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Date : 20150727


Dossier : A-97-14

Référence : 2015 CAF 173

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE NEAR

LE JUGE SCOTT

 

ENTRE :

ROSS EADIE

appelant

et

MTS INC.

intimée

et

SHAW COMMUNICATIONS INC., COGECO CABLE INC., ROGERS COMMUNICATIONS PARTNERSHIP,

BCE INC., TELUS COMMUNICATIONS COMPANY

et QUEBECOR MEDIA INC.

intervenantes

et

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

intervenante

Audience tenue à Winnipeg (Manitoba), le 4 février 2015

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 27 juillet 2015

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GAUTHIER

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NEAR

LE JUGE SCOTT

 


Date : 20150727


Dossier : A-97-14

Référence : 2015 CAF 173

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE NEAR

LE JUGE SCOTT

 

ENTRE :

ROSS EADIE

appelant

et

MTS INC.

intimée

et

SHAW COMMUNICATIONS INC., COGECO CABLE INC., ROGERS COMMUNICATIONS PARTNERSHIP,

BCE INC., TELUS COMMUNICATIONS COMPANY

et QUEBECOR MEDIA INC.

intervenantes

et

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

intervenante

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE GAUTHIER

[1]               Ross Eadie interjette appel de la décision par laquelle le juge Peter B. Annis de la Cour fédérale (le juge de première instance) a fait droit à la demande de contrôle judiciaire, présentée par MTS Inc. (MTS), de la décision prise par la Commission canadienne des droits de la personne (la CCDP) de renvoyer au Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) une plainte portée devant elle par M. Eadie concernant l’accessibilité aux services de radiodiffusion de MTS. Plus particulièrement, la décision du juge de première instance portait sur la conclusion de la CCDP suivant laquelle l’objet de la plainte pouvait plus avantageusement être instruit, dans un premier temps ou à toutes les étapes, par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le CRTC), ainsi que sur la rigueur de l’enquête menée par la CCDP.

[2]               MTS a également formé un appel incident de la décision du juge de première instance de refuser de statuer sur la nouvelle question de compétence soulevée par MTS dans le cadre de sa demande de contrôle judiciaire. Devant le juge de première instance, MTS avait soutenu que le CRTC avait compétence exclusive sur l’objet de la plainte déposée par M. Eadie devant la CCDP.

[3]               La CCDP a été autorisée à intervenir, tout comme six entreprises de distribution de radiodiffusion [EDR], qui représentent 91 pour 100 de l’industrie de la radiodiffusion et qui ont présenté leurs observations conjointement.

[4]               Les EDR, y compris MTS, ont prié la Cour de se prononcer sur la question de savoir si le CRTC avait compétence exclusive pour statuer sur l’objet de la plainte. Toutefois, je conclus qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le bien‑fondé de cette question.

[5]               Le présent appel porte donc sur les faits fort inusités de la présente espèce et sur la question de savoir si le juge de première instance a conclu à raison que la décision de la CCDP était déraisonnable (motifs du juge de première instance publiés sous la référence neutre 2014 CF 61).

[6]               Par les motifs qui suivent, je suis d’avis que l’appel et l’appel incident doivent être rejetés.

I.                   FAITS ET PROCÉDURES

[7]               Monsieur Eadie, qui est aveugle, est abonné aux services de télévision numérique de MTS, une EDR. Il a déposé une plainte auprès de la CCDP par laquelle il formulait trois allégations distinctes de discrimination dans la prestation des services en question en contravention de l’article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 [la LCDP]. Les deux premières allégations de la plainte de M. Eadie, qui avaient trait au défaut de MTS de transmettre tous les services de vidéodescription disponibles et à l’absence d’un « bouton unique » d’activation/désactivation de la vidéodescription sur le boîtier décodeur (BD) fourni par MTS, ont été réglées par le CRTC dans le cadre du processus qu’il a instauré pour résoudre les questions en suspens concernant l’accessibilité à la programmation en vidéodescription (voir les paragraphes 45 et 46 ci-dessous).

[8]               Par conséquent, la seule allégation de discrimination dont était toujours saisie la CCDP était que le BD fourni par MTS n’émettait pas de « signaux sonores » facilitant l’accès au guide de programmation interactive (aussi appelé « guide de programmation électronique » [GPE]) et l’utilisation de ce guide. Par sa plainte, M. Eadie déclarait que [traduction« les services d’infrastructure de MTS contribuent à créer une discrimination systémique contre les personnes aveugles à l’échelle du système canadien de radiodiffusion » (D.A., recueil 1, onglet 1).

[9]               Même avant que la CCDP n’ouvre son enquête, la seule véritable controverse qui opposait les parties en ce qui concerne l’absence de « signaux sonores » était celle de savoir s’il existait une solution technique qui pouvait accommoder M. Eadie et si le fait de se procurer un dispositif comportant cette solution risquait d’imposer une contrainte excessive à MTS. D’ailleurs il est constant que M. Eadie ne pouvait utiliser le GPE sans l’assistance d’une personne voyante. Il est constant que ce problème est systémique au sein de l’industrie canadienne de la radiodiffusion.

A.                Exceptions préliminaires fondées sur l’article 41

[10]           S’appuyant sur l’alinéa 41(1)b) de la LCDP, MTS a soulevé deux exceptions préliminaires pour s’opposer à la plainte de M. Eadie. Dans les deux cas, MTS a soutenu que la plainte pouvait plus avantageusement être instruite par le CRTC qui, aux termes de la Loi sur la radiodiffusion, L.C. 1991, ch. 11, a compétence concurrente avec la CCDP sur le différend. En novembre 2008 et en juin 2009, la CCDP a statué sur ces exceptions et a refusé de rejeter la plainte à cette étape préliminaire. À la suite de ces décisions, la CCDP a ordonné la tenue d’une enquête sur la plainte de M. Eadie.

B.                Le rapport d’enquête

[11]           Comme il y a controverse entre les parties sur la portée et la rigueur de l’enquête de la CCDP, je citerai simplement un extrait de la méthodologie exposée dans le rapport d’enquête du 14 septembre 2011. Cet extrait se passe d’explications.

[12]           Le rapport déclare :

[traduction]

Méthodologie

35. Les personnes suivantes ont été reçues en entrevue ou consultées au cours de l’enquête :

Ross Eadie – le plaignant

Candace Bishoff, directrice, Services juridiques, Manitoba Telecom Services Inc.

36. Tous les documents produits par les deux parties ont été examinés en vue de la rédaction du rapport d’enquête. De plus, l’enquêteure a obtenu les décisions et les avis publics pertinents cités dans le rapport en consultant le site Web du CRTC. L’intimé a produit la copie du rapport d’étapes rédigé par le Groupe de travail sur la vidéodescription mis sur pied par le CRTC que l’enquêteure a examinée avec le plaignant pour obtenir ses réactions.

[13]           Compte tenu de la méthodologie retenue, le rapport est composé principalement d’un résumé des observations formulées par les deux parties et d’une exposition de la procédure qui a été suivie à compter du dépôt de la plainte, y compris les tentatives de conciliation.

[14]           Pour pouvoir demander au président du Tribunal d’ouvrir une enquête aux termes de l’alinéa 44(3)a), la Commission devait discuter deux questions distinctes. En premier lieu, elle devait conclure que l’enquête était justifiée (sous-alinéa 44(3)a)(i)) et, en second lieu, que la plainte ne devait pas être renvoyée au CRTC en vertu de l’alinéa 44(2)b).

[15]           La première question discutée dans le rapport était celle de savoir si l’objet de la plainte pouvait plus avantageusement être instruit, dans un premier temps ou à toutes les étapes, par le CRTC (l’alinéa 44(2)b) et le sous-alinéa 44(3)a)(ii) de la LCDP ainsi que toutes les autres dispositions pertinentes sont reproduits à l’annexe A). L’enquêteuse a observé que, suivant le plaignant, même si le CRTC avait les capacités techniques de se prononcer sur la question, il incombait à Industrie Canada d’assurer l’accessibilité aux [traduction« fonctionnalités du boîtier décodeur et à celles du menu de diffusion » (paragraphe 25 du rapport).

[16]           L’enquêteuse observe, au paragraphe 26 :

[traduction]

26. Par la lettre du 9 juillet 2008 qu’il a présentée pour étayer davantage sa position, le plaignant cite l’extrait suivant de l’Avis d’audience publique de radiodiffusion CRTC 2008-8, Avis public de télécom CRTC 2008‑8, Ottawa, 10 juin 2008 :

« 16. Le Conseil indique qu’il ne réglemente pas l’équipement terminal [les boîtiers décodeurs]* et n’a pas compétence sur le design et la fabrication des appareils de communication conçus pour recevoir les services de télécommunications ou de radiodiffusion. Par conséquent, le Conseil invite le public à se prononcer sur les mesures, sauf la réglementation de l’équipement terminal, qui amélioreraient l’accessibilité des services de télécommunication et de radiodiffusion pour les personnes handicapées.

(* Je constate que rien dans l’avis public lui‑même ne renvoie aux BD.)

[17]           L’avis public cité dans le rapport de l’enquêteuse comprenait une note infrapaginale à la suite de la première phrase du paragraphe 16. Cette note n’était pas reproduite dans le rapport d’enquête (D.A., recueil 2, à la page 7). En voici le texte :

Le Conseil souligne que la certification de l’équipement terminal relève d’Industrie Canada. Dans la décision de télécom 2007-20, le Conseil a déclaré que les normes afférentes à l’équipement terminal sont établies par l’Association canadienne de normalisation et Industrie Canada.

