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Date : 20141212


Dossier : A‑546‑12

Référence : 2014 CAF 294

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE WEBB

LE JUGE SCOTT

 

ENTRE :

RAYMOND CONNOLLY

demandeur

Et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

Audience tenue à St. John’s (Terre‑Neuve‑et‑Labrador), le 5 novembre 2014.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 12 décembre 2014.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE SCOTT

 


Date : 20141212


Dossier : A‑546‑12

Référence : 2014 CAF 294

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE WEBB

LE JUGE SCOTT

 

ENTRE :

RAYMOND CONNOLLY

demandeur

Et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE WEBB

[1]               Raymond Connolly a présenté une demande de contrôle judiciaire dirigée contre la décision en date du 28 décembre 2013 (CP28018) par laquelle la Commission d’appel des pensions (la CAP) a conclu que M. Connolly n’était pas admissible à des prestations d’invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada (le RPC), R.S.C. 1985, ch. C‑8, parce qu’il n’avait pas démontré que, pendant sa période minimale d’admissibilité (PMA), il était atteint d’une invalidité grave au sens du RPC. La CAP a rejeté l’appel que M. Connolly a interjeté de la décision du 21 avril 2011 du tribunal de révision. Le tribunal de révision avait aussi conclu que M. Connolly n’était pas admissible à des prestations d’invalidité en vertu du RPC.

[2]               Raymond Connolly a également présenté une requête en autorisation de présenter des éléments de preuve supplémentaires lors de l’audition de sa demande de contrôle judiciaire. Les éléments de preuve en question n’avaient pas été portés à la connaissance de la CAP lorsqu’elle a statué sur l’appel qu’il a interjeté de la décision du tribunal de révision.

[3]               Par les motifs qui suivent, je suis d’avis de rejeter la requête présentée par le demandeur en autorisation de présenter des éléments de preuve supplémentaires et je suis également d’avis de rejeter sa demande de contrôle judiciaire, le tout sans frais.

Requête en autorisation de produire des éléments de preuve supplémentaires

[4]               Raymond Connolly demandait l’autorisation de déposer des copies des documents suivants :

  • sa demande d’autorisation d’interjeter appel devant la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale;
  • la sentence arbitrale du 8 juin 2009 par laquelle l’arbitre a conclu que l’employeur de Raymond Connolly avait un motif valable de le congédier;
  • le rapport intitulé : [traduction] « Rapport sur la qualité de l’air de l’immeuble Robinson‑Blackmore » daté d’octobre 2008 avec annexes et photographies;
  • la lettre d’Eastern Health datée du 6 mai 2014;
  • la réponse de Transcontinental (division d’Optipress GP) datée du 18 février 2010 qui semble être liée à une plainte portée en vertu de l’Occupational Health and Safety Act, R.S.N.L. 1990, ch. O‑3.

[5]               Notre Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire et non d’un appel, la disposition applicable des Règles des Cours fédérales est donc l’article 312 :

312. Une partie peut, avec l’autorisation de la Cour :

a) déposer des affidavits complémentaires en plus de ceux visés aux règles 306 et 307;

b) effectuer des contre‑interrogatoires au sujet des affidavits en plus de ceux visés à la règle 308;

c) déposer un dossier complémentaire.

312.With leave of the Court, a party may

(a) file affidavits additional to those provided for in rules 306 and 307;

(b) conduct cross‑examinations on affidavits additional to those provided for in rule 308; or

(c) file a supplementary record.

[6]               A l’occasion de l’affaire  Forest Ethics Advocacy Assn. c. Canada (Office national de l’énergie), 2014 CAF 88, [2014] A.C.F. no 356, le juge Stratas a recensé les conditions à remplir pour obtenir une ordonnance en vertu de l’article 312 des Règles :

4          D’entrée de jeu, afin d’obtenir une ordonnance fondée sur l’article 312 des Règles, les demanderesses doivent satisfaire à deux exigences préliminaires :

(1)        La preuve doit être admissible dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire. Comme il est bien établi en droit, le dossier dont est saisie la cour de révision est habituellement composé des documents dont était saisi le décideur. Il y a cependant des exceptions à ce principe. Voir les décisions Gitxsan Treaty Society c. Hospital Employees’ Union, [2000] 1 C.F. 135, aux pages 144‑145 (C.A.); Association des universités et collèges du Canada c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22.

