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Date : 20150917


Dossier : A‑356‑14

Référence : 2015 CAF 198

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

 

ENTRE :

STEVEN LOVE

appelant

et

COMMISSARIAT À LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE DU CANADA

intimé

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 8 septembre 2015

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 17 septembre 2015

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GLEASON

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE RENNIE

 


Date : 20150917


Dossier : A‑356‑14

Référence : 2015 CAF 198

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

 

ENTRE :

STEVEN LOVE

appelant

et

COMMISSARIAT À LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE DU CANADA

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE GLEASON

[1]               L’appelant, Steven Love, demande que soit infirmé le jugement de la Cour fédérale du 2 juillet 2014 (rendu par le juge Russell), dans lequel la Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire que M. Love a présentée à l’encontre de la décision rendue le 21 août 2013 par la Commission canadienne des droits de la personne [la Commission ou la CCDP]. La Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire aux termes de l’alinéa 41(1)d) de la Loi canadienne sur les droits de la personne L.R.C., 1985, ch. H‑6 [LCDP], et a rejeté la plainte relative aux droits de la personne de M. Love au motif qu’elle était frivole, car ce dernier n’a pas démontré un fondement raisonnable pour ses allégations de discrimination.

[2]               Pour les motifs suivants, je rejetterais le présent appel avec dépens fixés à 250 $.

I.                   Contexte

[3]               La plainte que M. Love a déposée à la Commission concernait ses communications avec le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada [CPVP]. M. Love a déposé de nombreuses plaintes au CPVP aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. 1985, ch. P‑21, qui étaient toutes liées à ses interactions avec Citoyenneté et Immigration Canada [CIC]. Ces interactions ont eu lieu dans le cadre d’une demande de parrainage d’un partenaire conjugal dans laquelle M. Love a tenté de parrainer son conjoint de fait pour qu’il immigre au Canada en tant que résident permanent. Dans sa plainte déposée à la Commission, M. Love a allégué que le CPVP ne s’est pas prononcé sur certaines de ses plaintes et qu’il a fait preuve de discrimination en raison de son orientation sexuelle et de sa déficience.

[4]               M. Love n’a pas fourni de détails concernant les actes discriminatoires allégués dans sa plainte en matière de droits de la personne, à l’exception d’un commentaire désobligeant qu’aurait fait un enquêteur du CPVP à qui la plainte avait initialement été assignée. M. Love allègue que cette personne avait désigné le partenaire de même sexe de M. Love comme son « je‑ne‑sais‑trop‑quoi ». (Le dossier de M. Love a été transféré à d’autres employés du CPVP aux fins d’enquête après que M. Love se fut plaint de ce commentaire désobligeant.)

[5]               À la suite de la réception de la plainte en matière de droits de la personne contre le CPVP, la Commission a écrit à M. Love et au CPVP qu’elle envisageait de rejeter la plainte sur le fondement de l’alinéa 41(1)d) de la LCDP. Le libellé de cette disposition confère à la Commission un pouvoir discrétionnaire en vertu duquel elle peut rejeter une plainte si elle semble « frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise foi ».

[6]               Dans sa lettre à l’intention des parties, la Commission a indiqué qu’il semblait que la plainte de M. Love était susceptible d’être rejetée au motif qu’elle était frivole. La Commission a énoncé les critères pour évaluer la frivolité, notamment, en indiquant qu’une plainte non frivole doit porter sur une conduite qui est visée par les règlements pris en vertu de la LCDP, comme le refus d’un service, et qu’une telle conduite doit détenir un lien clair avec un des motifs de discrimination illicite décrits dans la LCDP. La Commission a expliqué que, pour éviter un rejet sommaire sur le fondement de l’alinéa 41(1)d) de la LCDP, un plaignant ne doit pas simplement affirmer qu’en raison de l’un des motifs illicites on lui a refusé un service, il doit aussi fournir des explications qui lui permettent d’alléguer qu’il y a des liens avec la conduite contestée et l’un des motifs illicites. La Commission a invité M. Love et le CPVP à faire des observations sur ces points.

