Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20151106


Dossiers : A-302-14

A-303-14

Référence : 2015 CAF 249

CORAM :

LE JUGE EN CHEF NOËL

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE RENNIE

 

 

Dossier : A-302-14

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

SANDOZ CANADA INC.

intimée

Dossier : A-303-14

ET ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

RATIOPHARM INC. (MAINTENANT TEVA CANADA LIMITÉE)

intimée

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 22 septembre 2015.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 6 novembre 2015.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE EN CHEF NOËL

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE RENNIE

 


Date : 20151106

Dossiers : A-302-14

A-303-14

Référence : 2015 CAF 249

CORAM :

LE JUGE EN CHEF NOËL

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE RENNIE

 

 

Dossier : A-302-14

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

SANDOZ CANADA INC.

intimée

Dossier : A-303-14

ET ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

RATIOPHARM INC. (MAINTENANT TEVA CANADA LIMITÉE)

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE EN CHEF NOËL

[1]               La Cour est saisie d'appels interjetés par le procureur général du Canada (le procureur général ou l'appelant) à l'encontre de deux jugements rendus par le juge O'Reilly (le juge de la Cour fédérale). Le premier jugement (2014 CF 501) a accueilli la demande de contrôle judiciaire d'une décision (CEPMB‑10‑D2‑SANDOZ, ou CEPMB Sandoz) du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés (le Conseil), demande présentée par la société Sandoz Canada Inc. (Sandoz). Le deuxième jugement (2014 CF 502) a accueilli trois demandes de contrôle judiciaire de deux décisions du Conseil (CEPMB‑08‑D3‑ratio‑Salbutamol HFA et CEPMB‑08‑D3‑ratiopharm ou, respectivement, CEPMB Ratio HFA et CEPMB Ratiopharm), et d'une ordonnance du Conseil visant à donner effet à la première de ces décisions, demandes présentées par ratiopharm Inc. (Ratiopharm).

[2]               Les deux appels ont été entendus ensemble. La question centrale dans les deux cas consistait à savoir si le juge de la Cour fédérale a eu raison de conclure que les sociétés Sandoz et Ratiopharm (collectivement, les intimées) ne relevaient pas de la compétence du Conseil parce qu'elles n'étaient pas visées par la définition du terme « breveté » ou « titulaire d'un brevet » au paragraphe 79(1) de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4, avec ses modifications (la Loi). Le procureur général maintient qu'en tirant cette conclusion, le juge de la Cour fédérale n'a pas fait preuve de suffisamment de déférence à l'égard des motifs détaillés dont le Conseil a fait état pour conclure que les intimées étaient visées par cette définition.

[3]               Pour les motifs qui suivent, j'accueillerais les deux appels.

[4]               Les dispositions pertinentes de la Loi et du Règlement sur les médicaments brevetés, DORS/94‑688 (le Règlement), sont reproduites à l'annexe I des présents motifs.

LE CONTEXTE

[5]               Au moment où ces procédures ont pris naissance, Ratiopharm et Sandoz vendaient toutes deux divers médicaments au Canada.

[6]               Parmi les médicaments vendus par Ratiopharm se trouvait un antiasthmatique appelé ratio‑salbutamol HFA (Ratio HFA). Ce médicament était l'équivalent générique du médicament de marque Ventolin HFA, un médicament breveté fabriqué et vendu au Canada par GlaxoSmithKline (GSK). Aux termes d'une série de contrats d'approvisionnement et de licence entre ces deux parties sans lien de dépendance, GSK vendait le Ratio HFA, étiqueté et dans son emballage final, à Ratiopharm. Ratiopharm avait le droit exclusif de fixer le prix du Ratio HFA et de le vendre au Canada sans aucun droit d'accorder des sous-licences. GSK restait propriétaire du brevet ainsi que des droits de propriété intellectuelle.

[7]               Lorsque Ratiopharm a demandé un avis de conformité (AC) pour vendre le Ratio HFA, elle a inscrit le brevet de GSK sur les formulaires qu'elle a présentés à Santé Canada conformément au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133 (le Règlement AC), mais a indiqué que le titulaire du brevet avait consenti [TRADUCTION] « à la fabrication, à la construction, à l'exploitation ou à la vente du [Ratio HFA] au Canada ».

[8]               Outre le Ratio HFA, Ratiopharm vendait un large éventail de médicaments dont les droits de brevet étaient détenus par d'autres sociétés. Les droits de propriété des brevets n'ont été accordés à Ratiopharm dans aucun des accords aux termes desquels elle achetait ces médicaments. Dans chacun des cas, Ratiopharm détenait son propre avis de conformité obtenu de Santé Canada avec le consentement du titulaire du brevet en question.