(2)               L’élément de preuve doit être pertinent à une question que la cour de révision est appelée à trancher. Par exemple, certaines questions ne peuvent pas être soulevées pour la première fois dans le cadre d’un contrôle judiciaire Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 SCC 61 [2011] 3 R.C.S. 654.

5                    En supposant que les demanderesses satisfont à ces deux exigences préliminaires, elles doivent aussi convaincre la Cour qu’elle doit dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire rendre l’ordonnance visée à l’article 312 des Règles. La Cour exerce son pouvoir discrétionnaire sur le fondement des éléments de preuve dont elle dispose et en appliquant les principes pertinents.

6                    Dans l’arrêt Holy Alpha and Omega Church of Toronto c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 101, au paragraphe 2, la Cour énonce les principes censés la guider dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère l’article 312 des Règles. Elle pose certaines questions qui permettent d’établir si une ordonnance fondée sur l’article 312 des Règles servirait l’intérêt de la justice :

a)         Est‑ce que la partie avait accès aux éléments de preuve dont elle demande l’admission au moment où elle a déposé ses affidavits en application de l’article 306 ou 308 des Règles, selon le cas, ou aurait‑elle pu y avoir accès en faisant preuve de diligence raisonnable?

b)                  Est‑ce que la preuve sera utile à la Cour, en ce sens qu’elle est pertinente quant à la question à trancher et que sa valeur probante est suffisante pour influer sur l’issue de l’affaire?

c)                  Est‑ce que l’admission des éléments de preuve entraînera un préjudice important ou grave pour l’autre partie?

[7]               A l’occasion de l’affaire  Association des universités et collèges du Canada c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22; [2012] A.C.F. no 93, le juge Stratas a expliqué les rôles bien distincts que jouent les juges administratifs et judiciaires  appelés à examiner les décisions rendues par ceux‑là. En ce qui concerne l’admission, par le juge réformateur, d’éléments de preuve complémentaires dont ne disposait pas le tribunal administratif, voici ce que fait observer le juge Stratas :

19        En raison des rôles bien distincts que jouent respectivement notre Cour et la Commission du droit d’auteur, notre Cour ne saurait se permettre de tirer des conclusions de fait sur le fond. Par conséquent, en principe, le dossier de la preuve qui est soumis à notre Cour lorsqu’elle est saisie d’une demande de contrôle judiciaire se limite au dossier de preuve dont disposait la Commission. En d’autres termes, les éléments de preuve qui n’ont pas été portés à la connaissance de la Commission et qui ont trait au fond de l’affaire soumise à la Commission ne sont pas admissibles dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire présentée à notre Cour. Ainsi que notre Cour l’a déclaré dans l’arrêt Gitxan Treaty Society c. Hospital Employees’ Union, [2000] 1 C.F. 135, aux pages 144 et 145 (C.A.F.), « [l]e but premier du contrôle judiciaire est de contrôler des décisions, et non pas de trancher, par un procès de novo, des questions qui n’ont pas été examinées de façon adéquate sur le plan de la preuve devant le tribunal ou la cour de première instance » (voir également les arrêts Kallies c. Canada, 2001 CAF 376, au paragraphe 3, et Bekker c. Canada, 2004 CAF 186, au paragraphe 11).

20        Le principe général interdisant à notre Cour d’admettre de nouveaux éléments de preuve dans le cadre d’une instance en contrôle judiciaire souffre quelques exceptions reconnues et la liste des exceptions n’est sans doute pas exhaustive. Ces exceptions ne jouent que dans les situations dans lesquelles l’admission, par notre Cour, d’éléments de preuve n’est pas incompatible avec le rôle différent joué par la juridiction de révision et par le tribunal administratif (nous avons déjà expliqué cette différence de rôle aux paragraphes 17 et 18). En fait, bon nombre de ces exceptions sont susceptibles de faciliter ou de la tâche de la juridiction de révision sans porter atteinte à la mission qui est confiée au tribunal administratif. Voici trois de ces exceptions :

a) Parfois, notre Cour admettra en preuve un affidavit qui contient des informations générales qui sont susceptibles d’aider la Cour à comprendre les questions qui se rapportent au contrôle judiciaire (voir, par ex. Succession de Corinne Kelley c. Canada, 2011 CF 1335, aux paragraphes 26 et 27; Armstrong c. Canada (Procureur général), 2005 CF 1013, aux paragraphes 39 et 40; Chopra c. Canada (Conseil du Trésor) (1999), 168 F.T.R. 273, au paragraphe 9). On doit s’assurer que l’affidavit ne va pas plus loin en fournissant des éléments de preuve se rapportant au fond de la question déjà tranchée par le tribunal administratif, au risque de s’immiscer dans le rôle que joue le tribunal administratif en tant que juge des faits et juge du fond. En l’espèce, les demanderesses invoquent cette exception en ce qui concerne la plus grande partie de l’affidavit de M. Juliano.