[7]               M. Love a déposé des observations en réponse à la lettre de la Commission, mais en ce qui concerne les autres détails de la discrimination alléguée, il a seulement affirmé que le CPVP n’a pas traité ses plaintes de manière appropriée et que ses préoccupations en matière de protection de la vie privée découlaient de l’usage abusif par CIC, selon ce qu’alléguait M. Love, de ses renseignements médicaux personnels liés à sa déficience. À l’exception du commentaire désobligeant formulé par l’enquêteur du CPVP à qui le dossier a été assigné en premier, M. Love n’a pas fourni de détails pour étayer son allégation que le CPVP n’a pas traité ses plaintes adéquatement en raison de sa déficience ou de son orientation sexuelle.

[8]               À la suite de la réception des observations des parties, l’enquêteure de la CPVP a préparé un rapport dans lequel elle a recommandé le rejet de la plainte de M. Love sur le fondement de l’alinéa 41(1)d) de la LCDP. Dans ce rapport, l’enquêteure a reconnu que le CPVP avait peut‑être refusé d’offrir un service à M. Love, mais elle a conclu que ce dernier n’avait pas fait la preuve que ce refus était fondé sur sa déficience ou son orientation sexuelle. L’enquêteure a déterminé que le commentaire désobligeant n’était pas pertinent dans cette affaire, car l’employé du CPVP qui aurait fait ce commentaire a été dessaisi du dossier tôt dans le cadre du processus d’enquête et il n’a pas joué de rôle dans le traitement final des plaintes de M. Love. En raison de l’absence de lien, l’enquêteure a recommandé que la plainte de M. Love contre le CPVP soit rejetée. En faisant cette recommandation, l’enquêteure a cité la jurisprudence pertinente, dont une partie est examinée ci‑dessous.

[9]               L’enquêteure a transmis son rapport à M. Love et au CPVP, et leur a accordé la possibilité de présenter des observations aux fins d’examen par la Commission. Les parties l’ont fait, mais M. Love a encore une fois omis de fournir des détails concernant tout lien entre le traitement de ses plaintes par le CPVP et un motif de distinction illicite prévu à la LCDP.

[10]           Dans une courte lettre de décision, la Commission a déterminé qu’elle exercerait le pouvoir discrétionnaire qui lui était conféré aux termes du paragraphe 41(1)d) de la LCDP et qu’elle refuserait de statuer sur la plainte de M. Love envers le CPVP. Dans de telles circonstances, le rapport d’enquête qui a été remis à la Commission est réputé constituer les motifs à l’appui de la décision de la Commission : Sketchley c Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, [2006] 3 RCF 392, au paragraphe 37; Herbert c Canada (Procureur général), 2008 CF 969, 169 ACWS (3d) 393, au paragraphe 26; D’Angelo c Canada (Procureur général), 2014 CF 1160, au paragraphe 24.

[11]           Dans une décision très exhaustive, la Cour fédérale a examiné chacun des arguments soulevés par M. Love et a conclu que sa demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission devrait être rejetée. Plus précisément, la Cour a conclu que la norme de contrôle applicable à la décision de la Commission est celle de la raisonnabilité et a indiqué que la décision de la Commission était raisonnable, car M. Love n’a étayé par aucun fait son allégation selon laquelle le CPVP lui avait refusé des services en raison de son orientation sexuelle ou de sa déficience. En réponse à plusieurs arguments présentés par M. Love, la Cour a également indiqué, par l’entremise de commentaires non essentiels à sa décision, que M. Love semblait vouloir contester la teneur des décisions prises par le CPVP ou son défaut allégué d’agir. La Cour fédérale a expliqué que de telles questions pouvaient faire l’objet d’un contrôle aux termes de l’article 18.1 de la Loi sur les cours fédérales, LRC, 1985, ch. F7 [la LCF], mais pas par l’entremise d’une plainte en matière de droits de la personne. La Cour fédérale a aussi examiné et rejeté l’allégation de partialité de l’enquêteure faite par M. Love, concluant qu’il n’y avait pas de preuve pour étayer cette allégation.

