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Date : 20140605


Dossier : T‑1467‑13

Référence : 2014 CF 540

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 5 juin 2014

En présence de monsieur le juge Beaudry

 

ENTRE :

JAMES MUTART

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, à l’encontre de la décision, en date du 1er août 2013, rendue sous le régime de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, LC 2003, c 22 (LRTFP), par laquelle une arbitre a rejeté le grief du demandeur pour défaut de compétence et a conclu, à titre subsidiaire, que, même si elle avait eu la compétence, les faits de l’affaire démontraient que le défendeur avait pris des mesures d’adaptation à l’égard du demandeur au point de subir des contraintes excessives.

[2]               La demande sera rejetée pour les motifs qui suivent.

I.                   LES FAITS

[3]               Les parties ont présenté à l’arbitre un énoncé conjoint des faits. La Cour n’exposera que les faits pertinents en l’espèce.

[4]               Le demandeur a occupé le poste d’agent des immeubles et des installations à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) de 1981 à 2009.

[5]               Le demandeur souffre d’une maladie chronique du rein. Il a subi une greffe de rein en 1989, mais ses reins ont de nouveau défailli en septembre 1999. La maladie l’a rendu invalide; il s’est vu incapable de continuer à travailler. Il a été placé sur une liste d’attente pour une greffe à Ottawa et il est entré en congé sans solde en raison de son invalidité. Il a aussi commencé à recevoir des prestations d’invalidité et a conservé la protection de son assurance contre les maladies graves.

[6]               Le 19 décembre 2003, le demandeur a reçu une lettre de TPSGC l’informant d’un réalignement de la structure organisationnelle du ministère.

[7]               Le 27 octobre 2005, TPSGC a communiqué avec le demandeur pour le questionner sur son absence du travail et l’informer des options volontaires qui s’offraient à lui : retourner au travail (avec certificat médical favorable), donner sa démission ou prendre sa retraite pour des raisons médicales. Le demandeur devait répondre au plus tard le 16 décembre 2005, échéance qui a été reportée au 31 janvier 2006.

[8]               Après plusieurs échanges avec TPSGC au sujet du congé et des avantages sociaux, le 26 avril 2006, le demandeur a été informé qu’il devait présenter des documents médicaux s’il souhaitait retourner au travail ou se soumettre à une évaluation de Santé Canada. Pendant cette période, le médecin du demandeur a également demandé que celui‑ci soit muté dans la région de Hamilton pour bénéficier d’une meilleure chance de subir une greffe ainsi que du soutien de sa famille.

[9]               Après une longue correspondance avec TPSGC, au cours de laquelle le demandeur avait fourni des documents médicaux et TPSGC lui avait demandé de précisions, celui‑ci a indiqué en janvier 2007 qu’il était prêt à se soumettre à une évaluation de Santé Canada.

[10]           Le 25 février 2008, TPSGC a écrit au demandeur pour lui confirmer que la mutation dans la région de Hamilton n’était pas possible.

[11]           L’état de santé du demandeur s’est détérioré. Le 26 mars 2008, il a présenté un certificat médical indiquant l’impossibilité de retourner au travail et la possibilité d’une nouvelle évaluation en septembre 2008.

[12]           Le 19 septembre 2008, le demandeur a écrit à TPSGC pour demander que son congé sans solde soit prolongé.

[13]           Le 14 octobre 2008, TPSGC a informé le demandeur qu’il devait confirmer s’il souhaitait retourner au travail, donner sa démission ou prendre sa retraite pour des raisons médicales, sinon TPSGC recommanderait le licenciement.

[14]           Le 23 octobre 2008, le demandeur a présenté un autre certificat médical précisant qu’il ne retournerait travailler à temps plein que s’il subissait une greffe de rein or, on ne pouvait pas prédire quand une greffe serait possible.

[15]           Le 6 mars 2009, TPSGC a écrit au demandeur l’informant qu’il recommanderait le licenciement.

[16]           Le 16 avril 2009, TPSGC a demandé au demandeur d’écrire une lettre de démission indiquant que son dernier jour d’emploi était le 5 avril 2009.

