Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20150504


Dossiers : A-376-13

A-385-13

Référence : 2015 CAF 116

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

 

 

 

Dossier : A-376-13

 

ENTRE :

 

COBALT PHARMACEUTICALS COMPANY

 

appelante

 

et

 

BAYER INC. et BAYER PHARMA AKTIENGESELLSCHAFT et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

intimés

Dossier : A-385-13

ET ENTRE :

BAYER INC. et BAYER PHARMA AKTIENGESELLSCHAFT

appelantes

et

 

COBALT PHARMACEUTICALS COMPANY et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

intimés

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 11 septembre 2014.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 4 mai 2015.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE STRATAS

Y A SOUSCRIT :

LE JUGE WEBB

MOTIFS CONCOURANTS :

LE JUGE PELLETIER

 


Date : 20150504


Dossiers : A-376-13

A-385-13

Référence : 2015 CAF 116

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

 

 

 

Dossier : A-376-13

 

ENTRE :

 

COBALT PHARMACEUTICALS COMPANY

 

appelante

 

et

 

BAYER INC. et BAYER PHARMA AKTIENGESELLSCHAFT et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

intimés

Dossier : A-385-13

ET ENTRE :

BAYER INC. et BAYER PHARMA AKTIENGESELLSCHAFT

appelantes

et

 

COBALT PHARMACEUTICALS COMPANY et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE STRATAS

[1]               Bayer Inc. et Bayer Pharma Aktiengesellschaft (« Bayer ») et Cobalt Pharmaceuticals Company (« Cobalt ») interjettent toutes deux appel du jugement qu'a rendu le juge Hughes, de la Cour fédérale, le 22 octobre 2013 : 2013 CF 1061. Voici mes motifs, et ce, pour les deux appels.

[2]               Bayer a déposé à la Cour fédérale une demande au titre du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133 (le Règlement AC), en vue d'interdire au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à la société Cobalt Pharmaceuticals à l'égard de l'association médicamenteuse de drospirénone et d'éthinylestradiol proposée avant l'expiration des brevets canadiens nos 2 382 426 (le brevet 426) et 2 179 728 (le brevet 728).

[3]               Dans son jugement, la Cour fédérale a accueilli la demande de Bayer concernant le brevet 426. Cobalt interjette appel de cette décision (appel A‑376‑13). La Cour fédérale a rejeté la demande de Bayer concernant le brevet 728. Bayer interjette également appel de cette décision (appel A‑385‑13).

[4]               Pour les motifs qui suivent, je suis d'avis de rejeter les deux appels, avec dépens.

[5]               Les présents motifs sont divisés en deux parties : l'appel de Cobalt concernant le brevet 426 et l'appel de Bayer concernant le brevet 728. Voici tout d'abord, cependant, quelques faits de base qui s'appliquent aux deux appels.

[6]               Bayer distribue au Canada un contraceptif oral sous le nom commercial YAZ. Les comprimés de YAZ contiennent 3 mg de drospirénone et 20 µg d'éthinylestradiol et sont destinés à une administration orale.

[7]               Cobalt entend distribuer au Canada une version générique du YAZ, et elle a demandé au ministre de la Santé de lui délivrer un avis de conformité.

[8]               Cobalt a déposé un avis d'allégation en vertu du Règlement AC. Dans cet avis, elle a allégué qu'elle ne contreferait pas les revendications du brevet 426 et du brevet 728 et que toute revendication pertinente des deux brevets était invalide. Dans l'avis d'allégation concernant le brevet 426, elle a allégué l'invalidité pour cause d'évidence, d'absence d'utilité, de portée excessive, d'insuffisance et d'ambiguïté. Dans l'avis d'allégation concernant le brevet 728, elle a allégué que les revendications étaient invalides pour cause d'évidence, de double brevet, d'absence d'utilité, d'absence de prédiction valable, et d'objet non brevetable au motif que le brevet visait une méthode de traitement médical.

[9]               En réponse à l'avis d'allégation, Bayer a présenté une demande au titre du Règlement AC, en vue d'interdire au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à la société Cobalt à l'égard de l'association médicamenteuse de drospirénone et d'éthinylestradiol proposée avant l'expiration des brevets 426 et 728.

[10]           Comme il a été mentionné précédemment, la Cour fédérale a accueilli la demande de Bayer concernant le brevet 426. Elle a souscrit à l'interprétation de Bayer quant au brevet et, du fait de cette interprétation, elle a conclu qu'aucune des allégations de Cobalt n'était justifiée.

[11]           Comme il a également été mentionné précédemment, la Cour fédérale a rejeté la demande de Bayer concernant le brevet 728. Elle a interprété le brevet et a conclu subsidiairement qu'il était invalide en raison de son ambiguïté ou du fait qu'il revendiquait seulement, comme dosage maximal ou unique, 2 mg de drospirénone ou une quantité indéterminée de drospirénone : voir les motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 134 et 135. Le produit de Cobalt contenait 3 mg de drospirénone, de sorte qu'il ne s'agissait donc pas de contrefaçon.

A.                L'appel de Cobalt concernant le brevet 426 (A‑376‑13)

(1)               L'interprétation du brevet

[12]           L'interprétation qu'a faite la Cour fédérale du brevet doit être contrôlée selon la norme de la décision correcte : Mylan Pharmaceuticals ULC c. AstraZeneca Canada Inc., 2012 CAF 109, au paragraphe 20. Comme l'a déclaré la Cour suprême : « l'interprétation des revendications est une question de droit qu'il appartient au juge de trancher » : Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67, [2000] 2 R.C.S. 1067, au paragraphe 61.

[13]           Il a été affirmé que cette thèse découle du fait que les lettres patentes délivrées constituent un « règlement » au sens du paragraphe 2(1) de la Loi d'interprétation, L.R.C. 1985, ch. I‑21, et qu'il s'agit donc de textes de loi dont l'interprétation doit être contrôlée selon la norme de la décision correcte : arrêt Whirlpool, précité, à l'alinéa 49e) et au paragraphe 61.

[14]           Cependant, lors de l'interprétation, les brevets doivent être lus du point de vue du lecteur versé dans l'art : arrêt Whirlpool, précité, au paragraphe 45. Ce lecteur aborde le brevet en possédant les connaissances générales usuelles qui s'appliquent à l'art auquel se rapporte le brevet en question. Comme cela n'est pas du ressort des juges, les parties produisent presque toujours une preuve d'expert pour expliquer de quelle façon le lecteur versé dans l'art lirait et comprendrait le brevet : arrêt Whirlpool, précité, aux paragraphes 57 à 62; Free World Trust c. Électro Santé Inc., 2000 CSC 66, [2000] 2 R.C.S. 1024, au paragraphe 51.

[15]           L'évaluation que fait la Cour fédérale de la preuve d'expert — par exemple, la preuve concernant l'état des connaissances scientifiques à l'époque pertinente ou la façon dont une personne raisonnable versée dans l'art comprendrait le brevet — est susceptible de contrôle selon la norme de l'erreur manifeste et dominante : voir l'arrêt Mylan Pharmaceuticals, précité, au paragraphe 20; Wenzel Downhole Tools Ltd. c. National‑Oilwell Canada Ltd., 2012 CAF 333, [2014] 2 R.C.F. 459, au paragraphe 44; Bell Helicopter Textron Canada Limitée c. Eurocopter, 2013 CAF 219, aux paragraphes 73 et 74; Corlac Inc. c. Weatherford Canada Ltd., 2011 CAF 228, au paragraphe 24.

[16]           Tel est le droit qu'il me faut appliquer dans les présents appels, et c'est ce que je ferai. Cependant, par souci pour la saine évolution du droit, j'aimerais faire quelques remarques que la Cour suprême du Canada pourrait prendre en considération dans une affaire ultérieure.