[9]               La société Sandoz était et reste une filiale en propriété exclusive de Novartis Canada inc., qui est elle-même une filiale en propriété exclusive de Novartis Pharma AG, elle‑même détenue entièrement par Novartis AG (Novartis). Parmi les médicaments vendus au Canada par Sandoz se trouvaient un ensemble de médicaments visés par des brevets appartenant soit à Novartis, soit à une de ses filiales en propriété exclusive. Les propriétaires de ces brevets vendaient en général leur propre version de marque des médicaments en question. Ils ont aussi autorisé Sandoz à pénétrer le marché et à vendre une version générique des médicaments après que d'autres versions génériques avaient été offertes sur le marché; à cette fin, ils ont consenti à ce que Sandoz fasse référence à leurs médicaments pour l'obtention des AC requis. Tous les médicaments ont été achetés au moyen de bons de commande et il n'y a jamais eu de contrat de licence exprès liant Sandoz et les titulaires des brevets en question.

[10]           Le personnel du Conseil a lancé la procédure relative à Ratiopharm en juillet 2008. Dans un exposé des allégations, il a fait valoir que Ratiopharm vendait ou avait vendu son produit, le Ratio HFA, au Canada à des prix excessifs, au mépris des articles 83 et 85 de la Loi. Une semaine plus tard, il a déposé une demande visant à obtenir une ordonnance contraignant Ratiopharm à fournir au Conseil, conformément aux articles 80, 81 et 88 de la Loi, certains renseignements sur les ventes et les prix de 12 médicaments supplémentaires vendus par elle, ainsi qu'une ordonnance l'obligeant à fournir certains contrats d'approvisionnement relatifs à deux autres médicaments.

[11]           Les procédures relatives à la société Sandoz ont commencé en janvier 2010. La demande visait à obtenir une ordonnance obligeant Sandoz à fournir, conformément aux articles 80, 81 et 88 de la Loi, des renseignements sur les ventes et les prix de six médicaments vendus par cette société, demande qui allait par la suite être modifiée pour ne porter que sur cinq médicaments.

[12]           Dans les motifs de la décision CEPMB Ratio HFA prononcés le 27 mai 2011, le Conseil a confirmé les allégations de son personnel et a conclu que Ratiopharm avait vendu le Ratio HFA à des prix excessifs. Dans les motifs de la décision CEPMB Ratiopharm prononcés le 30 juin 2011, le Conseil a accueilli la demande d'ordonnance présentée par son personnel afin d'obtenir que Ratiopharm fournisse au Conseil certains renseignements relatifs à 14 médicaments vendus par cette société. Le 17 octobre 2011, le Conseil a donné effet aux motifs de sa décision CEPMB Ratio HFA et a ordonné à Ratiopharm de verser 65 898 842,76 $ pour rembourser les recettes excessives qu'elle avait tirées de la vente du Ratio HFA.

[13]           Dans les motifs de la décision CEPMB Sandoz prononcés le 1er août 2012, le Conseil a accueilli la demande d'ordonnance que son personnel avait présentée afin de contraindre Sandoz à fournir au Conseil certains renseignements au sujet de cinq médicaments vendus par cette société.

LES DÉCISIONS DU CONSEIL

[14]           Le juge de la Cour fédérale ne s'est penché que sur deux des décisions rendues précédemment par le Conseil; je vais donc limiter mon résumé des motifs du Conseil à ces deux décisions.

[15]           La première, c'est que les articles 79 à 103 de la Loi sont constitutionnels. La seconde, c'est qu'il n'est pas nécessaire qu'une personne soit titulaire du brevet d'un médicament précis pour être visée par la définition du mot « breveté » au paragraphe 79(1) de la Loi en ce qui concerne ce médicament. Dans chacune de ses trois décisions, le Conseil a conclu que l'intimée en question était visée par le mot « breveté » au sens du paragraphe 79(1), même si elle ne détenait pas les brevets du médicament ou des médicaments en question.

[16]           À propos de la question constitutionnelle, le Conseil a rejeté l'argument selon lequel les dispositions qui l'habilitent, dont la définition du terme « breveté » qui se trouve au paragraphe 79(1), outrepassent les compétences du Parlement. Pour parvenir à cette conclusion dans les décisions relatives à Ratiopharm, le Conseil s'est basé sur une série de décisions antérieures (motifs de la décision CEPMB Ratio HFA, aux paragraphes 13 et 14, citant l'arrêt ICN Pharmaceuticals, Inc. c. Canada (Personnel du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés), [1997] 1 C.F. 32 (C.A.F.) (ICN), approuvant Manitoba Society of Seniors Inc. c. Canada (Attorney General) (1991), 77 D.L.R. (4th) 485 (B.R. Man.), conf. par (1992), 96 D.L.R. (4th) 606 (C.A. Man.) (Manitoba Society), et la décision Teva Neuroscience G.P.‑S.E.N.C. c. Canada (Procureur général), 2009 CF 1155 (Teva Neuroscience). Le Conseil a adopté cette analyse sans la reproduire dans les motifs de la décision CEPMB Ratiopharm, au paragraphe 29).