[17]           Le 20 mai 2009, suivant le conseil de son représentant syndical, le demandeur a écrit une lettre pour donner sa démission en date du 29 mai 2009. Dans sa lettre, il indiquait être d’avis qu’il était forcé de démissionner pour des raisons médicales et qu’il avait l’intention de déposer un grief.

[18]           Le demandeur a déposé son grief le 26 juin 2009.

II.                LA DÉCISION CONTESTÉE

[19]           L’arbitre a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour instruire l’affaire en vertu de l’article 209 de la LRTFP parce qu’il s’agissait d’une démission volontaire, au sens de l’article 63 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, LC 2003, c 22 (LEFP), et que l’article 211 de la LRTFP interdit expressément la compétence d’un arbitre dans toute cessation d’emploi en vertu de la LEFP. L’arbitre a conclu que le grief ne portait pas sur une demande de mesures d’adaptation, mais plutôt sur la cessation d’emploi du demandeur.

[20]           En arrivant à cette conclusion, l’arbitre a fait observer que le demandeur ne sollicitait nul autre redressement que sa réintégration. Il était trop tard lors de l’audience pour argumenter que l’objet de son grief n’était pas la démission forcée, mais plutôt le traitement par son employeur lors des années ayant mené à sa retraite pour des raisons médicales. L’arbitre a également noté que le demandeur a rédigé son grief avec l’aide de son représentant syndical, qui était un conseiller en relations de travail expérimenté. L’arbitre a conclu que, suivant la décision Burchill c Canada (Procureur général), [1981] 1 CF 109 (CAF) [Burchill], elle devait s’en tenir aux griefs présentés par le demandeur à l’employeur au dernier palier du processus de règlement des griefs. Le demandeur n’avait pas non plus présenté d’argument ou de preuve indiquant que son employeur était coupable de fraude, de supercherie, de camouflage ou de mauvaise foi.

[21]           L’arbitre a également conclu que, même si elle avait eu la compétence, les faits de l’affaire démontraient que l’employeur avait pris des mesures d’adaptation à l’égard du demandeur au point de subir des contraintes excessives.

III.             LES QUESTIONS EN LITIGE

[22]           Les deux questions à trancher sont les suivantes :

1)                  L’arbitre a‑t‑elle commis une erreur en concluant qu’elle n’avait pas compétence pour instruire le grief?

2)                  L’arbitre a‑t‑elle commis une erreur en concluant que le défendeur avait pris des mesures d’adaptation à l’égard du demandeur au point de subir des contraintes excessives?

IV.             LA NORME DE CONTRÔLE

[23]           Selon les deux parties, la norme de contrôle applicable à l’interprétation que l’arbitre de grief donne de l’article 209 de la LRTFP est celle de la décision raisonnable (Canada (Procureur général) c Amos, 2011 CAF 38, aux par. 27 à 33).

V.                LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[24]           Les dispositions législatives applicables sont présentées à annexe A jointe au présent jugement.

Les arguments du demandeur

[25]           Le demandeur fait valoir que l’arbitre ne doit pas s’en tenir à une interprétation mécanique et restrictive du libellé d’un grief, mais plutôt d’examiner son contexte et établir l’objet du grief, qu’il soit énoncé explicitement ou implicitement (McMullen c Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 64, au par. 103). Le demandeur souligne que, compte tenu du grief dans son ensemble, il ressort clairement que celui‑ci porte sur des violations de la Loi canadienne sur les droits de la personne et de la disposition de non‑discrimination de la convention collective. La préoccupation explicite et globale du demandeur portait sur l’omission de son employeur de prendre des mesures d’accommodement relativement à son incapacité tant avant qu’au cours du processus ayant mené à sa démission forcée.