[18]           Au paragraphe 28 de son rapport, l’enquêteuse signale que, aux États-Unis, la Twenty-First Century Communications and Video Accessibility Act de 2010 [la CVAA] porte sur [traduction« les interfaces utilisateurs des appareils numériques et l’accès au guide de programmation vidéo et au menu fourni sur les dispositifs de navigation ». Elle relève également que la CVAA fait référence à la question de savoir si la technologie nécessaire est réalisable et, advenant le cas où l’entreprise conclut qu’elle ne l’est pas, qu’elle doit documenter ses tentatives dans un rapport et les présenter au comité compétent pour qu’il l’examine. L’enquêteuse déclare : [traduction« on ne sait pas avec certitude quand ces solutions seront offertes ».

[19]           L’analyse de l’enquêteuse en ce qui concerne la question de savoir si l’objet de la plainte pourrait plus avantageusement être instruit par le CRTC se trouve dans les trois paragraphes suivants :

[traduction]

Analyse

29. Il semble que le CRTC ne peut pas prononcer des ordonnances concernant les boîtiers décodeurs et les logiciels connexes en rapport avec l’accessibilité parce que cela semble outrepasser sa compétence. Il appert que le CRTC peut seulement encourager les radiodiffuseurs à cet égard.

30. Le rapport du Groupe de travail sur la vidéodescription mentionne le fait que les menus des boîtiers décodeurs ne sont pas accessibles, mais il semble que le Groupe de travail était dans l’attente des résultats de l’adoption aux États‑Unis de mesures législatives à cet égard.

31. De plus, on ne sait pas avec certitude quand ces solutions seront offertes et, par conséquent, quand les problèmes soulevés dans la plainte seront corrigés alors que le plaignant semble avoir présenté des éléments de preuve tendant à démontrer qu’il existe déjà des options disponibles.

[20]           En conséquence, l’enquêteuse recommande à la CCDP de statuer sur la plainte parce qu’elle

  • n’est pas d’avis que l’allégation de discrimination puisse être examinée dans la procédure du CRTC;
  • l’autre procédure n’est pas susceptible d’être menée à terme dans un délai raisonnable.

[21]           Le rapport ne signale pas le processus de règlement des plaintes du CRTC dont M. Eadie pouvait se prévaloir et il ne l’expose pas. La CCDP était bien au courant de cette procédure, étant donné qu’elle l’avait déjà examinée lorsqu’elle a rendu ses décisions en vertu de l’alinéa 41(1)b) de la LCDP en réponse à des plaintes semblables. Dans sa toute première communication adressée à la CCDP en réponse à la lettre du 16 avril 2008 l’informant que M. Eadie avait déposé une plainte, MTS soulignait le fait que M. Eadie n’avait pas porté plainte auprès du CRTC. Le simple fait qu’un plaignant n’a pas suivi une procédure relevant de l’alinéa 41(1)b) ne dégage pas la CCDP de son obligation de tenir compte de cette procédure comme l’exige le sous-alinéa 44(3)a)(ii) de la LCDP. On peut donc penser que l’enquêteuse ne mentionne pas la procédure du CRTC dans son rapport parce qu’elle conclut que l’objet de la plainte semble ne pas relever de la compétence du CRTC.

[22]           La recommandation de l’enquêteuse suivant laquelle la tenue d’une enquête était justifiée au sens du sous-alinéa 44(3)a)(i) et la conclusion finale de la Commission à cet égard ne font pas l’objet de l’appel. Toutefois, étant donné que les observations formulées par l’enquêteuse au sujet de la contrainte excessive constituent le contexte pertinent en ce qui concerne la question de la rigueur dans l’enquête, je tiens à ajouter quelques mots sur cet aspect de son rapport.

[23]           L’enquêteuse déclare, au paragraphe 68 de son rapport, que même si MTS a pris des mesures pour évaluer les trois solutions proposées par la plaignante (voir les paragraphes 49, 55 et 64 du rapport), MTS n’a pas démontré que le fait de fournir les fonctionnalités réclamées par M. Eadie (un accès complet aux menus GPE avec signaux sonores) serait source de contrainte excessive. En particulier, l’enquêteuse souligne que MTS n’a pas démontré qu’elle avait évalué le coût des [traduction« solutions disponibles sur le marché secondaire » et qu’elle les avait jugées prohibitives.

[24]           On ne sait pas avec certitude quelles sont les [traduction« solutions disponibles sur le marché secondaire » que l’enquêteuse estime que MTS aurait dû étudier. L’enquêteuse fait peut-être allusion à la solution « TV Speak » de Code Factory, un logiciel Windows pour ordinateur qui est mentionné aux paragraphes 61 et 63 du rapport d’enquête. Il est constant que les licences que détenait MTS pour sa plateforme principale de télévision numérique Microsoft Mediaroom, interdit à MTS d’ajouter des logiciels ou des fonctionnalités à sa plateforme ou de modifier son infrastructure sans le consentement de Microsoft et que MTS avait tenté d’ajouter les fonctionnalités demandées par M. Eadie. Microsoft a refusé cette demande au motif que cette fonctionnalité n’était pas présentement disponible.

[25]           On peut utilement signaler qu’alors que la CCDP enquêtait sur la plainte de M. Eadie, Microsoft participait activement aux travaux du comité consultatif sur l’accessibilité à la programmation vidéo [Video Programming Accessibility Advisory Committee ou VPAAC] mis sur pied sous le régime de la CVAA. Comme nous l’avons déjà signalé, la CVAA est mentionnée dans le rapport d’enquête (voir paragraphe 18, ci-dessus). Le VPAAC a été fractionné en divers groupes de travail constitués chacun de fabricants d’équipement d’origine, de réalisateurs de logiciels, de fournisseurs de GPE, ainsi que d’abonnés ayant des déficiences. Un des groupes de travail en question a examiné l’accessibilité d’interfaces utilisateurs comme les BD.

C.                La décision de la CCDP

[26]           La CCDP a rendu sa décision le 25 avril 2012 après avoir examiné notamment le rapport d’enquête, les observations complémentaires des parties ainsi que le rapport final du Groupe de travail sur la vidéodescription du CRTC publié le 30 septembre 2011 (voir la liste des documents présentés à la CCDP, à l’onglet 1 du recueil du dossier d’appel, recueil 2).

[27]           En ce qui concerne le sous-alinéa 44(3)a)(ii) de la LCDP, tout en retenant la recommandation de l’enquêteuse, la CCDP a formulé des motifs complémentaires détaillés dans lesquels elle a discuté les questions précises soulevées par MTS dans ses observations complémentaires. Je ne reproduirai que les extraits qui sont plus particulièrement pertinents pour mon analyse :

[traduction]

Bien que la mise en cause reconnaisse la compétence concurrente de la Commission pour statuer sur la présente plainte, elle soutient que la Commission doit renvoyer la plainte au CRTC étant donné que la plainte peut être plus avantageusement être instruite sous le régime d’une autre loi fédérale, en l’occurrence, la Loi sur la radiodiffusion […]

Le plaignant affirme toutefois dans ses observations que le CRTC a refusé d’exercer sa compétence à l’égard des boîtiers décodeurs, ainsi qu’il est précisé dans le rapport d’enquête aux paragraphes 26 à 29, ce que ne conteste pas la mise en cause (voir le paragraphe 19 des observations de la mise en cause datées du 11 octobre 2011). Toutefois, la mise en cause soutient que la Commission n’a pas non plus compétence à l’égard des boîtiers décodeurs.

Selon la Commission, le fait que le CRTC ait refusé d’exercer sa compétence à l’égard des boîtiers décodeurs confirme que la plainte ne peut pas être avantageusement instruite selon une procédure prévue par une autre loi fédérale, c’est‑à‑dire la Loi sur la radiodiffusion. L’on ne saurait dire que le CRTC instruira dans un premier temps ou à toutes les étapes, une plainte en matière de droits de la personne lorsqu’il refuse d’exercer sa compétence à l’égard de ce qui constitue la source même de la plainte. En outre, si le CRTC n’a pas compétence à l’égard des boîtiers décodeurs, alors, dans le cadre d’une procédure prévue par la LCDP où il est question de discrimination à l’égard de l’utilisation de boîtiers décodeurs, les éléments de preuve et les facteurs ne seront pas nécessairement les mêmes que dans les cas d’une instance se déroulant devant le CRTC.

De plus, suivant la Commission, le Groupe de travail sur la vidéodescription ne constitue pas une instance prévue par une « loi fédérale » au sens de l’alinéa 44(2)b) de la LCDP. […] [I]l ne s’agit pas d’un organisme juridictionnel qui peut ordonner qu’une réparation soit accordée au plaignant en matière de droits de la personne.

En ce qui concerne la décision Figliola, comme le CRTC n’a pas exercé sa compétence sur les boîtiers décodeurs, l’on ne saurait dire qu’il s’agit d’une situation où l’on risquerait de rouvrir le débat […]. Il ne s’agit pas d’une situation dans laquelle la Commission est appelée à examiner une décision du CRTC. Le CRTC n’a pas rendu de décision sur l’objet de cet aspect de la plainte et il a en réalité refusé complètement de l’examiner.

[28]           S’agissant de l’affirmation de MTS suivant laquelle, à l’instar du CRTC, la CCDP n’a pas directement compétence sur les fabricants d’équipement ou sur les boîtiers décodeurs eux‑mêmes, et que, vraisemblablement, suivant le raisonnement de M. Eadie, elle n’avait pas compétence pour statuer sur la plainte, la Commission observe :

[traduction]

La compétence de la Commission porte donc essentiellement sur la fourniture du service, ce qui englobe les moyens pris par la mise en cause pour mettre les émissions à la disposition du plaignant, ce qui suppose nécessairement l’examen de l’accessibilité au menu dans le cadre de la prestation du service. Bien que l’équipement lui‑même et le fabricant de l’équipement puissent déborder la compétence de la Commission, c’est la sélection de la mise en cause et l’utilisation qu’elle fait de l’équipement dans le cadre de la prestation du service qui concernent la Commission.