[17]           Dans la décision CEPMB Sandoz, le Conseil a de nouveau affirmé la constitutionnalité de ces dispositions et a rejeté l'argument de Sandoz selon lequel les sociétés productrices de médicaments « génériques » ne relèvent pas de l'autorité législative du Parlement sur les brevets. Tout en reconnaissant que la plupart des sociétés productrices de médicaments peuvent être réparties en gros en sociétés de « médicaments de marque » ou de sociétés « fondées sur la recherche », qui dépendent beaucoup de la protection offerte par les brevets, et en sociétés de médicaments « génériques », dont ce n'est pas le cas, le Conseil a conclu que certaines sociétés chevauchent parfois ces catégories et que les généralisations n'aident pas à déterminer si une société précise relève de l'autorité législative du Parlement en ce qui concerne un brevet donné (motifs de la décision CEPMB Sandoz, aux paragraphes 19, 20 et 88).

[18]           Pour interpréter la portée des termes « breveté » et « titulaire d'un brevet » au sens du paragraphe 79(1) de la Loi, le Conseil a entrepris de lire les termes de la Loi « selon le contexte, dans leur acceptation [sic] logique courante en conformité avec l'esprit et l'objet de la loi et l'intention du législateur » (motifs de la décision CEPMB Ratio HFA, au paragraphe 35, citant l'arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27). Le Conseil a déterminé que les articles 79 à 103 de la Loi visent à protéger les consommateurs contre le prix déraisonnable des médicaments brevetés (motifs de la décision CEPMB Ratio HFA, au paragraphe 38, citant l'arrêt Celgene Corp. c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 1, [2011] 1 R.C.S. 3 (Celgene)). Il a de plus fait observer que le libellé du paragraphe 79(1) n'exige pas qu'une personne soit titulaire d'un brevet ou qu'elle soit autorisée à exercer « tous les droits sur un brevet » (motifs de la décision CEPMB Ratio HFA, au paragraphe 41). Le libellé du législateur est beaucoup plus vaste et vise « quiconque exerce les droits sur un brevet » (motifs de la décision CEPMB Ratio HFA, au paragraphe 41).

[19]           Après avoir procédé à cette analyse, le Conseil a conclu qu'en obtenant notamment le droit de vendre le Ratio HFA en vertu du contrat de licence avec GSK, Ratiopharm a été autorisée à exercer les droits d'un titulaire au sens du paragraphe 79(1) de la Loi (motifs de la décision CEPMB Ratio HFA, au paragraphe 42). Ayant conclu à l'existence de droits comparables en ce qui a trait aux 12 médicaments mentionnés dans la demande du personnel du Conseil du 15 juillet 2008, le Conseil a estimé que Ratiopharm était titulaire d'un brevet au sens du paragraphe 79(1) en ce qui concerne ces 12 médicaments (motifs de la décision CEPMB Ratiopharm, aux paragraphes 13, 14 et 26). Pour ce qui est des deux médicaments au sujet desquels le personnel du Conseil avait voulu obtenir d'autres documents, le Conseil s'est dit d'avis que la démonstration prima facie de sa compétence avait été faite, et que la demande de renseignements supplémentaires était justifiée (motifs de la décision CEPMB Ratiopharm, aux paragraphes 67 à 69).

[20]           Bien qu'aucune convention expresse n'ait lié Sandoz à Novartis ou à l'une ou l'autre de ses filiales titulaires de brevets, le Conseil a conclu que Sandoz vendait les médicaments en cause aux termes de ce qui équivalait à une série de licences implicites accordées par les titulaires des brevets en question. Plus précisément, Sandoz s'est vu accorder le droit de vendre ces médicaments sans craindre d'être poursuivie pour contrefaçon (motifs de la décision CEPMB Sandoz, aux paragraphes 48 et 49). Parce qu'elle possédait ce droit, Sandoz était une brevetée au sens du paragraphe 79(1) de la Loi pour ce qui est des médicaments en question (motifs de la décision CEPMB Sandoz, au paragraphe 52).

[21]           Le Conseil a également rejeté l'argument de Ratiopharm selon lequel le fait d'interpréter le paragraphe 79(1) de cette manière amène à englober les grossistes, les hôpitaux et les pharmacies. Selon le Conseil, le paragraphe 79(1) n'englobe que les personnes qui vendent aux catégories de consommateurs protégées par le Conseil, et les grossistes, les hôpitaux et les pharmacies n'entrent pas dans ces catégories (motifs de la décision CEPMB Ratiopharm, aux paragraphes 15 et 16).

