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 Date : 20120123


Dossier : IMM-2934-11

IMM-2938-11

Référence : 2012 CF 90

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 23 janvier 2012

En présence de madame la juge Mactavish

 

 

ENTRE :

 

DARIUSZ SLIWA

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Monsieur Dariusz Sliwa est un citoyen de la Pologne âgé de 36 ans qui est au Canada depuis l’âge de 15 ans. Pendant ses années au Canada, M. Sliwa s’est constitué un casier judiciaire chargé, ce qui a entraîné la perte de son statut de résident permanent. Il demande maintenant le contrôle judiciaire des décisions rejetant ses demandes de dispense pour des considérations d’ordre humanitaire (CH) et de permis de séjour temporaire (PST).

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, je suis convaincue que les décisions se rapportant aux demandes  CH et de PST de M. Sliwa sont raisonnables. Par conséquent, les demandes de contrôle judiciaire sont rejetées.

 

La demande CH

 

[3]               Les motifs fournis par l’agent CH dans la présente affaire sont longs, étoffés et exhaustifs. L’agent a minutieusement établi un équilibre entre le lourd casier judiciaire de M. Sliwa (comprenant deux condamnations relatives à des crimes violents) et d’autres facteurs, y compris le fait qu’il est depuis longtemps au Canada, le soutien de sa famille dans ce pays, ses problèmes de santé mentale et les efforts qu’il déploie pour surmonter ses dépendances. L’agent a également pris en compte l’intérêt supérieur des deux enfants de M. Sliwa.

 

[4]               M. Sliwa affirme que le soutien de sa famille au Canada est essentiel pour pouvoir se rétablir de sa maladie mentale et se libérer de sa dépendance aux stupéfiants et à l’alcool. Selon M. Sliwa, l’agent CH n’a pas compris l’ampleur du réseau de soutien dont il bénéficie au Canada ainsi que le rôle que joue le soutien de la famille dans sa guérison.

 

[5]               De plus, M. Sliwa prétend que l’agent n’a pas pris en compte les rapports correctionnels qui ont été établis relativement à sa sortie de prison. Il affirme que ces rapports montrent que la décision de le libérer reposait sur le soutien qu’il reçoit de sa famille.

 

[6]               Je conviens que les rapports correctionnels décrivent le soutien dont bénéficie M. Sliwa de la part de sa famille comme un élément positif, très important dans son plan de libération. Toutefois, ces documents montrent aussi que M. Sliwa a été libéré de prison parce qu’il avait atteint sa date de libération d’office. Il ressort également des rapports que les responsables correctionnels savaient que M. Sliwa faisait l’objet d’une mesure de renvoi valide et qu’il pouvait très bien être renvoyé en Pologne.

 

[7]               Toutefois, un examen des motifs montre que l’agent était très conscient des avantages que procure le soutien d’un réseau familial aux personnes aux prises avec des dépendances ou avec la maladie mentale. En fait, dans ses motifs, l’agent renvoie précisément aux éléments de preuve à cet égard.

 

[8]               De plus, l’agent a clairement reconnu l’importance de cet aspect de la demande CH de M. Sliwa puisqu’il a commencé son analyse de cet élément par l’expression [traduction] « [p]ar-dessus tout » avant de passer à l’examen de la question du soutien de la famille et de la réinsertion sociale.

 

[9]               L’agent a commis une autre erreur, selon M. Sliwa, en se concentrant uniquement sur le soutien offert par son épouse et en omettant de tenir compte de celui apporté par ses parents, ses frères et sœurs et sa fille âgée de 14 ans, qui sont tous ici au Canada.

 

[10]           Même s’il était raisonnable de mettre l’accent sur le soutien offert à M. Sliwa par son épouse, l’agent n’a pas omis celui apporté par les autres membres de sa famille. L’agent a reconnu que M. Sliwa avait une grande famille au Canada, qui était disposée à l’appuyer dans son rétablissement. En fait, l’agent a pris soin de nommer ces personnes et de mentionner les lettres de soutien envoyées par des membres de la famille.

 

[11]           L’agent a souligné que M. Sliwa pourrait continuer d’avoir des contacts fréquents avec sa famille élargie et de recevoir le soutien de celle‑ci à partir de la Pologne. L’agent a aussi reconnu que cela ne remplacerait pas totalement un contact direct, en personne, et a souligné qu’il ou elle avait pris ce facteur en compte dans l’appréciation de la demande de M. Sliwa.

 

[12]           De plus, M. Sliwa soutient qu’il était déraisonnable que l’agent s’attende à ce que l’épouse de M. Sliwa, qui est une citoyenne canadienne, déménage en Pologne pour le soutenir dans son rétablissement. L’agent souligne que l’épouse de M. Sliwa est née en Pologne, et qu’elle pourrait vraisemblablement retourner dans ce pays si elle le voulait. De plus, l’agent a fait remarquer que M. Sliwa n’avait pas fourni suffisamment de renseignements pour montrer que sa famille ne pourrait pas retourner en Pologne, s’il devait quitter le Canada.

 

[13]           L’agent n’a pas conclu que l’épouse de M. Sliwa devrait déménager en Pologne. Il a plutôt estimé que c’était une possibilité pour elle, et qu’il ne disposait pas de suffisamment d’éléments de preuve montrant que l’épouse de M. Sliwa ne pouvait pas suivre son mari si elle le voulait. M. Sliwa n’a pas démontré que l’agent avait omis de prendre en compte des renseignements importants quand il a tiré cette conclusion ou que ses observations étaient déraisonnables.

