Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20150415


Dossiers : A-452-14

A-453-14

Référence : 2015 CAF 93

CORAM :

LE JUGE RYER

LE JUGE NEAR

LE JUGE RENNIE

 

 

Dossier : A-452-14

ENTRE :

ViiV SOINS DE SANTÉ ULC,

ViiV HEALTHCARE UK LTD

ET GLAXO GROUP LIMITED

appelantes

et

TEVA CANADA LIMITÉE

ET LE MINISTRE DE LA SANTÉ

intimés

Dossier : A-453-14

ENTRE :

ViiV SOINS DE SANTÉ ULC,

ViiV HEALTHCARE UK LTD

ET GLAXO GROUP LIMITED

appelantes

et

APOTEX INC

ET LE MINISTRE DE LA SANTÉ

intimés

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 13 avril 2015.

Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 15 avril 2015.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE NEAR

 


Date : 20150415


Dossiers : A-452-14

A-453-14

Référence : 2015 CAF 93

CORAM :

LE JUGE RYER

LE JUGE NEAR

LE JUGE RENNIE

 

 

Dossier : A-452-14

ENTRE :

ViiV SOINS DE SANTÉ ULC, ViiV HEALTHCARE UK LTD ET GLAXO GROUP LIMITED

appelantes

et

TEVA CANADA LIMITÉE ET LE MINISTRE DE LA SANTÉ

intimés

Dossier : A-453-14

ENTRE :

ViiV SOINS DE SANTÉ ULC, ViiV HEALTHCARE UK LTD ET GLAXO GROUP LIMITED

appelantes

et

APOTEX INC. ET LE MINISTRE DE LA SANTÉ

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l'audience à Toronto (Ontario), le 15 avril 2015)

LE JUGE NEAR

[1]               Nous sommes saisis de deux appels, nos A‑452‑14 et A‑453‑14, qui ont été réunis et instruits ensemble conformément à l'ordonnance du juge Boivin du 21 novembre 2014.

[2]               Les présents appels portent sur l'admissibilité de l'inscription du brevet canadien no 2 289 753 (le brevet 753) relativement à KIVEXA, un médicament commercialisé par ViiV Soins de santé ULC, ViiV Healthcare UK Ltd. et Glaxo Group Limited (collectivement, les appelantes), conformément à l'alinéa 4(2)a) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133 (le Règlement).

[3]               Pour les motifs dont la référence est 2014 CF 328, la protonotaire Milczynski (la protonotaire) a conclu que le brevet 753 n'était pas admissible à l'inscription à l'égard de KIVEXA. Elle a rendu des ordonnances en ce sens dans des instances distinctes auxquelles étaient parties les intimées Teva Canada Limitée (Teva) et Apotex Inc. (Apotex). Dans une décision concernant Teva et Apotex, le juge Hughes de la Cour fédérale (le juge) a confirmé la décision de la protonotaire (2014 CF 893). Les appelantes interjettent appel de cette décision.

[4]               Les faits à l'origine des présents appels ne sont pas pour l'essentiel contestés et ont été longuement exposés par la protonotaire et le juge. Il n'est pas nécessaire de les reprendre en détail. KIVEXA est une association antirétrovirale à dose fixe contenant deux ingrédients médicinaux, le sulfate d'abacavir et la lamivudine. Le 25 juillet 2005, le ministre de la Santé (le ministre) a délivré un avis de conformité (AC) à l'égard de KIVEXA.

[5]               Le brevet 753 a été délivré le 23 janvier 2007. L'invention qui y est décrite concerne un nouveau sel de l'abacavir. La revendication 2, qui est en cause, porte expressément sur l'hémisulfate d'abacavir. Le 23 février 2007, après avoir examiné la liste de brevets déposée par les appelantes, le ministre a ajouté le brevet 753 au registre relatif à KIVEXA.

[6]               Teva et Apotex ont chacune signifié aux appelantes un avis d'allégation indiquant qu'elles avaient déposé une présentation abrégée de drogue nouvelle citant KIVEXA comme le produit de référence canadien. Le médicament proposé par Teva est le « TEVA-abacavir/lamivudine », celui d'Apotex, le « APO-Abacavir-Lamivudine ».