[17]           De façon générale, un tribunal lit presque toujours un brevet à travers les lentilles que lui fournissent les experts que le juge considère comme crédibles et exacts. À cause de cela, en pratique, c'est souvent la norme de contrôle de l'erreur manifeste et dominante qui s'applique. La Cour reconnaît cette réalité concrète depuis déjà un certain temps :

Bien que l'interprétation d'un brevet incombe au tribunal, celui‑ci ne doit pas aborder le brevet comme s'il s'agissait d'un contrat ou d'une loi ordinaire, par exemple, il doit se servir des connaissances d'une personne qualifiée dans la mesure où ces connaissances sont expliquées dans les témoignages d'experts acceptés au procès. Bref, l'interprétation d'un brevet dépend largement du témoignage des personnes versées dans l'art. [...]

(Procter & Gamble Inc. c. Unilever PLC, [1995] A.C.F. no 1005 (QL) (C.A.F.), au paragraphe 10)

[18]           Souvent, le témoignage des experts déborde le cadre du témoignage d'opinion et traite de questions de nature factuelle qui relèvent de leur connaissance et qui sont pertinentes pour l'exercice d'interprétation :

[TRADUCTION]

Le problème que pose le fait de considérer les questions d'interprétation comme de pures questions de droit est que, souvent, elles ne le sont pas. Même si une preuve directe concernant le sens d'un terme non technique est irrecevable, le tribunal ne tire pas dans l'abstrait sa conclusion quant au sens de la revendication. Une preuve sur les connaissances générales usuelles peut souvent avoir une incidence importante, au titre du contexte factuel par rapport auquel l'interprétation est déterminée, tout comme une preuve factuelle sur les conséquences de ce qu'enseignent certains passages du mémoire descriptif.

(Novartis AG v. Dexcel‑Pharma Limited, [2008] EWHC 1266 (Pat), [2008] All E.R. (D) 97, au paragraphe 21.) Et, comme on le sait bien, le contrôle en appel des conclusions des juges de première instance à propos de questions de fait est effectué selon la norme de l'erreur manifeste et dominante.

[19]           Bien sûr, j'admets que, d'un point de vue formel, un brevet est un « règlement » selon la Loi d'interprétation. Et, à ce jour, les tribunaux présument simplement que la désignation officielle d'une lettre patente comme un règlement tranche la question de la norme de contrôle. Mais je ne suis pas d'accord. Cela revient à permettre que la forme — un « règlement » dans le sens formel du terme — dicte le fond. La common law relative à la norme de contrôle, une question de fond, doit être examinée séparément.

[20]           Les raisons invoquées à l'appui du fait qu'un tribunal d'appel doive adopter une approche empreinte de déférence à l'égard de l'interprétation des brevets dans les cas où la preuve d'expert a joué un rôle important me semblent convaincantes : Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, aux paragraphes 8 à 37. Comment les juges d'appel sont‑ils censés détacher les aspects de l'interprétation d'une revendication qui découlent de l'appréciation qu'a faite le juge du procès de la preuve d'expert du libellé de la revendication en soi? Les juges d'appel peuvent‑ils réellement se substituer au juge du procès, qui, souvent sur une période de nombreux jours, a acquis des connaissances dans l'art en cause et a vu et évalué les experts? Qui sont-ils pour effectuer un contrôle judiciaire fondé sur la norme de la décision correcte, en se mettant à la place du juge du procès et en imposant leur propre opinion sur la question?

[21]           Je ne souscris pas à la thèse selon laquelle il est nécessaire de procéder à un contrôle judiciaire selon la norme de la décision correcte pour interpréter les brevets avec cohérence et certitude. Le principe de la courtoisie entre juges garantit que l'on déterminera le sens des brevets avec une cohérence et une certitude suffisantes, de la même façon que ce principe est garant d'une certaine cohérence et d'une certaine certitude dans la manière dont on aborde actuellement la norme de contrôle applicable : Apotex Inc. c. Allergan Inc., 2012 CAF 308.

[22]           Je signale également que, dans un arrêt récent, la Cour suprême des États‑Unis fait état d'une acceptation croissante du fait que, d'un point de vue pratique, il y a lieu de faire preuve de déférence à l'égard de l'interprétation des brevets qui a été effectuée par ceux qui ont vu les experts et qui les ont évalués : Teva Pharmaceuticals USA, Inc. v. Sandoz, Inc., No. 13‑854, 574 U.S. __ (2015).

[23]           Pour ce qui est de la norme de contrôle applicable, il me semble que de nombreux arguments militent en faveur de l'établissement d'une distinction entre les « lettres patentes » et les mémoires descriptifs de brevet : William L. Hayhurst, « The Distinction Between “Letters Patent” and Patent Specifications: How Did We Get Where We Are? » (2006), 57 C.P.R. (4th) 161. Selon cette méthode, les « lettres patentes » au sens de la Loi d'interprétation n'incluent que le certificat portant le sceau de l'Office de la propriété intellectuelle du Canada que l'on délivre à un inventeur après l'approbation de sa demande. La demande de brevet — telle qu'elle existait tout juste avant que l'approbation soit donnée — devient plutôt le mémoire descriptif du brevet et n'est pas considérée comme une « lettre patente » au sens de la Loi d'interprétation.

[24]           L'effet pratique de cette distinction est que seul le certificat — la « lettre patente » — sera nécessairement contrôlé selon la norme de la décision correcte. Il est alors possible de contrôler les interprétations du mémoire descriptif en fonction de la norme de l'erreur manifeste et dominante lorsque ces interprétations reposent dans une large mesure sur des témoignages d'expert, comme c'est le cas habituellement. Le mémoire descriptif demeure un document juridique, mais même les documents juridiques sont susceptibles de contrôle selon une norme qui appelle la déférence : Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, [2014] 2 R.C.S. 633.

[25]           Cependant, comme je l'ai dit, j'appliquerai la norme de contrôle telle qu'elle existe à ce stade‑ci. Et selon cette règle, je ne vois aucune raison d'annuler le jugement de la Cour fédérale du fait de son interprétation du brevet 426.

[26]           Devant la Cour fédérale, Cobalt a fait valoir que la revendication 31 se limite aux particules micronisées de drospirénone. La Cour fédérale a exprimé son désaccord, concluant que cette revendication n'était pas limitée de cette façon.

[27]           La revendication 31 du brevet 426 est libellée ainsi :

[TRADUCTION]

31.       Une composition pharmaceutique comprenant :

d'environ 2 mg à environ 4 mg de particules de drospirénone, la drospirénone étant sous une forme qui, lorsqu'elle se trouve dans un comprimé contenant 3 mg de drospirénone, présente une dissolution telle qu'au moins 70 % de la drospirénone est dissoute dans 900 ml d'eau à 37 °C (± 0,5 °C) en 30 minutes, selon la méthode XXIII utilisant un appareil à palette de l'USP, en utilisant un appareil no 2 à 50 tours/minute, à l'aide de six récipients de verre recouverts et de six palettes;

d'environ 0,01 mg à environ 0,05 mg de 17α‑éthinylestradiol;

un ou plusieurs vecteurs pharmaceutiquement acceptables;

la composition étant présentée sous une forme orale et étant un contraceptif oral efficace chez la femme.

[28]           Cobalt prétend devant la Cour que la Cour fédérale a mal interprété la revendication 31. Cobalt indique que, correctement interprétée, la revendication 31 se limite aux particules de drospirénone sous forme « micronisée ». Selon Cobalt, le terme « micronisée » est un élément essentiel de la revendication 31, laquelle devrait se lire ainsi : [TRADUCTION] « d'environ 2 mg à environ 4 mg de particules de drospirénone micronisées ».

[29]           Cobalt étaye son observation en relevant des passages qui s'écartent du sujet dans la description du brevet, faisant valoir que « l'objectif et l'intention de l'invention étaient d'obtenir une dissolution rapide, au moyen de drospirénone micronisée » :

[TRADUCTION]

Pour en assurer une biodisponibilité adéquate, le composé est avantageusement offert dans une forme qui en favorise une dissolution rapide. Il a été étonnamment observé que, lorsque la drospirénone est fournie sous une forme micronisée (de façon que les particules de la matière active aient une surface de plus de 10 000 cm2/g et qu'elles présentent la distribution suivante [...]) dans une composition pharmaceutique, on observe une dissolution rapide de l'ingrédient actif in vitro (on définit une « dissolution rapide » par une dissolution d'au moins 70 % de la drospirénone en environ 30 minutes, et plus particulièrement une dissolution d'au moins 80 % de la drospirénone en environ 20 minutes [...]). [Souligné dans l'original.]

