Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20150109


Dossier : A-92-14

Référence : 2015 CAF 3

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE STRATAS

LE JUGE NEAR

 

 

ENTRE :

BRISTOL‑MYERS SQUIBB & GILEAD SCIENCES, LLC ET MERCK SHARP & DOHME CORP.

appelantes

et

TEVA CANADA LIMITÉE ET LE MINISTRE DE LA SANTÉ

intimés

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 25 novembre 2014.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 9 janvier 2015.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NEAR

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE STRATAS

 


Date : 20150109

Dossier : A-92-14

Référence : 2015 CAF 3

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE STRATAS

LE JUGE NEAR

 

 

ENTRE :

BRISTOL‑MYERS SQUIBB & GILEAD SCIENCES, LLC ET MERCK SHARP & DOHME CORP.

appelantes

et

TEVA CANADA LIMITÉE ET LE MINISTRE DE LA SANTÉ

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NEAR

I.                   Introduction

[1]               Bristol‑Myers Squibb & Gilead Sciences, LLC et Merck Sharp & Dohme Corp. (collectivement, les appelantes) interjettent appel du jugement par lequel la Cour fédérale a rejeté, le 13 janvier 2014 (2014 CF 30), leur demande fondée sur l'article 6 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133 (le Règlement). Dans la demande, les appelantes sollicitaient une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à Teva Canada Limitée pour une version générique de leur médicament d'association antirétroviral commercialisé sous la marque Atripla.

[2]               La demande des appelantes faisait suite à un avis d'allégation (AA) du 22 décembre 2011, dans lequel Teva affirmait que le produit qu'elle proposait ne contreferait pas le brevet canadien no 2 279 198, qui appartient à Merck et à l'égard duquel les autres appelantes sont titulaires d'une licence. Teva affirmait également que le brevet était invalide.

II.                La décision de la Cour fédérale

[3]               La Cour fédérale a conclu que les appelantes n'avaient pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que les comprimés de Teva contreferaient le brevet. Selon son appréciation de la preuve d'expert, la Cour fédérale n'était pas convaincue que les comprimés de Teva contenaient la forme I de l'éfavirenz, le composé revendiqué dans le brevet.

[4]               En particulier, la Cour fédérale a conclu que les appelantes n'avaient pas établi que les essais qu'elles avaient réalisés constituaient une substitution fiable du procédé que Teva utilisait pour fabriquer ses comprimés. La Cour fédérale a notamment exprimé des préoccupations à l'égard des aspects suivants : l'absence de correspondance entre la force de broyage appliquée lors des essais réalisés par les appelantes et celle appliquée dans le procédé de Teva; l'absence de renseignements sur la force de broyage appliquée lors des essais; l'omission de l'expert des appelantes d'assister aux essais; l'ajout d'étapes de chauffage inutiles dans les essais; l'omission d'inclure des excipients dans le matériel d'essai. En tirant ces conclusions de fait, la Cour fédérale a généralement préféré le témoignage de l'expert de Teva à celui de l'expert des appelantes.

III.             Les questions en litige

[5]               Les appelantes soulèvent les deux questions suivantes devant la Cour. D'abord, elles prétendent que la Cour fédérale n'a pas appliqué la bonne norme de la preuve. Ensuite, elles prétendent que la Cour fédérale a omis de tirer une inférence défavorable à Teva pour son refus de fournir ses comprimés aux appelantes afin de leur permettre de réaliser des essais.

IV.             La norme de contrôle

[6]               Contrairement à ce que prétendent les appelantes, le présent appel ne soulève pas des questions de droit isolables, mais bien des questions mixtes de fait et de droit où les faits dominent, et des questions de fait. Par conséquent, les appelantes doivent démontrer qu'une erreur manifeste et dominante a été commise (Teva Canada Limitée c. Novartis Pharmaceuticals Canada Inc., 2013 CAF 244, aux paragraphes 10 à 12, Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, aux paragraphes 10 et 36).

V.                Analyse

[7]               À mon avis, la Cour fédérale n'a commis aucune erreur manifeste et dominante en concluant que les méthodes d'essai des appelantes ne constituaient pas une substitution fiable du procédé de fabrication de Teva et que, par conséquent, les appelantes n'avaient pas établi que les comprimés de Teva constituaient une contrefaçon.

[8]               De la même façon, et contrairement à la prétention des appelantes, le juge de la Cour fédérale a continuellement appliqué le bon fardeau de la preuve, à savoir la prépondérance des probabilités (au paragraphe 20). La démarche suivie par le juge n'a pas imposé aux appelantes un fardeau dont il leur était impossible de s'acquitter.