[26]           Selon le demandeur, il était déraisonnable de la part de l’arbitre de fonder sa décision relative à la compétence sur une interprétation restrictive inacceptable donnée de l’article 209 de la LRTFP. La conclusion de l’arbitre, selon laquelle, le fait que le demandeur sollicitait uniquement la réintégration démontrait que celui‑ci ne contestait que sa démission, est sans fondement, étant donné que l’absence d’une réclamation de dommages ne modifie pas le fond d’un grief. En outre, les éléments de preuve présentés par le demandeur au cours du processus de règlement des griefs faisant état des demandes d’accommodement démontraient également les préoccupations du demandeur quant à l’omission de son employeur de prendre des mesures d’accommodement. Le demandeur invoque la décision Sketchley c Canada (Procureur général), 2004 CF 1151, confirmée en appel, 2005 CAF 404, qui reconnaissait que la démission forcée pouvait constituer de la discrimination lorsque le processus avait été été mis en œuvre sans égard aux circonstances de l’obligation d’accommodement envers un employé particulier.

[27]           Le demandeur ajoute que l’arbitre a mal appliqué la règle énoncée dans Burchill, au par. 5, selon laquelle il n’est pas loisible à une personne de modifier son grief ou de présenter un nouveau grief lorsque le processus de règlement passe à l’étape de l’arbitrage. Selon le demandeur, tel n’est pas le cas en l’espèce, vu que le défendeur était au courant, tout au long du processus de règlement des griefs, des allégations de discrimination formulées par le demandeur. Ce dernier ne cherche pas à modifier le fond de son grief ni de soumettre un nouveau grief à l’arbitrage.

[28]           Le demandeur affirme également qu’en arrivant à la conclusion subsidiaire sur le fond du grief, selon laquelle le défendeur avait pris des mesures d’adaptation à l’égard du demandeur au point de subir des contraintes excessives, l’arbitre a omis de prendre en considération les éléments de preuve pertinents dont elle était saisie. L’arbitre a tenu exclusivement compte de la longue durée du congé de maladie du demandeur et n’a pas pris en considération les éléments de preuve qui indiquaient clairement l’omission constante du défendeur de prendre des mesures d’accommodement, à savoir lorsque celui‑ci pas n’a pas déterminé si des postes étaient offerts dans le secteur Hamilton Niagara ou dans la région de Toronto et lorsqu’il n’a pas permis au demandeur de retourner au travail à temps partiel.

Les arguments du défendeur

[29]           Le défendeur fait valoir qu’il était loisible à l’arbitre de conclure, compte tenu du libellé clair du grief, que la démission du demandeur constituait l’objet principal du grief dont il n’était pas possible de dissocier l’élément concernant les droits de la personne. Le défendeur affirme que le demandeur cherche à tort à modifier son grief initial portant sur la démission et invoquer uniquement l’obligation d’accommodement. Dans son grief, le demandeur n’utilisait pas le terme « obligation d’accommodement », ne contestait pas les mesures d’adaptation prises entre 2005 et 2008 en temps opportun, indiquait seulement la date de la démission comme date des circonstances ayant mené au grief, mettait nettement l’accent sur la question de la démission et ne mentionnait pas l’article de la convention collective relatif à la discrimination. Il était raisonnable de la part de l’arbitre de conclure que le grief portait principalement sur la démission et que toute référence à la Loi canadienne sur les droits de la personne était inextricablement liée à la démission, et qu’elle n’avait donc pas compétence en vertu de l’article 211 de la LRTFP.

[30]           Le défendeur ajoute qu’il était loisible à l’arbitre de rendre une décision subsidiaire, estimant que les faits de l’affaire démontraient que l’employeur avait pris des mesures d’adaptation à l’égard du demandeur au point de subir des contraintes excessives. La preuve montrait qu’il était peu vraisemblable que le demandeur retourne au travail dans un avenir raisonnablement prévisible et qu’au moment de sa démission il était en congé depuis plus de dix ans. Le défendeur note que, pour avoir gain de cause, le demandeur doit établir que la décision de l’arbitre était déraisonnable tant au regard de la compétence qu’au regard des contraintes excessives.

