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Date : 20150916


Dossier : A‑286‑14

Référence : 2015 CAF 192

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE WEBB

LE JUGE BOIVIN

 

ENTRE :

ACTAVIS PHARMA COMPANY

appelante

et

ALCON CANADA INC., ALCON PHARMACEUTICALS, LTD. et BAYER INTELLECTUAL PROPERTY GmbH

intimées

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 27 mai 2015.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 16 septembre 2015.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE BOIVIN

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE WEBB

 


Date : 20150916


Dossier : A‑286‑14

Référence : 2015 CAF 192

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE WEBB

LE JUGE BOIVIN

 

ENTRE :

ACTAVIS PHARMA COMPANY

appelante

et

ALCON CANADA INC., ALCON PHARMACEUTICALS, LTD. et BAYER INTELLECTUAL PROPERTY GmbH

intimées

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE BOIVIN

I.                   Le contexte

[1]               Le présent appel porte sur la décision d’un juge de la Cour fédérale (le juge) rendue le 14 mai 2014 (2014 CF 462). Le juge a fait droit à la demande présentée par Alcon Canada Inc., Alcon Pharmaceuticals, Ltd., et Bayer Intellectual Property GmbH (les intimées), aux termes du paragraphe 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133, en vue d’obtenir une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité (AC) à Actavis Pharma Company – anciennement connue sous le nom de Cobalt Pharmaceuticals Company – (l’appelante) à l’égard de sa version générique du produit Vigamox®, visé par le brevet canadien 1 340 114 (le brevet 114).

[2]               Comme il ressort de l’avis d’appel déposé le 13 juin 2014, le ministre de la Santé n’est plus partie à la présente instance. Actavis Pharma Company demande à notre Cour d’annuler l’ordonnance d’interdiction prononcée par le juge.

[3]               La décision rendue par le juge le 14 mai 2014 concerne également les brevets canadiens 2 342 211 (le brevet 211) et 2 192 418 (le brevet 418). La Cour n’a été saisie d’aucun appel relativement au brevet 418; quant au brevet 211, il fait l’objet de motifs distincts (2015 CAF 191).

[4]               Vigamox® est une solution ophtalmique antibactérienne utilisée pendant la chirurgie de la cataracte. Il est visé par le brevet 114, demandé le 13 juillet 1989 et délivré le 3 novembre 1998; il expirera le 3 novembre 2015. Le brevet 114 revendique une classe de quinolones, dont fait partie le chlorhydrate de moxifloxacine (moxifloxacine), le principe actif de Vigamox®. Les composés de cette classe se caractérisent par la présence d’un bicycle pyrrolidine fusionné en position C‑7 du noyau quinolone. Les revendications 8 et 13, qui visent la moxifloxacine et ses stéréoisomères ainsi que les mélanges de ces composés, sont en cause dans la présente instance (motifs du juge au paragraphe 21).

[5]               L’appelante a soutenu devant le juge que le brevet 114 était invalide, essentiellement pour cause d’absence de prédiction valable et d’utilité. Le juge a rejeté tous les arguments qu’a présentés l’appelante au sujet de l’invalidité alléguée du brevet 114. Plus précisément, après avoir interprété la promesse du brevet 114, le juge a conclu que son utilité avait été valablement prédite. Bien que l’appelante ait largement renoncé au moyen tiré de l’évidence au cours des débats, le juge a décidé, en se fondant sur les écritures des parties, que l’invention revendiquée dans les parties du brevet 114 en cause n’était pas évidente et n’allait pas de soi.

[6]               Par son appel, l’appelante attaque chacune des conclusions tirées par le juge en ce qui concerne le brevet 114. Par les motifs exposés ci‑dessous, je propose de rejeter l’appel. Je ne suis pas convaincu que le juge a commis une erreur justifiant l’infirmation de son jugement lorsqu’il a rejeté les allégations d’invalidité du brevet 114 présentées par l’appelante.

II.                Les questions en litige

[7]               Voici les questions en litige dans le présent appel :

1.         Le juge a‑t‑il commis une erreur dans son interprétation de la promesse du brevet 114?

2.         Le juge a‑t‑il commis une erreur en concluant que l’utilité du brevet 114 avait été valablement prédite?

3.         Le juge a‑t‑il commis une erreur en déclarant que le brevet 114 n’était pas évident et n’allait pas de soi?

III.             La norme de contrôle

[8]               Les appels visant une demande d’ordonnance d’interdiction, comme celle qui est en cause en l’espèce, sont soumis à la norme de contrôle applicable énoncée dans les arrêts Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 [Housen], et Pharmascience Inc. c. Canada (Santé), 2014 CAF 133, 460 N.R. 343 [Pharmascience], au paragraphe 31. L’interprétation d’un brevet est une question de droit qui doit être examinée selon la norme de la décision correcte (Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67, [2000] 2 R.C.S. 1067, au paragraphe 76 [Whirlpool]; Mylan Pharmaceuticals ULC c. AstraZeneca Canada Inc., 2012 CAF 109, 432 N.R. 292, au paragraphe 20 [Mylan]).