(Mémoire des faits et du droit de Cobalt, au paragraphe 51, citant la page 4 du brevet 426.)

[30]           Cobalt renvoie aussi aux revendications 3 et 38, qui revendiquent toutes deux la vaporisation sur des particules vectrices inertes, pour faire valoir que, si les inventeurs avaient voulu que la revendication 31 vise des particules de drospirénone vaporisées, ils l'auraient précisé.

[31]           Je rejette l'argument de Cobalt. À mon avis, Cobalt sélectionne minutieusement des éléments particuliers du brevet en vue d'étayer le résultat qu'elle souhaite obtenir. Les brevets ne doivent pas être interprétés de manière tendancieuse. Nous devons plutôt examiner le brevet comme un tout, et interpréter le libellé des revendications en tenant dûment compte de l'objectif de l'inventeur du point de vue du lecteur versé dans l'art : arrêt Whirlpool, précité.

[32]           La revendication 31 englobe toutes les particules de drospirénone qui se dissolvent rapidement de la manière qui y est décrite, qu'elles soient ou non micronisées. Le terme « micronisé » n'apparaît pas dans la revendication 31. Celle‑ci englobe toutes les particules de drospirénone qui respectent les autres limites de la revendication : [TRADUCTION] « la drospirénone étant sous une forme qui, lorsqu'elle se trouve dans un comprimé contenant 3 mg de drospirénone, présente une dissolution telle qu'au moins 70 % de la drospirénone est dissoute dans 900 ml d'eau à 37 °C (± 0,5 °C) en 30 minutes, selon la méthode XXIII utilisant un appareil à palette de l'USP, en utilisant un appareil no 2 à 50 tours/minute, à l'aide de six récipients de verre recouverts et de six palettes ».

[33]           En examinant le brevet 426 dans son ensemble, on doit conclure, à l'instar de la Cour fédérale, que la revendication 31 vise toutes les particules de drospirénone à dissolution rapide.

[34]           L'objectif de l'invention était d'assurer une bonne biodisponibilité de la drospirénone, au moyen d'une dissolution rapide. Dans le brevet, les inventeurs mentionnent clairement que les moyens de parvenir à une dissolution rapide sont sans importance. Ils fournissent deux exemples de moyens permettant une dissolution rapide et, dans l'ensemble des revendications, ils mentionnent par intermittence l'une, ou les deux, ou toute autre particule de drospirénone qui parvient à se dissoudre rapidement. Une lecture attentive du brevet confirme que la revendication 31 ne se limite pas aux particules de drospirénone micronisées.

[35]           Par exemple, près de l'extrait de la page 4 du brevet 426 que cite Cobalt (ci‑dessus), on note d'autres passages qui confirment l'interprétation du brevet par la Cour fédérale. À la page 4 du brevet, on peut ainsi lire que [TRADUCTION] « pour en assurer une biodisponibilité adéquate, le composé est avantageusement offert dans une forme qui en favorise une dissolution rapide » et que :

[TRADUCTION]

Plutôt que de fournir la drospirénone sous une forme micronisée, il est possible de la dissoudre dans un solvant approprié, par exemple du méthanol ou de l'acétate d'éthyle, puis de la vaporiser à la surface de particules vectrices inertes et d'incorporer lesdites particules dans la composition.

Sans se limiter à une théorie précise, il semble que la vitesse de dissolution in vitro de la drospirénone est liée à la vitesse de dissolution in vivo, ce qui entraîne une absorption rapide de la drospirénone in vivo après l'administration du comprimé par voie orale. Il s'agit d'un avantage, car l'isomérisation du composé dans l'estomac, son hydrolyse dans l'intestin, ou les deux, sont considérablement réduites, ce qui permet à la biodisponibilité du composé d'être élevée.

[Non souligné dans l'original.]

[36]           Plus loin, à la page 9 du brevet 426, on peut lire que :

[TRADUCTION]

La composition de l'invention peut être formulée selon toute méthode connue dans le domaine pharmaceutique. Plus particulièrement, comme indiqué ci‑dessus, la composition peut être formulée selon une méthode comprenant de la drospirénone et, facultativement, de l'éthinylestradiol sous forme micronisée en utilisant le conditionnement susmentionné, ou vaporisée à partir d'une solution sur des particules vectrices inertes en combinaison avec un ou plusieurs excipients pharmaceutiquement acceptables favorisant la dissolution de la drospirénone et de l'éthinylestradiol de façon à permettre une dissolution rapide de la drospirénone et, préférablement, de l'éthinylestradiol, en administration orale.

[Non souligné dans l'original.]

[37]           La revendication 1 (et les revendications dépendantes) du brevet 426 mentionne des compositions dans lesquelles les particules de drospirénone se retrouvent sous forme « micronisée ». Les revendications 3 et 38 mentionnent toutes deux une vaporisation sur des particules vectrices inertes. La revendication 31, en revanche, précise ni que la drospirénone devrait être micronisée, ni qu'elle devrait être vaporisée. Si les inventeurs avaient eu l'intention de limiter la revendication 31 à l'une ou l'autre forme de drospirénone, ils l'auraient précisé, comme ils l'ont fait pour les revendications 1, 3 et 38. Le contexte des revendications prouve plutôt l'intention contraire.

[38]           Par conséquent, pour les motifs qui précèdent, je souscris à la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle la revendication 31 ne se limite pas à des particules de drospirénone micronisées.

(2)      L'allégation d'absence de contrefaçon

[39]           Tout acte du défendeur qui fait obstacle aux droits exclusifs que confère au breveté l'article 42 de la Loi sur les brevets contrefait le brevet : Monsanto Canada Inc. c. Schmeiser, 2004 CSC 34, [2004] 1 R.C.S. 902, au paragraphe 34, citant H. G. Fox, The Canadian Law and Practice Relating to Letters Patent for Inventions, 4e éd. (Toronto, Carswell, 1969), à la page 349.

[40]           Après avoir interprété une revendication de brevet, il faut ensuite se demander si le produit que propose le défendeur comprend chacun des éléments essentiels de la revendication. Dans l'affirmative, il y a contrefaçon du brevet : arrêt Monsanto, précité, au paragraphe 30; arrêt Free World Trust, précité, aux paragraphes 68 et 75. Selon la Cour suprême du Canada, la norme de contrôle à appliquer à l'égard d'une contrefaçon — une question mixte de fait et de droit — est l'erreur manifeste et dominante : arrêt Whirlpool, précité, au paragraphe 76.

[41]           Lors de l'appel, Cobalt a fait valoir qu'elle ne contreferait pas le brevet 426 puisque, lorsqu'elle est correctement interprétée, la revendication 31 du brevet 426 se limite aux compositions pharmaceutiques qui contiennent une hormone micronisée. Comme Cobalt allègue que son produit ne contient aucune hormone micronisée, elle fait valoir qu'elle ne peut donc contrefaire le brevet en question.

[42]           Toutefois, comme l'a conclu la Cour fédérale — conclusion que j'ai confirmée comme étant correcte — la revendication 31 ne se limite pas aux compositions contenant une hormone micronisée. Correctement interprétée, la revendication 31 fait mention de toutes les compositions pharmaceutiques comprenant les éléments essentiels énumérés dans la revendication 31, que les particules de l'hormone soient, ou non, micronisées.

[43]           Comme les allégations de non‑contrefaçon de Cobalt reposaient sur une interprétation de la revendication 31 qui ne prenait en considération que les particules d'hormones micronisées et comme la seule allégation de non-contrefaçon de Cobalt n'était étayée que par le fait que son produit ne contient pas de telles particules, l'allégation de non‑contrefaçon de Cobalt n'est pas justifiée. La Cour fédérale en est venue à cette conclusion et aucun motif ne permet de l'écarter.

