Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 Date : 20120420


Dossier : IMM-4730-11

Référence : 2012 CF 471

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Ottawa (Ontario), le 20 avril 2012

 

En présence de madame la juge Gleason

 

 

ENTRE :

 

EMILJANO RODHAJ

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 28 juillet 2011 (la décision) par un agent d’exécution de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC), par laquelle l’agent a rejeté la demande de sursis à la mesure de renvoi du Canada du demandeur jusqu’à ce qu’il soit statué sur sa demande de résidence permanente présentée au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada.

 

[2]               Le demandeur soutient que la décision devrait être annulée, parce que l’agent a indûment entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire et n’a pas tenu compte de l’intérêt supérieur de la famille de M. Rodhaj, dont celui de son enfant et de l’enfant née du mariage antérieur de sa conjointe, qui seraient probablement séparées de M. Rodhaj de façon permanente s’il était renvoyé du Canada.

 

[3]               Afin de comprendre les arguments du demandeur, il faut examiner le contexte factuel pertinent, y compris l’historique procédural concernant les diverses audiences auxquelles M. Rodhaj a participé au cours des nombreuses années passées qui ont mené à la décision.

 

I.          LE CONTEXTE

[4]               M. Rodhaj est citoyen albanais. En 2005, alors qu’il était toujours en Albanie, il a rencontré sa femme, Mme Berisha, en navigant sur Internet, et entreprit une relation avec elle au moyen d’Internet. Elle‑même Albanaise de naissance, elle vivait au Canada après avoir été parrainée par son ancien mari en 2000. Ce mariage était arrangé et M. Rodhaj soutient que l’ancien mari de Mme Berisha était dominateur et lui faisait subir de la violence psychologique.

 

[5]               La relation entre le demandeur et Mme Berisha se développa, et ils se rencontrèrent en personne en Albanie en 2006.

 

[6]               En octobre 2007, M. Rodhaj vint au Canada et y demanda l’asile, alléguant qu’il était en danger en Albanie en raison d’une vendetta. En 2007, Mme Berisha commença à voir le demandeur avec lequel elle eut un enfant en octobre 2008.

 

[7]               En novembre 2009, la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut du réfugié rejeta la demande d’asile de M. Rodhaj. La SPR conclut que les facteurs déterminants étaient le manque de crédibilité de M. Rodhaj et la possibilité de se prévaloir de la protection de l’État albanais. En mai 2010, la Cour rejeta la demande d’autorisation de contrôle judiciaire présentée par M. Rodhaj à l’égard de la décision de la SPR.

 

[8]               Le 22 décembre 2010, Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) conduisit une entrevue préalable au renvoi avec M. Rodhaj au cours de laquelle il fut informé de son droit de faire une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR), en vertu de l’article 112 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). Au cours de la même entrevue, il fut informé que, si sa demande d’ERAR était rejetée, il serait renvoyé du Canada dans les deux ou trois semaines qui suivraient la réception de l’avis l’informant de la décision défavorable quant à sa demande d’ERAR.

 

[9]               Le 28 décembre 2010, M. Rodhaj présenta une demande d’ERAR. Cette demande fut rejetée le 8 juin 2011 et M. Rodhaj reçut la décision défavorable quant à l’ERAR le 28 juin 2010.

 

[10]           Selon M. Rodhaj, il apprit en février 2010 de son avocat que Mme Berisha pourrait le parrainer afin qu’il présente une demande de résidence permanente, après qu’elle et M. Rodhaj eurent vécu en union de fait pendant au moins une année. Selon M. Rodhaj, il commença à faire vie commune avec Mme Berisha en février 2010. À cette époque, Mme Berisha était toujours mariée à son ancien mari. Toutefois, elle commença la procédure de divorce en mai 2010.

 

[11]           L’ancien mari de Mme Berisha se déroba à la signification de la procédure de divorce et Mme Berisha fut obligée de demander à la Cour d’ordonner un mode particulier de signification. Le divorce fut accordé le 19 janvier 2011. Le 25 mai 2011, Mme Berisha et M. Rodhaj se marièrent. Le 1er juin 2011, Mme Berisha prit un engagement de parrainage au soutien de la demande de résidence permanente présentée par M. Rodhaj au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada.