[9]               Les questions mixtes de fait et de droit exigent que les principes juridiques les régissant soient correctement exposés et appliqués (Housen, aux paragraphes 26 et 27). Le rôle du juge consiste nécessairement à apprécier les éléments de preuve présentés par les parties et l’on ne saurait – d’autant plus en présence d’opinions d’experts contradictoires – remettre en question les faits et les éléments de preuve sur lesquels repose sa décision, sauf erreur manifeste et dominante de sa part (Cobalt Pharmaceuticals Company c. Bayer Inc., 2015 CAF 116, [2015] A.C.F. no 555 (QL), au paragraphe 15 [Cobalt]; Pharmascience, au paragraphe 31; Mylan, au paragraphe 20). Le seuil à franchir pour établir l’existence d’une erreur manifeste et dominante dans l’appréciation des éléments de preuve est élevé (Zero Spill Systems (Int’l) Inc. c. Heide, 2015 CAF 115, [2015] A.C.F. no 554 (QL), au paragraphe 49).

[10]           La question de la prédiction valable et celle de l’évidence sont des questions mixtes de fait et de droit (Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., 2002 CSC 77, [2002] 4 R.C.S. 153, au paragraphe 42 [AZT]; Cobalt, au paragraphe 48; Apotex Inc. c. Allergan Inc., 2015 CAF 137, [2015] A.C.F. no 953 (QL), au paragraphe 7). Il s’ensuit qu’en l’absence d’erreur manifeste et dominante, les conclusions du juge qu’il a tirées sur ces sujets ne peuvent être remises en question.

IV.             Analyse

La promesse du brevet 114

[11]           Le principal moyen qu’invoque l’appelante pour attaquer la décision du juge au sujet du brevet 114 est puisé dans la promesse dudit brevet : l’appelante soutient que le juge a commis une erreur en tirant plusieurs conclusions incompatibles et, au final, incorrectes, assimilables à des erreurs de droit relatives à l’interprétation de la promesse du brevet 114.

[12]           Plus précisément, l’appelante soutient que le juge a commis une erreur de droit en retenant le témoignage du Dr. Domagala en raison de l’expérience de ce dernier en matière de brevets, et en lui attribuant le statut d’expert en droit des brevets. À l’appui de cette thèse, l’appelante relève des sujets à propos desquels le juge a préféré le témoignage du Dr. Domagala, et écarté celui du témoin expert de l’appelante, Dr Hoban, en raison de l’inexpérience relative de ce dernier (motifs du juge, aux paragraphes 61 et 66).

[13]           Cette thèse n’est pas fondée. En effet, il est loisible à un juge de préférer le témoignage d’un expert à celui d’un autre pour divers motifs. En l’espèce, il ressort de la lecture attentive des motifs du juge que c’est également en raison de l’expérience du Dr. Domagala dans le domaine des quinolones qu’il a dit préférer le témoignage de cet expert (motifs du juge aux paragraphes 48 et 66). En outre, le juge a expliqué qu’il a préféré la preuve d’expert présentée par les intimées au sujet du brevet 114 parce que « les éléments de preuve distincts et la preuve globale […] par une plus grande cohérence interne et externe » (motifs du juge au paragraphe 31). Dans ces circonstances, le fait que le juge ait préféré un expert à un autre ne saurait donc constituer une erreur justifiant l’infirmation du jugement.

[14]           L’appelante soutient également qu’il ressort du paragraphe 71 des motifs du juge qu’il a non seulement commis une erreur dans l’interprétation de la promesse du brevet, mais qu’il a mal compris le droit lorsqu’il a observé :

[71] La plupart des observations de Cobalt sur la question de l’utilité reposent sur une interprétation erronée de la promesse. Comme je l’ai déjà indiqué, je rejette l’interprétation que fait Cobalt de la promesse. Si tant est que le brevet fasse une quelconque promesse, celleci se limite à une activité in vitro de l’ensemble de la classe contre un large spectre de bactéries. Par conséquent, selon Plavix [Apotex c. Sanofi‑Aventis, 2013 CAF 186, 230 ACWS (3d) 851] la question est de savoir si le brevet a la moindre parcelle d’utilité. [Je souligne].