LES DÉCISIONS DE LA COUR FÉDÉRALE

[22]           Ratiopharm a présenté des demandes de contrôle judiciaire des décisions rendues contre elle. Une ordonnance de la Cour fédérale a réuni ces demandes, qui ont fait l'objet d'un seul ensemble de motifs (les motifs du jugement Ratiopharm). La demande de contrôle judiciaire de Sandoz a fait l'objet de motifs distincts (les motifs du jugement Sandoz).

[23]           Des avis de questions constitutionnelles portant sur la validité des articles 79 à 103 de la Loi ont été signifiés avant la tenue de l'audience conformément à l'article 57 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, avec ses modifications.

[24]           Parce que les quatre demandes soulevaient la question préliminaire de savoir si Ratiopharm et Sandoz étaient visées par le terme « breveté » au sens du paragraphe 79(1) et, le cas échéant, si cette interprétation était constitutionnelle, les motifs se chevauchent largement, parfois mot pour mot. Puisque les motifs ont beaucoup en commun, ce qui suit est un résumé combiné tiré surtout des motifs du jugement Ratiopharm.

[25]           Le juge de la Cour fédérale a conclu que, pour contrôler l'interprétation et l'application par le Conseil du paragraphe 79(1) de la Loi, il était tenu d'appliquer la norme de la décision raisonnable, compte tenu de la connaissance qu'avait le Conseil de sa loi constitutive (motifs du jugement Ratiopharm, au paragraphe 10, citant l'arrêt Celgene, au paragraphe 34, et l'arrêt Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers' Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654 (Alberta Teachers), au paragraphe 34). Pour examiner la décision du Conseil en ce qui concerne la contestation constitutionnelle, il a appliqué la norme de la décision correcte (motifs du jugement Ratiopharm, au paragraphe 11).

[26]           Le juge de la Cour fédérale a conclu que l'interprétation donnée par le Conseil du mot « breveté » utilisé au paragraphe 79(1) de la Loi était déraisonnable. Parce que l'objectif de la Loi est de veiller à ce que les titulaires de brevets ne puissent tirer un avantage indu de leur monopole, le Conseil outrepasserait son rôle s'il devait étendre ses pouvoirs de contrôle des prix à ceux qui sont exigés par des personnes qui ne détiennent pas de brevet ni n'ont de monopole (motifs du jugement Ratiopharm, au paragraphe 15). Si le Conseil avait examiné le texte français du paragraphe 79(1), il aurait vu que la définition du terme « breveté » qui y est donnée est liée plus étroitement aux droits du titulaire du brevet que celle du texte anglais (motifs du jugement Ratiopharm, au paragraphe 25).

[27]           Le juge de la Cour fédérale s'est appuyé de plus sur le fait que la constitutionnalité des dispositions qui habilitent le Conseil repose sur la compétence exclusive du Parlement en matière de brevets (motifs du jugement Ratiopharm, au paragraphe 16, citant la décision Manitoba Society). Il a conclu, « sans aborder directement l'argument constitutionnel », que si la Loi était ambiguë, elle devrait être interprétée « conformément à la compétence fédérale en matière de brevets » (motifs du jugement Ratiopharm, au paragraphe 17). Il est possible d'en arriver à cette interprétation en excluant de la définition du terme « breveté » donnée au paragraphe 79(1) les personnes qui ne sont pas effectivement titulaires du brevet pertinent, c.‑à‑d. les sociétés qui fabriquent des médicaments génériques.

[28]           Analysant les limites du pouvoir du Parlement en ce qui concerne les brevets, le juge de la Cour fédérale a conclu qu'« on comprend généralement que la compétence fédérale en cette matière est [sic] se limite à la règlementation des prix des médicaments brevetés “départ usineˮ [...]. Les prix départ usine sont ceux que les titulaires de brevets [p. ex., GSK ou Novartis] exigent de leurs premiers acheteurs [p. ex., Ratiopharm ou Sandoz] » (motifs du jugement Ratiopharm, au paragraphe 18, citant la décision Pfizer Canada Inc. c. Canada (Procureur général), 2009 CF 719 (Pfizer), aux paragraphes 61 à 63).

[29]           Enfin, le juge de la Cour fédérale a ajouté un certain nombre d'observations pratiques au sujet de l'industrie pharmaceutique pour appuyer son opinion selon laquelle la définition du terme « titulaire d'un brevet » ne peut s'appliquer à un fabricant de médicaments génériques simplement parce qu'il vend une version d'un médicament breveté (motifs du jugement Ratiopharm, au paragraphe 20). Il a notamment fait les observations suivantes (motifs du jugement Ratiopharm, aux paragraphes 20 à 22) :

[...] Habituellement, un fabricant de médicaments génériques n'a pas droit au principal avantage que confère un brevet — un monopole pour fabriquer, utiliser ou vendre le produit breveté. Un fabricant de médicaments génériques ne peut habituellement pas exercer de droits se rattachant à un brevet détenu par une autre société. [...]