b) Parfois les affidavits sont nécessaires pour porter à l’attention de la juridiction de révision des vices de procédure qu’on ne peut déceler dans le dossier de la preuve du tribunal administratif, permettant ainsi à la juridiction de révision de remplir son rôle d’organe chargé de censurer les manquements à l’équité procédurale (voir, par ex. Keeprite Workers’ Independent Union c. Keeprite Products Ltd., (1980) 29 O.R. (2d) 513 (C.A.)). Ainsi, si l’on découvrait qu’une des parties a versé un pot‑de‑vin au tribunal administratif, on pourrait soumettre à notre Cour des éléments de preuve relatifs à ce pot‑de‑vin pour appuyer un argument fondé sur l’existence d’un parti pris.

c) Parfois, un affidavit est admis en preuve dans le cadre d’un contrôle judiciaire pour faire ressortir l’absence totale de preuve dont disposait le tribunal administratif lorsqu’il a tiré une conclusion déterminée (Keeprite, précitée).

[8]               En l’espèce, les documents (à l’exception de la demande d’autorisation d’appel et de la lettre d’Eastern Health) pourraient être considérés comme des renseignements généraux se rapportant aux tests effectués à son ancien lieu de travail ou aux agissements de son ex‑employeur en rapport avec son congédiement. Ces documents existaient au moment de l’audience de la CAP, mais Raymond Connolly a choisi de ne pas tenter de les produire. Ces documents ne sont toutefois pas utiles pour aider à comprendre la question déférée à la CAP, soit celle de savoir si Raymond Connolly était atteint d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée en date du 31 décembre 2011, et non ce qui avait pu causer ses problèmes de santé. Ces documents ne sont d’aucune utilité pour rechercher s’il était invalide en date du 31 décembre 2011.

[9]               La lettre d’Eastern Health est signée par un physiothérapeute. Elle est datée du 6 mai 2014 (presque deux ans et demi après le 31 décembre 2011) et ne contient aucun renseignement concernant l’état de santé du demandeur au 31 décembre 2011 (la question à laquelle la CAP devait répondre).

[10]           La demande d’autorisation d’appel du demandeur a nécessairement été préparée après que la CAP eut rendu sa décision et elle non plus n’est d’aucune utilité pour comprendre les questions en litige dans la présente procédure en contrôle judiciaire.

[11]           Par conséquent, je suis d’avis de rejeter la requête présentée par Raymond Connolly en vue de présenter de nouveaux éléments de preuve, le tout sans frais.

Décision de la CAP

[12]           La CAP a examiné le témoignage de Raymond Connolly ainsi que la preuve médicale qui avait été portée à sa connaissance. La CAP a fait observer ce qui suit :

[traduction] [27]     La Commission a, de façon constante, jugé que l’expression « invalidité grave » se rapporte à la capacité du demandeur de travailler. Il ne s’agit pas de savoir si le demandeur est en mesure d’effectuer son ancien travail, mais bien s’il a la capacité d’exercer un emploi convenable, même un emploi à temps partiel ou un emploi sédentaire.

[13]           La CAP a conclu que Raymond Connolly [traduction« n’a pas démontré qu’à la date de sa PMA, il était atteint d’une invalidité « grave » au sens de la RPC » (paragraphe 28 de la décision de la CAP).

Norme de contrôle

[14]           En l’espèce, nul n’a soutenu que la CAP n’avait pas appliqué le bon critère pour rechercher  si l’invalidité dont était atteint Raymond Connolly était grave au sens de la RPC. La norme de contrôle applicable aux conclusions de fait tirées par la CAP est celle de la décision raisonnable. Il n’appartient pas à la Cour d’apprécier à nouveau les éléments de preuve et la Cour ne peut modifier la décision de la CAP que si cette décision est déraisonnable (Nahajowich c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 293, [2011] A.C.F. no 1474).

