Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20150728


Dossier : A-266-14

Référence : 2015 CAF 174

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE NEAR

LE JUGE RENNIE

 

ENTRE :

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

appelante

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, CONSEIL DU TRÉSOR DU CANADA,

NAV CANADA

intimés

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 22 avril 2015.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 28 juillet 2015.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NEAR

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE RENNIE

 


Date : 20150728


Dossier : A-266-14

Référence : 2015 CAF 174

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE NEAR

LE JUGE RENNIE

 

ENTRE :

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

appelante

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, CONSEIL DU TRÉSOR DU CANADA,

NAV CANADA

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NEAR

I.                   Introduction

[1]               L’Alliance de la fonction publique du Canada (l’AFPC) interjette appel du jugement rendu par la juge Kane de la Cour fédérale le 28 avril 2014 (2014 CF 393).

[2]               L’AFPC avait présenté une demande à la Cour fédérale en contrôle judiciaire de la décision de la Commission canadienne des droits de la personne du 5 septembre 2012. Par cette décision, la Commission avait rejeté la plainte dans laquelle l’AFPC alléguait que les intimés, le Conseil du Trésor du Canada et NAV Canada (NAV), avaient fait et continuaient de faire preuve de discrimination à l’endroit des femmes employées par NAV, en violation des articles 7, 10 et 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985 ch. H‑6 (la LCDP).

[3]               La Cour fédérale a rejeté la demande de l’AFPC.

[4]               Notre Cour est maintenant saisie de l’appel de l’AFPC. Bien que les décisions rendues par les juridictions inférieures concernent plusieurs parties, le présent appel porte uniquement sur la plainte déposée au nom du personnel de NAV.

[5]               Par les motifs exposés ci‑dessous, j’accueillerais l’appel et je ferais droit en partie à la demande de contrôle judiciaire de l’AFPC. Je renverrais la plainte formulée contre NAV sur le fondement de l’article 11 de la LCDP à la Commission pour qu’elle procède à une nouvelle instruction de l’affaire en application de la Loi.

II.                Faits et procédures

A.                 Les textes législatifs pertinents

[6]               La personne ayant des motifs raisonnables de croire qu’un organisme sous réglementation fédérale a commis un acte discriminatoire peut déposer une plainte devant la Commission (LCDP, articles 2 et 40). Les articles 5 à 14.1 de la LCDP définissent en quoi consiste un « acte discriminatoire » (LCDP, article 39).

[7]               Les articles 7 à 11 de la LCDP recensent les divers actes discriminatoires en matière d’emploi. En l’espèce, les dispositions en cause sont les articles 7, 10 et 11 de la Loi.

[8]               Les articles 7 et 10 définissent certaines pratiques d’emploi plus générales considérées comme discriminatoires :

7. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

7. It is a discriminatory practice, directly or indirectly,

a) de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu;

(a) to refuse to employ or continue to employ any individual, or

b) de le défavoriser en cours d’emploi.

(b) in the course of employment, to differentiate adversely in relation to an employee,

on a prohibited ground of discrimination.

10. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite et s’il est susceptible d’annihiler les chances d’emploi ou d’avancement d’un individu ou d’une catégorie d’individus, le fait, pour l’employeur, l’association patronale ou l’organisation syndicale :

10. It is a discriminatory practice for an employer, employee organization or employer organization

a) de fixer ou d’appliquer des lignes de conduite;

(a) to establish or pursue a policy or practice, or

b) de conclure des ententes touchant le recrutement, les mises en rapport, l’engagement, les promotions, la formation, l’apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d’un emploi présent ou éventuel.

(b) to enter into an agreement affecting recruitment, referral, hiring, promotion, training, apprenticeship, transfer or any other matter relating to employment or prospective employment,

that deprives or tends to deprive an individual or class of individuals of any employment opportunities on a prohibited ground of discrimination.

[9]               Selon ces dispositions, constituent des actes discriminatoires le fait de défavoriser des employés et le fait de fixer des lignes de conduite susceptibles d’annihiler les chances d’emploi d’un individu ou d’une catégorie d’individus si ces actes sont fondés sur un motif de distinction illicite. Le paragraphe 3(1) de la LCDP dresse la liste des motifs de distinction illicite pour l’application de la Loi; cette liste comprend le sexe d’un individu.

[10]           L’article 11 de la LCDP porte spécifiquement sur la discrimination salariale. Le paragraphe 11(1) prévoit que le fait d’instaurer et de pratiquer la disparité salariale entre hommes et femmes qui exécutent des fonctions équivalentes constitue un acte discriminatoire :

11. (1) Constitue un acte discriminatoire le fait pour l’employeur d’instaurer ou de pratiquer la disparité salariale entre les hommes et les femmes qui exécutent, dans le même établissement, des fonctions équivalentes.

11. (1) It is a discriminatory practice for an employer to establish or maintain differences in wages between male and female employees employed in the same establishment who are performing work of equal value.