Règle générale, les fabricants de médicaments génériques contribuent à créer un marché concurrentiel ou s'y joignent, ce qui contribue à contenir les prix de médicaments brevetés. [...]

Si le terme « breveté » est interprété d'une façon si large qu'il en arrive à englober une société qui se trouve dans la position de Ratiopharm [ou de Sandoz], il est probable que très peu de fabricants de médicaments génériques ne se retrouveraient pas dans la même situation. La plupart des fabricants de médicaments génériques pénètrent le marché en comparant leurs produits aux médicaments qui sont protégés par des brevets détenus par d'autres sociétés. Dans cette mesure, ils jouissent indirectement des avantages conférés par les brevets et, en dernière analyse, peuvent être perçus comme ayant acquis des droits à leur égard. [...]

[30]           Après avoir déterminé qu'il n'était pas raisonnablement possible de donner du paragraphe 79(1) de la Loi une interprétation qui inclurait une partie qui n'est pas titulaire d'un brevet et n'a pas un monopole en ce qui concerne le médicament en question, le juge de la Cour fédérale a conclu que le Conseil avait commis une erreur en décidant que Ratiopharm et Sandoz étaient des « brevetées » en ce qui concerne les médicaments en cause.

[31]           Se penchant ensuite sur la question constitutionnelle, le juge de la Cour fédérale a rejeté l'argument selon lequel la décision Manitoba Society était dépassée en raison d'un ensemble subséquent de modifications apportées à la Loi. Ces modifications, qui donnent au Conseil le pouvoir d'examiner plus directement le prix des médicaments brevetés, n'ont pas modifié l'objectif de la Loi ni le mandat du Conseil, et relèvent, quand elles sont interprétées correctement, de la compétence fédérale en matière de brevets (motifs du jugement Ratiopharm, au paragraphe 30). Compte tenu de la réserve qu'il avait exprimée auparavant au sujet des sociétés de médicaments génériques, le juge de la Cour fédérale en est arrivé à conclure que le régime de contrôle des prix conçu par le Parlement est constitutionnel lorsqu'il s'applique à un médicament de marque, ou à un médicament vendu par le propriétaire, le « titulaire », du brevet afférent.

[32]           Le juge de la Cour fédérale a renvoyé les quatre affaires au Conseil en lui indiquant qu'il devait conclure que les intimées n'étaient pas des « brevetées ». Compte tenu de cette conclusion, le juge de la Cour fédérale ne s'est pas penché sur les autres questions, à savoir si les brevets en cause sont liés aux médicaments vendus par les intimées et si Ratiopharm avait vendu le Ratio HFA à des prix excessifs.

LES THÈSES DES PARTIES EN APPEL

[33]           Par souci de commodité, je vais renvoyer aux mémoires des faits et du droit qui ont trait à l'appel de Ratiopharm pour les thèses qui sont communes aux deux appels. Je ferai référence aux mémoires des faits et du droit relatifs à l'appel de Sandoz pour les points qui n'ont été soulevés qu'au cours de cet appel.

[34]           Le procureur général demande à notre Cour d'annuler chacun des jugements de la Cour fédérale et, si son appel est accueilli, de renvoyer à la Cour fédérale les questions que le juge de la Cour fédérale n'a pas examinées pour qu'une décision soit rendue.

[35]           Le procureur général allègue que, bien que le juge de la Cour fédérale ait identifié la bonne norme de contrôle pour évaluer l'interprétation par le Conseil du paragraphe 79(1) (c.‑à‑d. la norme du caractère raisonnable), il n'a pas fait preuve du niveau de déférence approprié. Bien que le juge de la Cour fédérale ait conclu que le paragraphe 79(1) ne pouvait pas raisonnablement viser les personnes qui ne sont pas propriétaires de brevets ni n'ont de monopole, les motifs pour lesquels le Conseil est arrivé à une conclusion différente avaient des bases solides dans le libellé et l'objectif des dispositions en question, ainsi que dans la jurisprudence qui les interprète.

[36]           À propos de l'objectif du législateur, notre Cour ainsi que la Cour suprême du Canada ont toutes deux confirmé que l'objectif des dispositions habilitant le Conseil est la protection des consommateurs (mémoire des faits et du droit du procureur général pour Ratiopharm, aux paragraphes 56 et 57, citant les arrêts ICN et Celgene). Cet objectif deviendrait inatteignable si les titulaires de brevets pouvaient empêcher ces dispositions de s'appliquer en insérant simplement un titulaire de licence, avec ou sans lien de dépendance, dans la chaîne d'approvisionnement entre eux-mêmes et le consommateur. L'interprétation et l'application du paragraphe 79(1) de la Loi par le Conseil réalisent cet objectif et sont raisonnables.