Questions en litige

[15]           Dans son mémoire des faits et du droit, Raymond Connolly demande en substance à la Cour de procéder au réexamen des éléments de preuve et de tirer une conclusion différente de celle à laquelle la CAP est arrivée. Toutefois, comme nous l’avons déjà signalé, telle n’est pas la mission de la Cour.

[16]           Raymond Connolly a toutefois signalé, dans son mémoire, que la CAP n’avait pas mentionné la lettre du 3 novembre 2010 de son médecin, le Dre McCarthy. Il semble également qu’à l’audience, la CAP a mal cité une phrase extraite du rapport du Dr Duguid daté du 2 février 2009. La question à laquelle notre Cour doit répondre est celle de savoir si cette omission et cette erreur de citation rendent la décision de la CAP déraisonnable.

[17]           Dans son mémoire, Raymond Connolly a également soutenu que la CAP avait commis une erreur en [traduction« faisant abstraction du parti pris potentiel du Dr Baribeau », compte tenu du fait que celui‑ci [traduction] « est l’employé de DRHC ». Si la CAP avait tenu compte du témoignage du Dr Baribeau, il y aurait lieu de se prononcer sur la valeur à accorder à son témoignage. Toutefois, comme la CAP n’a pas fait état de son témoignage dans ses motifs, la thèse de Raymond Connolly est mal fondée.

Analyse

[18]           La CAP a cité divers rapports et lettres de la Dre McCarthy. La lettre la plus récente était celle du 21 septembre 2009 que la Dre McCarthy avait adressée à Services Canada à l’appui de la demande de pension d’invalidité de Raymond Connolly. Voici ce qu’elle déclare au dernier paragraphe de sa lettre :

[traduction] Le pronostic de rétablissement complet de M. Connolly est prudent. Il semble qu’il souffre de douleurs à la paroi thoracique depuis de nombreuses années et que son état ne se soit pas amélioré. Il se peut que ses symptômes se stabilisent dans une certaine mesure s’il réussit à obtenir d’autres traitements, par exemple une thérapie de relâchement actif ou de l’acupuncture. Je crois qu’il est fort peu probable qu’il se rétablisse au point d’être en mesure d’exercer quelque emploi que ce soit.

[19]           La CAP a repris la dernière phrase au paragraphe 16 de ses motifs. La Dre McCarthy a écrit une autre lettre le 3 novembre 2010 (la lettre de novembre) qui a été produite en preuve devant la CAP, laquelle n’en a pas fait état dans ses motifs. Dans cette lettre, la Dre McCarthy déclarait ce qui suit :

[traduction]

Comme vous le savez, M. Connolly a présenté une demande de prestations d’invalidité en vertu du RPC ainsi qu’une demande d’assurance‑invalidité de longue durée à la Financière Manuvie. Je crois comprendre que vous écrivez pour obtenir des éclaircissements au sujet d’un rapport adressé à Service Canada le 21 septembre 2009. À l’époque, j’ai expliqué que je croyais qu’il était fort peu probable que M. Connolly se rétablisse au point d’être en mesure de pouvoir de nouveau exercer quelque emploi que ce soit. Les symptômes dont a fait état M. Connolly sont de nature chronique. J’ai bien expliqué qu’il était possible que ses symptômes se stabilisent dans une certaine mesure s’il réussissait à obtenir d’autres traitements, par exemple, de la physiothérapie ou une thérapie de relâchement actif ou de l’acupuncture. M. Connolly n’a pas réussi à obtenir ses traitements par l’entremise de la Commission de la santé et de la sécurité au travail ou autrement. Compte tenu du temps écoulé depuis que ses symptômes ont commencé à se manifester, il est fort peu probable qu’il se rétablisse complètement. Je peux par conséquent affirmer avec certitude que M. Connolly est atteint d’une invalidité prolongée.

[...]

L’autre aspect de l’invalidité en question est la gravité des symptômes du patient. M. Connolly souffre de douleurs aiguës à la poitrine et au dos qui l’empêchent de s’acquitter de bon nombre de tâches quotidiennes et qui l’empêchent également d’exercer un emploi rémunérateur. Il est également atteint de fortes allergies et d’une hypersensibilité grave aux facteurs environnementaux et aux substances en milieu de travail qui l’empêchent de reprendre son ancien emploi à quelque titre que ce soit.