[11]           La Commission doit instruire toutes les plaintes dont elle est saisie (LCDP, paragraphe 41(1)). La procédure commence habituellement par la tenue d’une enquête conformément à l’article 43 de la LCDP. Toutefois, dans certains cas, la Commission est autorisée à rejeter la plainte avant la tenue d’une enquête. Ces cas sont énumérés au paragraphe 41(1) de la LCDP :

41. (1) Sous réserve de l’article 40, la Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie à moins qu’elle estime celle-ci irrecevable pour un des motifs suivants :

41. (1) Subject to section 40, the Commission shall deal with any complaint filed with it unless in respect of that complaint it appears to the Commission that

a) la victime présumée de l’acte discriminatoire devrait épuiser d’abord les recours internes ou les procédures d’appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts;

(a) the alleged victim of the discriminatory practice to which the complaint relates ought to exhaust grievance or review procedures otherwise reasonably available;

b) la plainte pourrait avantageusement être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, selon des procédures prévues par une autre loi fédérale;

(b) the complaint is one that could more appropriately be dealt with, initially or completely, according to a procedure provided for under an Act of Parliament other than this Act;

c) la plainte n’est pas de sa compétence;

(c) the complaint is beyond the jurisdiction of the Commission;

d) la plainte est frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise foi;

(d) the complaint is trivial, frivolous, vexatious or made in bad faith; or

e) la plainte a été déposée après l’expiration d’un délai d’un an après le dernier des faits sur lesquels elle est fondée, ou de tout délai supérieur que la Commission estime indiqué dans les circonstances.

(e) the complaint is based on acts or omissions the last of which occurred more than one year, or such longer period of time as the Commission considers appropriate in the circumstances, before receipt of the complaint.

[12]           La Commission peut donc rejeter la plainte lorsqu’il y a lieu pour le plaignant d’épuiser les autres voies de recours qui lui sont ouvertes, que la plainte pourrait avantageusement être instruite devant un autre for, qu’elle est frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise foi ou qu’elle n’a pas été présentée dans le délai imparti. La Commission peut aussi rejeter la plainte qui ne relève pas de sa compétence. C’est sur ce dernier motif que la Commission a fondé la décision visée par le présent appel.

B.                 Les faits à l’origine de la plainte

[13]           La plainte faisant l’objet du présent appel concerne des faits qui remontent à trois décennies.

[14]           En 1984, l’AFPC a déposé auprès de la Commission une plainte dans laquelle elle alléguait que le Conseil du Trésor pratiquait la disparité salariale discriminatoire en violation de l’article 11 de la LCDP.

[15]           À la suite de cette plainte, dans le cadre de l’Initiative conjointe syndicale‑patronale (ICSP), un comité mixte a accepté de réaliser une étude sur la parité salariale dans l’administration publique centrale, puis de procéder à l’élaboration et à la mise en œuvre d’un plan d’action donnant suite aux conclusions de l’étude. L’étude consistait à mesurer la valeur des emplois et les taux de rémunération des groupes professionnels à prédominance féminine et à comparer ces données à celles de groupes professionnels à prédominance masculine.

[16]           Les résultats de l’évaluation des emplois effectuée dans le cadre de l’étude de l’ICSP ont été communiqués à la Commission, qui prenait part à cette étude en qualité d’observatrice. Toutefois, l’ICSP n’a jamais abouti. Le plan d’action convenu par les membres du comité mixte, lequel appelait à des correctifs à l’échelle du système afin d’éliminer les disparités salariales fondées sur le sexe, n’a jamais été mis en œuvre. Au lieu de cela, au début de 1990, le gouvernement a unilatéralement décidé d’appliquer à l’égard de trois groupes professionnels des rajustements paritaires dont les montants ont été calculés au moyen des résultats des évaluations d’emplois de l’ICSP. Au cours de la même année, l’AFPC a déposé une plainte distincte à la Commission au nom des six groupes professionnels à prédominance féminine qui avaient été évalués lors de l’étude sur la parité salariale.

[17]           Au final, la Commission a déféré la question d’une possible discrimination salariale au sein de l’administration publique centrale – y compris les plaintes déposées par l’AFPC en 1984 et en 1990 – au Tribunal canadien des droits de la personne pour jugement.

[18]           En 1998, le Tribunal a jugé que le Conseil du Trésor avait contrevenu à l’article 11 de la LCDP et lui a ordonné de rajuster rétroactivement le salaire de certains groupes professionnels de l’administration publique centrale (l’ordonnance du Tribunal).

[19]           En 1999, l’AFPC et le Conseil du Trésor ont conclu un règlement en matière de parité salariale que le Tribunal a approuvé au moyen d’une ordonnance rendue sur consentement des parties. Le règlement exposait le calcul précis des écarts salariaux et des indemnités payables par groupe et niveau professionnels. Toutefois, il s’appliquait uniquement à certains groupes d’employés du Conseil du Trésor. En étaient exclus les employés des organismes distincts, des sociétés d’État et des autres organisations ne figurant pas dans ce qui constitue aujourd’hui les annexes I et IV de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F‑11.

