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Date : 20150529


Dossier : A-426-13

Référence : 2015 CAF 135

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE RENNIE

 

ENTRE :

PAUL ABI-MANSOUR

appelant

et

SOUS‑MINISTRE DES AFFAIRES

ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL DU CANADA

intimé

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 19 mai 2015.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 29 mai 2015.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE RENNIE

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LA JUGE TRUDEL

 


Date : 20150529


Dossier : A-426-13

Référence : 2015 CAF 135

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE RENNIE

 

ENTRE :

PAUL ABI-MANSOUR

appelant

et

SOUS‑MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE RENNIE

[1]               Notre Cour est saisie de l’appel de la décision par laquelle la Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire présentée par l’appelant à l’encontre d’une décision du Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal). Devant le Tribunal, l’appelant a allégué que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) avait fait preuve de discrimination à son égard du fait de sa race et de son origine nationale ou ethnique en le jugeant non-qualifié pour le poste annoncé, et qu’il avait commis un abus de pouvoir en nommant deux candidats qui ne répondaient pas aux exigences en matière d’études de l’Annonce de possibilité d’emploi (APE).

[2]               Les faits à l’origine du litige sont simples. L’appelant a posé sa candidature à un poste en technologie de l’information. Il était précisé dans l’APE et dans l’Énoncé des critères de mérite et conditions de travail que les candidats devaient satisfaire aux exigences en matière d’études comprenant deux années d’études postsecondaires en science informatique, technologie de l’information, gestion de l’information ou dans un autre domaine lié au poste à combler. Selon l’APE, les candidats devaient annexer à leur dossier une lettre de présentation dans laquelle ils expliquaient de quelle façon ils satisfaisaient aux exigences en matière d’études et d’expérience. Il y était explicitement indiqué que le défaut de fournir les renseignements exigés donnerait lieu au rejet des demandes.

[3]               L’appelant n’a pas fait état de ses études dans sa lettre de présentation. En conséquence, sa candidature, ainsi que celle de 35 autres personnes des 332 postulants, ont été éliminées du processus.

[4]               L’appelant a déposé par la suite auprès le Tribunal neuf plaintes pour abus de pouvoir en vertu de l’article 77 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22). Par les motifs répertoriés sous la référence 2012 TDFP 0008, le Tribunal a conclu que l’appelant avait rapporté la preuve de prime abord de discrimination, mais a conclu que le MAECI avait produit une explication complète et raisonnable de l’élimination de la candidature de l’appelant du processus. De plus, le Tribunal a rejeté l’allégation d’abus de pouvoir formulée par l’appelant au motif que nul élément de la preuve ne contredit les témoins du MAECI en ce qui concerne l’évaluation des diplômes des candidats retenus.

[5]               La Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire de l’appelant visant la décision du Tribunal. Par les motifs répertoriés sous la référence 2013 CF 1170, le juge a conclu que le Tribunal n’a pas manqué à l’équité procédurale dans le déroulement de l’audience et que la décision de rejeter les plaintes de l’appelant était raisonnable. L’appelant interjette maintenant appel devant notre Cour de la décision de la Cour fédérale. Je suis d’avis de rejeter l’appel essentiellement par les mêmes motifs que ceux énoncés par le juge.

[6]               Lorsqu’il y a appel d’une décision de la Cour fédérale portant sur une demande de contrôle judiciaire, notre Cour est appelée à rechercher si le juge de première instance a choisi la norme de contrôle appropriée et s’il l’a appliquée correctement : Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, au par. 47; [2013] 2 R.C.S. 559. Aux paragraphes 53 et 54 de sa décision, le juge a choisi la bonne norme de contrôle correcte. Les questions d’équité procédurale sont assujetties à la norme de la décision correcte : Établissement de Mission c. Khela, 2014 CSC 24; [2014] 1 R.C.S. 502. Les questions d’abus de pouvoir et de discrimination ont été correctement examinées selon la norme de la décision raisonnable.