II.                Questions en litige

[12]           M. Love soutient, qu’en arrivant aux conclusions exposées ci‑dessus, la Cour fédérale a commis plusieurs erreurs susceptibles de contrôle qui justifieraient toutes l’intervention de la Cour. Plus précisément, il soutient que la Cour fédérale :

         a commis une erreur de droit en indiquant que sa plainte en matière de droits de la personne était inusitée en ce qu’elle a été faite à l’encontre d’un autre décideur administratif;

         a commis une erreur de droit en affirmant qu’il aurait pu présenter une demande aux termes de l’article 18.1 de la LCF pour contraindre le CPVP à agir dans le cas où il aurait omis de traiter ses plaintes;

         a commis une erreur de droit en excluant l’affidavit qu’il avait voulu produire dans son dossier de preuve;

         a commis une erreur de droit en concluant que l’enquêteure de la Commission était impartiale, car elle avait fait enquête dans le cadre d’une autre plainte en matière de droits de la personne que M. Love avait déposée contre CIC;

         a commis une erreur de fait en concluant que le CPVP avait traité toutes ses plaintes, alors qu’il n’en avait traité qu’une seule;

         a commis une erreur de fait en indiquant qu’il tentait d’attaquer la décision du CPVP;

         a commis une erreur de fait en concluant que la seule explication concernant le lien allégué entre le refus de service de la part du CPVP et le motif illicite de distinction était le commentaire désobligeant soulevé par M. Love. Il soutient que sa plainte contenait suffisamment d’informations, car sa plainte en matière de droits de la personne concernait ses renseignements médicaux personnels liés à sa déficience;

         a commis une erreur en décidant que la décision de la Commission était raisonnable;

         a violé ses droits à l’équité procédurale en omettant d’aborder toutes les questions qu’il a soulevées et en tranchant une question qui n’avait pas été soulevée ou qui n’avait pas été débattue à l’audience, à savoir qu’il craignait que le défaut d’agir du CPVP ou le caractère déraisonnable de sa décision pouvait seulement être contesté par application de l’article 18.1 de la LCF.

[13]           La Cour constate que, dans bon nombre des arguments précédents, M. Love a mal compris la nature de la décision de la Cour fédérale. Les commentaires formulés par la Cour fédérale, qui portaient sur la nature inhabituelle de la plainte en matière de droits de la personne de M. Love (portée contre un autre tribunal) et la possibilité de présenter une demande aux termes de l’article 18.1 de la LCF pour contester le défaut d’agir du CPVP ou pour contester le bien‑fondé de sa décision (ou de ses décisions), étaient superflus et non essentiels aux fins de la prise de décision. Par conséquent, l’exactitude de ces énoncés n’est pas pertinente dans le présent appel.

[14]           De même, la question de savoir si la Commission et la Cour fédérale ont commis une erreur en indiquant que le CPVP avait traité toutes les plaintes déposées par M. Love sous le régime de la Loi sur la protection des renseignements personnels (plutôt qu’une seule) n’est pas pertinente en l’espèce, car l’enquêteure a convenu que la plainte de M. Love était fondée sur des motifs suffisants pour conclure que la CPVP avait refusé de lui offrir un service. La Commission a par conséquent conclu que M. Love avait satisfait au premier critère d’une plainte non frivole en soulevant la conduite du CPVP qui est assujettie aux règlements pris en vertu de la LCDP. Sa plainte n’a pas été rejetée pour ce premier motif. Elle a plutôt été rejetée pour le second motif, c’est‑à‑dire le défaut de fournir des faits suffisamment pertinents pour étayer un lien possible entre le refus de services allégué et sa déficience ou son orientation sexuelle.