[20]           Le règlement ne visait pas NAV, une société sans capital‑actions du secteur privé constituée sous le régime de la Loi sur la commercialisation des services de navigation aérienne civile, L.C. 1996, ch. 20. Depuis le 1er novembre 1996, NAV est chargée d’assurer la prestation de services de navigation aérienne civile au Canada en remplacement de Transports Canada. L’accord intervenu le 1er avril 1996 précise les modalités de ce transfert de compétence, y compris en ce qui touche le passage des employés de l’administration publique centrale à la société (l’accord de cession).

[21]           Pour tout dédommagement, le personnel de NAV n’a reçu, au titre de l’ordonnance du Tribunal, qu’un paiement rétroactif de salaire pour la période précédant la date à laquelle NAV a quitté l’administration publique centrale. Autrement dit, le personnel de NAV n’a été indemnisé qu’à l’égard de la période où il était employé par Transports Canada (c.‑à‑d. le Conseil du Trésor).

C.                 La plainte

[22]           Le 9 janvier 2002, l’AFPC a déposé la plainte en cause en l’espèce. L’AFPC faisait grief au Conseil du Trésor, ou subsidiairement, à NAV – à titre individuel ou de codéfendeur avec le Conseil du Trésor :

  • d’avoir commis à l’égard des membres du personnel de sexe féminin de NAV un acte discriminatoire fondé sur le sexe en ne leur accordant pas de rajustements paritaires, en violation des articles 7 et 10 de la LCDP;
  • d’avoir commis, et de continuer de commettre, un acte discriminatoire à l’égard des employés de sexe féminin de NAV en pratiquant la disparité salariale entre les membres du personnel qui exécutent des fonctions à prédominance féminine et ceux qui exécutent des fonctions de valeur égale à prédominance masculine dans le même établissement, en violation de l’article 11 de la LCDP.

D.                La décision de la Commission

[23]           La Commission a conclu que tous les aspects de la plainte de l’AFPC échappaient à sa compétence. Par conséquent, elle a rejeté la plainte en application de l’alinéa 41(1)c) de la LCDP.

[24]           Je discuterai la décision de la Commission de manière plus approfondie plus loin. Toutefois, brièvement, la Commission a conclu que les allégations de l’AFPC ne comportaient pas tous les éléments nécessaires pour former des plaintes recevables au titre des articles 7, 10 ou 11 de la LCDP. Elle a conclu qu’elle ne pouvait donner suite aux allégations visant le Conseil du Trésor puisqu’il n’était ni employeur ni coemployeur des employés de NAV au moment des faits. La Commission a également jugé qu’elle devait rejeter les allégations formulées contre NAV à titre individuel, car elles ne faisaient pas état des liens nécessaires avec des actes discriminatoires interdits.

E.                 La décision de la Cour fédérale

[25]           La Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission présentée par l’AFPC. La juge de la Cour fédérale a conclu que la décision de rejeter la plainte de l’AFPC était raisonnable.

III.             La norme de contrôle

[26]           Dans le présent appel, la Cour doit rechercher si la Cour fédérale a arrêté la bonne norme de contrôle et l’a appliquée correctement à la décision de la Commission (Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 47, [2013] 2 R.C.S. 559 [Agraira]).

[27]           La juge de la Cour fédérale a conclu à juste titre que la norme de contrôle applicable était celle de la décision raisonnable (décision de la Cour fédérale, au paragraphe 46).

[28]           La norme de contrôle de la décision raisonnable est celle qui est présumée s’appliquer aux décisions de la Commission qui emportent l’application de normes juridiques prévues dans la LCDP – sa loi constitutive – à un ensemble de faits (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 53 et 54, [2008] 1 R.C.S. 190 [Dunsmuir]; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers' Association, 2011 CSC 61, au paragraphe 30, [2011] 3 R.C.S. 654; Canada (Procureur général) c. Commission canadienne des droits de la personne, 2013 CAF 75, au paragraphe 10, 444 N.R. 120).

[29]           De plus, notre Cour a invariablement appliqué la norme de la décision raisonnable aux décisions rendues par la Commission sous le régime du paragraphe 41(1), sauf dans les cas où la norme de la décision correcte s’imposait suivant la jurisprudence Dunsmuir (voir, par exemple, Khaper c. Air Canada, 2015 CAF 99, au paragraphe 16, [2015] A.C.F. no 491 (QL); Exeter c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 119, au paragraphe 6, [2012] A.C.F. no 489 (QL); Keith c. Canada (Service correctionnel), 2012 CAF 117, au paragraphe 53, 431 N.R. 121). En l’espèce, rien dans la décision de la Commission ne commande l’application de la norme de la décision correcte.