[20]           A l’occasion de l’affaire  Barrington c. Institute of Chartered Accountants of Ontario, 2011 ONCA 409, [2011] O.J. no 2378, la juge Karakatsanis (maintenant juge à la Cour suprême du Canada), observant au nom de la Cour d’appel de l’Ontario :

[traduction] 114      Le juge administratif n’est pas tenu de recenser chacun des éléments de preuve ou de répondre à toutes les thèses. Pour reprendre les observations de notre Cour à l’occasion de l’affaire Clifford c. Ontario Municipal Employee Retirement System (2009), 98 O.R. (3d) 210 (C.A.), au paragraphe 29, autorisation d’appel refusée à [2009] C.S.C.R. no 461, la Cour divisionnaire devait indiquer la « démarche » suivie pour en arriver à sa décision. Il n’est pas nécessaire que le juge précise chacune des étapes de son raisonnement.

[21]           Il n’est donc pas nécessaire que la CAP précise chacun des documents qui lui ont été présentés. Il convient également de signaler que la lettre de novembre se voulait une clarification de celle de septembre. Le seul fait additionnel dont il était fait mention dans la lettre de novembre était le fait que M. Connolly n’avait pas été en mesure d’obtenir les traitements dont la Dre McCarthy avait fait mention dans sa lettre de septembre.

[22]           Le Dr Thomas Loane avait été embauché pour préparer un rapport médical indépendant au sujet de Raymond Connolly. Le Dr Loane avait été invité à donner, dans le cadre du rapport qu’il a produit le 20 juillet 2011, son [traduction« opinion au sujet du diagnostic, de l’évolution du traitement et du pronostic » dont avait fait état la Dre McCarthy. Dans sa réponse, le Dr Loane a mentionné la lettre de novembre. Après avoir examiné cette lettre ainsi que les autres documents qui lui avaient été soumis et après avoir examiné M. Connolly, le Dr Loane a conclu, à la page 16 de son rapport (page 298 du dossier de requête de l’intimé) :

[traduction] […] Dans l’ensemble, je ne constate cependant aucune maladie ou blessure importante qui devrait l’empêcher de travailler. Au départ, il faudrait adapter certaines tâches ou l’on est censé lever des charges lourdes jusqu’à ce que son état soit correctement traité.

[23]           La CAP a cité le rapport du Dr Loane et notamment le résumé dans lequel on retrouve les deux dernières phrases. A l’occasion de l’affaire Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117, [2003] A.C.F. no 378, le juge Pelletier a déclaré ce qui suit, au nom de la Cour :

2          Le paragraphe 42(2) du Régime de pensions du Canada, précité, dispose qu’une personne est atteinte d’une incapacité grave si cette personne est « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice ». Dans Villani c. Canada, [2002] 1 C.F. 130, au paragraphe 38, la Cour a dit qu’une incapacité est grave si elle rend le requérant incapable de détenir pendant une période durable une occupation réellement rémunératrice.

3          Cela a été mis en contexte au paragraphe 50 de la même décision où on peut lire :

Cette réaffirmation de la méthode à suivre pour définir l’invalidité ne signifie pas que quiconque éprouve des problèmes de santé et des difficultés à se trouver et à conserver un emploi a droit à une pension d’invalidité. Les requérants sont toujours tenus de démontrer qu’ils souffrent d’une « invalidité grave et prolongée » qui les rend « régulièrement incapables de détenir une occupation véritablement rémunératrice ». Une preuve médicale sera toujours nécessaire, de même qu’une preuve des efforts déployés pour se trouver un emploi et de l’existence des possibilités d’emploi. (souligné dans l’original)

En conséquence, un demandeur qui dit répondre à la définition d’incapacité grave doit non seulement démontrer qu’il (ou elle) a de sérieux problèmes de santé, mais dans des affaires comme la présente, où il y a des preuves de capacité de travail, il doit également démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé.

[24]           La CAP disposait donc d’éléments de preuve qui lui permettaient de conclure que M. Connolly était apte à une certaine forme de travail. La CAP a pris acte de l’avis contraire de la Dre McCarthy, au paragraphe 24 de ses motifs, mais a retenu le témoignage des autres médecins et a conclu que M. Connolly n’avait pas démontré que son invalidité était grave au sens de la RPC. Comme nous l’avons déjà signalé, il ne nous appartient pas de réévaluer les éléments de preuve. La norme du caractère raisonnable admet la possibilité que plusieurs conclusions puissent être jugées raisonnables (Lake c. Canada (Ministre de la Justice), 2008 CSC 23, [2008] 1 R.C.S. 761, au paragraphe 41). Préférer le témoignage d’un certain témoin à celui d’autres témoins ne rend pas la décision déraisonnable.