[37]           Pour ce qui est du sens ordinaire du libellé de la Loi, le paragraphe 79(1) donne une vaste définition du mot « breveté », définition qui ne dit rien sur la propriété des brevets. Dans les deux langues, cette disposition inclut explicitement des personnes autres que celle qui est propriétaire du brevet en question (mémoire des faits et du droit du procureur général pour Ratiopharm, au paragraphe 72). La prise en compte du contexte de la Loi renforce la portée de cette disposition, puisque le législateur aurait pu simplement s'appuyer sur la définition moins complète du terme « breveté » qui se trouve à l'article 2 de la Loi (mémoire des faits et du droit du procureur général pour Ratiopharm, au paragraphe 73).

[38]           Le libellé de la Loi n'exige pas non plus une preuve d'un monopole, ce qui a du sens, puisqu'un monopole de fait, bien qu'il soit pertinent pour le droit de la concurrence, ne l'est pas pour l'objectif de la Loi, qui consiste à limiter les effets négatifs qui découlent du monopole légal résultant de l'octroi d'un brevet (mémoire des faits et du droit du procureur général pour Ratiopharm, au paragraphe 67). Le fait que le Conseil soit mal placé pour évaluer la puissance commerciale d'une partie donnée renforce le point de vue selon lequel il était raisonnable pour lui d'estimer que l'existence d'un monopole réel n'était pas une condition préalable pour qu'il ait compétence (mémoire des faits et du droit du procureur général pour Ratiopharm, au paragraphe 71, citant notamment l'arrêt ICN).

[39]           Enfin, en ce qui a trait à la question des « prix départ usine », le procureur général fait valoir que ce terme ne vise pas nécessairement le prix demandé par les titulaires de brevets, mais plutôt le « prix courant » exigé de certains acheteurs pour le médicament (mémoire des faits et du droit du procureur général pour Ratiopharm, aux paragraphes 86 et 87). En tout état de cause, cette définition ne figure pas dans la Loi ou les règlements et n'apparaît que dans le Guide du breveté (le Guide) (mémoire des faits et du droit du procureur général pour Ratiopharm, au paragraphe 86).

[40]           Les intimées, pour leur part, souhaitent obtenir le rejet des appels, alléguant surtout que le juge de la Cour fédérale a conclu avec raison que l'interprétation du paragraphe 79(1) de la Loi et son application par le Conseil sont déraisonnables. Elles ont également repris la contestation constitutionnelle dont le Conseil avait été saisi.

[41]           Au sujet de la norme de contrôle, les intimées allèguent que le juge de la Cour fédérale a erré en droit lorsqu'il a estimé que la norme de contrôle applicable à l'interprétation du paragraphe 79(1) et à son application par le Conseil était celle de la décision raisonnable. Bien que le Conseil ait interprété sa loi constitutive, la présomption énoncée dans l'arrêt Alberta Teachers voulant qu'il faille faire preuve de déférence lors de l'examen de ce genre de décision peut être réfutée une fois pris en compte les facteurs de l'arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190 (Dunsmuir) (mémoire des faits et du droit de Ratiopharm, au paragraphe 52).

[42]           Les intimées allèguent à titre subsidiaire que, puisque le juge de la Cour fédérale a manifesté plus de déférence qu'il n'aurait dû et a conclu avec raison que l'interprétation donnée par le Conseil du paragraphe 79(1) est déraisonnable, le juge serait parvenu au même résultat s'il avait choisi la bonne norme, celle de la décision correcte (mémoire des faits et du droit de Ratiopharm, aux paragraphes 33 et 54).

[43]           En ce qui a trait à l'objectif légal, le Conseil a décrit son propre mandat légal comme étant la [TRADUCTION] « “protection du consommateurˮ en général » (mémoire des faits et du droit de Ratiopharm, au paragraphe 64). Cela était déraisonnable, cependant, puisqu'un long courant jurisprudentiel, allant des décisions du Conseil même à celles de la Cour suprême, confirme un objectif plus étroit, la prévention des [TRADUCTION] « abus du pouvoir monopolistique qui découle des droits de brevet » (mémoire des faits et du droit de Ratiopharm, au paragraphe 59, citant les décisions CEPMB‑06‑D1‑ADDERALL XR, Shire Biochem Inc. c. Canada (Procureur général), 2007 CF 1316, et Sanofi Pasteur Limited c. Canada (Procureur général), 2011 CF 859, ainsi que l'arrêt Celgene).