 

[12]           Depuis son arrivée au Canada en 2000, Mme Berisha n’a travaillé que quelques mois dans une boulangerie. Elle est restée à la maison pour s’occuper de ses enfants. M. Rodhaj a travaillé en tant qu’installateur de fenêtres et a assuré la subsistance de la famille. Leur enfant est maintenant âgée de trois ans et la fille de Mme Berisha, née de son premier mariage, vit également avec eux.

 

[13]           Le 7 juillet 2011, M. Rodhaj fut informé qu’il devait se présenter le 28 juillet 2011 pour l’exécution de la mesure de renvoi en Albanie qui le visait. Le 12 juillet 2011 il s’adressa à l’ASFC pour demander la suspension de la mesure de renvoi jusqu’à ce qu’il soit statué sur sa demande de résidence permanente.

 

[14]           Dans la décision qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire, l’agent a rejeté la demande de suspension. Ce faisant, l’agent a conclu que M. Rodhaj ne pouvait bénéficier de la suspension administrative décrite dans la politique d’intérêt public de la CIC, étant donné que la demande de résidence permanente fut déposée après l’entrevue préalable au renvoi. La politique en question qui est maintenant énoncée dans le Guide opérationnel de la CIC, Traitement des demandes au Canada 8 : Catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada (le Guide de l’immigration IP 8), aux pages 53 à 60, prévoit qu’une suspension automatique du renvoi sera accordée si une demande de résidence permanente au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada ou si une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire est déposée avant l’entrevue préalable au renvoi. Toutefois la même politique mentionne qu’une telle suspension ne peut être accordée si la demande est présentée après l’entrevue préalable au renvoi, puisque le demandeur est alors jugé « prêt au renvoi ».

 

[15]           Après avoir conclu que la suspension administrative du renvoi décrite dans la politique d’intérêt public ne s’appliquait pas à la demande de M. Rodhaj, l’agent procéda à déterminer s’il devait exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 48(2) de la LIPR pour accorder la demande de suspension. Pour ce faire, il a examiné et rejeté l’argument du demandeur suivant lequel la demande de résidence permanente avait été déposée en temps opportun, étant donné qu’elle était survenue dès après le mariage de M. Rodhaj et de Mme Berisha et que, par conséquent, le demandeur devrait pouvoir bénéficier d’une suspension s’apparentant à la suspension administrative. Pour conclure au rejet de cet argument, l’agent compara la date à laquelle la demande avait été faite à celle à laquelle l’entrevue préalable au renvoi avait eu lieu et observa qu’aucune décision n’était imminente quant à la demande de résidence permanente (puisqu’il faudrait compter 9 ou 10 mois) et ajouta qu’une séparation permanente de la famille n’était pas inévitable, étant donné que d’autres options s’offraient à M. Rodhaj dont la demande de résidence permanente présentée à l’étranger et la demande relative aux travailleurs qualifiés.

 

[16]           L’agent procéda par la suite à considérer l’intérêt supérieur de la fille de M. Rodhaj, de son épouse et de sa belle-fille, et remarqua que, bien qu’il soit certain que la séparation serait difficile, le conseil n’avait soumis aucune preuve pour [traduction] « démontrer que M. Rodhaj fai[sait] face à des circonstances exceptionnellement difficiles » qui justifieraient un sursis. En décidant ainsi, l’agent fit remarquer qu’aucune preuve médicale n’avait été présentée au soutien de l’incapacité de travailler de Mme Berisha, si ce n’est un simple billet de son médecin qui mentionne que sa santé se détériorera sans le soutien de M. Rodhaj, mais ne donne aucune précision sur son état de santé ou ses symptômes. Le conseil du demandeur déposa un reçu constatant l’achat d’un antihypertenseur que, semble-t-il, Mme Berisha doit prendre.