(3)      L'allégation d'invalidité du brevet 426 pour cause d'évidence

[44]           En appel, Cobalt a fait valoir que son allégation quant à l'invalidité du brevet 426 pour cause d'évidence était justifiée.

[45]           En particulier, Cobalt a allégué que la Cour fédérale n'a pas comparé l'idée inventive de la revendication 31 à ce que le lecteur versé dans l'art aurait pensé et su le 31 août 1999. D'après Cobalt, au lieu d'examiner la situation du point de vue du lecteur versé dans l'art, la Cour fédérale a examiné ce que deux employés de Bayer, qui n'étaient pas des inventeurs désignés, avaient fait en 1983 et en 1984 et a omis de tenir compte des antériorités pertinentes : mémoire de l'appelante, aux paragraphes 69 à 74.

[46]           Aux termes de l'article 28.3 de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4, un brevet ne peut pas être délivré pour une invention évidente. Pour examiner la question de l'évidence, les tribunaux appliquent habituellement un critère à quatre volets :

(1)               a) identifier la « personne versée dans l'art »;

b) déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2)               définir l'idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d'interprétation;

(3)               recenser les différences, s'il en est, entre ce qui ferait partie de « l'état de la technique » et l'idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

(4)               abstraction faite de toute connaissance de l'invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l'art ou dénotent-elles quelque inventivité?

(Apotex Inc. c. Sanofi‑Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, [2008] 3 R.C.S. 265, au paragraphe 67)

[47]           Dans l'arrêt Sanofi‑Synthelabo, la Cour suprême du Canada n'a pas exigé que l'on applique le critère qui précède dans tous les cas, mais elle a conclu que « [l]ors de l'examen relatif à l'évidence, il y a lieu » de suivre cette démarche. Les règles strictes sont inappropriées, étant donné que l'évidence est un cas où l'on est appelé à statuer sur les faits : Sanofi‑Synthelabo, aux paragraphes 63 et 67.

[48]           L'évidence est une question mixte de fait et de droit. À moins que le juge de première instance ait commis une erreur de droit isolable, son analyse quant à l'évidence est susceptible de contrôle selon la norme de l'erreur manifeste et dominante : arrêt Wenzel Downhole Tools, précité, au paragraphe 44.

[49]           Les motifs pour lesquels la Cour fédérale a rejeté l'allégation d'évidence sont tributaires d'une appréciation des faits, laquelle inclut l'évaluation des témoins experts et de leur témoignage. La Cour fédérale a conclu que l'art antérieur « éloignait » de la solution du brevet 426.

[50]           La Cour fédérale a conclu que la drospirénone est un composé labile en milieu acide. Dans l'estomac, elle est soumise à un processus rapide de dégradation en une forme inactive. La méthode de l'art antérieur visant à empêcher la dégradation en milieu acide était de présenter les particules dans un enrobage gastrorésistant, de façon à ne libérer la drospirénone que dans les milieux moins acides du tractus gastro‑intestinal. C'est avec étonnement qu'on a constaté que les particules de drospirénone à dissolution rapide permettent de résoudre ce problème, contrairement à ce qui avait été observé in vitro. Par conséquent, la revendication 31 du brevet 426 ne constitue pas une évidence.

[51]           En concluant comme elle l'a fait, la Cour fédérale a tenu compte des témoignages d'experts à l'égard de la date pertinente (le 31 août 1999) et, pour différentes raisons, a préféré la preuve présentée par M. Davies à celle de Mme Pramar :

[78]      En contre-interrogatoire, Mme Pramar a admis qu'elle ne connaissait aucune publication scientifique traitant de l'isomérisation de la spironolactone à un pH de 1 (Q 46). Elle ne pouvait pas dire si la spironolactone était un contraceptif oral, car il ne s'agit pas de son domaine d'expertise (Q 196). Elle ne pouvait pas dire si elle était au courant des références de Krause avant que l'avocat de Bayer les lui remette (Q 198).

[79]      À l'opposé, M. Davies semblait très à l'aise pour discuter des références. Il affirme, en répondant à la question 667 de son contre‑interrogatoire, que l'information avancée par Mme Pramar n'aurait pas contribué à la réalisation de l'invention.

[80]      Je préfère la preuve présentée par M. Davies à cet égard. En août 1999, on savait que l'association de la drospirénone et de l'éthinylestradiol, dans des concentrations correspondant à l'intervalle mentionné dans les revendications du brevet 426, pouvait être utilisée comme contraceptif oral. Cependant, on ignorait que la dissolution de la drospirénone dans l'estomac pouvait être accrue si elle était présentée sous une forme micronisée, sans enrobage gastrorésistant. Contrairement à ce que l'on pourrait observer dans le cadre d'une épreuve in vitro, l'administration d'un tel médicament in vivo ne serait pas associée à une isomérisation excessive dans l'estomac.

[81]      Comme je l'ai mentionné, l'idée inventive est que la drospirénone puisse être fournie sous une forme micronisée, ou sous une autre forme lui permettant de se dissoudre rapidement, sans enrobage gastrorésistant, dans un contraceptif oral contenant une association de drospirénone et d'éthinylestradiol.

[82]      La différence entre l'art antérieur et l'idée inventive est le fait que la drospirénone soit présentée sous une forme micronisée, ou sous une autre forme lui permettant de se dissoudre rapidement, de façon à produire un contraceptif oral efficace.

[83]      Je considère que la différence n'allait pas plus ou moins de soi. L'art antérieur ne pointait pas vers les médicaments labiles en milieu acide, comme la drospirénone, présentés sous une forme à dissolution rapide. Les tentatives antérieures ont été réalisées in vitro; la découverte capitale était d'ignorer les résultats obtenus in vitro et d'effectuer des tests in vivo, lesquels ont produit des résultats inattendus.

[Non souligné dans l'original.]

[52]           Devant la présente Cour, Cobalt invite essentiellement cette dernière à apprécier de nouveau la preuve déjà examinée par la Cour fédérale. Dans ses observations, elle a analysé les motifs de la Cour fédérale, et les a contestés en nous orientant vers de menus détails de la preuve.

[53]           Ce n'est pas notre mandat au stade de l'appel. La norme de contrôle est l'erreur manifeste et dominante. Il s'agit bel et bien d'une norme rigoureuse :

[46]      L'erreur manifeste et dominante constitue une norme de contrôle appelant un degré élevé de retenue : H.L. c. Canada (Procureur général), 2005 CSC 25, [2005] 1 R.C.S. 401; Peart c. Peel Regional Police Services (2006), 217 O.A.C. 269 (C.A.), aux paragraphes 158 et 159; arrêt Waxman, précité. Par erreur « manifeste », on entend une erreur évidente, et par erreur « dominante », une erreur qui touche directement à l'issue de l'affaire. Lorsque l'on invoque une erreur manifeste et dominante, on ne peut se contenter de tirer sur les feuilles et les branches et laisser l'arbre debout. On doit faire tomber l'arbre tout entier.

[47]      Lorsqu'on applique le concept de l'erreur manifeste et dominante, il est utile de bien garder à l'esprit les raisons pour lesquelles ce concept constitue une norme appropriée dans une cause aussi complexe que la présente affaire.

[...]

[49]      Les juges de première instance qui, jour après jour et semaine après semaine, sont plongés dans des procès longs et complexes comme c'est le cas en l'espèce, occupent une position unique et privilégiée. Armés des outils de la logique et de la raison, ils étudient et examinent tous les témoignages et toutes les pièces. Au fil du temps, une appréciation des faits se dégage, évolue et finalement prend la forme d'un récit factuel, plein d'interconnexions, de détails et de nuances complexes.

(R. c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165)

[54]           La conclusion de la Cour fédérale selon laquelle l'allégation d'évidence de Cobalt n'était pas justifiée ne révèle aucune erreur de droit isolable, ni d'erreur manifeste et dominante sur une question mixte de fait et de droit. Elle ne peut pas être modifiée en appel.