[15]           Par conséquent, les questions qui doivent être tranchées dans le cadre du présent appel sont les suivantes :

         La Cour fédérale a‑t‑elle commis une erreur susceptible de contrôle en excluant les affidavits additionnels que M. Love voulait présenter?

         La Cour fédérale a‑t‑elle commis une erreur en concluant que la décision de la Commission était raisonnable?

         La Cour fédérale a‑t‑elle commis une erreur en rejetant les allégations de partialité de M. Love?

         La Cour fédérale a‑t‑elle manqué à son obligation d’équité procédurale envers M. Love?

III.             Analyse

[16]           Il n’y a pas matière à intervenir dans le jugement de la Cour fédérale pour aucun des motifs précités.

A.                La décision de la Cour fédérale relative à la preuve

[17]           La Cour fédérale a affirmé que les affidavits des documents que M. Love a tenté de déposer n’avaient pas été présentés à la Commission lorsqu’elle a rendu sa décision. Par conséquent, ils ne sont pas admissibles dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire (au paragraphe 85). La Cour n’a pas commis d’erreur en tirant cette conclusion. Il est bien établi en droit, en général, qu’une demande de contrôle judiciaire doit être tranchée en fonction du dossier dont disposait le décideur administratif. Les exceptions reconnues à cette règle sont limitées et elles ne visent habituellement que trois types de preuve : des éléments de preuve généraux qui sont utiles à la Cour; des éléments de preuve qui sont liés au manquement à l’équité procédurale allégué à l’encontre du décideur qui n’apparaissent pas au dossier dont disposait le décideur; ou des éléments de preuve qui démontrent l’absence totale de preuve dont disposait le décideur administratif lorsqu’il a tiré la conclusion contestée : Association des universités et collèges du Canada c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22, 428 N.R. 297, aux paragraphes 18 à 20; International Relief Fund for the Afflicted and Needy (Canada) c. Canada (Revenu national), 2013 CAF 178, 2013 D.T.C. 5161, au paragraphe 10.

[18]           En l’espèce, M. Love n’a pas établi que les éléments de preuve exclus sont visés par ces trois exceptions et la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur en les excluant. Quoi qu’il en soit, ce point est théorique, car la Cour fédérale a affirmé que, si ces éléments de preuve avaient été admissibles, ils n’étaient pas pertinents et n’auraient pas eu d’incidence sur sa décision.

B.                 L’évaluation du caractère raisonnable de la décision de la Commission par la Cour fédérale

[19]           Lorsqu’elle évalue la décision de la Cour fédérale portant que la décision de la Commission était raisonnable, la Cour doit se mettre à la place de la Cour fédérale, et déterminer si cette dernière a choisi la norme de contrôle appropriée et si elle a appliqué cette norme correctement : Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559, aux paragraphes 45 à 47.

[20]           Il est de droit constant que la norme de contrôle de la décision raisonnable s’applique aux décisions de ce type prises aux termes de l’alinéa 41(1)d) de la LCDP : Bergeron c Canada (Procureur général), 2015 CAF, 255 A.C.W.S. (3d) (Bergeron), aux paragraphes 41 à 45; Hagos c Canada (Procureur général), 2015 CAF 83, aux paragraphes 7 à 11. Par conséquent, la Cour fédérale a choisi la norme de contrôle appropriée pour la décision de la Commission.

[21]           Je suis aussi d’avis que la Cour fédérale a appliqué la norme de contrôle de la décision raisonnable de manière appropriée et il n’y a donc pas lieu d’intervenir.

[22]           Comme M. Love le signale à juste titre, le contrôle du caractère raisonnable oblige la cour de révision à évaluer si une décision est justifiée, transparente et intelligible, et si la décision prise appartient aux issues possibles raisonnables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick [2008] 1 R.C.S. 190, 2008 CSC 9, au paragraphe 47. Pour ce faire, il faut procéder à l’évaluation des motifs du décideur administratif (s’il motive sa décision) et du résultat auquel il est parvenu.

