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Date : 20150114


Dossier : A-79-14

Référence : 2015 CAF 9

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE SCOTT

 

ENTRE :

PHILIP MORRIS PRODUCTS S.A. ET ROTHMANS, BENSON & HEDGES INC.

appelantes

et

MARLBORO CANADA LIMITÉE ET IMPERIAL TOBACCO CANADA LIMITÉE

intimées

Audience tenue à Montréal (Québec), le 14 janvier 2015.

Jugement rendu à l'audience à Montréal (Québec), le 14 janvier 2015.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE GAUTHIER

 


Date : 20150114


Dossier : A-79-14

Référence : 2015 CAF 9

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE SCOTT

 

ENTRE :

 

PHILIP MORRIS PRODUCTS S.A. ET ROTHMANS, BENSON & HEDGES INC.

 

appelantes

 

et

 

MARLBORO CANADA LIMITÉE ET IMPERIAL TOBACCO CANADA LIMITÉE

 

intimées

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l'audience à Montréal (Québec), le 14 janvier 2015)

LA JUGE GAUTHIER

[1]               Philip Morris Products S.A. et Rothmans, Benson & Hedges Inc. portent en appel l'ordonnance du 3 janvier 2014, par laquelle le juge de Montigny a adjugé aux intimées la somme de 1 069 289,36 $, au titre des dépens et des débours, assujettie à l'application possible de l'article 420 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles). Après mûre réflexion, nous ne sommes pas convaincus que le juge de Montigny a commis une erreur justifiant l'intervention de la Cour.

[2]               La décision sous‑jacente à l'appel porte sur un litige en matière de marques de commerce. Le 8 novembre 2010, le juge de Montigny a donné gain de cause aux appelantes sur les principales questions en litige (2010 CF 1099), et, le 28 septembre 2011, il a rendu une décision relative aux dépens afférents (2011 CF 1113). Le 29 juin 2012, notre Cour a infirmé en partie la décision de première instance (2012 CAF 201). La Cour a notamment renvoyé la question des dépens devant le juge de Montigny, ce qui a donné lieu à la décision faisant l'objet de l'appel. Le juge a incorporé par renvoi les motifs de sa décision de 2011 relative aux dépens dans la décision visée en l'espèce.

[3]               Comme notre Cour l'a récemment souligné dans l'arrêt Bell Helicopter Textron Canada Limitée c. Eurocopter, 2013 CAF 220, aux paragraphes 7 et 8, compte tenu du pouvoir discrétionnaire considérable en matière de dépens dont jouit le juge de première instance, l'attribution des dépens ne saurait être annulée en appel que si elle est fondée sur une erreur de principe ou si elle est nettement erronée.

[4]               Les appelantes font valoir que le juge de Montigny a invoqué des considérations inapplicables et insuffisantes pour déroger au tarif B. Nous ne sommes pas d'accord. Étant donné que le paragraphe 400(4) des Règles prévoit expressément la dérogation au tarif B, le juge n'a commis aucune erreur de principe en accordant une somme globale au lieu du montant prévu par le tarif. Les appelantes ont convenu à l'audience qu'il existe effectivement une tendance judiciaire à l'adjudication, autant que possible, d'une somme globale (voir, par exemple, l'Avis aux parties et à la communauté juridique sur les dépens donné par la Cour fédérale le 30 avril 2010 et l'arrêt Consorzio del Prosciutto di Parma c. Maple Leaf Meats Inc., 2002 CAF 417, [2003] 2 C.F. 451). À mon avis, dans le cas de parties commerciales averties, il n'est pas rare d'adjuger une somme globale calculée selon un pourcentage des dépens payés.

[5]               À l'examen de la décision de 2011 du juge de Montigny relative aux dépens et de la décision portée en appel, il est évident que le juge a tenu compte de plusieurs des facteurs énoncés au paragraphe 400(3) des Règles dans l'attribution des dépens, et que chacun de ces facteurs pouvait effectivement s'appliquer à l'espèce. Le juge a aussi expliqué pourquoi il estimait que l'adjudication de la somme globale selon un pourcentage des dépens payés était plus indiquée que celle d'un montant calculé selon le tarif. Nous n'avons décelé aucune erreur dans l'approche à cet égard.