D.                Décision de la Cour fédérale

[29]           MTS a saisi la Cour fédérale d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision du 25 avril 2012 de la CCDP.

[30]           Le 17 janvier 2014, le juge de première instance a fait droit à la demande de MTS, a annulé la décision de la CCDP et a renvoyé l’affaire pour nouvelle décision. Le juge de première instance a conclu, au paragraphe 85 de ses motifs :

Je suis donc d’avis que la décision de la Commission doit être annulée parce que la Commission y a conclu déraisonnablement que le CRTC avait décliné compétence différemment de la Commission, et que la Commission n’a pas procédé à un examen rigoureux des questions de compétence. En d’autres termes, ni les éléments de preuve ni la loi ne peuvent raisonnablement justifier cette décision.

[31]           En ce qui concerne la nouvelle thèse suivant laquelle le CRTC avait compétence exclusive sur l’objet de la plainte, le juge de première instance a conclu, au paragraphe 93 de ses motifs qu’il n’avait « pas compétence pour déterminer si le CRTC a compétence exclusive, de sorte que la plainte devrait être rejetée en vertu de l’alinéa 41(1)c) ».

E.                 Procédure du CRTC

[32]           Un survol général de la Loi sur la radiodiffusion, du CRTC, et de la procédure d’examen des questions d’accessibilité prévue par le CRTC est utile pour comprendre les questions en litige dans le présent appel, étant donné que MTS a soutenu et que le juge de première instance avait conclu que ces questions auraient dû être examinées de façon plus approfondie.

[33]           L’article 3 de la Loi sur la radiodiffusion définit la politique canadienne en matière de radiodiffusion. L’alinéa 3(1)p) dispose que « le système devrait offrir une programmation adaptée aux besoins des personnes atteintes d’une déficience, au fur et à mesure de la disponibilité des moyens », tandis que le paragraphe 3(2) dispose que « le système canadien de radiodiffusion constitue un système unique et que la meilleure façon d’atteindre les objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion consiste à confier la réglementation et la surveillance du système canadien de radiodiffusion à un seul organisme public autonome ».

[34]           Aux termes de l’article 5 de la Loi sur la radiodiffusion, le CRTC « réglemente et surveille tous les aspects du système canadien de radiodiffusion en vue de mettre en œuvre la politique canadienne de radiodiffusion ».

[35]           Les pouvoirs généraux du CRTC comprennent la délivrance de licences assorties des conditions jugées appropriées pour la mise en application de la politique de radiodiffusion énoncée au paragraphe 3(1). Le CRTC peut prendre des règlements en conformité avec le paragraphe 10(1), qui est libellé en des termes très généraux à l’alinéa 10(1)k).

[36]           La Loi sur la radiodiffusion habilite également le CRTC à ouvrir des enquêtes (article 12), à tenir des audiences publiques (article 18) et à rendre des ordonnances ou des décisions (paragraphe 12(2)). Les ordonnances du Conseil visées au paragraphe 12(2) peuvent être assimilées à des ordonnances de la Cour fédérale ou d’une cour supérieure d’une province et leur exécution s’effectue selon les mêmes modalités (article 13). Le CRTC connaît de toute question de fait ou de droit dans les affaires relevant de sa compétence au titre de la cette loi (article 17).

[37]           À l’époque en cause, les Règles de procédure du CRTC, C.R.C., ch. 375, prévoyaient des règles applicables en matière de plaintes du consommateur (en date du 1er avril 2011, ces règles étaient énoncées à la partie II des Règles de pratique et de procédure du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, DORS/20100-277). Monsieur Eadie n’a pas déposé ce type de plainte auprès du CRTC. La seule explication de son omission semble être qu’il croyait, en raison des conversations qu’il avait eues dans un autre contexte, que le CRTC avait refusé d’exercer ses compétences sur les BD.

[38]           En 2008, le CRTC a décidé de mettre à jour ses politiques en matière d’accessibilité aux services de télécommunications et de radiodiffusion pour les personnes handicapées. Il a mis au point « une instance pour régler les questions en suspens relatives à l’accessibilité des personnes handicapées aux services de télécommunication et de radiodiffusion (dont les services de radiodiffusion offerts par Internet et aux appareils mobiles) ». La première étape de ce processus consistait à tenir des audiences publiques. Le CRTC signale expressément au paragraphe 11 de son Avis d’audience publique 2008-08 qu’à la suite de cette instance, il pourrait imposer encore d’autres obligations à certains, voire à l’ensemble des fournisseurs de services de télécommunication, des entreprises de radiodiffusion (qui englobent toutes les EDR comme MTS) (Avis d’audience publique 2008-08 du CRTC, D.A., recueil 2, onglet 2).

[39]           C’est à ce document que l’enquêteuse fait référence, au paragraphe 26 de son rapport et sur lequel elle semble s’être fondée pour conclure, au paragraphe 29 de son rapport, que la réglementation des BD et des autres logiciels connexes semble excéder la compétence du CRTC. Toutefois, comme je l’ai déjà signalé, il ressort à l’évidence de la note infrapaginale du paragraphe cité par l’enquêteuse (paragraphe 16) que, dans l’extrait précité, le CRTC faisait plus particulièrement référence aux questions portant sur la certification de l’équipement terminal et sur l’établissement de normes afférentes à cet équipement, des questions qui relevaient d’Industrie Canada et/ou de l’Association canadienne de normalisation.

[40]           Le 28 novembre 2008, à la suite de la présentation, par les intéressés, d’une série d’observations verbales et écrites sur les questions en litige, le CRTC a publié une lettre circulaire (D.A., recueil 1, onglet 8B1, à la page 405) destinée aux groupes représentant les personnes ayant une déficience, dont voici un extrait :

Veuillez indiquer tous les appareils complètement accessibles (et, le cas échéant, le logiciel permettant à l’appareil de l’être) que vous connaissez actuellement et qui permettent aux personnes aveugles, sourdes, malentendantes, à mobilité réduite ou ayant une déficience visuelle ou cognitive d’accéder aux services de radiodiffusion et de télécommunication. Ces appareils doivent au moins comprendre les boîtiers décodeurs et les appareils sans fil. Pour chaque appareil ou logiciel, veuillez présenter une description détaillée, ses fonctions, son fabricant et l’endroit où l’on peut se le procurer. Lorsque vous savez que de tels appareils ou logiciels nécessitent l’apport de modifications au réseau, veuillez fournir des détails à ce sujet.

(Non souligné dans l’original.)

[41]           Une lettre semblable a été envoyée aux EDR, qui étaient invitées à répondre au plus tard le 15 décembre 2008.

[42]           Le CRTC a reçu plusieurs réponses, notamment de la part de bon nombre d’organismes représentant des personnes ayant une déficience visuelle. Ces organismes sont également intervenus à diverses étapes de la procédure du CRTC.

[43]           Monsieur Eadie a participé à l’audience publique au cours de laquelle il a fait valoir son point de vue tant verbalement que par écrit (affidavit de M. Teghtsoonian, annexe J). Dans ses observations écrites, il ne discute que brièvement la troisième question soulevée dans la plainte qu’il avait déposée devant la CCDP :

[traduction]

6. […] Le boîtier numérique et la technologie de menu de programmation actuels ne sont pas adaptés à des gens comme nous, les aveugles. Bien que le CRTC n’ait pas à réglementer les normes, il peut réglementer le système de télécommunication et de télédiffusion pour payer certains programmateurs intelligents pour qu’ils inventent un système de reconnaissance vocale adapté au système de télédiffusion semblable au système de reconnaissance vocale qui existe présentement dans le cas des téléphones cellulaires.

[…]

16. Pourquoi n’utilise-t-on pas les recettes considérables réalisées grâce à la vente des ondes radio à des sociétés de téléphone cellulaire? Ces recettes se chiffrent à quatre milliards de dollars. Il n’en faudrait pas autant pour effectuer des recherches et des travaux d’accessibilité pour les deux systèmes.

(Texte non modifié; non souligné dans l’original.)

[44]           Au cours de ses observations verbales, le commissaire du CRTC a expressément interrogé M. Eadie au sujet des questions se rapportant aux BD (D.A., recueil no 1, onglet 7, à la page 111).

[45]           Le 21 juillet 2009, le CRTC a publié la Politique réglementaire de radiodiffusion et de télécom CRTC 2009-430 portant sur l’accessibilité des services de télécommunication et de radiodiffusion. Par cette communication, le CRTC a réglé la première allégation de discrimination figurant dans la plainte de M. Eadie en signalant son intention d’exiger, au moyen de deux conditions imposées lors du renouvellement des licences, que d’autres télédiffuseurs fournissent la vidéodescription. Il est utile de signaler qu’au paragraphe 3 de la Politique, le CRTC signale qu’il est tenu d’agir conformément à la Charte canadienne des droits et libertés. Au paragraphe 6, le CRTC déclare que, pour juger du caractère raisonnable des accommodements proposés dans le cas de personnes handicapées, le Conseil « se fonde aussi sur les principes directeurs qui sous-tendent les droits de la personne au Canada et qui font de l’égalité une valeur fondamentale au centre même de l’intérêt public ».

[46]           Parmi les mesures à prendre pour répondre aux problèmes constatés au cours de l’audience publique, le CRTC explique qu’il réunira un Groupe de travail sur la vidéodescription qui sera chargé d’élaborer les pratiques courantes et d’autres solutions qui amélioreront l’accessibilité à des émissions en vidéodescription, y compris de « fournir aux abonnés un ou plusieurs moyens simples d’accéder à la vidéodescription intégrée ». C’est grâce à la participation de M. Eadie à ce Groupe de travail sur la vidéodescription du CRTC que sa deuxième allégation de discrimination a été réglée, même si cette solution concernait directement les BD (ce qu’on est convenu d’appeler la solution « bouton unique »).