(4)                L'allégation d'invalidité du brevet 426 pour cause d'absence de prédiction valable et d'utilité

[55]           En appel, à moins d'une erreur de droit isolable, le bien-fondé d'une prédiction est une question de fait : Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., 2002 CSC 77, [2002] 4 R.C.S. 153, au paragraphe 71; Sanofi‑Aventis Canada Inc. c. Apotex Inc., 2011 CAF 300, au paragraphe 5.

[56]           Une invention brevetée doit être utile au moment de la date de dépôt du brevet au Canada. Pour établir l'utilité, l'inventeur peut se fonder sur une démonstration ou sur une prédiction valable. « La prédiction valable ne constitue pas une exigence législative autonome. Il s'agit plutôt d'un moyen de montrer qu'une invention est utile lorsqu'il n'a pas été directement établi qu'elle fonctionnait » : Teva Canada Limited c. Novartis AG, 2013 CF 141, au paragraphe 164.

[57]           Une prédiction valable exige que le breveté présente un « solide enseignement »; elle ne protège pas les « vœux pieux » ou les « simples spéculations ». Il n'est pas nécessaire qu'un inventeur explique exactement pourquoi ou comment l'invention fonctionne, mais il doit présenter dans le brevet les connaissances sous-jacentes qui démontrent qu'elle fonctionne bel et bien. Voir, en général, l'arrêt Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., précité, aux paragraphes 69, 70 et 83.

[58]           Une prédiction valable requiert trois éléments :

                     un fondement factuel;

                     un raisonnement clair et valable qui permette d'inférer du fondement factuel le résultat souhaité;

                     une divulgation suffisante du fondement factuel et du raisonnement dans le brevet.

(Arrêt Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., précité, au paragraphe 70)

[59]           Lors de l'appel, Cobalt a fait valoir dans son mémoire (aux paragraphes 93 à 95 et 99) que l'utilité de la revendication 31 n'avait pas été démontrée dans tous ses aspects, puisque seule la drospirénone micronisée avait fait l'objet d'essais. Par conséquent, Cobalt prétend que la revendication 31 est non valide, en raison du fait qu'elle repose sur une prédiction non fondée selon laquelle des compositions pharmaceutiques contenant des particules de drospirénone à dissolution rapide, quelle que soit leur méthode de fabrication, fonctionneraient.

[60]           Cependant, en invoquant cet argument, Cobalt s'écartait de son avis d'allégation. Dans ce dernier, elle a allégué seulement que la revendication 31 n'avait aucune utilité parce qu'on n'avait pas établi ou prédit valablement que les particules micronisées de drospirénone fonctionnaient :

[TRADUCTION]

346.     En date du 31 août 2000, le breveté n'avait pas démontré l'utilité de l'objet de l'invention revendiqué dans le brevet 426 et ne pouvait avoir prédit de manière valable que cet objet présenterait une quelconque utilité. [...]

350.     [...] les études menées par le breveté qui sont citées dans le brevet ne permettent pas de prédire l'utilité des comprimés réalisés conformément à l'exemple 1 et présentant le profil de dissolution in vitro mentionné à l'exemple 2, et elles ne permettent pas au breveté de prédire de manière valable que ces comprimés permettront à la drospirénone d'être absorbée rapidement in vivo après une administration orale.

351.     L'étude menée par le breveté en ce qui concerne la biodisponibilité in vivo, telle qu'elle est présentée à l'exemple 4, n'avait pas été menée avec une composition pharmaceutique contenant des particules de drospirénone micronisées. Cette étude portait plutôt sur la biodisponibilité relative d'un comprimé contenant 3 mg de drospirénone non micronisée [...]

[61]           Il n'est pas permis à Cobalt, dans une demande d'interdiction présentée en vertu du Règlement AC ou dans un appel consécutif à une telle demande, de s'écarter de son avis d'allégation : arrêt Compagnie pharmaceutique Procter & Gamble c. Canada (Ministre de la Santé), 2002 CAF 290, [2003] 1 C.F. 402, au paragraphe 22. Il y a donc lieu de rejeter son argument.

(5)                L'allégation d'invalidité du brevet 426 pour cause d'insuffisance de la divulgation

[62]           La Cour fédérale a jugé qu'elle ne devait pas tenir compte de l'allégation de Cobalt sur l'insuffisance, puisque celle‑ci reposait sur une interprétation qui limitait la revendication 31 aux particules de drospirénone micronisées (aux paragraphes 101 et 102).

[63]           À mon avis, cela constituait une erreur. Lorsqu'on examine les allégations formulées par Cobalt dans son avis d'allégation quant à la question de l'insuffisance, on constate qu'elles concernent des interprétations de la revendication 31 qui ne portent pas seulement sur les particules micronisées :

[TRADUCTION]

344.     Le mémoire descriptif du brevet 426 est insuffisant pour appuyer une revendication relativement à la drospirénone autre que micronisée eu égard aux caractéristiques précisées dans le mémoire descriptif. Si les revendications indépendantes 30 à 35 et 44 à 46, ainsi que les revendications dépendantes 36 à 42 et 47 à 51, sont interprétées de façon à comprendre des particules de drospirénone non micronisées (par exemple, des particules de drospirénone ayant une surface de plus 10 000 cm2/g, sans aucune distribution précise en fonction de la taille des particules), le mémoire descriptif est insuffisant pour étayer ces revendications.

[Non souligné dans l'original.]

L'allégation de Cobalt était que, si la revendication 31 ne se limitait pas aux particules de drospirénone micronisées, la divulgation du brevet 426 était insuffisante. La Cour fédérale ayant, à juste titre, interprété la revendication 31 comme ayant une portée plus large qui ne se limite pas à la drospirénone micronisée, elle devait donc examiner l'allégation de Cobalt quant à l'insuffisance. Par conséquent, la Cour doit donc examiner cette allégation.

[64]           La divulgation est le fondement du régime des brevets. La description habilitante d'une invention dans le mémoire descriptif d'un brevet est la contrepartie pour laquelle l'inventeur obtient un monopole au titre de la Loi sur les brevets : Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Sask.) Ltd, [1981] 1 R.C.S. 504, à la page 517. Les alinéas 27(3)a) et b) de la Loi sur les brevets prescrivent qu'un inventeur doit décrire l'invention et permettre de la mettre en œuvre :

27. (3) Le mémoire descriptif doit :

27. (3) The specification of an invention must

a) décrire d'une façon exacte et complète l'invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur;

(a) correctly and fully describe the invention and its operation or use as contemplated by the inventor;

b) exposer clairement les diverses phases d'un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d'utilisation d'une machine, d'un objet manufacturé ou d'un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l'art ou la science dont relève l'invention, ou dans l'art ou la science qui s'en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l'invention;

[...]

[Non souligné dans l'original.]

(b) set out clearly the various steps in a process, or the method of constructing, making, compounding or using a machine, manufacture or composition of matter, in such full, clear, concise and exact terms as to enable any person skilled in the art or science to which it pertains, or with which it is most closely connected, to make, construct, compound or use it;

[. . .]

[65]           Essentiellement, les alinéas 27(3)a) et b) obligent l'inventeur à répondre à deux questions : En quoi consiste votre invention? Comment fonctionne‑t‑elle, c'est‑à‑dire comment la met‑on en œuvre? Voir l'arrêt Consolboard, précité, à la page 520. Ces deux alinéas ont pour objet de garantir qu'une fois la période de monopole terminée, le lecteur versé dans l'art puisse, n'ayant que le mémoire descriptif, utiliser l'invention : arrêt Consolboard, aux pages 520 et 521, citant l'arrêt Minerals Separation North American Corporation c. Noranda Mines, Limited, [1947] R.C. de l'É. 306, à la page 316.

