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Date : 20140825


Dossier : IMM‑3457‑13

Référence : 2014 CF 821

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 août 2014

En présence de monsieur le juge Rennie

ENTRE :

CIJIA GAO

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Le demandeur demande l’annulation d’une décision en date du 25 avril 2013 par laquelle un agent des visa a refusé sa demande de résidence permanente présentée au titre de la catégorie de l’expérience canadienne (travailleur qualifié). La demande était fondée sur la catégorie « superviseur des ventes – commerce de détail », code 6211, de la Classification nationale canadienne et sur un poste que le demandeur s’était vu offrir chez Safeway Ltd.

[2]               Après avoir examiné la preuve, l’agent des visa a tiré les conclusions suivantes :

1.             Le demandeur n’avait pas supervisé et coordonné les activités du personnel des ventes et des caissiers, ni réparti les tâches entre les travailleurs du secteur des ventes.

2.             Le demandeur a fourni une lettre dans laquelle son employeur décrivait les fonctions qu’il exerçait. L’agent a noté que les verbes « aider », « assister » et « seconder » étaient employés pour décrire les tâches rattachées à trois des cinq fonctions mentionnées.

[3]               Dans la lettre de décision, l’agent conclut que le demandeur n’a pas prouvé qu’il avait exercé une partie appréciable des fonctions principales de la profession de superviseur des ventes décrites dans la CNP 6211, ni qu’il avait exercé les fonctions essentielles rattachées à l’emploi. L’agent conclut donc que le demandeur ne satisfait pas aux conditions d’attribution du statut de résident permanent au titre de l’expérience canadienne et rejette sa demande.

[4]               L’affaire dont je suis saisie est identique sur le fond à l’affaire Benoit c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 185. Dans cette décision, le juge Russel Zinn écrit ce qui suit :

L’alinéa 87.1(2)c) du Règlement requiert que Mme Benoit ait « exercé une partie appréciable des fonctions principales de la profession […] notamment toutes les fonctions essentielles » telles que décrites dans la CNP pour le genre de travail où elle a fait figurer son expérience. Dans la CNP 6211, sur laquelle repose sa demande, il n’existe pas de « fonctions essentielles », mais seulement des « fonctions principales ». Il en découle que Mme Benoit devait avoir exercé « une partie appréciable » de ces fonctions principales […]

[5]               Dans l’affaire qui nous occupe, l’agent devait déterminer si le demandeur avait « exercé une partie appréciable des fonctions principales [de la profession] ». Comme je l’ai toutefois mentionné, la lettre de décision datée du 25 avril 2013 indique que l’agent a conclu que le demandeur n’avait pas [traduction] « exercé une partie appréciable des fonctions principales de la profession de superviseur des ventes décrites dans la CNP 6211, notamment toutes les fonctions essentielles ».

[6]               La CNP 6211 ne fait état d’aucune fonctions essentielles. On ne sait donc pas sur quel critère l’agent s’est fondé pour évaluer la demande.

[7]               Le défendeur fait valoir que dans les notes versées dans le Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (STIDI), il n’est nullement question de fonctions essentielles, mais seulement « d’une partie appréciable des fonctions », et il demande à la Cour de faire abstraction de l’erreur contenue dans la lettre de décision sur le fondement de l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, par 12. À mon avis, il y a une différence substantielle entre le fait de recourir au dossier pour étayer ou, pour reprendre les termes employés par la Cour suprême du Canada, pour compléter une décision par ailleurs lacunaire, et le fait de recourir au dossier pour écarter ou nier une erreur évidente sur un élément crucial de la décision. Dans la décision Komolafe c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 431, au paragraphe 11, j’ai écrit ceci :

L’arrêt Newfoundland Nurses ne donne pas à la Cour toute la latitude voulue pour fournir des motifs qui n’ont pas été donnés, ni ne l’autorise à deviner quelles conclusions auraient pu être tirées ou à émettre des hypothèses sur ce que le tribunal a pu penser. C’est particulièrement le cas quand les motifs passent sous silence une question essentielle. Il est ironique que l’arrêt Newfoundland Nurses, une affaire qui concerne essentiellement la déférence et la norme de contrôle, soit invoqué comme le précédent qui commanderait au tribunal ayant le pouvoir de surveillance de faire le travail omis par le décideur, de fournir les motifs qui auraient pu être donnés et de formuler les conclusions de fait qui n’ont pas été tirées. C’est appliquer la jurisprudence à l’envers. L’arrêt Newfoundland Nurses permet aux cours de contrôle de relier les points sur la page quand les lignes, et la direction qu’elles prennent, peuvent être facilement discernées. Ici, il n’y a même pas de points sur la page.

[8]               Je signale que, dans la décision Benoit, le juge Zinn a rejeté un argument semblable voulant que l’on élargisse l’application de l’arrêt Newfoundland Nurses :

Selon moi, le fait de « compléter » davantage [les motifs], pour citer le paragraphe 12 de Newfoundland and Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, ne permet pas de préserver la décision de l’agent. Le Règlement prévoit clairement que l’exercice d’une « partie appréciable » des fonctions suffit à remplir les exigences. C’est là l’objet du critère. L’agent dans le dossier en cause n’a pris en considération que des parties de deux fonctions sur les huit que compte la CNP 6211. Se fondant sur ces éléments, l’agent a conclu que l’expérience de Mme Benoit au Granite Club ne satisfaisait pas aux conditions d’accès à l’égard de la profession en cause.

[9]               Il est une deuxième raison pour laquelle la décision ne peut être maintenue. La CNP 6211 exige qu’« une partie ou l’ensemble » des fonctions soit exercé. La lettre de décision met l’accent sur le fait que, dans sa lettre, l’employeur dit du demandeur qu’il « aide » « assiste » et « seconde ». L’agent en a conclu que le demandeur n’avait pas exercé trois des fonctions qui y étaient décrites. Faute de contexte plus global, d’éléments de preuve ou de renseignements plus nombreux, il était déraisonnable pour l’agent de conclure que la personne qui exerce une fonction avec ou de concert avec d’autres, comme c’est souvent le cas dans un milieu de travail axé sur le travail d’équipe, n’exerce pas la fonction en question.

[10]           En résumé, la présente affaire est en tout point semblable à l’affaire Benoit, dans laquelle l’agent n’a pris que partiellement en considération deux fonctions sur huit et a ainsi conclu que Mme Benoit ne satisfaisait pas aux conditions prescrites. En l’espèce, l’agent a de façon déraisonnable fait abstraction de la preuve relative à trois des huit fonctions et il appert de sa décision qu’il a estimé à tort que certaines de ces fonctions étaient essentielles.

 


JUGEMENT

LA COUR ACCUEILLE la demande et RENVOIE l’affaire pour nouvelle décision par un autre agent d’immigration. Il n’y a aucune question à certifier.

« Donald J. Rennie »

Juge

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑3457‑13

INTITULÉ :

CIJIA GAO c MCI

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 8 JUILLET 2014

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE RENNIE

DATE :

LE 25 AOÛT 2014

COMPARUTIONS :

Ram Sankaran

POUR LE DEMANDEUR

Ian Wiebe

pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stewart Sharma Harsanyi

Immigration, Family and Criminal Defense Lawyers

Calgary (Alberta)

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Calgary (Alberta)

POUR Le défendeur

 

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