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Date : 20150325


Dossier : A-193-14

Référence : 2015 CAF 83

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE WEBB

LE JUGE BOIVIN

 

 

ENTRE :

KIDANE HAGOS ET SHAMAR MAINTENANCE INC.

appelants

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 25 mars 2015.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 25 mars 2015.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE BOIVIN

 


Date : 20150325


Dossier : A-193-14

Référence : 2015 CAF 83

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE WEBB

LE JUGE BOIVIN

 

 

ENTRE :

KIDANE HAGOS ET SHAMAR MAINTENANCE INC.

appelants

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 25 mars 2015).

LE JUGE BOIVIN

[1]               La Cour est saisie de l’appel d’une décision rendue par le juge Roy de la Cour fédérale (le juge) en date du 7 mars 2014, qui a rejeté la demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) a refusé de statuer sur la plainte présentée par M. Kidane Hagos et Shamar Maintenance Inc. (les appelants), conformément à l’article 41 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H‑6 (la Loi).

[2]               L’appelant, M. Kidane Hagos (M. Hagos) est également PDG de la société appelante, Shamar Maintenance Inc. (Shamar). Shamar a obtenu de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) sept contrats d’entretien entre 1999 et 2011. Six de ces contrats n’ont pas été renouvelés, et l’autre a été résilié en janvier 2011.

[3]               Les appelants ont déposé une plainte à la Commission, alléguant que les non‑renouvellements et la résiliation des contrats reposaient sur des motifs discriminatoires, à savoir la race, l’origine nationale ou ethnique, ou la couleur. La plainte a été reçue le 28 septembre 2011. Le 20 octobre 2011, la Commission a demandé aux appelants de lui transmettre un énoncé de position afin de déterminer si leur plainte relevait de sa compétence. L’énoncé a été fourni par l’avocat des appelants le 19 novembre 2011. Le 9 mars 2012, la Commission a produit un rapport relatif aux articles 40/41 (le rapport), dans lequel on lui recommandait de refuser de statuer sur la plainte au motif qu’elle était frivole au sens de l’alinéa 41(1)d) de la Loi. Les parties ont été invitées à présenter d’autres observations sur le rapport en avril et en mai 2012. Le 13 juin 2012, après avoir examiné le rapport, la plainte initiale et les observations des parties, la Commission a décidé de ne pas statuer sur la plainte comme il était recommandé dans le rapport.

[4]               La Commission a conclu que Shamar n’avait pas, à titre de personne morale, qualité pour déposer une plainte et ne pouvait faire l’objet de discrimination en vertu de la Loi, et que la plainte individuelle de M. Hagos n’était pas fondée sur un motif de distinction illicite prévu par la Loi. La plainte était donc « frivole » au sens de l’alinéa 41(1)d) de la Loi et la Commission ne pouvait y donner suite.

[5]               En juillet 2012, les appelants ont déposé une demande de contrôle judiciaire visant cette décision à la Cour fédérale.

[6]               Voici les dispositions pertinentes de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H‑6 [Non souligné dans l’original] :

3. (1) Pour l’application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, la situation de famille, l’état de personne graciée ou la déficience

3. (1) For all purposes of this Act, the prohibited grounds of discrimination are race, national or ethnic origin, colour, religion, age, sex, sexual orientation, marital status, family status, disability and conviction for an offence for which a pardon has been granted or in respect of which a record suspension has been ordered

[…]

7. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

7. It is a discriminatory practice, directly or indirectly,

[…]

b) de le défavoriser en cours d’emploi.

(b) in the course of employment, to differentiate adversely in relation to an employee, on a prohibited ground of discrimination.

[…]

14. (1) Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait de harceler un individu :

14. (1) It is a discriminatory practice,

[…]

c) en matière d’emploi.

(c) in matters related to employment, to harass an individual on a prohibited ground of discrimination.