[66]           Dans l'arrêt Pioneer Hi‑Bred, la Cour suprême a énoncé le critère applicable en ces termes :

[...] Le demandeur doit définir la nature de l'invention [Quelle est votre invention?] et décrire la façon de la mettre en opération [Comment fonctionne‑t‑elle?]. Un manquement à la première condition invaliderait la demande parce qu'ambiguë alors qu'un manquement à la seconde l'invaliderait parce que non suffisamment décrite. Quant à la description, elle doit permettre à une personne versée dans l'art ou le domaine de l'invention de la construire à partir des seules instructions contenues dans la divulgation [...] et d'utiliser l'invention, une fois la période de monopole terminée, avec le même succès que l'inventeur, au moment de sa demande [...] [Commentaires ajoutés.]

(Pioneer Hi‑Bred Ltd. c. Canada (Commissaire des brevets), [1989] 1 R.C.S. 1623, à la page 1638)

[67]           La question de savoir si le mémoire descriptif du brevet indique de manière suffisamment claire et exacte de quelle façon l'invention peut être utilisée est une question de fait : Apotex Inc. c. Lundbeck Canada Inc., 2010 CAF 320, au paragraphe 116. La divulgation doit être suffisante à la date du dépôt : Teva Canada Ltée c. Pfizer Canada Inc., 2012 CSC 60, [2012] 3 R.C.S. 625, au paragraphe 90.

[68]           Il n'est nul besoin que l'inventeur divulgue toutes les manières de réaliser l'invention. Les conditions énoncées aux alinéas 27(3)a) et b) sont remplies si l'inventeur divulgue de manière suffisante l'une de ces manières : Abbvie Corporation c. Janssen Inc., 2014 CF 55, au paragraphe 166, décision infirmée pour d'autres motifs par 2014 CAF 242; Règles sur les brevets, DORS/96‑423, alinéa 80(1)f). Si ce n'était pas le cas, l'obligation qu'a l'inventeur d'une invention mécanique de ne divulguer que la « meilleure manière » envisagée, comme le précise l'alinéa 27(3)c) de la Loi sur les brevets, serait inutile.

[69]           En appliquant ces principes au brevet 426, je suis d'avis que la divulgation est suffisante. L'invention consiste en le fait que « la drospirénone puisse être fournie sous une forme [...] lui permettant de se dissoudre rapidement, sans enrobage gastrorésistant, dans un contraceptif oral contenant une association de drospirénone et d'éthinylestradiol » : motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 81. L'inventeur apprend au lecteur versé dans l'art que l'invention peut être réalisée en préparant une composition pharmaceutique à l'aide de particules de drospirénone micronisées : page 4 du brevet 426. Non seulement l'inventeur décrit‑il l'invention, il enseigne au lecteur versé dans l'art comment la réaliser.

[70]           Je conclus donc que même si la Cour fédérale a commis une erreur en omettant de se prononcer sur l'allégation d'insuffisance de Cobalt, cette erreur n'aurait pas eu d'incidence sur le droit de Bayer à une ordonnance d'interdiction. L'allégation de Cobalt est injustifiée.

(6)                L'allégation d'invalidité du brevet 426 pour cause de portée excessive

[71]           La Cour fédérale a également estimé qu'elle ne devait pas tenir compte de l'allégation de portée excessive de Cobalt, en raison du fait qu'elle reposait sur une interprétation de la revendication 31 selon laquelle celle‑ci se limitait à la drospirénone micronisée (aux paragraphes 101 et 102).

[72]           Il s'agit de la même erreur que celle que la Cour fédérale a commise au moment d'examiner l'allégation d'insuffisance de Cobalt. Le passage applicable de l'avis d'allégation de Cobalt est le suivant :

[TRADUCTION]

341.     Le mémoire descriptif enseigne seulement l'utilisation de la drospirénone sous une forme micronisée, définie comme des particules présentant une surface de plus de 10 000 cm2/g et une certaine distribution en fonction de leur taille.

342.     Ainsi, le breveté indique que l'objet de l'invention du brevet 426 se limite à la drospirénone micronisée ayant certaines caractéristiques. Cependant, les revendications indépendantes 30 à 35 et 44 à 46, de même que les revendications dépendantes 36 à 42 et 47 à 51, ne sont pas ainsi limitées, et, si l'on considère qu'elles comprennent des particules de drospirénone non micronisées (ce qui serait une erreur à notre avis), ces revendications ont une portée excessive.

[73]           L'essentiel de l'allégation de portée excessive de Cobalt était que la revendication 31 avait une portée excessive si elle ne se limitait pas aux particules de drospirénone micronisées. Comme dans le cas de l'allégation de Cobalt quant à l'insuffisance, à la suite de l'interprétation de la revendication 31, la Cour fédérale aurait dû prendre en compte l'allégation de portée excessive de Cobalt. Je dois ainsi trancher la question de savoir si cette allégation est justifiée.

[74]           Un exemple de portée excessive est la situation dans laquelle un brevet revendique plus que ce qu'il divulgue suffisamment. Si c'est le cas, les revendications d'une portée trop large sont invalides : Leithiser c. Pengo Hydra‑Pull of Canada Ltd., [1974] 2 C.F. 954 (C.A.F.); Farbwerke Hoechst Aktiengesellschaft vormals Meister Lucius & Bruning c. Commissioner of Patents, [1966] R.C. de l'É. 91, conf. par [1966] R.C.S. 604.

[75]           À mon avis, la revendication 31 n'est pas de portée excessive.

[76]           Comme il a été décrit précédemment, la revendication 31 englobe toutes les particules de drospirénone qui, lorsqu'elles se présentent sous la forme d'un comprimé, ont le profil de dissolution requis. Comme il a aussi été décrit précédemment, la divulgation du brevet 426 s'étend à la drospirénone qui se présente autrement que sous la forme de particules micronisées. Par conséquent, la revendication 31 n'a pas une portée plus large que la divulgation de l'invention. Au contraire, elle revendique exactement ce qui a été inventé : une solution particulière à un problème particulier.

[77]           Même si la Cour fédérale a commis une erreur en omettant de se prononcer sur l'allégation de portée excessive de Cobalt, cela n'a pas eu d'incidence sur le droit de Bayer à une ordonnance d'interdiction. L'allégation de Cobalt est injustifiée.

(7)                La conclusion sur l'appel de Cobalt concernant le brevet 426 (A‑376‑13)

[78]           Cobalt n'a pas établi l'existence d'erreurs susceptibles de contrôle dans la décision de la Cour fédérale concernant l'interprétation des revendications, l'évidence, ou l'absence d'utilité pour manque de prédiction valable. La Cour fédérale aurait dû examiner les questions d'insuffisance et de portée excessive, mais cela ne l'aurait pas empêché de rendre une ordonnance d'interdiction en attendant l'expiration du brevet 426.

[79]           Par conséquent, je rejetterais l'appel de Cobalt.

B.        L'appel de Bayer concernant le brevet 728 (A‑385‑13)

[80]           Devant la Cour fédérale, Bayer a demandé une ordonnance d'interdiction à l'encontre du brevet 728 au motif que l'allégation d'absence de contrefaçon de la revendication 8 de Cobalt était justifiée. La Cour fédérale a rejeté la demande.

[81]           En appel, Bayer conteste tout d'abord l'interprétation que fait la Cour fédérale du brevet 728.

(1)                L'interprétation du brevet

[82]           La revendication qui est en litige en appel est libellée en ces termes :

[TRADUCTION]

8.         Utilisation conformément à la revendication 1, où l'œstrogène correspond à une dose de 20 µg d'éthinylestradiol ou à une dose équivalente de 17β‑estradiol et où le progestatif correspond à une dose de 75 µg de gestodène ou à une dose équivalente de lévonorgestrel, d'acétate de cyprotérone ou de drospirénone.

[Non souligné dans l'original.]