 

[17]           L’agent fit également remarquer que Mme Berisha pouvait réclamer une pension alimentaire à son ex-conjoint et qu’elle avait travaillé par le passé, rejetant ainsi l’argument du conseil suivant lequel elle serait acculée à l’aide sociale si M. Rodhaj devait être renvoyé du Canada. L’agent souligna de plus que M. Rodhaj travaillait illégalement au Canada, étant donné qu’il n’avait pas renouvelé son permis de travail.

 

[18]           Au vu de ces faits, l’agent conclut à l’absence de fondement à l’exercice du pouvoir discrétionnaire limitée que lui confère le paragraphe 48(2) de la LIPR pour surseoir au renvoi.

 

II.        LES QUESTIONS EN LITIGE

[19]           Le demandeur aux présentes soutient que la décision devrait être annulée pour les raisons qui suivent :

1.      L’agent a indûment entravé l’exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 48(2) de la LIPR, en appliquant le critère de la suspension administrative (qui se trouve maintenant dans le Guide de l’immigration IP 8 de CIC), alors que ce critère est inapplicable à la situation de M. Rodhaj, étant donné que la demande de résidence permanente fut déposée aussitôt que cela eût été raisonnablement possible eu égard aux circonstances;

2.         L’agent a conclu de façon déraisonnable, en se fondant sur des conjectures inopportunes, qu’il était improbable que la famille soit durablement séparée, alors que Mme Berisha risque d’être réduite à l’aide sociale, ce qui l’empêcherait d’agir comme répondante au soutien de la demande de résidence permanente présentée à l’extérieur du Canada (en raison de l’article 134 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227. Il soutient également qu’il est peu probable que M. Rodhaj puisse se prévaloir du programme des travailleurs qualifiés. L’avocat soutient qu’en en venant à ces conclusions erronées, l’agent avait mal apprécié l’intérêt supérieur de la fille de M. Rodhaj et de sa belle‑fille.

 

III.             ANALYSE

[20]           Les parties s’entendent pour dire que la norme de contrôle applicable aux deux erreurs alléguées par le demandeur est la raisonnabilité. Je suis d’accord.

 

[21]           La raisonnabilité est une norme de contrôle fondée sur la retenue et exige de la Cour qu’elle examine à la fois la décision du tribunal et la preuve dont celui‑ci disposait. La Cour ne peut intervenir que si elle est convaincue que la décision n’est pas « justifiée, transparente ou intelligible » et que la décision n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». (Dunsmuir c New Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47).

 

[22]           Lorsqu’on examine le caractère raisonnable de la décision de l’agent relative au sursis, on doit se pencher sur la nature de l’enquête que l’agent est tenu de conduire aux termes du paragraphe 48(2) de la LIPR. Les décisions rendues en matière de sursis le sont à la toute fin de ce qui représente souvent des années de procédures menées devant de nombreux tribunaux d’immigration et devant les cours. La présente demande en est l’illustration parfaite : la décision de l’agent a été rendue un peu plus de trois ans et demi après la demande d’asile du demandeur et faisait suite à de nombreuses autres décisions, dont une demande de contrôle judiciaire dont le rejet eut pour résultat d’établir finalement que la demande d’asile de M. Rodhaj était sans fondement.

 

[23]            De plus, en vertu de l’article 48 de la LIPR, l’agent ne jouit que d’un pouvoir discrétionnaire limité pour suspendre une mesure de renvoi, comme notre cour et la Cour d’appel fédérale l’ont indiqué à plusieurs occasions (voir, par exemple, Baron c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, [2009] ACF no 314 (Baron), au paragraphe 49; Shpati c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2011 CAF 286, 209 ACWS (3d) 150 (Shpati),au paragraphe 45; Williams c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2010 CF 274, 89 Imm LR (3d) 58 (Williams),au paragraphe 31). En fait, cela ressort de la lecture même de la LIPR dont l’article 48 prévoit que :

(1) La mesure de renvoi est exécutoire depuis sa prise d’effet dès lors qu’elle ne fait pas l’objet d’un sursis.