[30]           Afin de rechercher si le juge a correctement appliqué la norme de la décision raisonnable, la Cour doit « se mettre à la place » de la Cour fédérale et procéder à son propre contrôle du caractère raisonnable de la décision administrative (Agraira, au paragraphe 46).

IV.             Les questions en litige

[31]           La Cour doit trancher les questions suivantes :

         Était‑il raisonnable de la part de la Commission de rejeter les plaintes déposées contre le Conseil du Trésor à titre de coemployeur avec NAV?

         Était‑il raisonnable de la part de la Commission de rejeter la plainte fondée sur les articles 7 et 10 contre NAV à titre d’employeur distinct?

         Était‑il raisonnable de la part de la Commission de rejeter la plainte fondée sur l’article 11 contre NAV à titre d’employeur distinct?

V.                Analyse

A.                 Le rôle de la Commission à l’étape de l’article 41

[32]           Pour bien juger du caractère raisonnable de la décision de la Commission, il est nécessaire de bien comprendre son rôle à l’étape précédant l’ouverture de l’enquête.

[33]           La jurisprudence enseigne que la Commission ne peut rejeter une plainte fondée sur le paragraphe 41(1) que « dans les cas les plus évidents » (Société canadienne des postes c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), 130 F.T.R. 241, [1997] A.C.F. no 578 (QL), au paragraphe 3, (C.F. 1re inst.), conf. par 245 N.R. 397, [1999] A.C.F. no 705 (QL) (C.A.)).

[34]           Bien que la Commission soit tenue d’appliquer cette norme des « cas les plus évidents » pour rendre sa décision, le paragraphe 41(1) lui confère un certain pouvoir discrétionnaire. En effet, ce texte prévoit que la Commission statue sur toute plainte « à moins qu’elle estime » que l’un des motifs figurant dans la liste s’applique. Notre Cour a souligné le fait que le processus d’examen prévu au paragraphe 41(1) constitue une obligation qui incombe à la Commission en vertu de la loi et que celle‑ci doit donc « faire son travail avec diligence », même à cette étape préliminaire (Société canadienne des postes c. Barrette, [2000] 4 C.F. 145, au paragraphe 25, [2000] A.C.F. no 539 (QL) (C.A.)).

[35]           Ces principes ont créé une certaine confusion autour du rôle de la Commission avant l’enquête. Cette confusion semble notamment concerner la question de savoir si la Commission peut apprécier les preuves pour rendre une décision en application du paragraphe 41(1).

[36]           Notre Cour s’est récemment penchée sur cette question à l’occasion d’une autre affaire concernant une décision rendue par la Commission en application de l’alinéa 41(1)c) : McIlvenna c. Banque de Nouvelle‑Écosse, 2014 CAF 203, 466 N.R. 195 [McIlvenna CAF], inf. 2013 CF 678 [McIlvenna CF].

[37]           Dans l’affaire McIlvenna, la Commission avait rejeté une plainte pour défaut de compétence parce que le plaignant n’avait pas établi l’existence d’un lien avec un motif de distinction illicite (au paragraphe 7, McIlvenna CAF; au paragraphe 1, McIlvenna CF). Notre Cour a jugé que la décision de la Commission était déraisonnable (McIlvenna CAF, aux paragraphes 14 à 19). En effet, la Commission avait voulu régler une controverse en se prononçant au fond de la plainte en appréciant les preuves. Notre Cour a conclu qu’il n’appartenait pas à la Commission d’apprécier ainsi les preuves en présence d’un tel différend. Elle a opéré une distinction entre les différends de cette nature et les autres questions que la Commission pouvait être appelée à trancher en application du paragraphe 41(1), comme celle de savoir si une plainte est frivole ou vexatoire.

[38]           Dans le cas qui nous occupe, la Commission a jugé que la plainte de l’AFPC ne relevait pas de sa compétence parce que les allégations sur lesquelles elle reposait ne faisaient pas état de tous les éléments nécessaires pour établir l’existence de discrimination suivant les articles 7, 10 ou 11 de la LCDP. Conformément à la jurisprudence de notre Cour, McIlvenna, pour que la décision de la Commission soit jugée raisonnable, elle doit avoir tiré ses conclusions sans avoir préalablement réglé les questions de fait portant sur le fond de la plainte.

B.                 Était‑il raisonnable de la part de la Commission de rejeter les plaintes déposées contre le Conseil du Trésor à titre de coemployeur avec NAV?

[39]           La Commission a jugé qu’il était évident et manifeste que le Conseil du Trésor n’était pas coemployeur avec NAV, et cela depuis le 1er novembre 1996 au moins, c’est‑à‑dire depuis le transfert des employés de la fonction publique à NAV.

