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Date : 20150127


Dossier : A-142-14

Référence : 2015 CAF 22

CORAM :

LE JUGE RYER

LE JUGE WEBB

LE JUGE BOIVIN

 

ENTRE :

SATHEESKARAN PRASAD

appelant

et

MINISTRE DE L’EMPLOI ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL, MINISTRE DU MULTICULTURALISME ET PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

intimés

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 27 janvier 2015.

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 27 janvier 2015.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE RYER


Date : 20150127


Dossier : A-142-14

Référence : 2015 CAF 22

CORAM :

LE JUGE RYER

LE JUGE WEBB

LE JUGE BOIVIN

 

ENTRE :

SATHEESKARAN PRASAD

appelant

et

MINISTRE DE L’EMPLOI ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL, MINISTRE DU MULTICULTURALISME ET PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 27 janvier 2015)

LE JUGE RYER

[1]               La Cour est saisie de l’appel d’une ordonnance par laquelle le juge Hughes (le juge), de la Cour fédérale (dossier no T-1706-13), a fait droit à la requête présentée par les intimés en vue d’obtenir la radiation de l’avis de demande de M. Prasad et le rejet de la demande T-1706-13 (la demande).

[2]               La demande fait suite à la décision de la Commission de l’assurance-emploi (la Commission) d’infliger à M. Prasad une pénalité administrative de 8 000 $, en vertu de l’alinéa 39(1)a) de la Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi), au motif qu’il a fait des déclarations fausses ou trompeuses en produisant deux relevés d’emploi frauduleux concernant RATNA IT CONSULTANCY INC.

[3]               Au lieu d’exercer son droit de demander à la Commission de réviser sa décision de lui infliger cette pénalité comme le permet l’article 112 de la Loi, M. Prasad s’est adressé à la Cour fédérale, lui demandant :

a)      de rendre un jugement déclaratoire portant :

i)                    que le fonctionnaire de la Commission a rendu une décision abusive et arbitraire qui ne tient pas compte de la preuve;

ii)                  que les fonctionnaires de la Commission se livrent à des actes d’abus de procédure et de prévarication dans l’exercice de leur charge;

iii)                que la décision est erronée en fait et en droit;

iv)                que, du fait qu’elle n’a pas été le moindrement motivée, la décision est nulle, ab initio, conformément, entre autres, à l’arrêt Baker c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, [1999] 2 R.C.S. 819, rendu par la Cour suprême du Canada;

b)                  de rendre une ordonnance de certiorari (ou de même nature) annulant la décision datée du 26 septembre 2013;

c)                  de rendre une ordonnance de prohibition (ou de même nature) interdisant aux fonctionnaires de la Commission de prendre des mesures de perception des 8 000 $ avant que la Cour fédérale ait tranché la demande;

d)                 de lui accorder les dépens avocat‑client de la demande et toute autre réparation que l’avocat pourra recommander et que la Cour fédérale est autorisée à accorder.

[4]               En réponse, les intimés ont présenté une requête en radiation, faisant valoir que la demande n’avait aucune chance d’être accueillie puisque M. Prasad n’avait pas exercé les recours prévus par la Loi.

[5]               Le juge a exercé son pouvoir discrétionnaire et rejeté la demande en expliquant, pour l’essentiel, que M. Prasad n’avait pas épuisé les recours dont il disposait sous le régime de la Loi et que l’allégation de partialité était prématurée.

[6]               La Cour ne peut modifier la décision que le juge a rendue en vertu de son pouvoir discrétionnaire que lorsque ce dernier s’est fondé sur un mauvais principe de droit, qu’il n’a pas accordé suffisamment d’importance à des facteurs pertinents ou qu’il a commis une erreur d’appréciation des faits ou encore, si une injustice évidente était autrement causée (voir l’arrêt Apotex Inc. c. Canada (Gouverneur en conseil), 2007 CAF 374, au paragraphe 15).

[7]               L’appelant affirme que la décision du juge devrait être annulée parce qu’elle est inintelligible et n’est pas motivée. Il aurait certes été préférable que le juge étoffe ses motifs, cependant ceux‑ci nous suffisent pour discerner le fondement de sa décision.