 

[14]           De plus, je n’accepte pas l’argument de M. Sliwa selon lequel l’agent a commis une erreur en ne tenant pas compte du fait qu’il devait toujours prendre des médicaments d’ordonnance pour son trouble bipolaire. L’agent a explicitement abordé cet élément, soulignant que [traduction] « le demandeur n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que les médicaments dont il a besoin pour ses problèmes de santé ne seraient pas faciles à trouver en Pologne et que son renvoi aurait des effets préjudiciables sur sa capacité à trouver les médicaments adéquats, au besoin ». M. Sliwa n’a pas relevé quelque élément de preuve que ce soit que n’aurait pas pris en compte l’agent à cet égard.

 

[15]           Je ne suis pas convaincue que l’agent n’a pas tenu compte d’éléments de preuve ou a par ailleurs commis une erreur en concluant qu’il n’y avait aucun élément de preuve voulant que M. Sliwa ne pourrait pas trouver de travail en Pologne, compte tenu de ses capacités et de son expérience. M. Sliwa a travaillé pendant de nombreuses années à l’installation de panneaux muraux secs, et l’agent ne disposait d’aucun élément de preuve selon lesquels il ne pourrait pas exercer son métier en Pologne.

 

[16]           M. Sliwa ne m’a pas non plus convaincue que l’agent n’avait pas mené une appréciation adéquate de l’intérêt supérieur de sa fille de 14 ans, ou qu’il n’avait pas été « réceptif, attentif et sensible » au fait que l’enfant avait besoin de la présence et de l’affection de son père.

 

[17]           Particulièrement, l’agent a renvoyé à une lettre écrite par l’enfant, dans laquelle celle‑ci décrit sa relation avec son père et fait part de son désir qu’il reste au Canada. L’agent a analysé la situation de l’enfant en détail, y compris le fait que celle‑ci vit avec sa mère, et que ses visites avec son père avaient été limitées étant donné que ses parents s’étaient séparés plusieurs années auparavant.

 

[18]           L’agent a reconnu qu’il est généralement dans l’intérêt supérieur d’un enfant d’avoir accès à ses deux parents biologiques, soulignant  [traduction] « [qu’] un poids considérable » avait été accordé au fait que la fille de M. Sliwa était au Canada. L’agent a de plus explicitement reconnu que la capacité de M. Sliwa de passer du temps avec sa fille [traduction] « serait grandement réduite s’il devait rentrer en Europe ». Toutefois, l’agent a souligné que différents moyens s’offraient à M. Sliwa pour maintenir sa relation avec sa fille, y compris des communications au moyen du logiciel Skype.

 

[19]           Ce que M. Sliwa conteste réellement est le poids relatif que l’agent a accordé aux facteurs positifs et négatifs dans son dossier. Cependant, cette appréciation relève de l’agent. Comme il a été souligné précédemment, les motifs de l’agent en l’espèce étaient approfondis et exhaustifs et répondaient aux observations formulées par M. Sliwa.

 

[20]           L’agent a reconnu les facteurs militant contre la dispense au titre de CH, comme ceux militant en sa faveur. L’agent a pondéré minutieusement les facteurs contradictoires et a tiré ce qui représente clairement une conclusion raisonnable.

 

[21]           L’agent a aussi examiné la demande de permis de séjour temporaire de M. Sliwa. Outre les facteurs déjà analysés, l’agent a souligné la gravité des plus récents crimes commis par M. Sliwa, et sa période relativement courte de réinsertion sociale par rapport à ses longs antécédents de dépendances et de démêlés avec la justice. L’agent a conclu que les circonstances ne justifiaient pas la délivrance d’un PST pour contrer l’interdiction de territoire pour criminalité de M. Sliwa. M. Sliwa n’a pas démontré qu’une erreur susceptible de contrôle avait été commise.

 

Conclusion

 

[22]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

Certification

 

[23]           M. Sliwa a affirmé que, si ma décision concerne la capacité de son épouse de l’accompagner en Pologne, une question pourrait se poser à savoir [traduction] « s’il est discriminatoire de demander à une citoyenne canadienne qui n’est pas née au Canada de déménager pour éviter les difficultés que pourrait vivre son époux ».

 

[24]           J’estime qu’il ne s’agit pas d’une question qu’il convient de certifier. Ma décision ne dépend pas non plus de cette question, et l’agent n’a pas demandé à l’épouse de M. Sliwa de déménager en Pologne, mais a plutôt reconnu que c’était une possibilité.

 

[25]           Le défendeur a déclaré qu’une question pourrait se poser quant à savoir ce que suppose le fait d’être « réceptif, attentif et sensible » aux besoins d’un enfant. Je ne suis pas convaincue non plus qu’il s’agit d’une question qu’il convient de certifier.

 

[26]           Il ne manque pas de précédents de la Cour d’appel fédérale sur les principes généraux applicables aux éléments dont il faut tenir compte dans l’appréciation de l’intérêt supérieur des enfants : voir, par exemple, Hawthorne c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 475, [2003] 2 CF 555, et Legault c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 4 CF 358; 212 DLR (4th) 139. Le défendeur n’a relevé aucune nouvelle question soulevée en l’espèce devant être examinée par la Cour d’appel fédérale.

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

 

2.         Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

 

 

« Anne Mactavish »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Line Niquet

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2934-11 et IMM-2938-11

 

INTITULÉ :                                      DARIUSZ SLIWA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 19 janvier 2012

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LA JUGE MACTAVISH

 

 

DATE DES MOTIFS ET

DU JUGEMENT :                            Le 23 janvier 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Hadayt Nazami

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Bernard Assan

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

JACKMAN AND ASSOCIATES

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

MYLES J. KIRVAN

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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