[83]           La Cour fédérale a concentré à juste titre son analyse (au paragraphe 109) « là où le bât blesse », soit la question de la dose de drospirénone équivalant à 75 µg de gestodène (au paragraphe 134) :

[134]    Je considère qu'il n'y a aucune certitude quant à ce qui constituerait la dose précise de drospirénone qui équivaudrait à 75 µg de gestodène. La réponse la plus probable est qu'il s'agit d'une dose de 2 mg, laquelle permettrait de supprimer l'ovulation. Pour parvenir à une autre conclusion, le lecteur devrait dépouiller les publications scientifiques de l'époque pertinente, soit la date de publication, et choisir la valeur la plus élevée ou alors faire un choix rationnel à partir des valeurs publiées. Dans aucun de ces cas les revendications en litige ne définissent « distinctement et en des termes explicites l'objet de l'invention » comme le prévoit le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[Non souligné dans l'original.]

[84]           Ce paragraphe des motifs de la Cour fédérale sème un doute chez le lecteur sur ce qui a été décidé. D'un côté, la cour semble avoir conclu que la revendication 8 était ambiguë. De l'autre, elle semble déterminer que la dose de drospirénone qui équivaut à 75 µg de gestodène est de 2 mg. Ces conclusions sont difficilement conciliables.

[85]           Lors de l'appel, Bayer a fait valoir que la Cour fédérale n'avait pas conclu que la dose de drospirénone équivalant à 75 µg de gestodène était de 2 mg parce que la Cour avait jugé que la revendication était ambiguë, et que la conclusion d'ambiguïté de la Cour fédérale représentait clairement une erreur de droit. De plus, Bayer indique que, si la Cour fédérale avait bel et bien conclu que la dose équivalente était de 2 mg, il s'agissait, là aussi, d'une erreur susceptible de contrôle.

[86]           Pour traiter cette observation, il est nécessaire d'examiner attentivement les motifs de la Cour fédérale. Je ne souscris pas au point de vue de Bayer selon lequel la Cour fédérale n'a pas conclu que 2 mg de drospirénone équivalaient à 75 µg de gestodène. Selon une interprétation juste du paragraphe 134 des motifs de la Cour fédérale, le renvoi aux 2 mg de drospirénone est une conclusion. Seules deux possibilités ont été présentées devant la Cour fédérale : 2 mg et 3 mg. La Cour fédérale a clairement affirmé qu'elle n'acceptait pas les 3 mg : motifs de la Cour fédérale, établissant la dose « probable » à 2 mg, aux paragraphes 129 à 135.

[87]           Nous ne devrions pas accorder trop d'importance à l'emploi que fait la Cour fédérale du mot « probable » et sauter à une conclusion d'ambiguïté. Lorsqu'il est possible d'interpréter une revendication de façon valable, il convient de privilégier cette interprétation plutôt que de conclure à une ambiguïté : Mobil Oil Corp. c. Hercules Canada Inc., [1995] A.C.F. no 1243 (QL) (C.A.F.); Lubrizol Corp. c. Imperial Oil Ltd. (1990), 33 C.P.R. (3d) 1, à la page 26, 39 F.T.R. 161 (C.F. 1re inst.), mod. par [1992] A.C.F. no 1110 (QL) (C.A.F.); Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., [1998] A.C.F. no 382 (QL) (C.F. 1re inst.) , au paragraphe 306, conf. sur ce point par [2001] 1 C.F. 495 (C.A.F.), conf. par C.S.C., précité. La Cour fédérale a été en mesure d'interpréter la revendication de manière valable et a conclu que la dose correspondait à 2 mg et non à 3 mg, l'autre possibilité. Ses observations supplémentaires sur l'ambiguïté devraient être considérées comme superflues.

[88]           J'ajouterais que, lorsque la Cour fédérale a énoncé les questions qu'il lui fallait trancher, elle a indiqué que l'ambiguïté était une question en litige dans le cas du brevet 426 seulement (au paragraphe 29). La question de l'ambiguïté n'a pas été évoquée à l'égard du brevet 728. Cela renforce mon opinion selon laquelle les commentaires de la Cour fédérale sur l'ambiguïté constituaient une remarque incidente.

[89]           En résumé, la Cour fédérale a conclu que la revendication 8 posait un épineux problème d'interprétation. La Cour fédérale a failli se voir dans l'incapacité d'interpréter la « dose de drospirénone équivalant à 0,075 mg de gestodène » mais, manifestement, elle a été en mesure de le faire et l'a fait. La Cour fédérale a en effet conclu que la dose équivalente était de 2 mg.

[90]           En adoptant la norme de contrôle qui s'applique, en appel, aux décisions relatives à l'interprétation des brevets, et dont il a été question plus tôt, je ne vois aucune raison de mettre de côté l'interprétation de la Cour fédérale, comme Bayer le voudrait.

[91]           En intégrant « l'utilisation conformément à la revendication 1 » et la conclusion de la Cour fédérale sur la dose de drospirénone, la revendication 8 se lit ainsi :

[TRADUCTION]

Utilisation d'une forme pharmaceutique destinée à une administration orale comprenant un œstrogène [...] ainsi qu'un progestatif [...] pour la production d'une forme pharmaceutique à activité contraceptive destinée aux femmes en âge de procréer n'ayant pas encore atteint la préménopause, laquelle forme pharmaceutique doit être administrée pendant une période de 23 à 24 jours à partir du premier jour du cycle menstruel suivie d'une période d'arrêt de 5 ou de 4 jours, sans pilules ou avec placébo, pour une période totale de 28 jours, où l'œstrogène correspond à une dose de 20 µg d'éthinylestradiol ou à une dose équivalente de 17β‑estradiol, et où le progestatif correspond à une dose de 2 mg de drospirénone.

[Non souligné dans l'original.]

[92]           Je commence en examinant le brevet 728 dans son ensemble. Le brevet 728 décrit, aux pages 2 à 6, que la réduction des doses d'hormones est souhaitable afin d'atténuer les effets secondaires indésirables :

[TRADUCTION]

La mise au point de nouveaux contraceptifs oraux pour les femmes en âge de procréer qui n'ont pas atteint la préménopause était caractérisée, au cours des vingt dernières années, par la réduction des doses d'œstrogène et de progestatif.

La réduction de la dose quotidienne d'hormones était liée à la perspective d'atténuer la fréquence des effets secondaires indésirables [...]

Il faut présumer qu'il existe avant tout une corrélation entre la dose d'œstrogène et les maladies cardiovasculaires. Il n'est toutefois pas possible de réduire la dose quotidienne d'œstrogène de façon extrême si l'on veut que le produit conserve son efficacité contraceptive. Bien que l'inhibition de l'ovulation causée par les contraceptifs oraux à faible dose soit essentiellement due aux progestatifs, les œstrogènes contribuent également de manière importante à l'inhibition centrale et à la suppression ovarienne (inhibition de l'ovulation). De plus, la dose quotidienne d'œstrogène ne doit pas passer sous un certain seuil afin que l'effet exercé sur le cycle menstruel soit satisfaisant [...]

L'objet de la présente invention concerne la mise au point d'une association médicamenteuse monophasique améliorée destinée aux femmes en âge de procréer qui n'ont pas encore atteint la préménopause, dans une unité posologique individuelle contenant un œstrogène et un progestatif, la dose dudit œstrogène étant la plus faible possible et la quantité totale d'hormones fournie par cycle d'administration étant également faible [...]

En l'occurrence, la dose quotidienne d'hormones est maintenue à une valeur très faible, et la période d'administration usuelle de 21 jours est prolongée de 2 ou de 3 jours [...]

[Non souligné dans l'original.]

[93]           Le brevet 728 ne divulgue pas l'équivalent de dose dans le cas de la drospirénone : voir les motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 127. Toutefois, l'objectif de l'invention est de réduire la dose d'hormones dans l'ensemble, tout en maintenant l'efficacité contraceptive, en prolongeant de quelques jours le régime posologique. L'avantage particulier souhaité est l'atténuation des effets secondaires indésirables. Et bien que cela ne soit pas déterminant, le brevet reconnaît également le rôle particulier d'un composant progestatif dans l'inhibition de l'ovulation.

[94]           L'expert de Cobalt a relevé que l'équivalent de dose d'un composé dépend de la façon dont l'activité du composé en question est mesurée et du paramètre ou de l'effet pharmacologique escompté, ce à quoi la Cour fédérale a souscrit : voir les motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 129.