[8]               Il ressort clairement de la jurisprudence de la Cour qu’à défaut de circonstances spéciales, si le législateur a établi un processus administratif pour le règlement des différends, ce processus doit être suivi avant de s’adresser aux tribunaux judiciaires par voie de contrôle judiciaire : voir les arrêts Bonamy c. Procureur général du Canada, 2009 CAF 156 et Président de l’Agence des services frontaliers du Canada et Procureur général du Canada c. C.B. Powell Limited, 2010 CAF 61 (C.B. Powell Limited).

[9]               La Loi comporte un régime complet de règles pour contester les pénalités administratives comme celle qui a été infligée à M. Prasad en vertu de l’alinéa 39(1)a) de la Loi. Ce régime prévoit, à l’article 112 de la Loi, le droit de demander la révision d’une décision de la Commission et, à l’article 113 de la Loi, celui de faire appel de la décision rendue en révision au Tribunal de la sécurité sociale constitué par l’article 44 de la Loi sur le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences.

[10]           En l’espèce, nous sommes d’avis que le défaut de M. Prasad de suivre cette procédure justifie entièrement la décision du juge. Par ailleurs, M. Prasad ne nous a pas convaincus de l’existence de circonstances répondant au critère minimal élevé qui permettrait de les qualifier de circonstances exceptionnelles; or, seule l’existence de telles circonstances permet un recours anticipé aux tribunaux judiciaires (voir l’arrêt C.B. Powell Limited, au paragraphe 33).

[11]           S’agissant des questions de partialité, de prévarication et d’abus de procédure, le dossier ne contient guère que les allégations formulées par l’avocat de l’appelant. De plus, il s’agit là de questions qui auraient pu être soumises à la Commission dans le cadre de la révision prévue à l’article 112, puis au Tribunal de la sécurité sociale dans le cadre de l’appel prévu à l’article 113.

[12]           Quant à la question de savoir si les actions entreprises par les fonctionnaires de la Commission avant l’infliction de la pénalité administrative constituent une enquête criminelle, qu’il suffise de souligner que, suivant le paragraphe 135(2) de la Loi, l’infliction d’une pénalité administrative en vertu de l’article 39 de la Loi empêche toute poursuite sous le régime du paragraphe 135(1) de la Loi. Par conséquent, l’infliction d’une pénalité administrative à M. Prasad en vertu de l’alinéa 39(1)a) de la Loi établit effectivement que les actes reprochés ne peuvent donner lieu à des poursuites sous le régime de la Loi.

[13]           La Cour n’a pas à se demander si, parmi les actions qui leur sont attribuées, les fonctionnaires de la Commission ont réellement échangé des renseignements avec la GRC. S’il y a eu échange de renseignements, M. Prasad pourra s’adresser à une autre instance pour demander réparation. Qu’il y ait eu ou non échange de renseignements est sans importance pour la question de la pénalité administrative infligée à M. Prasad en vertu de la Loi et n’est pas un obstacle à son infliction.

[14]           En conclusion, pour les motifs susmentionnés, nous ne sommes pas convaincus que le juge a commis quelque erreur justifiant notre intervention lorsqu’il a rendu l’ordonnance en vertu de son pouvoir discrétionnaire. Il est vrai que, dans l’ordonnance, le juge a déclaré : [traduction] « La présente demande est rejetée. » Cela dit, à notre avis, puisqu’il était saisi de la requête en radiation présentée par les intimés contre la demande de M. Prasad, il est évident qu’il entendait radier cette dernière. Par conséquent, l’appel sera rejeté sans frais.

« C. Michael Ryer »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-142-14

APPEL D’UNE ORDONNANCE RENDUE LE 18 FÉVRIER 2014 PAR MONSIEUR LE JUGE HUGHES, DE LA COUR FÉDÉRALE, DANS LE DOSSIER NO T-1706-13.

INTITULÉ :

SATHEESKARAN PRASAD c. MINISTRE DE L’EMPLOI ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL, MINISTRE DU MULTICULTURALISME, ET PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 JANVIER 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE RYER

LE JUGE WEBB

LE JUGE BOIVIN

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LE JUGE RYER

COMPARUTIONS :

Rocco Galati

POUR L’APPELANT

 

Derek Edwards

POUR LES INTIMÉS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cabinet Rocco Galati

Société professionnelle

Toronto (Ontario)

POUR L’APPELANT

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

POUR LES INTIMÉS

 

 

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