[…]

40. (1) Sous réserve des paragraphes (5) et (7), un individu ou un groupe d’individus ayant des motifs raisonnables de croire qu’une personne a commis un acte discriminatoire peut déposer une plainte devant la Commission en la forme acceptable pour cette dernière.

40. (1) Subject to subsections (5) and (7), any individual or group of individuals having reasonable grounds for believing that a person is engaging or has engaged in a discriminatory practice may file with the Commission a complaint in a form acceptable to the Commission.

[…]

41. (1) Sous réserve de l’article 40, la Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie à moins qu’elle estime celle-ci irrecevable pour un des motifs suivants :

41. (1) Subject to section 40, the Commission shall deal with any complaint filed with it unless in respect of that complaint it appears to the Commission that

[…]

c) la plainte n’est pas de sa compétence ;

(c) the complaint is beyond the jurisdiction of the Commission;

d) la plainte est frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise foi[.]

(d) the complaint is trivial, frivolous, vexatious or made in bad faith[.]

[7]               Lorsqu’elle est saisie de l’appel d’une demande de contrôle judiciaire, notre Cour doit déterminer si la cour de première instance a choisi la norme de contrôle appropriée et l’a appliquée correctement : Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559, aux paragraphes 45-47; Telfer c. Canada (Agence du revenu), 2009 CAF 23, 386 N.R. 212, au paragraphe 18.

[8]               Se fondant sur les jurisprudences Dunsmuir c. Nouveau Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, et Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers' Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654, le juge a conclu que la norme de la décision raisonnable s’appliquait à la décision de la Commission, et que les motifs produits par cette dernière étaient suffisants, conformément à la jurisprudence Newfoundland and Labrador Nurses' Union c. Terre‑Neuve et Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 R.C.S. 708.

[9]               Le juge a examiné minutieusement les faits, les éléments de preuve et les observations des parties, et il a conclu que la décision de la Commission était raisonnable.

[10]           En l’espèce, les appelants n’attaquant pas la conclusion du juge selon laquelle la Commission n’a pas fait preuve de partialité et que le processus suivi était conforme à l’équité procédurale. L’avocat des appelants reconnaît par ailleurs que Shamar n’a pas qualité pour déposer une plainte sur le fondement de la Loi canadienne des droits de la personne. Les appelants font plutôt valoir que le juge a commis une erreur en concluant que la décision de la Commission de refuser de statuer sur la plainte de M. Hagos en application de l’alinéa 41(1)d) de la Loi était raisonnable.

[11]           Cependant, et avec égards, nous concluons que le juge n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle.

[12]           Plus précisément, dans les circonstances, il était raisonnable pour la Commission de conclure que la plainte ne révélait aucun acte discriminatoire. Elle ne contenait aucune allégation selon laquelle il existait une relation d’emploi entre TPSGC et M. Hagos au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne. La question de ce lien a été soulevée pour la première fois devant notre Cour. On n’a pas demandé à la Commission de statuer sur cette question. Il ne saurait donc être déraisonnable pour elle de ne pas l’avoir fait. Il s’ensuit qu’il était approprié pour le juge de conclure que la Commission a raisonnablement décidé qu’il était manifeste et évident que la plainte était vouée à l’échec.

[13]           Par ces motifs, l’appel sera rejeté avec dépens, lesquels sont fixés à la somme globale de 3 000 $.

« Richard Boivin »

j.c.a.

Traduction.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-193-14

 

 

INTITULÉ :

KIDANE HAGOS ET SHAMAR MAINTENANCE INC. c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 25 mars 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE WEBB

LE JUGE BOIVIN

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LE JUGE BOIVIN

COMPARUTIONS :

William N. Fuhgeh

 

POUR LES APPELANTS,

KIDANE HAGOS ET SHAMAR MAINTENANCE INC.

 

Max Binnie

 

POUR L’INTIMÉ,

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Fuhgeh Law Office

Ottawa (Ontario)

 

pour les appelants,

KIDANE HAGOS ET SHAMAR MAINTENANCE INC.

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR L’INTIMÉ,

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

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