Analyse

[31]           L’article 211 de la LRTFP écarte la compétence de l’arbitre d’instruire un grief portant sur un licenciement prévu sous le régime de la LEFP. À première vue, le grief était axé sur les allégations du demandeur selon lesquelles il avait été forcé de prendre sa retraite pour des raisons médicales. Il affirme [traduction] « Je conteste la retraite pour des raisons médicales que TPSGC m’a forcé de prendre pour m’assurer un revenu alors que j’attendais une greffe de rein ». Le demandeur ne mentionne pas son incapacité, les contraintes excessives ou la discrimination, même si ces éléments sont toujours liés à la perte de son emploi. Il affirme dans son grief [traduction] « La démission forcée s’explique par mon incapacité temporaire. Le maintien du statu quo en attente de la greffe n’aurait pas occasionné pour TPSGC une contrainte excessive. La perte de mon emploi est directement imputable à mon invalidité, et de ce fait, j’ai été victime de discrimination, en violation de ma convention collective et de la Loi canadienne sur les droits de la personne. » En outre, le demandeur indique le 30 mai 2009 comme la date à laquelle s’est produit l’acte, l’omission ou un autre événement ayant mené au grief. Le demandeur sollicite sa réintégration en congé sans solde dans l’attente d’une greffe de rein et de son retour au travail. Si le grief avait porté sur l’omission du défendeur de prendre des mesures d’accommodement à l’égard du demandeur dans les années ayant précédé sa démission, on s’attendrait à ce que son grief en fasse état. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il était loisible à l’arbitre de conclure qu’à première vue, le fond du grief déposé par le demandeur portait sur une démission sous le régime de l’article 63 de la LEFP.

[32]           Certes, le libellé du grief ne devrait pas être le seul élément dont l’arbitre tienne compte pour décider de sa nature, mais la Cour ne souscrit pas à la prétention du demandeur selon laquelle l’arbitre a adopté une approche trop mécanique et restrictive en l’espèce. L’arbitre a mentionné à l’appui de sa conclusion des facteurs contextuels autres que le libellé du grief. Elle a noté que, même s’il avait bénéficié de l’aide d’un représentant syndical expérimenté, le demandeur avait choisi de ne déposer un grief qu’un mois après avoir donné sa démission, plutôt qu’en temps opportun, pour contester l’omission alléguée du défendeur de prendre des mesures d’accommodement au cours des années précédentes. L’arbitre a également conclu que les éléments de preuve présentés par le demandeur qui faisaient état des événements ayant mené à sa démission ne permettaient pas de modifier la nature de son grief, étant donné que les événements en question étaient inextricablement liés à sa démission. Compte tenu du libellé du grief ainsi que d’autres facteurs contextuels, l’arbitre a raisonnablement conclu que « l’essentiel » de son grief était que le demandeur aurait été forcé de prendre sa retraite pour des raisons médicales.

[33]           L’arbitre a reconnu que, selon la décision Burchill, il n’était pas loisible au demandeur de modifier la nature de son grief afin de faire l’objet d’un arbitrage. Notre Cour a confirmé l’importance de s’en tenir au grief initial déposé par le demandeur dans Boudreau c Canada (Procureur général), 2011 CF 868, au par. 20, où le juge Martineau a déclaré que, « compte tenu de la différence de traitement réservée aux affaires susceptibles d’être renvoyées ou non à l’arbitrage sous le régime de l’article 209 de la Loi, il appert qu’un élément essentiel de ce système repose sur l’interdiction faite aux fonctionnaires de modifier la nature de leurs griefs durant leur processus de règlement ou à l’occasion de leur renvoi à l’arbitrage ». L’arbitre s’est préoccupée à juste titre de s’assurer que la nature du grief était demeurée la même tout au long du processus de règlement.

[34]           La Cour ne relève aucune erreur susceptible de contrôle dans le raisonnement de l’arbitre. Celle‑ci a examiné les arguments des deux parties et a expliqué en détail les raisons l’ayant amenée à conclure au défaut de compétence pour instruire le grief sous le régime de la LRTFP, vu qu’elle avait déterminé que le grief était correctement défini comme portant sur la démission du demandeur. La décision de l’arbitre reposait sur les éléments de preuve dont elle disposait et appartient aux issues possibles pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au par. 47).