[47]           Dans son rapport final, le Groupe de travail sur la vidéodescription recommandait notamment que le CRTC mette sur pied un sous-comité de fabricants d’équipement d’origine ayant des compétences spécialisées en ingénierie et en approvisionnement pour faire avancer le processus de simplification de l’accès à la programmation en vidéodescription. Il recommandait également qu’il devienne un organisme consultatif permanent pour favoriser les discussions, l’analyse et la rétroaction sur les questions et les progrès réalisés en matière de vidéodescription.

[48]           Dans son rapport final, le Groupe de travail sur la vidéodescription faisait également état des progrès réalisés au Royaume-Uni et en Australie (notamment en ce qui concerne le logiciel Ocean Blue dont il était question au paragraphe 49 du rapport d’enquête) et il recommandait au CRTC d’observer ces progrès afin d’en déterminer leur compatibilité avec la technologie nord-américaine (notamment le Microsoft Mediaroom de MTS) et leur applicabilité potentielle au Canada.

[49]           Ainsi que M. Eadie l’a observé dans son mémoire, le Groupe de travail sur la vidéodescription a été démantelé en 2013. En 2014, le CRTC a procédé à un examen formel de ses politiques. A résulté de cette démarche la publication de la Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2015-104 que les parties ont produite à la Cour après l’audience.

[50]           Dans cette politique, le CRTC mentionne que les EDR ont reconnu en général le besoin d’un GPE sonore pour améliorer l’accessibilité pour les personnes aveugles ou ayant une déficience visuelle, mais que les EDR avaient fait observer que la modification des GPE pouvait s’avérer très coûteuse. Toutefois, le CRTC a conclu qu’il deviendrait plus facile de se procurer des équipements accessibles fabriqués aux États-Unis puisque la législation américaine (la CVAA) devait, au plus tard le 20 décembre 2016, obliger à rendre accessible aux personnes aveugles ou ayant une déficience visuelle les textes et menus défilant à l’écran, les guides de programmation affichés par le truchement de BD et d’autres équipements vidéo de programmation. Le CRTC a conclu que, malgré les coûts, il était d’ores et déjà possible de rendre plus accessibles les moyens par lesquels les Canadiens accédaient au contenu, puisqu’une bonne part de l’équipement dont se servait l’industrie canadienne des EDR provenait de fournisseurs américains et que les exigences d’accessibilité imposées par la CVAA étaient en grande partie largement les mêmes que celles que les intervenants individuels et les groupes d’usagers aimeraient voir adopter au Canada. Par conséquent, le CRTC a informé le public qu’il publierait les modifications proposées au Règlement sur la distribution de radiodiffusion, DORS/97-555, pour exiger que les EDR fournissent à leurs abonnés des BD et des télécommandes accessibles lorsqu’ils sont disponibles et compatibles avec le système de distribution des EDR.

[51]           Comme certains intervenants avaient exprimé des réserves sur le sens des mots « là où ils sont disponibles », le CRTC a également annoncé qu’il comptait imposer aux EDR, par conditions de licence, un ensemble d’exigences de rapports annuels détaillant par exemple :

  • la disponibilité des BD et des télécommandes accessibles que les EDR mettaient à la disposition de leurs abonnés, ainsi que leurs fonctions d’accès;
  • le degré de pénétration des BD parmi les abonnés des EDR.

[52]           Cette politique deviendra pertinente lorsque la CCDP sera appelée à réexaminer la question, sauf si elle devient théorique.

II.                QUESTIONS EN LITIGE

[53]           Monsieur Eadie et la CCDP soutiennent que le juge de première instance a commis de nombreuses erreurs de droit, notamment parce qu’il n’a pas appliqué le bon critère pour rechercher si l’enquête était rigoureuse et qu’il n’a pas suivi une jurisprudence de la Cour suprême du Canada, Halifax (Regional Municipality) c. Nouvelle-Écosse (Human Rights Commission), 2012 CSC 10, [2012] 1 R.C.S. 364 [Halifax], laquelle fait autorité. Cela dit, il n’est pas nécessaire d’examiner en détail les erreurs reprochées à la CCDP, étant donné que la mission de notre Cour lorsqu’elle est saisie de l’appel d’une décision rendue au terme d’une procédure de contrôle judiciaire consiste à rechercher si le juge de première instance a arrêté la norme de contrôle qui convient à chacune des questions en litige et s’il l’a appliquée correctement (Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile, 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559, aux paragraphes 45 à 47 [Agraira]).

[54]           Vu ce qui précède, les questions auxquelles nous devons répondre dans le cadre de l’appel interjeté par M. Eadie sont simplement les suivantes :

i)        Le juge de première instance a-t-il choisi la norme de contrôle appropriée pour les questions qui lui étaient soumises?

ii)      Le juge de première instance a-t-il appliqué correctement les normes en question?

[55]           En ce qui concerne la question ii), la mission de notre Cour consiste à se mettre à la place du juge de première instance et à se concentrer sur la décision administrative pour rechercher si le juge de première instance a correctement appliqué la norme de contrôle (Agraira). Ainsi, comme je l’ai déjà expliqué, je ne discuterai pas toutes les questions précises soulevées par M. Eadie et la CCDP en ce qui concerne la décision du juge de première instance. Toutefois, je tiens à bien préciser que je n’avalise aucune des observations formulées par le juge de première instance, sauf dans la mesure où je le déclare expressément dans les motifs.

[56]           Pour ce qui est de l’appel incident, la question en litige est celle de savoir si le juge de première instance a commis une erreur de droit lorsqu’il a conclu qu’il n’avait pas compétence pour rechercher si le CRTC avait compétence exclusive et, dans l’affirmative, si notre Cour doit se prononcer sur cette question.

III.             Analyse

A.                L’appel incident

[57]           Je discuterai en premier lieu la question de la compétence exclusive du CRTC soulevée par MTS et les EDR dans le cadre de l’appel incident. Cette question n’avait pas été soulevée devant la CCDP; par conséquent, la norme de contrôle de la décision correcte applicable en appel est celle qui joue (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, au paragraphe 8).

[58]           Je retiens la thèse portant que le juge de première instance a commis une erreur de droit lorsqu’il a conclu qu’il n’avait pas compétence pour statuer sur cette nouvelle question de droit.

[59]           La Cour suprême du Canada a récemment rappelé que lorsqu’elle est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, le juge conserve son pouvoir discrétionnaire de refuser d’examiner ou non une nouvelle question (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association), 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654, au paragraphe 22) [Alberta]). Or, le juge de première instance n’a pas reconnu ou exercé son pouvoir discrétionnaire à cet égard; par conséquent, notre Cour doit rechercher s’il convient de trancher la question de la compétence exclusive dans le cadre de l’appel incident. Selon la jurisprudence Alberta, la Cour peut exercer son propre pouvoir discrétionnaire pour examiner la question de la compétence exclusive compte tenu du fait que le juge de première instance a erronément refusé de le faire.

[60]           Ainsi qu’il est expliqué dans l’arrêt Alberta, au paragraphe 23, le juge n’exerce pas en règle générale son pouvoir discrétionnaire au bénéfice du demandeur, dans une instance en contrôle judiciaire, lorsque la question en litige aurait pu être soulevée devant le Tribunal ou le décideur administratif, mais ne l’a pas été.

[61]           MTS et les autres EDR soutiennent donc que le principe général ne doit pas jouer, et ce, pour les raisons suivantes :

  1. MTS n’a pas soulevé la question de la compétence exclusive parce que la CCDP l’a invité à lui présenter ses observations au sujet de l’alinéa 41(1)b), qui suppose que la CCDP et le CRTC ont compétence concurrente à l’égard de l’objet de la plainte;
  2. La question de la compétence exclusive du CRTC n’est pas véritablement une question nouvelle, étant donné que la CCDP devait décider, conformément aux sous-alinéas 44(3)a)(ii) et à l’alinéa 41(1)c), si la plainte excédait sa compétence;
  3. Le fait d’examiner maintenant la question de la compétence exclusive épargnerait aux parties du temps et de l’argent, étant donné qu’elle éviterait d’autres contentieux, ce qui revêt une importance particulière lorsque la norme de contrôle pertinente serait probablement celle de la décision correcte, étant donné que la question en litige est une question de compétence se rapportant à la ligne de démarcation des compétences de deux décideurs administratifs concurrents.

[62]           Je rejette les tentatives faites par MTS pour expliquer son omission de soulever la question de la compétence exclusive. Il est vrai que, dans le rapport annexé à la première communication de la CCDP avec MTS – une lettre datée du 16 avril 2008 –, la CCDP mentionne l’opinion de M. Eadie sur la coutume consistant à renvoyer les questions au CRTC conformément à l’alinéa 41(1)b). Dans sa réponse, MTS a effectivement invoqué cette coutume en citant une plainte récente semblable.

[63]           Toutefois, rien n’empêchait MTS, qui était représentée par un avocat compétent pendant toute la période pertinente, de soulever la question de la compétence exclusive si elle le jugeait à propos. Elle a eu de nombreuses occasions de le faire. Certes, la thèse de MTS suivant laquelle la CCDP et le CRTC exerçaient une compétence concurrente à cet égard était en elle-même contraire à celle qu’elle fait avancer maintenant. MTS n’a jamais soulevé de questions fondées sur l’alinéa 41(1)c) de la LCDP.

[64]           Sur cette dernière observation, je passe à la deuxième thèse. Je rejette l’idée que la CCDP devait de son propre chef discuter la question de savoir si la plainte excédait sa compétence parce que la Loi sur la radiodiffusion devait être interprétée comme conférant la compétence sur ce sujet exclusivement au CRTC.