[40]           La Commission a tiré cette conclusion en se fondant sur l’accord de cession et sur le fait que le régime juridique de responsabilité financière en vigueur au sein du gouvernement ne s’appliquait d’aucune façon à NAV : en effet, elle n’est ni assujettie à la Loi sur la gestion des finances publiques, ni tributaire des crédits parlementaires.

[41]           La Commission a rejeté la thèse de l’AFPC portant qu’un dossier de preuve complet et complexe était nécessaire pour rechercher si NAV était coemployeur avec le Conseil du Trésor. La Commission a conclu qu’elle disposait de suffisamment de renseignements pour se prononcer sur cette question à l’étape de l’article 41.

[42]           À mon sens, la conclusion de la Commission sur cette question était raisonnable.

[43]           La question que doit trancher la Cour est de savoir si la décision de la Commission, considérée dans son ensemble, appartient aux issues possibles acceptables (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre‑Neuve‑et‑ Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 R.C.S. 708). Je conclu que tel est le cas.

[44]           La Commission a fondé sa décision sur des faits incontestés et sur le droit, c’est‑à‑dire la législation applicable et l’accord de cession. Sa décision s’appuie donc sur un fondement suffisant.

[45]           Comme l’a souligné la Commission dans sa décision, le régime juridique de responsabilité financière imposé au gouvernement ne s’applique pas à NAV.

[46]           Par ailleurs, selon l’article 2 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, le mot « employeur » s’entend du Conseil du Trésor « dans le cas d’un ministère figurant à l’annexe I de la Loi sur la gestion des finances publiques ou d’un autre secteur de l’administration publique fédérale figurant à l’annexe IV de cette loi ». Qui plus est, l’article 8 de la Loi sur la commercialisation des services de navigation aérienne civile précise que NAV n’est pas mandataire de l’État, et l’article 68 de cette même loi dispose qu’à compter de la date de cession, l’État ne peut être tenu responsable des conditions d’emploi en vigueur à NAV.

[47]           La Commission avait également à sa disposition des extraits de l’accord de cession, dont l’article 3.01.06, où il est stipulé que NAV a l’entière responsabilité du règlement des réclamations présentées par ses employés en matière d’emploi (cahier d’appel, vol. I, p. 244).

[48]           L’AFPC soutient que la Commission n’aurait pas dû prononcer sur la question de savoir si le Conseil du Trésor était coemployeur à l’étape de l’article 41, parce que cela appelle l’examen de moyens de fait et de droit. À l’appui, l’AFPC invoque la jurisprudence Canada (Procureur général) c. Première Nation des Mohawks de la Baie de Quinte, 2012 CF 105, au paragraphe 43, [2012] A.C.F. no 121 (QL). L’AFPC ajoute que même si la Commission était autorisée à se prononcer sur cette question à l’étape de l’article 41, la décision qu’elle a rendue est déraisonnable parce qu’elle n’a pas exposé ni appliqué le critère juridique servant à préciser quel est l’employeur visé par la plainte en matière de parité salariale, critère qui a été énoncé consacré dans la jurisprudence Reid c. Vancouver Police Board, 2005 BCCA 418, [2005] B.C.J. no 1832 (QL) [Reid].

[49]           Je ne puis retenir ces thèses. Pour tirer une conclusion sur cette question – l’identité de l’employeur visé par une plainte pour atteinte aux droits de la personne –, la Commission était tenue d’appliquer une norme juridique à un ensemble de faits dans un domaine relevant de son expertise. Cette intervention fait partie de la mission qui lui est confiée à l’étape de l’article 41, dans la mesure où elle s’abstient de procéder à l’appréciation des preuves, conformément à la jurisprudence McIlvenna. Le rôle de la Commission consiste à rechercher si les faits allégués, à supposer qu’ils soient dignes de foi, donne lieu à une plainte sérieuse.

[50]           Avant de rendre sa décision, la Commission a examiné les observations des parties ainsi que le rapport établi par son service de règlement anticipé, rapport qui faisait explicitement référence à la jurisprudence Reid, précitée. Contrairement à ce qu’affirme l’AFPC, la Cour se doit de présumer que la Commission s’est chargée d’appliquer le critère de la jurisprudence Reid puisqu’elle a tenu compte d’un rapport qui renvoyait à ce critère. Or, puisque pareils rapports sont établis à l’intention de la Commission, le personnel chargé de leur production doit être considéré comme le prolongement de la Commission (Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, au paragraphe 37, [2006] 3 R.C.F. 392). Étant donné que la Commission a dégagé les règles de droit applicables, la Cour doit faire preuve de retenue quant à la façon dont la Commission a appliqué cette norme juridique aux faits non controversés qui lui ont été présentés, dans la mesure où le dossier va dans le sens de la solution retenue.

[51]           La Commission disposait de suffisamment de renseignements pour conclure que le Conseil du Trésor ne pouvait évidemment et manifestement pas être assimilé à un coemployeur aux fins de la plainte de l’AFPC. La Commission n’était pas tenue d’apprécier ou d’évaluer les preuves pour tirer cette conclusion. Par conséquent, je ne modifierais pas cette décision.