[7]               Bien que l’appelant invoque de nombreux moyens à l’appui de son appel, je n’examinerai que les plus solides d’entre eux. Ces moyens peuvent être répartis dans la catégorie portant sur le manquement à l’équité procédurale et dans celle portant sur la conclusion erronée relative à l’absence de discrimination ou d’abus de pouvoir. En ce qui concerne la première catégorie, l’appelant fait valoir que le Tribunal a manqué à l’équité procédurale en ne lui permettant de contre‑interroger qu’un témoin du MAECI, en lui refusant l’accès aux locaux du MAECI pour consulter des documents concernant d’autres candidats au processus de sélection et en fondant sa décision sur un présumé faux témoignage donné par l’un des témoins du MAECI. J’examinerai ce dernier point au regard du moyen tiré de l’abus de pouvoir. Dans ses observations verbales, l’appelant a soutenu en outre que le Tribunal a manqué à l’équité procédurale en ne conservant pas le procès-verbal de l’audience.

[8]               Il ne ressort d’aucun de ces moyens une erreur appelant l’intervention de notre Cour.

[9]               Le Tribunal a conclu que le contre‑interrogatoire par l’appelant au sujet des qualifications en matière d’études et des diplômes de Mme Fata, l’agente chargée de l’examen préliminaire de son dossier, n’avait rien à voir avec l’une ou l’autre des plaintes de discrimination ou d’abus de pouvoir déposées par celui‑ci. En éliminant l’appelant du processus pour défaut de respecter les instructions sur les exigences en matière d’études, Mme Fata exerçait une fonction administrative, à l’égard de laquelle sa formation ne revêtait aucune pertinence manifeste. Les conclusions quant à la pertinence relèvent de la compétence et du pouvoir discrétionnaire du Tribunal. En exerçant ce pouvoir discrétionnaire en l’espèce, le Tribunal n’a pas manqué à son obligation d’équité procédurale.

[10]           Le Tribunal a également rejeté à bon droit la demande d’accès aux locaux du MAECI présentée par l’appelant en vue d’obtenir les dossiers de neuf candidats nommés parce que les allégations de discrimination ne concernaient que les dossiers de deux de ces candidats. En outre, au titre de sa capacité d’instruire les affaires dont il est saisi, le Tribunal n’est pas tenu de conserver un enregistrement ni de produire un procês-verbal. Quoi qu’il en soit, l’absence de procès-verbal n’était pas déterminante en ce qui concerne les moyens de l’appelant.

[11]           Je passe maintenant à l’examen des questions de discrimination et d’abus de pouvoir.

[12]           La conclusion du Tribunal selon laquelle le MAECI avait produit une explication complète et raisonnable des circonstances entourant l’élimination de la candidature de l’appelant était entièrement raisonnable. L’appelant n’a pas démontré qu’il satisfaisait aux critères en matière d’études énoncés clairement. En définitive, il incombait à l’appelant de respecter les instructions figurant dans l’APE et de démontrer dans sa lettre de présentation qu’il satisfaisait aux exigences en matière d’études et d’expérience. L’appelant a reconnu, tant devant notre Cour que devant la Cour fédérale, que les instructions de l’APE étaient limpides et que les conséquences en cas de non‑conformité étaient clairement expliquées. De plus, le Tribunal a conclu que la méthode d’évaluation était objective, transparente et non-discriminatoire.

[13]           L’appelant soutient en outre que le Tribunal a commis une erreur en ne concluant pas que le MAECI avait commis un abus de pouvoir en nommant un candidat qui ne possédait pas, selon l’appelant, les qualifications requises en matière d’études. Ainsi que le juge l’a fait observer, le Tribunal a entendu le témoignage des personnes chargées d’évaluer les candidats sur cette question précise et n’a trouvé aucune raison de conclure que les candidats nommés ne satisfaisaient pas aux exigences en matière d’études. Je ne vois aucune raison d’intervenir dans l’évaluation que le Tribunal a faite de ces éléments de preuve.