[6]               Les appelantes font également valoir que, s'il convenait de déroger au tarif B, la somme globale adjugée était excessive, eu égard à la jurisprudence de la Cour sur l'adjudication d'une somme globale à titre de dépens dans les litiges en matière de propriété intellectuelle. La jurisprudence citée ne définit pas les limites de l'adjudication des dépens que le juge était en droit de faire dans les circonstances de la présente affaire. En fait, le montant adjugé correspond au pourcentage des dépens payés que les appelantes avaient réclamé en 2011, lors de leurs observations sur le montant des dépens qu'il y avait lieu de leur adjuger. À cette époque, les appelantes avaient examiné la jurisprudence, je suppose, et étaient convaincues qu'elles pouvaient réclamer environ le tiers des dépens payés. Le juge était disposé à accorder le pourcentage demandé (paragraphe 39 de la décision de 2011 relative aux dépens). La seule raison pour laquelle il avait légèrement réduit le montant en question reposait sur l'omission des appelantes d'expliquer pourquoi les honoraires d'avocats qu'elles avaient payés étaient beaucoup plus élevés que ceux payés par leurs opposantes. Autrement dit, ce qui est bon pour l'un l'est également pour l'autre.

[7]               Enfin, les appelantes soutiennent que le juge de Montigny a commis une erreur en ordonnant que la somme accordée à titre de dépens soit assujettie à l'application possible de l'article 420. Étant donné que l'instance avait été scindée et qu'elle ne se trouvait pas encore à la seconde étape portant, entre autres, sur le montant des dommages‑intérêts, il serait en effet prématuré pour notre Cour (tout comme pour le juge, voir le paragraphe 13 de ses motifs) de déterminer si le redressement accordé est au moins aussi avantageux que les conditions de l'offre de règlement. Le juge était en droit d'assujettir son ordonnance à des modifications selon l'application possible de l'article 420, une fois qu'une décision était rendue quant aux réparations pécuniaires. La Cour estime que l'application possible de cette disposition peut être débattue à la fin du renvoi.

[8]               Comme nous l'avons indiqué à l'audience, pour éviter tout problème découlant de l'article 422 dans le cas d'une instance scindée, il est préférable de ne pas mentionner le contenu d'une offre de règlement qui pourrait relever de l'article 420 dans une ordonnance ou un jugement prononcé avant l'issue de la seconde étape de l'instance.

[9]               Je propose que l'appel soit rejeté avec dépens, pour une somme globale de 8 000 $.

« Johanne Gauthier »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Yves Bellefeuille, réviseur


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-79-14

 

INTITULÉ :

PHILIP MORRIS PRODUCTS S.A. ET ROTHMANS, BENSON & HEDGES INC. c. MARLBORO CANADA LIMITÉE ET IMPERIAL TOBACCO CANADA LIMITÉE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

LE 14 JANVIER 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE SCOTT

 

PRONONCÉS À L'AUDIENCE PAR :

LA JUGE GAUTHIER

COMPARUTIONS :

James Green

James Buchan

POUR LES AppelantEs

PHILIP MORRIS PRODUCTS S.A. ET ROTHMANS, BENSON & HEDGES INC.

 

François Guay

Jean‑Sébastien Dupont

 

POUR LES INTIMÉES

MARLBORO CANADA LIMITÉE ET IMPERIAL TOBACCO CANADA LIMITÉE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling Lafleur Henderson, s.e.n.c.r.l., s.r.l.

Toronto (Ontario)

POUR LES AppelantEs

PHILIP MORRIS PRODUCTS S.A. ET ROTHMANS, BENSON & HEDGES INC.

 

Smart & Biggar

Montréal (Québec)

POUR LES INTIMÉES

MARLBORO CANADA LIMITÉE ET IMPERIAL TOBACCO CANADA LIMITÉE

 

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