[23]           En l’espèce, en rejetant la plainte de M. Love, la Commission a appliqué des principes de droits de la personne bien établis selon lesquels la plainte peut être rejetée pour des motifs de frivolité aux termes du paragraphe 41(1)d) de la LCDP, si l’allégation de discrimination n’a pas un fondement raisonnable ou une apparence de fondement. Cet examen est similaire à celui effectué par une cour dans le cadre d’une requête en radiation d’un acte de procédure et il consiste à tenir pour acquis que les faits allégués par le demandeur sont vrais et à ne déclarer la plainte irrecevable que dans les cas les plus évidents : Société canadienne des postes c. Commission canadienne des droits de la personne (1997), 130 F.T.R. 241, 71 A.C.W.S. (3d) 935 (C.F.1re inst.), aux paragraphes 4‑5, conf. par 1999, 245 N.R. 397, (C.A.), Alliance de la fonction publique du Canada c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 174, au paragraphe 33. Ces principes sont exposés dans le rapport de l’enquêteure en l’espèce, et, par conséquent, il est raisonnable que la Commission ait adopté les principes qui y étaient exposés.

[24]           La jurisprudence reconnaît aussi qu’en évaluant si une plainte est frivole, la Commission peut vérifier l’absence d’un lien allégué entre la conduite contestée et le motif de discrimination prévu par la LCDP. Plus précisément, si un plaignant ne parvient pas à établir un lien entre la conduite reprochée et un motif illicite de discrimination, ou autrement dit, s’il n’arrive pas à expliquer pourquoi le traitement défavorable était lié à l’un des motifs illicites prévus par la LCDP, la Commission peut conclure raisonnablement qu’il est clair et évident que la plainte ne pouvait être accueillie, comme il a été récemment souligné par notre Cour dans l’arrêt McIlvenna c La banque de Nouvelle‑Écosse, 2014 CAF 203, 466 N.R. 195, au paragraphe 14. (Voir aussi les jugements suivants qui vont dans le même sens : Canada (Procureur général) c. Première Nation des Mohawks de la Baie de Quinte, 2012 CF 105, 404 F.T.R. 173, au paragraphe 41, et Hartjes c Canada (Procureur général), 2008 CF 830, 334 F.T.R. 277, au paragraphe 15.)

[25]           À la lumière de ces principes, il était raisonnable que la Commission demande à M. Love de fournir plus de détails pour établir l’existence d’un lien entre le traitement inadéquat par la CPVP de ses plaintes déposées sous le régime de la Loi sur la protection des renseignements personnels et son orientation sexuelle ou sa déficience.

[26]           À mon avis, la conclusion de la Commission selon laquelle M. Love a omis de présenter des faits importants pour étayer un tel lien est raisonnable. À cet égard, comme je l’ai mentionné ci‑dessus, la seule preuve portait sur un commentaire désobligeant fait par un enquêteur du CPVP au début de l’enquête, mais il ne peut être considéré comme étant un acte discriminatoire commis par le CPVP. Je répète, comme je l’ai mentionné ci‑dessus, que l’enquêteur du CPVP qui a fait ce commentaire a été immédiatement dessaisi du dossier et n’a joué aucun rôle par rapport au refus de services allégué. Mis à part cet événement, M. Love n’a mis de l’avant que des affirmations et conclusions générales à l’appui de son allégation et il a omis de présenter des faits importants pour démontrer qu’il avait subi un traitement défavorable de la part du CPVP en raison de son orientation sexuelle ou de sa déficience. En raison de l’absence de faits importants présentés par M. Love pour étayer son allégation de discrimination, il est raisonnable que la Commission ait conclu que M. Love n’avait pas démontré que sa plainte n’était pas frivole. Par conséquent, je suis d’accord avec l’évaluation du caractère raisonnable de la décision de la Commission réalisée par la Cour fédérale.