[14]           L’appelant affirme, de manière accessoire, que le juge a commis une erreur en refusant de retenir les nouveaux éléments de preuve qu’il avait produits lors de la procédure de contrôle judiciaire et qui visaient à établir que l’un des candidats nommés n’était pas diplômé d’un établissement reconnu. Le juge a conclu que le Tribunal s’était penché précisément sur cette question en examinant des pièces documentaires et les témoignages des responsables du processus de sélection. Le juge a conclu que les nouveaux éléments de preuve proposés auraient pu être présentés à l’audience devant le Tribunal. De plus, les éléments de preuve n’auraient pas suffi pour établir les allégations de parjure. Une croyance erronée ou une divergence d’avis entre les témoins ne saurait être assimilée au parjure.

[15]           Enfin, l’appelant soutient que le MAECI était tenu de l’embaucher pour répondre aux besoins d’équité en matière d’emploi. Le Tribunal a correctement rejeté ce moyen. Le paragraphe 30(2) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique confère le pouvoir discrétionnaire de prendre en compte les besoins organisationnels généraux, mais seulement en ce qui concerne les candidats jugés admissibles. Or, le pouvoir conféré par le paragraphe 30(2) ne joue pas en l’espèce, puisque l’appelant n’a pas établi qu’il possédait les qualifications essentielles du poste visé. De toute manière, comme le fait observer le juge, selon les éléments de preuve dont disposait le Tribunal, 50 p. 100 des nominations visaient des personnes qui appartenaient à des minorités visibles, ce qui minait grandement la thèse selon laquelle l’obligation de mentionner expressément les exigences en matière d’études dans la lettre de présentation à titre d’élément du processus d’évaluation visait à exclure les membres des minorités.

[16]           En guise de conclusion, en ce qui a trait à une question de procédure, l’intitulé du présent appel doit être modifié pour remplacer le « Ministère des Affaires étrangères » par le « Sous‑ministre des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada » comme partie intimée. Les ministères gouvernementaux ne constituent pas des entités juridiques, de sorte qu’ils ne peuvent être désignés comme parties : Gravel c. Canada (Procureur général), 2011 CF 832, 393 F.T.R. 219.

[17]           Plusieurs observations portent sur les dépens. L’appelant soutient que l’affidavit qu’il a tenté de déposer dans le dossier d’appel avait été expurgé parce qu’il « s’était retrouvé » entre les mains d’un juge qui était partial. Les allégations de partialité portées contre un juge sont très graves. Ces allégations ne reposaient sur aucun élément de preuve et ont été retirées lors de l’audience. L’appelant a également allégué sans aucun fondement que l’avocat de l’intimé agissait sans avoir reçu des instructions de la part de son client et que l’un des témoins s’était parjuré. Par conséquent, il y a lieu d’adjuger des dépens plus élevés.

[18]           Par conséquent, je rejetterais l’appel avec dépens fixés à 2 527,65 $, débours compris.

« Donald J. Rennie »

j.c.a.

« Je suis d’accord. »

Eleanor R. Dawson

« Je suis d’accord. »

Johanne Trudel

Traduction certifiée conforme

François Brunet, réviseur


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


(APPEL D’UN JUGEMENT PRONONCÉ LE 18 NOVEMBRE 2013 PAR MONSIEUR LE JUGE RICHARD BOIVIN DE LA COUR FÉDÉRALE, DOSSIER NO T-868-12)

DOSSIER :

A-426-13

 

INTITULÉ :

PAUL ABI-MANSOUR c. SOUS‑MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 19 MAI 2015

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE RENNIE

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LA JUGE TRUDEL

DATE DES MOTIFS :

LE 29 MAI 2015

COMPARUTIONS :

Paul Abi-Mansour

l’Appelant

Christine Langill

POUR L’INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉ

 

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