[15]           Cette thèse doit aussi être rejetée. Correctement interprétés et pris dans leur ensemble, il ressort des motifs du juge que l’observation reproduite ci‑dessus concernant le critère de la moindre parcelle d’utilité ne reflète pas sa conclusion quant à l’utilité promise du brevet, ni ce qu’il a considéré pour tirer sa conclusion de prédiction valable.

[16]           Devant la Cour, les deux parties ont soutenu que les revendications en cause promettaient une certaine utilité, mais il y avait controverse entre elles sur la teneur de cette promesse. Au final, le juge a retenu le témoignage d’expert des intimées au sujet de l’utilité promise par les revendications 8 et 13, présenté par le Dr. Domagala, selon lequel la personne versée dans l’art comprendrait que la promesse du brevet 114 se limitait à ceci : [traduction« les nouvelles quinolones ont une puissante activité antibactérienne in vitro contre un large spectre de bactéries, en particulier contre les bactéries Gram positif » (motifs du juge au paragraphe 66). Le juge a ensuite interprété la promesse à la lumière de ce témoignage d’expert, ce qu’il lui était loisible de faire, et il a expressément rejeté l’analyse qu’a faite l’appelante de l’utilité promise (motifs du juge aux paragraphes 69 et 71). Il en ressort que le juge a correctement appliqué les règles de droit en matière d’utilité.

[17]           Dans la même optique, l’appelante relève diverses observations faites par le juge au sujet de la promesse du brevet 114 pour tenter de soutenir que celui‑ci a commis une erreur en donnant plusieurs interprétations contradictoires quant à l’utilité des revendications en cause. Plus précisément, l’appelante attire l’attention de la Cour sur des formulations présentant des différences adoptées par le juge à cet égard (motifs du juge aux paragraphes 66, 71 et 87). Or, dans leur ensemble, ces légères différences se prêtent à une interprétation cohérente, et elles sont donc sans conséquence.

Utilité et prédiction valable

[18]           Le juge a conclu que les revendications 8 et 13 du brevet 114 contenaient une promesse d’utilité limitée. Cette conclusion a ensuite servi d’assise à son analyse relative à la question de savoir si cette utilité avait été valablement prédite. Étant donné qu’il avait été admis que l’utilité n’avait pas été démontrée, le juge s’est à juste titre penché sur le caractère valable de la prédiction (motifs du juge aux paragraphes 73 et 74).

[19]           Il n’est pas soutenu que le juge a mal exposé le droit. D’ailleurs, il a fondé son analyse sur le critère de la jurisprudence AZT selon laquelle le raisonnement relatif à l’utilité de l’invention doit reposer sur une base factuelle solide, complétée par une divulgation suffisante (motifs du juge au paragraphe 74). Le juge a résumé le résultat de son analyse de la façon suivante :

[102] M’appuyant sur les trois éléments de la règle de la prédiction valable, je conclus que les exigences d’un fondement factuel, d’un raisonnement clair et valable et d’une divulgation suffisante du point de vue de la personne versée dans l’art sont satisfaites.

[103] Le fondement factuel était le suivant :

         les données sur le CMI pour neuf échantillons représentatifs et les données obtenues avec la ciprofloxacine aux fins de comparaison;

         l’utilisation de la CMI était une méthode reconnue pour déterminer l’activité antibactérienne;

         le composé de l’exemple 15 était le plus puissant (supérieur à la ciprofloxacine contre certaines bactéries Gram positif). Le fait qu’il se soit finalement révélé toxique n’enlève rien à son utilité du point de vue du raisonnement;

         l’utilisation de données comparatives révèle une activité fiable et prévisible sans exiger que l’utilité soit supérieure à celle de la ciprofloxacine;

         d’après l’exemple 15 (l’exemple le plus près des revendications 8 et 13), il existait un fondement valable pour prédire que les composés visés par les revendications 8 et 13, dont la moxifloxacine, auraient une puissante activité antibactérienne contre un large spectre de bactéries;

         l’excellente activité du composé de l’exemple 15 amènerait la personne versée dans l’art à prédire que cette activité serait conservée lorsque le groupe méthoxy serait substitué en position 8 et que les énantiomères seuls, dont la moxifloxacine et son sel chlorhydrate, auraient une puissante activité antibactérienne en particulier contre les bactéries Gram positif;

         les connaissances générales courantes au sujet du groupe méthoxy en position 8 constituaient un fondement valable pour prédire que la substitution du fluor par un groupe méthoxy en position 8, illustrée dans l’exemple 15, mènerait à cette puissante activité antibactérienne.