[44]           Une analyse textuelle étaye l'opinion selon laquelle l'interprétation que le Conseil a donnée du paragraphe 79(1) était déraisonnable. Premièrement, parce que le texte français (« les droits d'un titulaire ») est plus précis que le texte anglais (« any rights in relation to that patent »), le Conseil était tenu, selon la règle du sens commun, de limiter la définition à la plus étroite des deux (mémoire des faits et du droit de Ratiopharm, au paragraphe 71). Lorsqu'on examine la jurisprudence portant sur « les droits d'un titulaire », on se rend compte que le droit essentiel est celui d'empêcher les autres d'exploiter l'invention brevetée (mémoire des faits et du droit de Ratiopharm, aux paragraphes 74 à 76, citant le Black's Law Dictionary, 8e éd.). Il s'ensuit que seul le droit d'exclure a été envisagé.

[45]           Deuxièmement, le paragraphe 79(1) exige qu'un breveté ait le « droit » à l'avantage d'un brevet. Ni l'une ni l'autre des intimées, cependant, n'a le « droit » d'exercer des droits d'exclusion. Dans le cas de Ratiopharm, l'intimée avait tout au plus le droit d'exercer certains droits contractuels de vendre les médicaments en question. En confondant de simples droits contractuels avec les droits d'un titulaire de brevet, le Conseil est parvenu à une conclusion déraisonnable (mémoire des faits et du droit de Ratiopharm, au paragraphe 83). Dans le cas de Sandoz, bien que le Conseil ait conclu à tort à l'existence d'une licence implicite, l'intimée n'avait aucun droit du tout (mémoire des faits et du droit de Sandoz, au paragraphe 79).

[46]           Troisièmement, lorsqu'il est interprété conformément à la règle du sens original utilisée en interprétation des lois, on peut voir que le texte du paragraphe 79(1) exclut les fabricants de médicaments génériques. Plus précisément, sont exclues explicitement de la définition du mot « breveté » les personnes qui détiennent « une licence prorogée en vertu du paragraphe 11(1) de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets » (la LMLB). Le paragraphe 11(1) faisait explicitement référence aux dispositions sur les « licences obligatoires » de la Loi, telle que celle‑ci était rédigée avant le 4 février 1993. Lorsqu'elles existaient, les licences obligatoires n'étaient accordées qu'aux fabricants de médicaments génériques (mémoire des faits et du droit de Ratiopharm, au paragraphe 88). Bien qu'aucune licence de ce genre ne soit en cause en l'espèce, le renvoi au paragraphe 11(1) doit être considéré, une fois que son sens original est compris, comme une exclusion légale visant les fabricants de médicaments génériques (mémoire des faits et du droit de Ratiopharm, au paragraphe 90).

[47]           Laissant le sujet du texte du paragraphe 79(1), les intimées allèguent que plusieurs facteurs contextuels autorisent à penser que l'interprétation et l'application de cette disposition par le Conseil étaient déraisonnables. Premièrement, elles font valoir que les motifs pour lesquels le Conseil a conclu que le paragraphe 79(1) les visait étaient basés sur des interprétations erronées du droit des brevets, notamment de diverses dispositions de la Loi. Dans le cas de Ratiopharm, le Conseil a conclu à tort qu'elle aurait le droit d'intenter une action en justice en vertu du paragraphe 55(1) de la Loi (mémoire des faits et du droit de Ratiopharm, au paragraphe 117, citant l'arrêt Signalisation de Montréal Inc. c. Services de Béton Universels Ltée, [1993] 1 C.F. 341 (C.A.F.)).

[48]           Deuxièmement, les intimées allèguent que les débats législatifs qui ont mené à la promulgation des dispositions habilitant le Conseil montrent que le législateur avait clairement l'intention de cibler [TRADUCTION] « les sociétés pharmaceutiques titulaires de brevets » (mémoire des faits et du droit de Ratiopharm, au paragraphe 99).

[49]           Troisièmement, les intimées renvoient à la conduite du Conseil lui‑même, faisant observer que, pendant de nombreuses années, celui‑ci s'est publiquement dit d'avis, dans ses propres lignes directrices, qu'il n'avait pas compétence pour réglementer les médicaments génériques (mémoire des faits et du droit de Ratiopharm, au paragraphe 104, renvoyant au recueil d'appel public de Ratiopharm (RAPR), volume 1, onglet 18A).

[50]           Enfin, les intimées allèguent que le Conseil n'a pas examiné équitablement leurs contestations de la constitutionnalité d'une interprétation du paragraphe 79(1) qui étendrait la compétence du Conseil aux médicaments génériques. Le Conseil a simplement rejeté sommairement leurs arguments et n'a pas suivi la jurisprudence pertinente de notre Cour et de la Cour suprême (mémoire des faits et du droit de Ratiopharm, aux paragraphes 121 à 126, citant notamment l'arrêt Bernard c. Canada (Procureur général), 2014 CSC 13). La décision du Conseil ne peut par conséquent être confirmée.