[65]           Le sous-alinéa 44(3)a)(ii) de la LCDP oblige la CCDP à s’assurer qu’elle a compétence pour statuer sur la plainte. La CCDP s’est acquittée de cette tâche lorsqu’elle a recherché si la plainte pouvait relever de l’article 5 de la LCDP. Vu ma lecture du sous-alinéa 44(3)a)(ii), ce texte n’oblige pas la CCDP à procéder à l’analyse téléologique de chaque loi réglementant le pouvoir d’autres décideurs administratifs pour rechercher si la compétence que lui confère la LCDP a été supplantée par une telle loi lorsqu’un tel argument n’a pas été avancé par les parties, et ce, surtout lorsque, comme le soutient MTS, dans le passé, des plaintes semblables portant sur d’éventuels conflits de compétence avec le CRTC ont été jugées en fonction de la compétence concurrente.

[66]           En ce qui concerne le dernier argument susmentionné, ce que les EDR avancent en réalité, c’est que la Cour court-circuite complètement le régime mis en place par le législateur lorsqu’une plainte est déposée auprès de la CCDP.

[67]           Je ne trouve pas cet argument convaincant. En premier lieu, s’il ne s’était agi que de la seule question qui nous avait été déférée, j’aurais conclu qu’il fallait accueillir l’appel et renvoyer la question au tribunal conformément aux enseignements de la Cour suprême du Canada professés à l’occasion de l’affaire Halifax.

[68]           Malgré le libellé différent de la loi néo-écossaise et de la LCDP, la Cour suprême du Canada a bien précisé à l’occasion de l’affaire Halifax que les juges ne devaient pas intervenir de façon prématurée, étant donné qu’une telle intervention fait abstraction du choix du législateur quant à l’autorité chargée de trancher les questions de compétence sur les plaintes portant sur les droits de la personne. Le fait que la norme de contrôle applicable aux principales questions de droit puisse être celle de la décision correcte n’est pas une raison suffisante pour faire fi du choix du législateur.

[69]           Dans le cas qui nous occupe, je ne suis même pas convaincue que la Cour dispose de tous les éléments de preuve nécessaires pour se prononcer sur les nouveaux moyens avancés non seulement par MTS et les EDR, mais également par M. Eadie.

[70]           D’ailleurs, M. Eadie a soutenu devant nous que la plainte ne portait pas sur la « radiodiffusion », étant donné qu’elle ne porte pas sur une « émission » au sens de l’article 2 de la Loi sur la radiodiffusion. À son avis, un GPE est essentiellement un texte alphanumérique qui tombe donc sous le coup de l’exception de l’article 2 visant les « images, muettes ou non, consistant essentiellement en des lettres ou des chiffres ». À l’audience qui s’est déroulée devant nous, ainsi que lors des observations formulées après la clôture de l’audience, il y a eu un débat au sujet de la question de savoir si les GPE étaient effectivement exclus. Il ne s’agit pas d’une pure question de droit et la CCDP n’a pas tiré de conclusions utiles à cet égard.

[71]           Après mûre réflexion, j’en suis venue à la conclusion qu’il ne convenait pas que la Cour examine cette question à cette étape-ci, d’autant plus qu’il n’est peut-être même pas nécessaire de trancher cette question, car, comme je l’ai déjà mentionné, j’estime que l’appel principal devrait être rejeté. Il s’ensuit que la CCDP devra réexaminer la question de savoir si la plainte pourrait avantageusement être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, par le CRTC, et celle de savoir si la plainte excède sa compétence. Pour ce faire, la CCDP aura maintenant la possibilité de tenir compte du fait que le CRTC semble avoir considéré que sa loi habilitante l’autorise à statuer sur la question des GPE et d’ordonner aux EDR d’améliorer l’accessibilité de la programmation pour ses clients ayant une déficience par l’utilisation de BD mieux adaptés pour répondre à leurs besoins.

[72]           Je propose donc de rejeter l’appel incident. Compte tenu du fait que le juge de première instance a effectivement commis une erreur en ce qui concerne sa compétence, il ne devrait pas y avoir d’adjudication de dépens.

B.                Le juge de première instance a-t-il commis une erreur dans son choix de la (des) norme(s) de contrôle applicable(s)?

[73]           Si l’on fait abstraction de la question de la compétence exclusive, il est clair que le juge de première instance a appliqué la norme de contrôle de la décision raisonnable à la conclusion tirée par la CCDP aux termes du sous-alinéa 44(3)a)(ii) et de l’alinéa 44(2)b) de la LCDP – en l’occurrence la question de savoir si la plainte pouvait avantageusement être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, par le CRTC. Le juge de première instance a également appliqué la norme de la décision raisonnable à la question de savoir si l’enquête était suffisamment rigoureuse (motifs du juge de première instance, aux paragraphes 28 à 37).

[74]           Il n’est pas controversé entre les parties que le juge de première instance a appliqué la bonne norme de contrôle lorsqu’il a examiné au fond de la conclusion de la CCDP en vertu du sous‑alinéa 44(3)a)(ii).

[75]           Bien que, comme M. Eadie, je constate que le juge de première instance n’a pas toujours employé les bons mots, par exemple lorsqu’il a qualifié la décision de la CCDP de « manifestement incorrecte » (paragraphe 55 des motifs du juge de première instance), ce raisonnement vaut davantage pour la manière dont il a appliqué la norme que pour la norme qu’il a expressément choisi d’appliquer. Comme je l’ai déjà signalé, mon analyse sera axée sur la décision administrative (Agraira); ainsi le fait que le juge de première instance a pu mal appliquer la norme dans le cadre de sa propre analyse n’aura aucune incidence sur la mienne.

[76]           Cela dit, je rejette la conclusion du juge de première instance portant que la question de savoir si la CCDP a fait preuve de suffisamment de rigueur lors de son enquête est une question qui devait faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

[77]           Par son avis de demande, MTS alléguait que la CCDP avait manqué à l’équité procédurale parce qu’elle n’avait pas procédé à une enquête qui respectait la norme requise (D.A., recueil 1, au paragraphe 3 de la page 5). Les affidavits portant sur les éléments communiqués à l’enquêteuse et sur les autres éléments que l’enquêteuse aurait pu obtenir ne peuvent être examinés que pour rechercher s’il y a eu manquement à l’équité procédurale. En règle générale, les nouveaux éléments de preuve ne peuvent être examinés pour se prononcer sur le caractère raisonnable de la décision elle-même.

[78]           En ce qui concerne l’intégralité de la jurisprudence citée par le juge de première instance, la question de l’équité procédurale avait été tranchée selon la norme de la décision correcte. Signalons, par exemple Syndicat canadien des employés de la fonction publique (division du transport aérien) c. Air Canada, 2013 CF 184, Slattery c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1994] 2 C.F. 574, conf. par 205 N.R. 383, Tahmourpour c. Canada (Solliciteur général), 2005 CAF 113, et Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404).

[79]           Comme le juge de première instance a appliqué une norme moins rigoureuse et a quand même conclu au manquement à l’équité procédurale, s’il avait appliqué le bon critère pour évaluer la rigueur de l’enquête, l’erreur qu’il a commise au sujet de la norme de contrôle aurait eu peu de conséquences. Selon le critère pertinent, le juge ne peut intervenir que s’il conclut que les lacunes de l’enquête sont fondamentales et que les observations complémentaires présentées par les parties ne suffisent pas à y remédier.

[80]           Je ne puis conclure que le juge de première instance a suivi ce critère. Par conséquent, je le ferai dans la section suivante.

C.           Le juge de première instance a-t-il bien appliqué la norme de contrôle applicable?

(1)               Rigueur de l’enquête

[81]           Pour rechercher si l’enquête était suffisamment rigoureuse pour permettre à la CCDP de remplir son obligation d’intervenir équitablement, notre Cour doit se concentrer sur la cueillette des renseignements, c’est-à-dire sur la cueillette des éléments de preuve se rapportant à la plainte. Dans le cadre du présent appel, il y a lieu de se concentrer sur les éléments de preuve recueillis par la CCDP qui étaient pertinents quant à la conclusion finale qu’elle devait tirer en vertu de l’alinéa 44(2)b) de la LCDP.

[82]           Il importe peu à ce stade de savoir comment la CCDP a analysé ces renseignements, c’est-à-dire comment elle a examiné et soupesé ces renseignements après les avoir recueillis pour ensuite formuler ses recommandations et ensuite tirer ses conclusions. Il faut apprécier séparément le caractère raisonnable des conclusions de la CCDP ainsi que sa conclusion finale en ce qui concerne l’alinéa 44(2)b), ce que je ferai à la rubrique 2 qui suit. Malheureusement, le juge de première instance a confondu ces questions dans son analyse (motifs du juge de première instance, aux paragraphes 38 à 63). On ne sait donc pas avec certitude quels sont les éléments de preuve cruciaux qui, selon le juge de première instance, la CCDP a fait défaut d’obtenir.

[83]           Je n’ai d’ailleurs pu déceler aucune conclusion explicite à cet égard. Cela dit, on peut interpréter les observations du juge de première instance, au paragraphe 48 de ses motifs, comme une conclusion suivant laquelle l’examen des « paramètres législatifs » relatif aux compétences concurrentes, celles du CRTC, constituait un élément essentiel de l’analyse. On pourrait également soutenir que le juge de première instance a implicitement conclu que l’enquêteuse n’avait pas en mains la copie de la loi énonçant les pouvoirs et le mandat du CRTC.

[84]           De plus, le juge de première instance semble soutenir, aux paragraphes 59 à 61 de ses motifs, que l’enquêteuse aurait dû obtenir, ne serait-ce que par un simple coup de fil au CRTC ou au Groupe de travail sur la vidéodescription, des renseignements techniques au sujet de la faisabilité des solutions proposées par M. Eadie, notamment en tentant de rechercher si ces solutions pourraient être plus facilement appréciées par le personnel spécialisé ou pour savoir quand ces solutions seraient probablement offertes.