[104] Comme l’opinion des experts l’a établi, le plus souvent, une bonne activité in vitro et une bonne activité in vivo vont de pair. L’efficacité des quinolones contre les bactéries était connue depuis longtemps (à tel point que Cobalt s’est appuyé sur cet historique d’utilité pour alléguer que le brevet était évident). L’utilité pouvait donc raisonnablement était [sic] déduite.

[105] Le fait que l’activité in vitro était bonne suffit. Aucune contestation n’avait pour objet l’activité in vivo, mais on ne peut en conclure à l’inutilité. Une activité in vivo laisse au moins croire à la possibilité d’un usage topique ou d’une utilisation comme agent de conservation.

[106] En résumé, je conclus ce qui suit :

         la prédiction avait un fondement valable;

         à la date de demande de brevet, les inventeurs avaient un raisonnement clair et valable qui permettait d’inférer du fondement factuel le résultat souhaité. Le fait que des essais supplémentaires ont été requis confirme une certaine incertitude. Si ce n’eut été le cas, ce n’eut point été une prédiction, mais bien une certitude et peut‑être une évidence;

         il y a eu divulgation suffisante vu la description détaillée du bicycle pyrrolidine fusionné, de sa synthèse et de la façon de le fixer à la molécule de quinolone.

[20]           Compte tenu de ce qui précède, plutôt que de remettre en question l’analyse juridique du juge, l’appelante a attaqué le fondement factuel de la conclusion relative à la prédiction valable. L’appelante s’appuie plus particulièrement sur le témoignage de son expert, qui s’appuyait notamment sur un tableau censé montrer les données d’essai dont il n’était pas fait mention dans le brevet, et elle a fait valoir que toutes les données omises concernaient des essais dans lesquels les composés n’avaient pas donné les résultats escomptés (affidavit d’Hoban, dossier d’appel, volume 2, onglet 6, à la page 441; recueil de l’appelante, onglet 15). L’appelante soutient pour l’essentiel que le fait d’avoir exclu du brevet ces données d’essai signifiant qu’il n’était pas possible de prédire valablement l’utilité de l’exemple 15 – et par conséquent de la moxifloxacine – et que le juge a commis une erreur manifeste et dominante en concluant autrement.

[21]           Toutefois, la question des « données omises » a aussi été débattue devant le juge et tranchée par celui‑ci (motifs du juge aux paragraphes 88, 90, 92‑99). Plus précisément, le juge a opéré une distinction entre les faits de la présente affaire et ceux de l’affaire Teva Canada Ltd. c. Pfizer Canada Inc., 2012 CSC 60, [2012] 3 R.C.S. 625, et il a conclu que rien ne permettait de conclure que certaines données d’essai avaient été exclues dans un but illicite (motifs du juge au paragraphe 92). Le juge a donc refusé d’inférer que ces lacunes découlaient de la mauvaise foi, et il a ajouté que l’inclusion de ces données n’aurait eu aucune incidence sur la conclusion que la personne versée dans l’art aurait tirée à partir du brevet 114 (motifs du juge au paragraphe 100). Ces conclusions s’appuient sur les éléments de preuve dont il disposait (contre‑interrogatoire de Zhanel, dossier d’appel, volume 13, onglet 15, à la page 3213, questions 232‑235; affidavit de Zhanel au sujet de la validité aux paragraphes 150 à 152, dossier d’appel volume 11, onglet 14; recueil des intimées, onglet 129). Je relève également que l’analyse du juge est conforme à la décision que notre Cour a rendue récemment à l’occasion de l’affaire Bell Helicopter Textron Canada Ltée c. Eurocopter, 2013 CAF 219, 449 N.R. 111, aux paragraphes 149 à 155, en ce qui concerne le caractère suffisant de la divulgation.

[22]           Ainsi, la conclusion du juge selon laquelle l’utilité du brevet 114 avait été valablement prédite se fondait sur un témoignage d’expert qu’il lui était loisible de retenir. Surtout, il a jugé que l’exemple 15 mentionné dans le brevet 114 pouvait constituer le fondement de la prédiction valable d’utilité des composés revendiqués dans les revendications 8 et 13, lequel, bien qu’il ne soit pas identique aux composés mentionnés dans ces revendications, a « une structure très similaire » (motifs du juge au paragraphe 78). Cette conclusion s’appuyait sur l’affidavit de Domagala (recueil des intimées, onglet 133, aux paragraphes 45 à 47). Le juge a également conclu que l’utilité de la moxifloxacine promise par les revendications 8 et 13 avait été démontrée, étant donné que l’on pouvait qualifier son activité de « puissante » (motifs du juge au paragraphe 87; affidavit de Zhanel au sujet de la validité, aux paragraphes 150‑152, recueil des intimées, onglet 129). Comme les intimées l’ont à juste titre fait remarquer, la définition de « puissante activité » figurait au dossier (affidavit de Zhanel au sujet de la validité, aux paragraphes 145, 148 et 149, recueil des intimées, onglet 129).