[95]           En matière de contraception, il y a plusieurs effets éventuels, y compris la transformation de l'endomètre (l'inhibition de l'implantation d'ovules), la suppression de l'ovulation et l'utilisation clinique, avec une marge de sécurité. La Cour fédérale a reconnu que le lecteur averti comprendrait que l'effet pertinent recherché était soit l'inhibition de l'ovulation ou la transformation de l'endomètre : voir les motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 130 et 134. Conformément aux directives du brevet concernant la réduction des doses d'hormones, la Cour fédérale a déterminé que 2 mg de drospirénone correspondaient à la dose minimale pour atteindre les objectifs contraceptifs : paragraphe 134 des motifs de la Cour fédérale. Je ne vois aucune raison d'infirmer cette conclusion.

[96]           Lors de l'appel, Bayer a fait valoir que la Cour fédérale a pris en considération le mauvais effet, arguant que l'utilisation clinique était le paradigme adéquat. Bayer a essentiellement demandé à la Cour d'apprécier de nouveau les témoignages d'experts pour conclure que l'équivalence de dose était de 3 mg. En l'absence d'une erreur manifeste et dominante, nous ne pouvons modifier l'appréciation de la Cour fédérale quant à la preuve d'expert et sa préférence pour un expert plutôt qu'un autre.

[97]           Bayer a également prié la Cour d'examiner un article par M. Oelkers, publié en 1995, soit la même année que la publication du brevet 728 (le 29 juin 1995). La date exacte à laquelle ce document a été publié en 1995 n'est pas claire. Un brevet est interprété par le lecteur versé dans l'art à la date de sa publication : arrêt Free World Trust, précité, au paragraphe 54. Pour que la Cour fédérale puisse prendre en considération l'article de M. Oelkers, il fallait que Bayer établisse qu'il avait été publié avant le 29 juin 1995, ce qu'elle n'a pas fait, et la Cour fédérale a eu raison de ne pas en tenir compte.

[98]           Compte tenu de ce qui précède, je ne peux accepter les motifs d'appel de Bayer en ce qui a trait à l'interprétation de la revendication 8 du brevet 728. La Cour fédérale a été en mesure d'interpréter l'élément nécessaire, à savoir que la « dose de drospirénone équivalant à 75 µg de gestodène » était de 2 mg. Ces conclusions ne sont pas entachées d'une erreur susceptible de contrôle.

(2)        L'allégation d'absence de contrefaçon

[99]           Dans un cas comme l'espèce, la contrefaçon est une question mixte de fait et de droit qui découle directement de l'interprétation de la revendication. La revendication 8 ne réclame pas une quantité de 3 mg de drospirénone, soit la quantité contenue dans le contraceptif oral de Cobalt. La Cour fédérale n'a commis aucune erreur susceptible de contrôle en concluant que l'allégation de non‑contrefaçon de Cobalt était justifiée.

(3)        L'allégation d'invalidité du brevet 728 pour cause d'objet inadéquat : une méthode de traitement médical

[100]       Cobalt a fait valoir que la revendication 8 du brevet 728 était invalide, parce qu'elle faisait état d'une méthode de traitement médical, ce qui était inacceptable. Au vu de ma conclusion selon laquelle l'allégation d'absence de contrefaçon de Cobalt est justifiée, il n'est pas nécessaire que j'examine cet argument. Cependant, je tiens à faire une remarque pour examen ultérieur.

[101]       Selon le droit qu'applique la Cour à l'heure actuelle, les méthodes de traitement médical ne sont pas brevetables : Novartis Pharmaceuticals Canada Inc. c. Cobalt Pharmaceuticals Company, 2013 CF 985, aux paragraphes 70 à 101, une décision à laquelle la Cour a souscrit à 2014 CAF 17, dans des motifs très succincts et en se fondant sur les arguments particuliers qui ont été invoqués. La source en est l'arrêt Tennessee Eastman Co. c. Commissaire des brevets, [1974] R.C.S. 111, dont le fondement repose sur l'ancien paragraphe 41(1) de la Loi sur les brevets, aujourd'hui abrogé. Dans son blogue « Sufficient Description », le professeur Norman Siebrasse a invoqué avec force des arguments de principe et de logique à l'encontre de la position adoptée en ce moment. Selon moi, cela exige que la Cour ou la Cour suprême examine la question en détail dans une affaire où la question est directement soulevée dans les faits.

(4)        La conclusion au sujet de l'appel de Bayer concernant le brevet 728 (A‑385‑13)

[102]       Comme l'allégation d'absence de contrefaçon de Cobalt est justifiée, le rejet par la Cour fédérale de la demande d'interdiction de Bayer doit être maintenu.

[103]       Il s'ensuit que, pour les motifs qui précèdent, je suis d'avis de rejeter l'appel de Bayer, avec dépens.

C.        Dispositif proposé

[104]       Je suis d'avis de rejeter les deux appels, avec dépens.

« David Stratas »

j.c.a.

« Je suis d'accord.

Wyman W. Webb, j.c.a. »


LE JUGE PELLETIER (motifs concourants)

[105]       Je suis d'accord avec les motifs et les conclusions de mon collègue, à l'exception des paragraphes 16 à 24, qui ne sont pas nécessaires pour trancher le présent appel.

« J.D. Denis Pelletier »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Yves Bellefeuille, réviseur


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DoSSIERS :

A-376-13 ET A-385-13

APPEL DU JUGEMENT DU JUGE HUGHES DU 22 OCTOBRE 2013, DOSSIER NO T‑215‑12

DOSSIER :

A-376-13

 

 

INTITULÉ :

COBALT PHARMACEUTICALS COMPANY c. BAYER INC. et BAYER PHARMA AKTIENGESELLSCHAFT et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

 

ET DOSSIER :

A-385-13

 

 

INTITULÉ :

BAYER INC. et BAYER PHARMA AKTIENGESELLSCHAFT c. COBALT PHARMACEUTICALS COMPANY et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

lieu de l'audience :

toronto (ontario)

 

DATE de l'audience :

LE 11 SEPTEMBRE 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

le juge STRATAS

 

Y A SOUSCRIT :

LE JUGE WEBB

 

MOTIFS CONCOURANTS :

LE JUGE PELLETIER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 4 MAI 2015

 

COMPARUTIONS :

Douglas Deeth

Heather Watts

 

POUR L'APPELANTE, COBALT PHARMACEUTICALS COMPANY (A‑376‑13)

 

Peter Wilcox

Lindsay Neidrauer

Ariel Nauer

POUR Les intiméEs BAYER INC. ET BAYER PHARMA AKTIENGESELLSCHAFT (A‑376‑13)

 

Peter Wilcox

Lindsay Neidrauer

Ariel Nauer

 

POUR LES APPELANTeS, BAYER INC. ET BAYER PHARMA AKTIENGESELLSCHAFT (A‑385‑13)

 

Douglas Deeth

Heather Watts

 

POUR L'INTIMÉe COBALT PHARMACEUTICALS COMPANY (A‑385‑13)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Deeth Williams Wall LLP

Toronto (Ontario)

POUR L'APPELANTE, COBALT PHARMACEUTICALS COMPANY (A‑376‑13)

 

Belmore Neidrauer LLP

Toronto (Ontario)

POUR LES INTIMÉeS BAYER INC. ET BAYER PHARMA AKTIENGESELLSCHAFT (A‑376‑13)

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

POUR L'INTIMÉ LE MINISTRE DE LA SANTÉ (A‑376‑13)

 

Belmore Neidrauer LLP

Toronto (Ontario)

POUR LES APPELANTES, BAYER INC. ET BAYER PHARMA AKTIENGESELLSCHAFT (A‑385‑13)

 

Deeth Williams Wall LLP

Toronto (Ontario)

POUR L'INTIMÉe COBALT PHARMACEUTICALS COMPANY (A‑385‑13)

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

POUR L'INTIMÉ LE MINISTRE DE LA SANTÉ (A‑385‑13)

 

 

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