[85]           Au paragraphe 70 de son mémoire, MTS soutient ce qui suit sous la rubrique [traduction« Équité procédurale » :

[traduction]

a)         La CCDP n’a pas examiné ou apprécié l’importance ou l’ampleur de la procédure du CRTC en matière d’accessibilité. De plus, la CCDP n’a pas examiné ou apprécié l’ampleur ou l’importance des débats et des rapports du Groupe de travail sur la vidéodescription ou la procédure prévue par la VPAAC, qui auront une incidence sur toute solution éventuellement offerte au Canada.

b)         La CCDP a ignoré des « éléments de preuve manifestement importants » dont elle disposait, notamment des éléments de preuve volumineux déposés au cours de l’instance du CRTC en matière d’accessibilité, dans lesquels se trouvaient des réponses données par des EDR provenant de tous les coins du Canada au sujet de l’état de la technologie et des enjeux avec lesquels les EDR doivent composer et auxquels le public pouvait facilement accéder en ligne; [...]

[86]           Comme je l’ai déjà signalé, les questions exposées à l’alinéa a) du paragraphe 70 concernent le caractère raisonnable de l’analyse et la conclusion finale de la CCDP et non celle de savoir si l’enquête était suffisamment rigoureuse.

[87]           À l’alinéa b) du paragraphe 70, MTS allègue que le CRTC a ignoré les éléments de preuve recueillis au cours de la procédure d’accessibilité du CRTC. Vu la manière vague et générale par laquelle MTS recense les « éléments de preuve manifestement importants » que la CCDP aurait ignorés, il m’est impossible de conclure qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale. Je ne puis conclure que la CCDP a manqué à son obligation parce qu’il n’a pas obtenu tous les éléments de preuve qui avaient été recueillis au cours de l’instance du CRTC. La raison d’être de l’alinéa 44(2)b) est d’éviter toute répétition inutile. Avant de tirer à cette conclusion, j’ai bien tenu compte de l’affidavit déposé par MTS (affidavit souscrit par David Teghtsoonian le 28 juin 2012 et l’affidavit souscrit le 28 juin 2012 par Susan Wheeler), en partant du principe que ces nouveaux éléments de preuve avaient été déposés à l’appui de la thèse de MTS suivant laquelle la CCDP avait manqué à son obligation d’agir équitablement.

[88]           À l’évidence, l’enquête qui a été menée était loin d’être parfaite, mais la perfection n’est pas la norme à appliquer.

[89]           La CCDP était manifestement au courant de la participation de MTS à l’instance du CRTC et du fait que le CRTC et son Groupe de travail sur la vidéodescription avaient consacré beaucoup de temps à étudier les solutions possibles et qu’ils s’étaient assuré la participation de tous les autres EDR.

[90]           Après avoir tenu compte des observations complémentaires de MTS qui concernent le régime législatif ainsi que les aspects techniques des instances se déroulant devant le CRTC, ainsi que du rapport final du Groupe de travail sur la vidéodescription, je ne suis pas convaincue qu’il existe des lacunes fondamentales qui n’ont pas été corrigées par les observations complémentaires des parties (D.A., recueil 2, aux pages 20 à 171).

[91]           Je me pencherai maintenant sur la question de savoir si la conclusion tirée par la CCDP sur le fond à la lumière des renseignements recueillis au cours de l’enquête est entachée d’une erreur justifiant l’infirmation de sa décision.

(2)               Caractère raisonnable de la conclusion tirée en vertu de l’alinéa 44(2)b) de la LCDP

[92]           À mon avis, la conclusion tirée par la CCDP en vertu de l’alinéa 44(2)b) de la Loi est fondée sur une interprétation fondamentalement erronée de faits qui se situent au cœur même de cette conclusion et elle a été tirée selon une logique à ce point viciée qu’elle ne peut être considérée comme appartenant aux issues pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Malgré le degré élevé de déférence dont il convient de faire preuve envers la CCDP s’agissant de ces décisions, je suis par conséquent d’avis de considérer que cette décision est déraisonnable.

[93]           D’ailleurs, la conclusion de la CCDP suivant laquelle le CRTC avait [traduction« refusé d’exercer sa compétence sur les BD » est déterminante. Cette conclusion éliminait tout débat sur le processus qui aurait mieux convenu, compte tenu du fait qu’une procédure ne saurait de toute évidence être davantage appropriée lorsque le décideur décline sa compétence. Qui plus est, la CCDP semble se fonder sur le refus du CRTC d’exercer sa compétence pour évacuer le débat sur la question de savoir si le CRTC avait compétence pour statuer sur l’objet de la plainte.

[94]           La CCDP a fondé sa conclusion que le CRTC avait refusé d’exercer sa compétence sur les paragraphes 26 et 29 du rapport de l’enquêteuse (précité, aux paragraphes 16 et 19) ainsi que sur le paragraphe 19 des observations du 11 octobre 2011 de MTS, paragraphes que la CCDP a tous mal interprétés.

[95]           Au paragraphe 29 de son rapport, l’enquêteuse discute la question de savoir si le CRTC a la compétence pour statuer sur la plainte et non s’il avait refusé d’exercer la compétence qu’il possédait. L’enquêteuse conclut qu’[traduction« [i]l semble que le CRTC ne peut pas prononcer des ordonnances concernant les boîtiers décodeurs […] parce que cela semble outrepasser sa compétence ». Cette déclaration est fondée sur le paragraphe 16 de l’avis public de 2008 du CRTC. Comme nous l’avons déjà expliqué, une note infrapaginale au paragraphe 16 explique que le CRTC faisait allusion aux questions relatives à la certification de l’équipement terminal et à l’établissement de normes afférentes à cet équipement terminal, qui sont les questions relevant d’Industrie Canada et/ou, de l’Association canadienne de normalisation.

[96]           En outre, la CCDP appuie aussi sa conclusion portant que le CRTC a décliné sa compétence par le constat que MTS n’avait pas contesté ce fait, citant à l’appui le paragraphe 19 des observations du 11 octobre 2011 de MTS. Toutefois, par ses observations, MTS affirme de façon nette et constante sa thèse suivant laquelle le CRTC avait compétence pour statuer sur la plainte. Au paragraphe 19, MTS se contente de signaler que si, comme l’enquêteuse l’affirme au paragraphe 29 de son rapport, le CRTC n’a pas compétence sur les BD, la CCDP n’a pas non plus compétence sur ces questions. On ne saurait guère interpréter cette observation comme une admission que le CRTC avait décliné sa compétence sur la plainte soit à première vue soit en tenant compte du reste des observations du 11 octobre 2011 de MTS.

[97]           De plus, pour rejeter la thèse de MTS suivant laquelle la CCDP n’aurait pas non plus compétence, la CCDP qualifie l’objet de la plainte de questions portant essentiellement sur [traduction« les moyens pris par [MTS] pour mettre les émissions à la disposition du plaignant », une question relevant de la compétence de la CCDP. En revanche, lorsque la CCDP a conclu à tort que le CRTC avait refusé d’exercer sa compétence sur la plainte, la CCDP a expliqué que [traduction« la source même de la plainte » était les BD eux-mêmes (décision de la CCDP, à la page 4).

[98]           La CCDP ne peut, d’une part, affirmer que le CRTC a refusé d’exercer sa compétence sur la plainte parce que le nœud du litige réside dans la fabrication ou la conception des BD, une question sur laquelle le CRTC n’a aucun contrôle, alors que, d’autre part, elle justifie sa décision de renvoyer la plainte au Tribunal en déclarant que la plainte porte en réalité sur la façon dont MTS met ses services de télédiffusion à la disposition de ses clients (ce qui n’est nulle part qualifié d’acte excédant la compétence du CRTC). Ce faisant, la CCDP a réussi à éviter de se prononcer sur la véritable question formulée par MTS, en l’occurrence celle de savoir, dans la mesure où le CRTC est concerné, si la plainte porte effectivement sur la façon dont les EDR rendent leur programmation accessible aux Canadiens ayant des handicaps visuels.

[99]           Cette façon de procéder a permis à la CCDP d’éviter de se prononcer sur le fait que le CRTC semble avoir compétence pour s’assurer que la programmation devrait être accessible aux personnes atteintes d’une déficience (voir l’alinéa 3(1)p) de la Loi sur la radiodiffusion) et que le CRTC tentait activement de résoudre les questions en suspens en ce qui concerne l’accessibilité à la programmation et notamment l’accessibilité du GPE aux abonnés ayant une déficience visuelle. Cette façon de faire a également permis à la CCDP d’ignorer le fait que le CRTC avait clairement exercé sa compétence en ce qui concerne les fonctionnalités des BD lorsqu’il avait réglé la question de la solution « bouton unique » soulevée par M. Eadie dans sa plainte.

[100]       En éliminant la question de la compétence, la CCDP a également évité la nécessité d’examiner le processus bien connu de règlement des plaintes du CRTC qu’elle avait déjà examiné lorsqu’elle avait analysé le paragraphe 41(1) dans des plaintes semblables.

[101]       Ces erreurs sont particulièrement importantes compte tenu du fait que – contrairement à ce que soutient l’appelant – le Tribunal ne peut se prononcer sur le bien-fondé de faire instruire la plainte, dans un premier temps ou à toutes les étapes, par le CRTC (alinéa 44(2)b)). Il s’agit d’une question préliminaire à l’égard de laquelle la décision de la CCDP est définitive, sauf en cas de recours en contrôle judiciaire. En revanche, le Tribunal peut discuter la question de la compétence exclusive.

[102]       La présente affaire fait ressortir l’importance de la décision préliminaire en question alors que le CRTC établit des règles qui sont censées résoudre la question même soulevée par la plainte et que ces règles s’appliquent à toutes les EDR, y compris MTS. Si la plainte devait être finalement renvoyée au Tribunal, celui-ci pourrait avoir du mal à élaborer une mesure qui ne contredirait pas ou ne modifierait pas les règlements du CRTC et les conditions de la licence de MTS, qui sera renouvelée plus tard en 2015.