C.                 Était‑il raisonnable de la part de la Commission de rejeter la plainte fondée sur les articles 7 et 10 contre NAV à titre d’employeur distinct?

[52]           Ayant conclu que le Conseil du Trésor n’était pas coemployeur avec NAV, la Commission a jugé qu’elle ne pouvait donner suite à la plainte formulée contre NAV à titre d’employeur distinct sur le fondement des articles 7 et 10 de la LCDP.

[53]           La Commission a reconnu que l’acte discriminatoire relevé par l’AFPC dans sa plainte fondée sur les articles 7 et 10 semblait déborder du cadre de la discrimination salariale visée à l’article 11 de la LCDP. En l’occurrence, l’AFPC faisait grief à NAV d’avoir omis de rajuster les salaires qui avaient déjà été jugés discriminatoires. Toutefois, la Commission a conclu qu’aucun motif raisonnable ne permettait de conclure que l’acte en question s’était produit au cours de la période pertinente.

[54]           Selon la Commission, il était évident et manifeste qu’au moment où les employés de Transports Canada étaient devenus employés de NAV, en 1996, les salaires des employés appartenant aux groupes professionnels à prédominance féminine n’avaient pas encore été jugés discriminatoires. Elle a jugé tout aussi évident et manifeste qu’au moment où il avait été conclu que la fonction publique était touchée par un problème de discrimination salariale, en 1998, NAV était un employeur distinct qui n’était pas tenu de suivre l’ordonnance du Tribunal.

[55]           Aux dires de la Commission, pour pouvoir juger que la plainte présentée par l’AFPC sur le fondement des articles 7 et 10 reposait sur des motifs raisonnables, NAV devait être assujettie à l’obligation légale de donner suite à l’ordonnance du Tribunal. Or, nulle obligation de cette nature n’existait puisque NAV n’était pas coemployeur avec le Conseil du Trésor et qu’elle n’était pas visée par l’ordonnance du Tribunal. Ainsi, en l’absence d’autre fondement, la plainte ne s’appuyait pas sur des motifs raisonnables.

[56]           L’AFPC affirme que sa plainte fondée sur les articles 7 et 10 n’est pas fondée sur la thèse portant que NAV était liée par l’ordonnance du Tribunal. Elle soutient plutôt que l’ordonnance du Tribunal constitue le fondement factuel de la plainte, laquelle vise le défaut de NAV d’apporter des correctifs à une classification des emplois et une structure salariale qu’elle savait discriminatoires. En clair, elle alléguait que, d’après l’ordonnance du Tribunal, NAV pratiquait la discrimination salariale et que le défaut de remédier à ce problème constituait une violation des articles 7 et 10 de la LCDP.

[57]           L’AFPC soutient que les fondements factuel et juridique de ses allégations sont les mêmes, peu importe que le Conseil du Trésor soit cointimé. Elle ajoute que, contrairement à ce qu’a conclu la juge (au paragraphe 110 de la décision de la Cour fédérale), elle a bel et bien produit un élément de preuve – soit une lettre de l’avocate de NAV – dont il ressort que NAV savait que la classification et la structure salariale dont elle avait hérité du Conseil du Trésor étaient discriminatoires.

[58]           Là encore, je ne puis retenir les moyens de l’AFPC.

[59]           On ne peut conclure, au terme d’une lecture objective des motifs de la Commission, qu’elle a pensé à tort que dans sa plainte fondée sur les articles 7 et 10, l’AFPC alléguait que NAV était liée purement et simplement par l’ordonnance du Tribunal. La Commission a plutôt jugé que les allégations de l’AFPC reposant sur l’ordonnance du Tribunal ne pouvaient servir de fondement à une plainte fondée sur les articles 7 et 10 de la LCDP contre NAV à titre d’employeur distinct. Vu la nature juridique de cette décision, son caractère raisonnable ne dépend pas de savoir si l’AFPC a présenté ou non des éléments de preuve allant dans le sens de ses allégations de faits.

[60]           D’ailleurs, pour en venir à cette question, j’estime que la décision de la Commission était raisonnable.

[61]           Comme le fait remarquer NAV dans ses observations, la Commission a implicitement conclu que la LCDP n’obligeait pas l’employeur à rectifier des taux de rémunération qui avaient été jugés discriminatoires dans un autre établissement. Il s’agit d’une décision portant sur l’interprétation d’une loi. Pour parvenir à une conclusion finale sur cette question, la Commission a dû interpréter la LCDP afin de rechercher ce qui pouvait constituer un « acte discriminatoire » selon les articles 7 et 10.