 

(2) L’étranger visé par la mesure de renvoi exécutoire doit immédiatement quitter le territoire du Canada, la mesure devant être appliquée dès que les circonstances le permettent.

(1) A removal order is enforceable if it has come into force and is not stayed.

 

(2) If a removal order is enforceable, the foreign national against whom it was made must leave Canada immediately and it must be enforced as soon as is reasonably practicable.

 

 

[24]           L’article 48 prévoit que l’étranger visé par la mesure de renvoi exécutoire doit quitter le territoire du Canada dès que « les circonstances le permettent ». Le pouvoir discrétionnaire conféré aux agents de l’ASFC se borne par conséquent à déterminer à partir de quel moment « les circonstances le permettent ». Ainsi que le juge Zinn le fait observer dans la décision Williams, aux paragraphes 32 à 35, la jurisprudence reconnaît trois catégories de situations pouvant amener un agent à reporter un renvoi. Il s’agit des cas suivants :

1.   Lorsque la date initialement prévue ne peut être retenue en raison de problèmes liés aux préparatifs de voyage, comme l’absence de documents de voyage ou des problèmes de transport;

2.   Lorsque d’autres facteurs rendent irréaliste la date qui avait été initialement fixée, notamment pour permettre à un enfant de terminer l’année scolaire ou en cas de naissances ou de décès imminents d’une des personnes visées par la mesure de renvoi;

3.   Lorsque le renvoi est susceptible de rendre inefficace le processus en cours prévu par la LIPR et pouvant aboutir au droit d’établissement.

 

[25]           Les cas entrant dans la troisième catégorie sont ceux qui correspondent à la plupart des litiges soumis à la Cour. Dans les arrêts Baron et Shpati, précités, la Cour d’appel fédérale a clairement indiqué que le simple fait qu’une demande d’examen des risques avant renvoi ou une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire sont pendantes ne justifie pas à lui seul le report du renvoi. Il doit exister des « circonstances spéciales » se rapportant au processus en cours. Parmi ces circonstances spéciales, il y a lieu de mentionner les cas dans lesquels le refus de reporter l’exécution de la mesure de renvoi exposera la personne visée à un risque de mort, de sanctions excessives ou de traitement inhumain (Baron, précité, au paragraphe 51, Wang, précité, au paragraphe 41). Sinon, il arrive à l’occasion que la Cour considère comme des circonstances spéciales les situations dans lesquelles une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire a été déposée en temps opportun, mais son traitement accuse un retard important (voir, par exemple, Simoes c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 936, 7 Imm LR (3d) 141 (CF 1re inst), au paragraphe 12; Villanueva c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2010 CF 543, au paragraphe 35).

 

[26]            Le demandeur n’a soumis aucune autorité à l’appui de sa prétention suivant laquelle sa demande de résidence permanente pourrait se situer dans la catégorie des « circonstances spéciales » si sa répondante devenait inhabile à agir à ce titre au soutien de sa demande de résidence permanente si elle devait être réduite à l’aide sociale en raison du renvoi du demandeur. La Cour a traité de l’incidence que la mesure de renvoi peut avoir sur la capacité du conjoint de continuer à agir comme répondant au soutien d’une demande de résidence permanente présentée au Canada dans le contexte d’une demande de sursis à la mesure de renvoi. Dans Acevedo c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 401, le juge Shore a accordé la demande de sursis, en partie parce que l’épouse du demandeur était une personne handicapée qui ne pouvait travailler et qui, par conséquent, n’aurait pu agir comme répondante au soutien de la demande de résidence permanente qui aurait permis à son conjoint de revenir au Canada si le renvoi de ce dernier avait acculé la répondante à l’aide sociale. Par ailleurs, dans Mondelus c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2011 CF 1138 (Mondelus), le juge Shore a rejeté la demande de sursis, en concluant au paragraphe 87 qu’il était « […] spéculatif de dire que la conjointe du demandeur aura[it] recours à l’aide sociale si le demandeur [était] renvoyé, rendant celle‑ci inapte à parrainer le demandeur de l’extérieur du Canada ». Dans Mondelus, l’épouse, tout comme Mme Berisha, n’était pas une personne handicapée, mais n’avait jamais travaillé à l’extérieur du foyer. Au soutien du refus de sursis, le juge Shore fit observer au paragraphe 88 « [qu’]il n’y a[vait] aucune preuve au dossier que la conjointe du demandeur ne [pourrait] faire appel aux garderies subventionnées par le gouvernement, aux membres de sa famille ou à des amis, ou tout simplement, en dernier recours, aux services de garderies privées comme le font plusieurs autres mères qui sont sur le marché du travail ».