[103]       La démarche prévue au paragraphe 44(2)b) revêt encore plus d’importance depuis que la Cour suprême du Canada a confirmé que les tribunaux et les décideurs administratifs créés par la loi qui ont le pouvoir de trancher des questions de droit ont l’obligation de protéger les droits consacrés par les lois sur les droits de la personne lorsqu’ils se prononcent sur des questions relevant de leur compétence en appliquant les principes de la LCDP et notamment le critère juridique en trois étapes consacré par la jurisprudence : Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 1 R.C.S. 3, 176 D.L.R. (4th) 1 [Meiorin]; Conseil des Canadiens avec déficiences c. VIA Rail Canada Inc., 2007 CSC 15, [2007] 1 R.C.S. 650; Colombie-Britannique (Workers’ Compensation Board) c. Figliola, 2011 SCC 52, [2011] 3 R.C.S. 422; Tranchemontagne c. Ontario (Directeur du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées), 2006 CSC 14, [2006] 1 R.C.S. 513.

[104]       Les dispositions législatives qui obligent la CCDP à rechercher s’il existe un autre for qui pourrait avantageusement instruire la plainte, dans un premier temps ou à toutes les étapes, témoignent de la volonté du législateur que la CCDP évite les « guerres de territoire » et que les ressources publiques limitées dont dispose la CCDP ne soient utilisées que lorsqu’elles sont réellement nécessaires pour remplir la mission qui lui est confiée d’assurer le respect de la LCDP. La coordination entre les différents décideurs administratifs devrait être la règle et non l’exception. Les décideurs administratifs ne peuvent que bénéficier d’une reconnaissance de leurs connaissances et ressources spécialisées respectives. Ce principe est spécialement clair dans le cas qui nous occupe, dans lequel tant la CCDP que le CRTC poursuivent un objectif commun, celui de s’assurer que les abonnés atteints d’une déficience bénéficient d’un accès égal au système canadien de radiodiffusion.

[105]       Je conclus par conséquent que la décision rendue en vertu de l’alinéa 44(2)b) était déraisonnable, et je rejetterais l’appel.

[106]       S’agissant des dépens, j’ai examiné les observations détaillées présentées après l’audience par les avocats et, compte tenu de l’ensemble des circonstances, j’estime qu’il n’y a pas lieu d’adjuger de dépens.

« Johanne Gauthier »

j.c.a.

« Je suis d’accord. »

D.G. Near, j.c.a.

« Je suis d’accord. »

A.F. Scott, j.c.a.

Traduction certifiée conforme

François Brunet, réviseur


ANNEXE A

Loi canadienne sur les droits de la personne

L.R.C. (1985), ch. H‑6

[…]

Canadian Human Rights Act

R.S.C., 1985, c. H‑6

Refus de biens, de services, d’installations ou d’hébergement

5. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, pour le fournisseur de biens, de services, d’installations ou de moyens d’hébergement destinés au public.

 

Denial of good, service, facility or accommodation

5. It is a discriminatory practice in the provision of goods, services, facilities or accommodation customarily available to the general public

 

a) d’en priver un individu;

 

(a) to deny, or to deny access to, any such good, service, facility or accommodation to any individual, or

 

b) de le défavoriser à l’occasion de leur fourniture.

[…]

(b) to differentiate adversely in relation to any individual,

on a prohibited ground of discrimination.

 

Irrecevabilité

41. (1) Sous réserve de l’article 40, la Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie à moins qu’elle estime celle‑ci irrecevable pour un des motifs suivants :

[…]

Commission to deal with complaint

41. (1) Subject to section 40, the Commission shall deal with any complaint filed with it unless in respect of that complaint it appears to the Commission that

b) la plainte pourrait avantageusement être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, selon des procédures prévues par une autre loi fédérale;

 

(b) the complaint is one that could more appropriately be dealt with, initially or completely, according to a procedure provided for under an Act of Parliament other than this Act;

 

c) la plainte n’est pas de sa compétence;

 

(c) the complaint is beyond the jurisdiction of the Commission;

 

d) la plainte est frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise foi;

(d) the complaint is trivial, frivolous, vexatious or made in bad faith; or

e) la plainte a été déposée après l’expiration d’un délai d’un an après le dernier des faits sur lesquels elle est fondée, ou de tout délai supérieur que la Commission estime indiqué dans les circonstances.

[…]

 

(e) the complaint is based on acts or omissions the last of which occurred more than one year, or such longer period of time as the Commission considers appropriate in the circumstances, before receipt of the complaint.

 

Rapport

44. (1) L’enquêteur présente son rapport à la Commission le plus tôt possible après la fin de l’enquête.

Report

44. (1) An investigator shall, as soon as possible after the conclusion of an investigation, submit to the Commission a report of the findings of the investigation.

 

Suite à donner au rapport

(2) La Commission renvoie le plaignant à l’autorité compétente dans les cas où, sur réception du rapport, elle est convaincue, selon le cas :

 

Action on receipt of report

(2) If, on receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission is satisfied

 

a) que le plaignant devrait épuiser les recours internes ou les procédures d’appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts;

 

(a) that the complainant ought to exhaust grievance or review procedures otherwise reasonably available, or

b) que la plainte pourrait avantageusement être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, selon des procédures prévues par une autre loi fédérale.

(b) that the complaint could more appropriately be dealt with, initially or completely, by means of a procedure provided for under an Act of Parliament other than this Act,

it shall refer the complainant to the appropriate authority.

 

Idem

(3) Sur réception du rapport d’enquête prévu au paragraphe (1), la Commission :

 

Idem

(3) On receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission

a) peut demander au président du Tribunal de désigner, en application de l’article 49, un membre pour instruire la plainte visée par le rapport, si elle est convaincue :

(a) may request the Chairperson of the Tribunal to institute an inquiry under section 49 into the complaint to which the report relates if the Commission is satisfied

 

(i) d’une part, que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle‑ci est justifié,

 

(i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is warranted, and

 

(ii) d’autre part, qu’il n’y a pas lieu de renvoyer la plainte en application du paragraphe (2) ni de la rejeter aux termes des alinéas 41c) à e);

(ii) that the complaint to which the report relates should not be referred pursuant to subsection (2) or dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e);

 

b) rejette la plainte, si elle est convaincue :

 

(b) shall dismiss the complaint to which the report relates if it is satisfied

 

(i) soit que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle‑ci n’est pas justifié,

 

(i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is not warranted, or

 

(ii) soit que la plainte doit être rejetée pour l’un des motifs énoncés aux alinéas 41c) à e).

(ii) that the complaint should be dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e).

 

Loi sur la radiodiffusion

L.C. 1991, ch. 11

[…]

Broadcasting Act

S.C. 1991, c. 11

Politique canadienne de radiodiffusion

3. (1) Il est déclaré que, dans le cadre de la politique canadienne de radiodiffusion :

[…]

Declaration

3. (1) It is hereby declared as the broadcasting policy for Canada that

p) le système devrait offrir une programmation adaptée aux besoins des personnes atteintes d’une déficience, au fur et à mesure de la disponibilité des moyens;

[…]

 

(p) programming accessible by disabled persons should be provided within the Canadian broadcasting system as resources become available for the purpose;

 

Déclaration

(2) Il est déclaré en outre que le système canadien de radiodiffusion constitue un système unique et que la meilleure façon d’atteindre les objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion consiste à confier la réglementation et la surveillance du système canadien de radiodiffusion à un seul organisme public autonome.

[…]

 

Further declaration

(2) It is further declared that the Canadian broadcasting system constitutes a single system and that the objectives of the broadcasting policy set out in subsection (1) can best be achieved by providing for the regulation and supervision of the Canadian broadcasting system by a single independent public authority.

 

Mission

5. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, ainsi que de la Loi sur la radiocommunication et des instructions qui lui sont données par le gouverneur en conseil sous le régime de la présente loi, le Conseil réglemente et surveille tous les aspects du système canadien de radiodiffusion en vue de mettre en œuvre la politique canadienne de radiodiffusion.

 

Objects

5. (1) Subject to this Act and the Radiocommunication Act and to any directions to the Commission issued by the Governor in Council under this Act, the Commission shall regulate and supervise all aspects of the Canadian broadcasting system with a view to implementing the broadcasting policy set out in subsection 3(1) and, in so doing, shall have regard to the regulatory policy set out in subsection (2).

 

Réglementation et surveillance

(2) La réglementation et la surveillance du système devraient être souples et à la fois :

 

Regulatory policy

(2) The Canadian broadcasting system should be regulated and supervised in a flexible manner that

 

a) tenir compte des caractéristiques de la radiodiffusion dans les langues française et anglaise et des conditions différentes d’exploitation auxquelles sont soumises les entreprises de radiodiffusion qui diffusent la programmation dans l’une ou l’autre langue;

 

(a) is readily adaptable to the different characteristics of English and French language broadcasting and to the different conditions under which broadcasting undertakings that provide English or French language programming operate;

 

b) tenir compte des préoccupations et des besoins régionaux;

 

(b) takes into account regional needs and concerns;

 

c) pouvoir aisément s’adapter aux progrès scientifiques et techniques;

 

(c) is readily adaptable to scientific and technological change;

 

d) favoriser la radiodiffusion à l’intention des Canadiens;

(d) facilitates the provision of broadcasting to Canadians;

e) favoriser la présentation d’émissions canadiennes aux Canadiens;

 

(e) facilitates the provision of Canadian programs to Canadians;

 

f) permettre la mise au point de techniques d’information et leur application ainsi que la fourniture aux Canadiens des services qui en découlent;

 

(f) does not inhibit the development of information technologies and their application or the delivery of resultant services to Canadians; and

 

g) tenir compte du fardeau administratif qu’elles sont susceptibles d’imposer aux exploitants d’entreprises de radiodiffusion.

