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Date : 20110420

Dossier : IMM‑4907‑10

Référence : 2011 CF 326

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 20 avril 2011

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE RENNIE

 

ENTRE :

 

JUANA LOURDES VALENCIA PENA, ERIKA VANESSA FIORENTTINI VALENCIA

 

 

 

demanderesses

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE MODIFIÉS

 

[1]               La demanderesse principale est une citoyenne du Pérou qui s’est enfuie aux États‑Unis et ensuite au Canada, où elle et sa fille, Vanessa Fiorenttinni Valencia, la demanderesse mineure, ont demandé l’asile. La demande d’asile a été examinée par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) qui l’a rejetée par une décision datée du 29 juillet 2010. C’est cette décision qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire. Pour les motifs qui suivent, j’accueille la présente demande et je renvoie l’affaire à la Commission pour nouvel examen par un tribunal différemment constitué.

 

[2]               Bien que la demanderesse ait soulevé de nombreuses questions concernant à la fois les conclusions de fait et l’analyse juridique effectuée par la Commission, il suffit en l’espèce d’examiner deux questions : le rejet par la Commission de l’explication de la demanderesse quant à savoir pourquoi elle n’a pas demandé l’asile aux États‑Unis, et le critère juridique appliqué par la Commission pour apprécier le caractère adéquat de la protection de l’État.

 

[3]               La Commission a reconnu que la demanderesse a subi de la violence de la part de son ancien mari, mais elle a conclu que le défaut de celle‑ci de demander l’asile aux États‑Unis minait sa crédibilité. La demanderesse a déclaré qu’elle n’avait quitté les États‑Unis que parce qu’elle craignait d’être expulsée au Pérou en raison de l’activité accrue des autorités américaines de l’immigration. Elle a dit qu’elle se sentait en sécurité aux États‑Unis et qu’elle n’a donc pas jugé nécessaire de demander l’asile.

 

[4]               Le défaut de demander l’asile dans un autre pays n’est pas déterminant en soi. Toutefois, la Commission doit examiner attentivement toute explication fournie par la demanderesse et motiver son rejet. Étant donné que la Commission a reconnu que la demanderesse a subi de la violence et que le témoignage de celle‑ci quant à savoir pourquoi elle n’a pas demandé l’asile aux États‑Unis n’a pas été contesté, elle avait l’obligation de motiver le rejet de l’explication de la demanderesse; Owusu–Ansah c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) [1989] ACF no 442 (C.A.); Bobic c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1488. En l’espèce, l’explication fournie à la Commission était compatible avec l’existence d’une crainte subjective, et son rejet unilatéral constituait, sans plus, une erreur. Le refus de la Commission d’accepter cette explication éclairait sa démarche relativement à l’examen du témoignage de la demanderesse et ne pouvait pas être considéré sans importance quant à l’issue de la présente instance.

 

[5]               La Commission a également commis une erreur dans sa démarche à l’égard de la question de la protection de l’État. La Commission a reconnu que la demanderesse a sollicité la protection de la police à trois reprises. Elle disposait également de rapports de police qui corroboraient le témoignage de la demanderesse. Toutefois, la Commission a demandé la production d’une copie du document de garantie (une ordonnance rendue par un organisme gouvernemental péruvien qui correspondrait à un engagement de ne pas troubler l’ordre public) délivré contre son ancien conjoint. La demanderesse a expliqué les efforts qu’elle a menés pour obtenir une copie du document de garantie et pourquoi elle ne pouvait pas présenter le document en question, y compris le fait que la durée de validité du document lui‑même était limitée dans le temps. Les inférences tirées de son incapacité de produire le document en question, à savoir que la demanderesse n’a pas sollicité la protection de l’État avec la diligence requise, et, par conséquent, qu’elle n’a pas pris toutes les mesures raisonnables pour obtenir cette protection, étaient déraisonnables, compte tenu de l’ensemble de son témoignage.

 

[6]               Enfin, la Commission a commis une erreur lorsqu’elle s’est prononcée sur la nature de la protection de l’État qu’il fallait établir. La Commission a conclu que le Pérou faisait de sérieux efforts pour s’attaquer à la violence conjugale et a statué que cela constituait la norme à appliquer pour évaluer la disponibilité de la protection de l’État. Il s’agit évidemment de la norme formulée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 RCS 689, que notre Cour a définie et appliquée dans des décisions comme Lopez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1176.

 

[7]               Compte tenu de ma conclusion selon laquelle la Commission a appliqué le mauvais critère juridique à la question de la protection de l’État, il n’est pas absolument nécessaire que j’examine ses conclusions sur la protection de l’État. Toutefois, j’estime que la preuve soumise à la Commission quant au caractère adéquat et à l’efficacité de la protection de l’État contre la violence conjugale et familiale n’appuyait pas les conclusions tirées par la Commission. En fait, le témoignage de la demanderesse et la preuve documentaire indiquaient le contraire.

 

[8]               La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision de la Commission rendue le 29 juillet 2010 est annulée. L’affaire est renvoyée à la Commission pour nouvel examen par un tribunal différemment constitué.

 

[9]               Il n’y a aucune question à certifier.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

1.         La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision de la Commission rendue le 29 juillet 2010 est annulée. L’affaire est renvoyée à la Commission pour nouvel examen par un tribunal différemment constitué.

2.         Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑4907‑10

 

INTITULÉ :                                                  JUANA LOURDES VALENCIA PENA, ERIKA VANESSA FIORENTTINI VALENCIA c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 15 mars 2011

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE MODIFIÉS :            LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :                       Le 20 AVRIL 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Richard M. Addinall

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Neal Samson

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Richard M. Addinall

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

Myles J. Kirvan
Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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