possibles [...] pour éviter que ne soient divulgués de par son propre fait ou celui de quiconque des renseignements qui [...] justifient un refus de communication totale ou partielle d’un document ». Il s’ensuit nécessairement qu’il est interdit à la Cour d’ordonner la communication de renseignements contenus dans un document avant d’avoir tout d’abord déterminé si les renseignements en question doivent être divulgués. Puisque l’article ne prévoit aucune distinction entre la communication au requérant, à l’avocat et au public, cette interdiction tacite s’applique à toute communication, y compris la communication confidentielle faite au requérant ou à son avocat. La Cour n’a pas discrétion pour ordonner ou autoriser la communication de renseignements qu’elle juge nécessaires ou utiles; elle est absolument tenue de prendre les précautions nécessaires pour éviter que des renseignements ne soient divulgués. Le seul pouvoir discrétionnaire que l’article 47 confère à la Cour porte sur le choix des moyens retenu pour éviter la divulgation des renseignements [...]

 

 

[87]           Il vaut également la peine de souligner que l’interprétation que la protonotaire fait de la Loi n’est pas incompatible avec les autres régimes législatifs provinciaux et fédéral. Ainsi que la BCLC l’a souligné, la Cour d’appel de la Nouvelle‑Écosse a conclu qu’une disposition législative très semblable à celle que l’on trouve au paragraphe 73.21(4) de la Loi en concluant qu’elle prévoyait la mise sous scellés obligatoire des documents visés par cette disposition (Coates, précité; Shannex, précité). Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale a donné leur sens courant aux dispositions impératives de la Loi sur l’accès à l’information limitant la communication de renseignements (Blank, précité).

Conclusions

[88]           Le PG et la SRC ne m’ont pas convaincu que la protonotaire Milczynski avait commis une erreur flagrante dans son interprétation des dispositions de la Loi qui interdisent la communication de renseignements ou dans son analyse des conséquences de son interprétation. De fait, je souscris aux conclusions qu’elle a tirées.

[89]           Je tiens toutefois à signaler que le PG et la SRC ont soulevé des questions extrêmement importantes en ce qui a trait à la question de savoir si la Loi contrevenait à des droits garantis par la Charte. Ils ont toutefois fait valoir devant moi que la requête présentée dans le cadre de l’appel soulevait simplement des questions d’interprétation des lois. À mon avis, ce qu’ils cherchent à faire valoir ne peut être présenté que sous forme de contestation constitutionnelle.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que :

 

1.         L’appel soit rejeté et les dépens adjugés à la British Columbia Lottery Corporation.

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T‑1801‑10

 

INTITULÉ :                                      BRITISH COLUMBIA LOTTERY CORPORATION

 

                                                            et

 

                                                            PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 11 février 2013

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      M. LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 26 mars 2013

 

 

COMPARUTIONS :   

 

Arthur Hamilton                                                                     POUR L’APPELANTE

Jason Beitchman

 

Barney Brucker                                                                       POUR L’INTIMÉ

Michael Sims

 

Sean Moreman                                                                        POUR L’INTERVENANTE

                                                                                                (SRC)

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :    

 

Cassels Brock & Blackwell LLP                                            POUR L’APPELANTE

Toronto (Ontario)

 

William F. Pentney                                                                 POUR L’INTIMÉ

Sous‑procureur général du Canada                                        

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