[9]               À l'audition du présent appel, l'avocat des appelantes a beaucoup insisté sur une erreur que la Cour fédérale aurait commise dans son application du fardeau de la preuve. En particulier, l'avocat a souligné que, dans les demandes fondées sur l'article 6 du Règlement, il incombait d'abord à la seconde personne (Teva) de « faire jouer » ses prétentions en produisant une preuve propre à leur donner un semblant de réalité. L'avocat a soutenu que ce n'est qu'une fois qu'il est satisfait à ce fardeau que la première personne (les appelantes) doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les prétentions ne sont pas fondées (mémoire des faits et du droit des appelantes, aux paragraphes 31 et 32).

[10]           À l'appui de cet argument, les appelantes ont cité la décision Pfizer Canada Inc. c. Apotex Inc., 2007 CF 26, [2007] A.C.F. no 36 (QL), aux paragraphes 9 et 12, conf. par 2007 CAF 195. Cependant, dans cette affaire, la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle la seconde personne doit produire une preuve « faisant jouer » ses prétentions ne s'applique qu'aux allégations d'invalidité. La Cour fédérale devait tirer une telle conclusion compte tenu de la présomption de validité établie par le paragraphe 43(2) de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4 : si aucune preuve n'est produite par la seconde personne, le droit veut que le brevet soit valide. En l'espèce, cependant, c'est l'absence de contrefaçon, et non l'invalidité, qui est alléguée. Aucune présomption ne joue, et la seconde personne n'a donc pas le fardeau initial de produire des éléments de preuve.

[11]           Par conséquent, je souscris à l'argument de Teva selon lequel, une fois qu'elle a allégué dans son AA que [TRADUCTION] « le produit de Teva ne contiendra pas la forme I, pas plus que la forme I n'est utilisée dans la fabrication des produits de Teva » (dossier d'appel, à la page 53), elle n'avait pas à s'acquitter d'un autre fardeau de la preuve; elle « faisait jouer » sa prétention d'absence de contrefaçon.

[12]           Je rejette également l'argument des appelantes selon lequel la Cour fédérale aurait dû tirer une inférence défavorable à Teva pour son refus de produire ses comprimés.

[13]           En refusant de tirer une inférence défavorable, la Cour fédérale s'est appuyée sur un certain nombre de faits dont elle disposait. Elle a notamment conclu que les appelantes étaient « plus en mesure que bien d'autres » de fabriquer le composé pour réaliser des essais et auraient pu le faire (note de bas de page se rapportant au paragraphe 24). Teva s'est aussi engagée à ne pas affirmer que les caractéristiques ou la composition de la matière obtenue par les appelantes et ayant fait l'objet d'essais par elles étaient différentes de celles de la forme Teva.

[14]           La décision du juge de la Cour fédérale de ne pas tirer une inférence défavorable trouve appui dans le fait que la production n'est pas nécessaire selon le paragraphe 6(7) du Règlement.

[15]           À mon avis, les appelantes n'ont pas réussi à démontrer que le juge de la Cour fédérale a commis une erreur manifeste et dominante sur ce point.

Conclusion

[16]           Par conséquent, pour les motifs qui précèdent, je suis d'avis de rejeter l'appel avec dépens.

« David G. Near »

j.c.a.

« Je suis d'accord.

Eleanor R. Dawson, j.c.a. »

« Je suis d'accord.

David Stratas, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Yves Bellefeuille, réviseur


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL D'UN JUGEMENT RENDU PAR LE JUGE BARNES LE 13 JANVIER 2014, DANS LE DOSSIER NO T-278-12

DOSSIER :

A-92-14

 

 

INTITULÉ :

BRISTOL-MYERS SQUIBB & GILEAD SCIENCES, LLC ET MERCK SHARP & DOHME CORP. c. TEVA CANADA LIMITÉE ET LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

LE 25 NOVEMBRE 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NEAR

 

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE STRATAS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 9 JANVIER 2015

 

COMPARUTIONS :

Patrick Kierans

Jordana Sanft

Amy Grenon

 

POUR LES AppelantEs

 

Jonathan Stainsby

Leslie Caswell

POUR LES INTIMÉS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Norton Rose Fulbright Canada S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

POUR LES AppelantEs

 

Aitken Klee LLP

Toronto (Ontario)

POUR LES INTIMÉS

 

 

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