[23]           En résumé, je constate que l’appelante a essentiellement tenté de plaider sa cause à nouveau en invoquant les preuves qu’elle aurait souhaité que le juge préférât, dans l’espoir que notre Cour rejette les conclusions de fait tirées par le juge. Cela revient à inviter notre Cour à apprécier une nouvelle fois les éléments de preuve. Tel n’est pas notre mission, et ce volet de l’attaque de l’appelante ne saurait non plus être retenu.  

Évidence et essai allant de soi

[24]           Le juge a fait remarquer qu’au cours des plaidoiries l’appelante avait « largement abandonné » l’allégation d’évidence (motifs du juge au paragraphe 108), mais il a néanmoins procédé à l’examen de cette allégation en se fondant sur les observations écrites des parties. Les règles de droit applicables en matière d’évidence sont exposées dans l’arrêt Apotex Inc. c. Sanofi‑Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, [2008] 3 R.C.S. 265 [Sanofi]. Le juge expose ces règles aux paragraphes 110 à 113 de ses motifs.

[25]           Comme je l’ai déjà relevé, une conclusion sur l’évidence est une conclusion mixte de fait et de droit. Dans ses brèves observations présentées à la Cour, l’appelante n’attaque ni l’exposé du droit qu’a fait le juge ni le fait que le choix d’un bicycle de pyrrolidine fusionné en position C‑7 du noyau quinolone constituait une idée originale. L’appelante affirme plutôt que le juge a fait des déclarations contradictoires en ce qui concerne l’idée originale qui sous‑tend les revendications, et elle se réfère aux paragraphes 108 et 124 pour soutenir qu’une activité antibactérienne « puissante » a dû faire partie de l’idée originale.

[26]           Tout comme c’était le cas en ce qui concerne les éléments de preuve sur lesquels repose l’analyse relative à la prédiction valable, il faut qu’une erreur manifeste et dominante ait été commise pour justifier l’intervention de notre Cour en ce qui concerne la question de l’évidence.

[27]           Il est significatif que l’appelante n’ait pas présenté d’élément de preuve sur ce point en première instance. En dernière analyse, le juge a dans l’ensemble préféré le témoignage d’expert des intimées (motifs du juge au paragraphe 31) et, sur ce point particulier, cette conclusion suppose qu’il a retenu le témoignage du Dr. Domagala selon lequel l’idée originale n’était pas évidente et n’allait pas de soi, compte tenu de l’état de la technique (affidavit confidentiel de Domagala au sujet de la validité, volume 1, dossier d’appel, volume 7, onglet 11, aux paragraphes 59 et 1497). Il était loisible au juge de tirer cette conclusion, et je conclus qu’il n’a commis aucune erreur manifeste et dominante qui justifierait l’intervention de notre Cour.

V.                Conclusion

[28]           Par les motifs qui précèdent, je suis d’avis de rejeter l’appel avec dépens.

« Richard Boivin »

j.c.a.

« Je suis d’accord

      Eleanor R. Dawson, j.c.a. »

« Je suis d’accord

      Wyman W. Webb, j.c.a. »

Traduction


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

A‑286‑14

 

INTITULÉ :

ACTAVIS PHARMA COMPANY c. ALCON CANADA INC., ALCON PHARMACEUTICALS, LTD. et BAYER INTELLECTUAL PROPERTY GmbH

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 MAI 2015

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE BOIVIN

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE WEBB

DATE DES MOTIFS :

LE 16 SEPTEMBRE 2015

COMPARUTIONS :

Douglas N. Deeth

Heather E.A. Watts

POUR L’APPELANTE

ACTAVIS PHARMA COMPANY

Peter Wilcox

Marian Wolanski

Frederic Lussier

POUR LES intimées

ALCON CANADA INC., ALCON PHARMACEUTICALS, LTD. et BAYER INTELLECTUAL PROPERTY gMBH

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

DEETH WILLIAM WALL LLP

Toronto (Ontario)

pour l’appelante

ACTAVIS PHARMA COMPANY

BELMORE NEIDRAUER LLP

Toronto (Ontario)

pour les intimées

ALCON CANADA INC., ALCON PHARMACEUTICALS, LTD. et BAYER INTELLECTUAL PROPERTY GMBH

 

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