C.                 L’évaluation de l’allégation de partialité réalisée par la Cour fédérale

[27]           M. Love soutient que l’enquêteure de la Commission a fait preuve de partialité en raison du rôle qu’elle a joué dans le traitement de la plainte que M. Love a déposée à la Commission contre CIC. La Cour ne dispose d’aucun élément de preuve pour étayer ces allégations et elles doivent donc être rejetées. Quoi qu’il en soit, M. Love a omis de porter cette question à l’attention de l’enquêteure de la Commission. Cette omission fait obstacle à toute allégation de partialité. Il est bien établi en droit que des allégations de cette nature doivent être présentées au décideur administratif et ne peuvent être présentées pour une première fois dans le cadre d’un contrôle judiciaire : Canada (Commission des droits de la personne) c. Taylor, [1990] 3 RCS 892, aux pages 942 et 943, et, de façon plus générale, les jugements cités par Donald J.M. Brown et John M. Evans dans l’ouvrage Judicial Review of Administrative Action in Canada (feuilles mobiles) (Toronto, Carswell, août 2015), au paragraphe 11:5500.

[28]           Par conséquent, la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle en rejetant les allégations de partialité de M. Love.

D.                Le droit à l’équité procédurale de M. Love

[29]           Enfin, rien dans la preuve n’établit que la Cour fédérale a manqué à son obligation d’équité procédurale à l’égard de M. Love.

[30]           Nous ne sommes saisis d’aucun élément de preuve à l’appui de l’allégation de M. Love portant que le juge Russell n’a pas soulevé la possibilité de prendre une mesure prévue à l’article 18.1 de la LCF au cours de l’audience. De plus, même s’il ne l’a pas soulevé, le fait de ne pas aborder cette question ne constituerait pas un manquement à l’équité procédurale, car la décision de la Cour fédérale ne repose pas sur ces commentaires. Comme je l’ai expliqué ci‑dessus, la Cour fédérale a formulé des commentaires superflus pour tenter d’expliquer à M. Love, qui agissait pour son propre compte, les raisons pour lesquelles sa demande de contrôle judiciaire était dénuée de fondement.

[31]           L’allégation de M. Love selon laquelle la Cour fédérale a omis d’aborder la totalité de ses arguments est également dénuée de fondement. La preuve au dossier démontre que tous ses arguments ont été examinés de manière approfondie par la Cour fédérale dans la décision qu’elle a rendue.

IV.             Dispositif proposé

[32]           Je rejetterais donc le présent appel.

[33]           L’intimé sollicite à tout le moins l’adjudication de dépens symboliques, bien qu’il n’en ait pas fait la demande devant la Cour fédérale. Il invoque l’absence de fondement du présent appel et le fait que toutes les préoccupations de M. Love avaient été traitées de manière appropriée et approfondie par la Cour fédérale. Étant donné que M. Love a agi pour son propre compte, l’intimé propose que les dépens adjugés soient de l’ordre de 250 $, un montant essentiellement symbolique en raison de l’absence totale de fondement du présent appel.

[34]           Je conviens que l’adjudication de dépens de cet ordre serait appropriée pour les motifs invoqués par l’intimé. Par conséquent, j’établis les dépens à 250 $, tout compris.

« Mary J.L. Gleason »

j.c.a

« Je suis d’accord.

David Stratas, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Donald J. Rennie, j.c.a »

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

A‑356‑14

 

INTITULÉ :

STEVEN LOVE c COMMISSARIAT À LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 8 SEPTEMBRE 2015

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE GLEASON

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE RENNIE

DATE DES MOTIFS :

LE 17 SEPTEMBRE 2015

COMPARUTIONS :

Steven Love

POUR L’APPELANT

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Regan Morris

POUR L’INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

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