[…]

 

(g) is sensitive to the administrative burden that, as a consequence of such regulation and supervision, may be imposed on persons carrying on broadcasting undertakings.

 

Règlements

10. (1) Dans l’exécution de sa mission, le Conseil peut, par règlement :

 

Regulations generally

10. (1) The Commission may, in furtherance of its objects, make regulations

 

a) fixer la proportion du temps d’antenne à consacrer aux émissions canadiennes;

 

(a) respecting the proportion of time that shall be devoted to the broadcasting of Canadian programs;

 

b) définir « émission canadienne » pour l’application de la présente loi;

 

(b) prescribing what constitutes a Canadian program for the purposes of this Act;

 

c) fixer les normes des émissions et l’attribution du temps d’antenne pour mettre en œuvre la politique canadienne de radiodiffusion;

 

(c) respecting standards of programs and the allocation of broadcasting time for the purpose of giving effect to the broadcasting policy set out in subsection 3(1);

 

d) régir la nature de la publicité et le temps qui peut y être consacré;

 

(d) respecting the character of advertising and the amount of broadcasting time that may be devoted to advertising;

 

e) fixer la proportion du temps d’antenne pouvant être consacrée à la radiodiffusion d’émissions — y compris les messages publicitaires et annonces — de nature partisane, ainsi que la répartition équitable de ce temps entre les partis politiques et les candidats;

 

(e) respecting the proportion of time that may be devoted to the broadcasting of programs, including advertisements or announcements, of a partisan political character and the assignment of that time on an equitable basis to political parties and candidates;

 

f) fixer les conditions d’exploitation des entreprises de programmation faisant partie d’un réseau ainsi que les conditions de radiodiffusion des émissions de réseau et déterminer le temps d’antenne à réserver à celles‑ci par ces entreprises;

 

(f) prescribing the conditions for the operation of programming undertakings as part of a network and for the broadcasting of network programs, and respecting the broadcasting times to be reserved for network programs by any such undertakings;

 

g) régir la fourniture de services de programmation — même étrangers — par les entreprises de distribution;

 

(g) respecting the carriage of any foreign or other programming services by distribution undertakings;

 

h) pourvoir au règlement — notamment par la médiation — de différends concernant la fourniture de programmation et survenant entre les entreprises de programmation qui la transmettent et les entreprises de distribution;

(h) for resolving, by way of mediation or otherwise, any disputes arising between programming undertakings and distribution undertakings concerning the carriage of programming originated by the programming undertakings;

 

i) préciser les renseignements que les titulaires de licences doivent lui fournir en ce qui concerne leurs émissions et leur situation financière ou, sous tout autre rapport, la conduite et la direction de leurs affaires;

 

(i) requiring licensees to submit to the Commission such information regarding their programs and financial affairs or otherwise relating to the conduct and management of their affairs as the regulations may specify;

 

j) régir la vérification et l’examen des livres de comptes et registres des titulaires de licences par le Conseil ou ses représentants;

 

(j) respecting the audit or examination of the records and books of account of licensees by the Commission or persons acting on behalf of the Commission; and

 

k) prendre toute autre mesure qu’il estime nécessaire à l’exécution de sa mission.

[…]

 

(k) respecting such other matters as it deems necessary for the furtherance of its objects.

 

Compétence

12. (1) Le Conseil peut connaître de toute question pour laquelle il estime :

Inquiries

12. (1) Where it appears to the Commission that

a) soit qu’il y a eu ou aura manquement — par omission ou commission — aux termes d’une licence, à la présente partie ou aux ordonnances, décisions ou règlements pris par lui en application de celle‑ci;

 

(a) any person has failed to do any act or thing that the person is required to do pursuant to this Part or to any regulation, licence, decision or order made or issued by the Commission under this Part, or has done or is doing any act or thing in contravention of this Part or of any such regulation, licence, decision or order,

 

a.1) soit qu’il y a ou a eu manquement à l’article 34.1;

 

(a.1) any person has done or is doing any act or thing in contravention of section 34.1, or

 

b) soit qu’il peut avoir à rendre une décision ou ordonnance ou à donner une permission, sanction ou approbation dans le cadre de la présente partie ou de ses textes d’application.

 

(b) the circumstances may require the Commission to make any decision or order or to give any approval that it is authorized to make or give under this Part or under any regulation or order made under this Part,

the Commission may inquire into, hear and determine the matter.

 

Ordres et interdiction

(2) Le Conseil peut, par ordonnance, soit imposer l’exécution, sans délai ou dans le délai et selon les modalités qu’il détermine, des obligations découlant de la présente partie ou des ordonnances, décisions ou règlements pris par lui ou des licences attribuées par lui en application de celle‑ci, soit interdire ou faire cesser quoi que ce soit qui y contrevient ou contrevient à l’article 34.1.

[…]

 

Mandatory orders

(2) The Commission may, by order, require any person to do, without delay or within or at any time and in any manner specified by the Commission, any act or thing that the person is or may be required to do under this Part or any regulation, licence, decision or order made or issued by the Commission under this Part and may, by order, forbid the doing or continuing of any act or thing that is contrary to this Part, to any such regulation, licence, decision or order or to section 34.1.

Assimilation à des ordonnances judiciaires

13. (1) Les ordonnances du Conseil visées au paragraphe 12(2) peuvent être assimilées à des ordonnances de la Cour fédérale ou d’une cour supérieure d’une province; le cas échéant, leur exécution s’effectue selon les mêmes modalités.

 

Enforcement of mandatory orders

13. (1) Any order made under subsection 12(2) may be made an order of the Federal Court or of any superior court of a province and is enforceable in the same manner as an order of the court.

 

Moyens de l’assimilation

(2) L’assimilation peut se faire soit conformément aux règles de pratique et de procédure de la cour applicables en l’occurrence, soit par dépôt, par le Conseil, d’une copie de l’ordonnance certifiée conforme auprès du greffier de la cour. Dans ce dernier cas, l’assimilation est effectuée au moment du dépôt.

[…]

Procedure

(2) To make an order under subsection 12(2) an order of a court, the usual practice and procedure of the court in such matters may be followed or, in lieu thereof, the Commission may file with the registrar of the court a certified copy of the order, and thereupon the order becomes an order of the court.

Compétence

17. Le Conseil connaît de toute question de droit ou de fait dans les affaires relevant de sa compétence au titre de la présente loi.

 

Authority re questions of fact or law

17. The Commission has authority to determine questions of fact or law in relation to any matter within its jurisdiction under this Act.

Audiences publiques : obligation

18. (1) Sont subordonnées à la tenue d’audiences publiques par le Conseil, sous réserve de disposition contraire, l’attribution, la révocation ou la suspension de licences — à l’exception de l’attribution d’une licence d’exploitation temporaire d’un réseau — , ainsi que l’établissement des objectifs mentionnés à l’alinéa 11(2)b) et la prise d’une ordonnance au titre du paragraphe 12(2).

Where public hearing required

18. (1) Except where otherwise provided, the Commission shall hold a public hearing in connection with

(a) the issue of a licence, other than a licence to carry on a temporary network operation;

(b) the suspension or revocation of a licence;

c) the establishing of any performance objectives for the purposes of paragraph 11(2)(b); and

(d) the making of an order under subsection 12(2).

 

Idem

(2) La modification et le renouvellement de licences font aussi l’objet de telles audiences sauf si le Conseil estime que l’intérêt public ne l’exige pas.

 

Idem

(2) The Commission shall hold a public hearing in connection with the amendment or renewal of a licence unless it is satisfied that such a hearing is not required in the public interest.

 

Audiences publiques : faculté

(3) Les plaintes et les observations présentées au Conseil, de même que toute autre question relevant de sa compétence au titre de la présente loi, font l’objet de telles audiences, d’un rapport et d’une décision — notamment une approbation — si le Conseil l’estime dans l’intérêt public.

Where public hearing in Commission’s discretion

(3) The Commission may hold a public hearing, make a report, issue any decision and give any approval in connection with any complaint or representation made to the Commission or in connection with any other matter within its jurisdiction under this Act if it is satisfied that it would be in the public interest to do so.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL DE L’ORDONNANCE RENDUE LE 17 JANVIER 2014 PAR LE JUGE ANNIS DANS LE DOSSIER No T‑1057‑12

DOSSIER :

A‑97‑14

 

 

INTITULÉ :

ROSS EADIE c.

MTS INC. ET SHAW COMMUNICATIONS INC., COGECO CABLE INC., ROGERS COMMUNICATIONS PARTNERSHIP, BCE INC., TELUS COMMUNICATIONS COMPANY ET QUEBECOR MEDIA INC.

 

LIEU DE L’audience :

Winnipeg (Manitoba)

 

DATE de l’audience :

le 4 février 2015

 

motifs du jugement :

la juge GAUTHIER

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NEAR

LE JUGE SCOTT

 

DATE DES MOTIFS :

LE 27 JUILLET 2015

 

COMPARUTIONS :

Raymond D. Hall

 

pour l’appelant

 

Robert A. Watchman

 

pour l’INTIMÉE,

MTS INC.

 

Richard J. Charney

Jonquille Pak

 

POUR LES INTERVENANTES, SHAW COMMUNICATIONS INC. ET AUTRES

 

Fiona Keith

Brad Smallwood

POUR L’INTERVENANTE,
la COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Raymond D. Hall

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR L’APPELANT

 

Pitblado LLP

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR L’INTIMÉE,

MTS INC.

 

Norton Rose Fulbright S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Toronto (Ontario)

POUR LES INTERVENANTES,

SHAW COMMUNICATIONS INC. ET AUTRES

 

Commission canadienne des droits de la personne

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTERVENANTE,

la COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

 

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