[7]               Les appelantes ont présenté des demandes d'interdiction contre Teva et Apotex en application du paragraphe 6(1) du Règlement. Dans leur instance respective, Teva et Apotex ont chacune présenté une requête fondée sur l'alinéa 6(5)a) du Règlement, faisant valoir que le brevet 753 n'était pas admissible à l'inscription relativement à KIVEXA.

[8]               La protonotaire a accueilli les deux requêtes. Dans ses motifs, elle a expliqué que, suivant l'interprétation de l'alinéa 4(2)a) retenue dans l'arrêt Gilead Sciences Canada Inc. c. Canada (Santé), 2012 CAF 254, [2012] A.C.F. no 1259 (QL) (Gilead), le brevet 753 n'avait pas le degré de spécificité requis pour être inscrit relativement à KIVEXA.

[9]               Le juge a instruit conjointement les appels relatifs à ces requêtes, et les a tous deux rejetés. Dans ses motifs, il a analysé en profondeur le cadre légal applicable et a passé en revue la jurisprudence pertinente. Même si sa décision (comme celles de la protonotaire) portait sur plusieurs questions, les présents appels n'en concernent qu'une seule : l'admissibilité à l'inscription du brevet 753 relativement à KIVEXA, conformément à l'alinéa 4(2)a) du Règlement, sur la base de la revendication 2. À cet égard, le juge a conclu que :

[89]      [...] L'arrêt Gilead de la Cour d'appel fédérale est suffisamment clair. Le brevet qui ne revendique qu'un seul ingrédient médicinal ne peut être admissible à l'inscription sous le régime du Règlement AC lorsque l'AC sous‑jacent vise une combinaison (synergique ou autre) d'au moins deux ingrédients médicinaux.

[10]           La question à trancher dans les présents appels est de savoir si le juge Hughes a commis une erreur en concluant que le brevet 753 n'était pas admissible à l'inscription relativement à KIVEXA en vertu de l'alinéa 4(2)a) du Règlement. À cet égard, il est essentiel de déterminer si l'arrêt Gilead se distingue de la présente espèce et, dans la négative, s'il est bien fondé.

[11]           Les parties conviennent que la question en litige — l'admissibilité à l'inscription au registre d'une revendication portant sur un ingrédient médicinal unique alors que l'association à dose fixe visée en contient plus d'un — est une question de droit. Elle est donc assujettie à la norme de la décision correcte (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, au paragraphe 8).

[12]           Les appelantes soutiennent que le juge de la Cour fédérale a commis trois erreurs : il n'a pas compris les différences entre l'affaire qui nous occupe et l'affaire Gilead, il a mal interprété la décision Bayer Inc. c. Canada (Santé), 2009 CF 1171, [2009] A.C.F. no 1471 (QL), et il n'a pas appliqué les principes d'interprétation énoncés dans l'arrêt Bristol‑Myers Squibb Co. c. Canada (Procureur général), 2005 CSC 26, [2005] 1 R.C.S. 533.

[13]           Les intimées Teva et Apotex demandent à la Cour de rejeter les appels. Elles soutiennent que le juge a conclu à juste titre que l'arrêt Gilead s'applique en l'espèce, et que le brevet 753 ne peut donc pas être inscrit relativement à KIVEXA en application de l'alinéa 4(2)a).

[14]           Le ministre est également partie aux présents appels. D'après lui, le brevet 753 peut être inscrit. Il soutient que l'arrêt Gilead se distingue de la présente espèce, ou subsidiairement, qu'il est mal fondé.

[15]           À notre avis, la protonotaire et le juge ont eu raison de conclure que l'arrêt Gilead s'applique aux faits de la présente affaire. Dans cet arrêt, la Cour a conclu que l'alinéa 4(2)a) établit un seuil élevé de spécificité entre ce qui est revendiqué dans le brevet et ce qui a été approuvé dans l'AC — un brevet qui ne revendique pas explicitement tous les ingrédients médicinaux contenus dans le médicament à l'égard duquel l'AC a été délivré ne peut pas être inscrit relativement à ce médicament.