[35]           Dans le cas où la Cour se tromperait sur la première question, elle tranchera la deuxième question en litige. Selon l’arbitre, même si elle avait compétence dans la présente affaire, les faits de l’affaire démontraient que le défendeur avait pris des mesures d’adaptation à l’égard du demandeur au point de subir des contraintes excessives. L’arbitre a analysé les faits particuliers de l’affaire lorsqu’elle a examiné les mesures d’adaptation prises par l’employeur. Elle a noté que le demandeur avait été en congé sans solde pendant 10 ans et qu’il attendait une greffe de rein depuis 14 ans au moment de l’audience. L’arbitre a ajouté qu’il y avait eu plusieurs tentatives de prendre des mesures d’adaptation à l’égard du demandeur et que, selon la preuve, certaines tentatives semblaient très près d’être menées à bien, alors qu’à chaque fois, c’était le demandeur qui avait besoin de reporter ces possibilités. L’arbitre a conclu qu’il n’était pas déraisonnable pour l’employeur d’exiger du demander de choisir l’une des options offertes, étant donné qu’au moment de l’audience, il n’y avait toujours aucune possibilité que le demandeur puisse retourner au travail, ni d’indication du moment où il serait en mesure de le faire.

[36]           Dans l’arrêt Hydro‑Québec c Syndicat des employé‑e‑s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro‑Québec, section locale 2000 (SCFP‑FTQ), 2008 CSC 43, la Cour suprême du Canada a apporté des précisions, aux par. 17 et 18, quant à l’obligation de l’employeur d’accommoder un employé souffrant d’une maladie chronique qui l’empêchait de se présenter au travail :

En raison du caractère individualisé de l’obligation d’accommodement et de la diversité des circonstances qui peuvent survenir, toute règle rigide est à éviter. Si une entreprise peut, sans en subir de contrainte excessive, offrir des horaires de travail variables ou assouplir la tâche de l’employé, ou même procéder à autoriser des déplacements de personnel, permettant à l’employé de fournir sa prestation de travail, l’employeur devra alors ainsi accommoder l’employé. […] Cependant, en cas d’absentéisme chronique, si l’employeur démontre que, malgré les accommodements, l’employé ne peut reprendre son travail dans un avenir raisonnablement prévisible, il aura satisfait à son fardeau de preuve et établi l’existence d’une contrainte excessive.

L’incapacité totale d’un salarié de fournir toute prestation de travail dans un avenir prévisible n’est donc pas le critère de détermination de la contrainte excessive. Lorsque les caractéristiques d’une maladie sont telles que la bonne marche de l’entreprise est entravée de façon excessive ou lorsque l’employeur a tenté de convenir de mesures d’accommodement avec l’employé aux prises avec une telle maladie, mais que ce dernier demeure néanmoins incapable de fournir sa prestation de travail dans un avenir raisonnablement prévisible, l’employeur aura satisfait à son obligation.

[37]           En l’espèce, au moment de l’audience, le demandeur n’était toujours pas en mesure de retourner au travail. Même si la preuve établissait que celui‑ci serait en mesure de retourner au travail peu de temps après avoir subi une greffe de rein, le moment de l’intervention médicale demeurait tout à fait incertain. Il était donc raisonnable pour l’arbitre de conclure que le demandeur n’était pas en mesure de retourner au travail dans un avenir prévisible et de fonder son évaluation de l’accommodement sur ce fait. Compte tenu de la durée du congé sans solde pris par le demandeur et de la preuve selon laquelle l’employeur avait essayé à plusieurs reprises de prendre des mesures d’accommodement, il était raisonnable pour l’arbitre de conclure que celui‑ci avait pris des mesures d’adaptation à l’égard du demandeur au point de subir des contraintes excessives. L’intervention de la Cour n’est donc pas justifiée.

[38]           Les parties ont convenu à l’audience que la question des dépens n’était pas soulevée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée; les dépens suivront l’issue de la cause.

« Michel Beaudry »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

T‑1467‑13

 

INTITULÉ :

JAMES MUTART c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 MAI 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BEAUDRY

 

DATE :

LE 5 JUIN 2014

 

COMPARUTIONS :

Andrew Astritis

Morgan Rowe

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Richard Fader

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Andrew Astritis

Morgan Rowe

Ottawa (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous procureur général du Canada

Richard Fader

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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