[62]           La Commission a conclu que le défaut de remédier à des taux salariaux qui avaient déjà été jugés discriminatoires pouvait constituer, selon les articles 7 et 10, un acte discriminatoire distinct de la pratique de la disparité salariale, laquelle est prévue à l’article 11. Toutefois, la Commission a conclu que tel ne pouvait être le cas que lorsque l’employeur qui s’est rendu coupable de discrimination salariale et celui qui est présumé avoir omis de remédier à la discrimination sont une seule et même personne. Ayant appliqué cette interprétation aux faits allégués par l’AFPC, la Commission a conclu que la plainte formulée contre NAV à titre d’employeur distinct sur le fondement des articles 7 et 10 ne pouvait être justifiée. À mon avis, voilà une conclusion raisonnable.

[63]           L’interprétation arrêtée par la Commission est conforme à l’ensemble de la LCDP. Il ressort clairement du paragraphe 11(1) de la Loi, reproduit au paragraphe 10 des présents motifs, que, pour conclure à l’existence de discrimination salariale, il faut se fonder sur une comparaison entre employés d’un même établissement. Va aussi dans le même sens l’Ordonnance de 1986 sur la parité salariale, D.O.R.S./86-1082, qui a été prise sous le régime de la LCDP concernant l’application de l’article 11. Cette ordonnance énonce notamment de quelle manière la valeur des fonctions exécutées par des employés du même établissement peut être évaluée, en plus de définir le terme « employés d’un établissement » (articles 9 et 10, respectivement).

[64]           Il s’ensuit qu’un salaire ne peut être qualifié de « discriminatoire » dans l’abstrait. L’existence de discrimination salariale au sens de l’article 11 de la LCDP est nécessairement liée à l’établissement où sont en fonction les employés dont les salaires ont été comparés. C’est pour cette raison que NAV n’était pas partie à l’ordonnance du Tribunal. Cette explication tend également à confirmer le caractère raisonnable de la décision de la Commission selon laquelle la plainte présentée par l’AFPC sur le fondement des articles 7 et 10 ne reposait pas sur des motifs raisonnables étant donné que NAV n’avait pas l’obligation légale de se soumettre à l’ordonnance du Tribunal. La Commission a raisonnablement conclu que l’AFPC ne pouvait se borner à affirmer l’existence d’une telle obligation pour que sa plainte soit considérée comme défendable. L’AFPC n’a cité à notre Cour nulle jurisprudence qui puisse expliquer pourquoi cette conclusion n’appartient pas aux issues possibles acceptables.

[65]           Par conséquent, je m’abstiendrais de modifier la décision de la Commission pour ce motif.

D.                Était‑il raisonnable de la part de la Commission de rejeter la plainte fondée sur l’article 11 contre NAV à titre d’employeur distinct?

[66]           Enfin, la Commission a conclu que la plainte fondée sur l’article 11 contre NAV à titre d’employeur distinct ne relevait pas de sa compétence parce qu’elle n’était pas fondée sur des motifs raisonnables suffisants, l’une des conditions préalables pour déposer une plainte fondée sur cet article.

[67]           La Commission a rappelé que la plainte fondée sur l’article 11 de la LCDP devait satisfaire à certaines exigences. Le plaignant doit y désigner des emplois à prédominance féminine et à prédominance masculine au sein d’un même établissement dont l’employeur désigné est responsable. Il doit également faire état de motifs raisonnables de croire qu’une comparaison des fonctions et salaires de ces groupes révèle la discrimination.

[68]           La Commission a conclu :

[traduction] …[I]l est difficile de voir comment le fondement de [l’ordonnance du Tribunal] – plus précisément les emplois à prédominance féminine, les emplois de comparaison à prédominance masculine et l’analyse des salaires et de l’équivalence des fonctions au sein du même établissement dont l’employeur est le [Conseil du Trésor] – pourrait servir à fournir des motifs raisonnables justifiant les allégations fondées sur l’article 11 déposées contre des employeurs différents et distincts.

(cahier d’appel, vol. I, p. 317)

[69]           La Commission a reconnu que l’AFPC avait dressé une liste des groupes d’employés visés dans ses observations du 16 avril 2012. Toutefois, elle a relevé que, d’après les observations présentées par NAV, certains groupes n’étaient plus majoritairement féminins et d’autres n’existaient tout simplement plus. Selon la Commission, il ressort de ces divergences dans les observations des parties que les [traduction] « motifs raisonnables justifiant le dépôt d’une plainte fondée sur l’article 11 doivent reposer sur la situation d’un employeur à l’intérieur d’un établissement » (cahier d’appel, vol. I, p. 318).

[70]           La Commission n’a pas retenu la thèse de l’AFPC portant que ces divergences témoignent de la nécessité de faire enquête. Elle a plutôt signalé que les motifs raisonnables devaient reposer sur autre chose que de simples affirmations ou conjectures. Elle a aussi souligné qu’on ne pouvait fonder une plainte sur l’article 11 en se servant d’éléments de comparaison de substitution.