[16]           Dans l'arrêt Gilead, la Cour a examiné et rejeté les considérations de politique sous‑jacente avancées par les appelantes et le ministre concernant l'interprétation de l'alinéa 4(2)a). Malgré les observations des avocats selon lesquelles la Cour était saisie dans l'arrêt Gilead d'une situation distincte et plus complexe, et non d'une revendication touchant un simple composé, nous ne voyons pas ce que cela change au raisonnement central formulé dans cet arrêt à l'égard de l'alinéa 4(2)a). Par ailleurs, à partir du paragraphe 50 de ses motifs, le juge traite en profondeur des considérations de politique sous‑jacente avancées par les appelantes et le ministre, et il rejette l'observation selon laquelle ces considérations ont un quelconque effet sur l'application de la conclusion tirée dans l'arrêt Gilead à la présente affaire. Nous souscrivons à son analyse.

[17]           La Cour, dans l'arrêt Gilead, a examiné minutieusement le paragraphe 4(2) dans son ensemble et a tiré une conclusion incompatible avec la thèse avancée par les appelantes en l'espèce de même qu'avec la politique du ministre. Tant les appelantes que le ministre indiquent dans leurs documents que ce dernier laisse entendre depuis plusieurs années qu'il pourrait modifier le Règlement afin de tenir compte de l'arrêt Gilead. L'éventualité d'une modification n'autorise pas à conclure que l'interprétation du paragraphe 4(2) dans son ensemble, et de l'alinéa 4(2)a) spécifiquement, qu'a adoptée la Cour dans l'arrêt Gilead peut être écartée sur la base des faits, comme nous invitent instamment à le faire les appelantes.

[18]           Le ministre fait valoir à titre subsidiaire que l'arrêt Gilead est mal fondé, mais il ne soutient pas expressément que cette décision est manifestement erronée au sens entendu dans l'arrêt Miller c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 370. Dans cet arrêt, la Cour a conclu que, pour infirmer la décision rendue par une autre formation de notre Cour, cette décision doit être « manifestement erronée, du fait que la Cour n'aurait pas tenu compte de la législation applicable ou d'un précédent qui aurait dû être respecté » (paragraphe 10). Par conséquent, nous n'avons pas à statuer sur la question de savoir si l'arrêt Gilead est manifestement erroné.

[19]           Les appels seront donc rejetés, et des dépens fixés à 5 000 $ dans chaque appel seront payables à Teva Canada Limitée et des dépens fixés à 2 500 $ dans chaque appel seront payables à Apotex Inc.

[20]           Une copie des présents motifs sera versée dans chaque dossier.

« D. G. Near »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Yves Bellefeuille, réviseur


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

(APPEL D'UN JUGEMENT RENDU PAR LE JUGE HUGHES DE LA COUR FÉDÉRALE LE 18 SEPTEMBRE 2014 DANS LE DOSSIER No T‑1517‑13)


DOSSIERS :

A-452-14 et A-453-14

 

 

INTITULÉS :

A-452-14

ViiV SOINS DE SANTÉ ULC ET AL. c. TEVA CANADA LIMITÉE ET AL.

A-453-14

ViiV SOINS DE SANTÉ ULC ET AL. c. APOTEX INC. ET AL.

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

LE 13 avril 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE RYER

LE JUGE NEAR

LE JUGE RENNIE

 

PRONONCÉS À L'AUDIENCE PAR :

LE JUGE NEAR

DATE DES MOTIFS :

LE 15 AVRIL 2015

COMPARUTIONS :

Patrick Kierans

Louisa Pontrelli

Christopher A. Guerreiro

Daniel Daniele

 

POUR LES APPELANTES

 

David W. Aitken

Scott A. Beeser

POUR L'INTIMÉE DANS LE DOSSIER A-452-14

(TEVA CANADA LIMITÉE)

 

Ben Hackett

Jaro Mazzola

POUR L'INTIMÉE DANS LE DOSSIER A-453-14

(APOTEX INC.)

 

Eric Peterson

 

POUR L'INTIMÉ

(LE MINISTRE DE LA SANTÉ)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Norton Rose Fulbright Canada, S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

POUR LES APPELANTES

 

Aitken Klee LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR L'INTIMÉE DANS LE DOSSIER A-452-14

(TEVA CANADA LIMITÉE)

 

Goodmans LLP

Toronto (Ontario)

POUR L'INTIMÉE DANS LE DOSSIER A-453-14

(APOTEX INC.)

 

William F. Pentney

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

POUR L'INTIMÉ

(LE MINISTRE DE LA SANTÉ)

 

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