[25]           Par conséquent, le défaut de la CAP de mentionner expressément la lettre de novembre ne rend pas sa décision déraisonnable.

[26]           Raymond Connolly a également cité les observations suivantes de la CAP au sujet du rapport du Dr Nigel Duguid :

[traduction] [14]     Le 2 février 2009, le Dr Nigel Duguid, un spécialiste des troubles respiratoires, a été consulté pour les douleurs à la poitrine dont souffrait l’appelant depuis cinq ans. Il a fait observer que, depuis que M. Connolly avait cessé de travailler, ces symptômes s’étaient considérablement atténués [...]

[27]           On trouve cette observation de M. Duguid à la fin du premier paragraphe de son rapport. Il convient de situer cette observation dans l’ensemble du premier paragraphe, dont voici le texte :

[traduction] Par le passé, il a déjà exercé l’activité d’ imprimeur et a commencé, il y a environ huit ans, à développer des symptômes de démangeaisons et des zébrures urticariennes aux bras. Ses symptômes l’ont dérangé pendant plusieurs années et il a subi des tests d’allergies sans qu’aucun allergène ne soit dépisté. Il est censé rencontrer sous peu un dermatologue. Il se plaint depuis cinq ans de douleurs à la poitrine. Il semble qu’elles soient de type musculo‑squelettique. Elles se manifestent presque tous les jours, sur la partie gauche de sa poitrine semble‑t‑il à trois endroits différents. Il éprouve à l’occasion de la sensibilité à la paroi thoracique. Sa poitrine lui fait particulièrement mal le matin au lever et la douleur tend à s’aggraver lorsqu’il prend de grandes respirations et à s’atténuer lorsqu’il applique de la glace. Ses symptômes sont en réalité très chroniques. Il a eu des problèmes avec son nez et notamment de l’écoulement nasal avec saignement. Il a par la suite consulté le Dr Lee qui lui a dit qu’il souffrait de rhinite vasomotrice. Depuis qu’il a quitté son lieu de travail, ces symptômes se sont considérablement atténués. (Non souligné dans l’original.)

[28]           La mention dans le rapport du Dr Duguid du fait que les symptômes du demandeur s’atténuaient semble concerner ses problèmes de nez et non ses douleurs à la poitrine. La conclusion finale du Dr Duguid était qu’il était [traduction« très pessimiste quant aux chances raisonnables qu’il se retrouve du travail dans un milieu semblable » (page 2 du rapport du Dr Duguid, page 208 du dossier de la requête de l’intimé).

[29]           L’erreur commise par la CAP en rapportant les propos du Dr Duguid concernant l’amélioration de l’état de santé de M. Connolly ne rend pas la décision de la CAP déraisonnable. La question à laquelle la CAP devait répondre était celle de savoir si M. Connolly était invalide et non celle de savoir si son état s’était amélioré. De plus, le critère prévu par la RPC est celui de savoir si M. Connolly est apte au travail et non s’il était en mesure d’exercer le même emploi qu’auparavant.

[30]           Le défaut de la CAP de mentionner expressément la lettre de novembre et l’erreur de la CAP en ce qui concerne les commentaires du Dr Duguid au sujet de l’amélioration de l’état de santé du demandeur, qu’on les prenne séparément ou ensemble, ne rendent pas la décision de la CAP déraisonnable. La CAP disposait des éléments de preuve médicaux qui appuyaient ses conclusions.

[31]           Par conséquent, je suis d’avis de rejeter la demande de contrôle judiciaire de Raymond Connolly. Comme le défendeur a demandé que la présente demande soit rejetée sans frais, aucuns dépens ne seront adjugés.

« Wyman W. Webb »

j.c.a.

« Je suis d’accord. »

Eleanor R. Dawson, j.c.a.

« Je suis d’accord. »

A.F. Scott, j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Francois Brunet, réviseur.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A‑546‑12

 

INTITULÉ :

RAYMOND CONNOLLY c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

St. John’s (TERRE‑NEUVE‑ET‑LABRADOR)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 5 NOVEMBRE 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

 

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE SCOTT

 

DATE DES MOTIFS :

LE 12 DÉCEMBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

Raymond Connolly

le demandeur, POUR SON PROPRE COMPTE

 

Martin Kreuser

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

pour le dÉFENDEUR

 

 

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