 

[27]           Selon moi, la décision de l’agent est raisonnable. Contrairement à ce que M. Rodhaj prétend, l’agent n’a pas entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire prévu à l’article 48 de la LIPR. À cet égard, non seulement a-t-il déterminé que la politique d’intérêt public de la CIC ne s’appliquait pas à la situation de M. Rodhaj, mais il n’a également pas appliqué cette politique. L’agent a plutôt pris en compte les prétentions du demandeur pour déterminer qu’elles ne suffisaient pas à justifier un sursis. Plus particulièrement, il a pris en considération et rejeté l’argument suivant lequel la demande de résidence permanente avait été déposée dès après le mariage de M. Rodhaj et Mme Berisha, et a jugé que ce fait en soi ne suffisait pas à justifier le sursis. Il a également considéré d’autres facteurs pertinents, dont l’intérêt supérieur des enfants affectés, et a observé qu’aucun élément de preuve attestant l’incapacité de travailler de Mme Berisha ne lui avait été soumis. Cette conclusion est tout à fait raisonnable.

 

[28]           En effet, tout comme pour la conjointe dans la décision Mondelus, il serait selon moi tout à fait spéculatif de conclure que Mme Berisha serait acculée à l’aide sociale si M. Rodahj était renvoyé du Canada. Le fait qu’elle prenne des antihypertenseurs (comme une myriade de Canadiens) ne signifie pas qu’elle ne peut pas travailler. Non plus que le fait qu’elle n’a, à ce jour, que travaillé brièvement au Canada. Elle n’est pas différente des millions d’autres Canadiennes qui confient leurs enfants à des garderies lorsqu’elles doivent travailler. De plus, son premier mari a l’obligation de contribuer à l’entretien de l’un des enfants et l’agent était tout à fait fondé de conclure qu’il existait des moyens permettant à Mme Berisha d’obtenir le respect des obligations alimentaires. Il est donc tout à fait spéculatif de conclure que Mme Berisha serait acculée à l’aide sociale et ne serait pas en mesure de maintenir son parrainage au soutien de la demande de résidence permanente de M. Rodahj présentée à l’étranger s’il est renvoyé du Canada.

 

[29]           Par conséquent, la décision de l’agent est raisonnable. En bref, l’abondante preuve soumise à l’agent lui permettait de conclure que la situation du demandeur ne correspondait pas à la catégorie des « circonstances spéciales », ce qui rendrait nécessaire la suspension du renvoi afin de ne pas rendre inefficace le parrainage de Mme Berisha au soutien de la demande de résidence permanente. Il n’a pas entravé non plus l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

 

[30]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[31]           Aucune question n’a été soumise pour certification au titre de l’article 74 de la LIPR, et la présente affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.                  Aucune question grave de portée générale n’est certifiée;

3.                  Aucune ordonnance n’est rendue quant aux dépens.

 

 

 

 

« Mary J.L. Gleason »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

C. Laroche


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4730-11

 

INTITULÉ :                                      Emiljano Rodhaj c Le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 7 février 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LA JUGE GLEASON

 

DATE :                                              Le 20 avril 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Richard Wazana

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Samantha Reynolds

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS AU DOSSIER :

 

Richard Wazana,

Avocat et procureur

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan,

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.