[71]           À mon sens, la décision de la Commission sur cette question n’était pas raisonnable.

[72]           La Commission a conclu – et il n’y a aucune controverse entre les parties à ce sujet – que la plainte fondée sur l’article 11 devait satisfaire à certaines exigences : elle doit désigner des emplois à prédominance féminine et à prédominance masculine au sein d’un même établissement et elle doit faire état de motifs raisonnables permettant de croire qu’une comparaison de leurs fonctions et de leurs salaires donnera lieu à l’inférence que la discrimination est pratiquée (Deschênes c. Canada (Procureur général), 2009 CF 1126, au paragraphe 16, [2009] A.C.F. no 1374 (QL)).

[73]           Dans les observations qu’elle a présentées à la Commission en date du 16 avril 2012, l’AFPC a dressé une liste des groupes à prédominance féminine au sein de NAV qui, selon elle, recevaient des taux de rémunération discriminatoires comparativement à d’autres groupes à prédominance masculine employés par NAV (cahier d’appel, vol. I, p. 125). Dans sa plainte, l’AFPC renvoyait à l’ordonnance du Tribunal (et les faits sur lesquels celle-ci reposait) et elle alléguait que les employés avaient été transférés de l’administration publique à NAV aux taux salariaux alors en vigueur au Conseil du Trésor et que le personnel de NAV exécutait des fonctions qui étaient essentiellement les mêmes que celles des employés des groupes professionnels dont les salaires étaient visés par l’ordonnance du Tribunal (cahier d’appel, vol. I, pp. 282 et 283).

[74]           Quoi qu’il en soit, la Commission a conclu que la plainte de l’AFPC ne faisait pas suffisamment état de motifs raisonnables. Selon elle, les motifs raisonnables invoqués à l’appui d’une plainte fondée sur l’article 11 doivent reposer sur la situation d’un employer à l’intérieur d’un établissement. Pour tirer cette conclusion, la Commission a tenu compte des observations contradictoires des parties quant aux faits. Or, à l’étape de l’article 41, les allégations de faits de l’AFPC doivent être tenues pour avérées. Dans l’analyse qu’elle effectue dans le cadre de l’alinéa 41(1)c), la Commission ne doit pas se soucier des contradictions dans les preuves qui se rapportent au fond de la plainte.

[75]           À mon sens, il n’était pas raisonnable de la part de la Commission de conclure que la plainte de l’AFPC ne présentait évidemment et manifestement pas de motifs raisonnables permettant de conclure que les pratiques salariales de NAV étaient discriminatoires. Évidemment, vu le temps écoulé depuis la réalisation de l’étude sur la parité salariale par le comité mixte de l’ICSP et le contexte différent dans lequel évoluent désormais les groupes professionnels désignés, l’AFPC devra faire la preuve des nombreux faits qu’elle a allégués pour que sa plainte fondée sur l’article 11 puisse aller de l’avant. Toutefois, ces considérations ne présentent aucun intérêt pour la Commission à l’étape de l’article 41.

VI.             Dispositif

[76]           Par les motifs qui précèdent, j’accueillerais l’appel et annulerais le jugement de la Cour fédérale. Prononçant le jugement que la Cour fédérale aurait dû rendre, j’accueillerais en partie la demande de contrôle judiciaire. Puisque j’ai conclu qu’il n’était pas raisonnable que la Commission rejette, en application de l’alinéa 41(1)c), la plainte formulée contre NAV à titre d’employeur distinct sur le fondement de l’article 11, je renverrais cette partie de la plainte de l’AFPC à la Commission pour qu’elle procède à une nouvelle instruction en application de la LCDP. Je rejetterais la demande de contrôle judiciaire à tous les autres égards.

[77]           Comme chacune des parties obtient en partie gain de cause, je n’adjugerais pas de dépens.

« David G. Near »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

David Stratas, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Donald J. Rennie, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

François Brunet, réviseur


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL D’UN JUGEMENT RENDU PAR MADAME LA JUGE KANE DE LA COUR FÉDÉRALE, LE 28 AVRIL 2014, DANS LE DOSSIER NO T-2123-12.

DOSSIER :

A-266-14

 

 

INTITULÉ :

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA c.

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, CONSEIL DU TRÉSOR DU CANADA, NAV CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 AVRIL 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NEAR

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 28 JUILLET 2015

COMPARUTIONS :

Andrew Raven

Amanda Montague-Reinholdt

 

POUR L’appelante

Zoé Oxaal

 

POUR LES intimés

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET LE CONSEIL DU TRÉSOR DU CANADA

 

Karen Jensen

 

POUR L’INTIMÉE

NAV CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Raven, Cameron, Ballantyne & Yazbeck, s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’appelante

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

POUR LES INTIMÉS

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET CONSEIL DU TRÉSOR DU CANADA

 

Norton Rose Canada, s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’INTIMÉE

NAV CANADA

 

 

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