[51]           Outre ces arguments communs aux deux intimées, celles‑ci en font valoir plusieurs autres séparément. Sandoz, pour sa part, allègue que le Conseil a erré lorsqu'il a conclu qu'elle possédait une licence implicite. Plus précisément, le Conseil a simplement affirmé, sans analyse, que les ventes en cause auraient constitué une contrefaçon des brevets (mémoire des faits et du droit de Sandoz, au paragraphe 85). Le Conseil a également tiré des conclusions qui ne sont pas étayées par le dossier, par exemple que Novartis [TRADUCTION] « donnait des directives » à Sandoz (mémoire des faits et du droit de Sandoz, au paragraphe 107).

[52]           Deux arguments n'ont été mis de l'avant que par Ratiopharm. Celle‑ci allègue, premièrement, que la Cour fédérale a confirmé, et que le Conseil reconnaît depuis longtemps, que sa compétence ne s'étend qu'aux prix « départ usine »; les lignes directrices du Conseil lui‑même définissent ce prix comme étant celui qui est établi pour « la première vente du médicament [...] par le fabricant aux distributeurs, grossistes, hôpitaux, pharmacies, etc. n'ayant avec lui “aucun lien de dépendanceˮ » (mémoire des faits et du droit de Ratiopharm, aux paragraphes 108 et 109, citant le Guide et la décision Pfizer, aux paragraphes 61 à 63). Cette définition ne peut raisonnablement s'appliquer à Ratiopharm. De plus, si elle s'appliquait à Ratiopharm, il n'y aurait pas de raison de principe pour qu'elle ne s'applique pas aux grossistes, aux détaillants et aux pharmacies auxquels, selon ce qu'affirme maintenant le procureur général, elle ne s'appliquerait pas (mémoire des faits et du droit de Ratiopharm, aux paragraphes 84 et 85, citant le mémoire des faits et du droit du procureur général pour Ratiopharm, au paragraphe 88).

[53]           Ratiopharm allègue que le caractère déraisonnable de la décision du Conseil selon laquelle elle est titulaire d'un brevet est illustré aussi par sa décision tout aussi déraisonnable de considérer que GSK, bien qu'elle soit propriétaire des brevets qui se rattachent au Ratio HFA, n'est pas une brevetée. Le traitement de GSK par le Conseil à propos du Ratio HFA est un exemple de la position du Conseil en ce qui concerne tous les produits en cause (mémoire des faits et du droit de Ratiopharm, au paragraphe 112). Considérer que ces titulaires de brevets ne sont pas visés par la définition du terme « breveté » n'a tout simplement pas de sens.

ANALYSE ET DÉCISION

[54]           La première question à trancher consiste à savoir si le juge de la Cour fédérale, appliquant la norme de contrôle appropriée, pouvait annuler la conclusion du Conseil selon laquelle il n'est pas nécessaire qu'une personne soit titulaire d'un brevet ou détienne un monopole pour le médicament qu'elle vend pour qu'elle soit considérée comme une « brevetée » au sens du paragraphe 79(1). Si la réponse à cette question est négative, la Cour devra également déterminer si le paragraphe 79(1), tel qu'il a été interprété par le Conseil, peut résister à un examen constitutionnel. Une autre question à trancher, qui ne se présente que dans l'appel de Sandoz, et sur laquelle j'ai l'intention de me pencher immédiatement après la première, consiste à savoir si le Conseil a erré lorsqu'il a conclu que Sandoz vendait les médicaments en question aux termes d'une licence implicite.

[55]           Les autres questions qui ont été soulevées dans les demandes de contrôle judiciaire dont le juge de la Cour fédérale a été saisi, mais qu'il n'a pas examinées — c.‑à‑d. le rajustement de prix de 65 898 842,76 $ imposé à Ratiopharm pour rembourser les recettes excessives qu'elle a tirées de la vente du Ratio HFA et la question, dans chacune des affaires, de savoir si les brevets respectifs s'appliquaient aux médicaments en cause — seront renvoyées à la Cour fédérale à la demande conjointe des parties.

La norme de contrôle

[56]           Lorsqu'une décision définitive de la Cour fédérale en contrôle judiciaire est portée en appel devant la Cour, notre rôle consiste à déterminer « si la juridiction inférieure a employé la norme de contrôle appropriée et si elle l'a appliquée correctement » (Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 45, citant l'arrêt Agence du revenu du Canada c. Telfer, 2009 CAF 23, au paragraphe 18).

[57]           Il n'est pas contesté que la norme de contrôle de la décision correcte s'applique à la décision du Conseil voulant que le paragraphe 79(1), selon son interprétation, est constitutionnel. Les parties ne s'entendent toutefois pas sur la norme de contrôle applicable à l'interprétation par le Conseil du paragraphe 79(1) de la Loi.

[58]           Bien que les intimées reconnaissent que le Conseil interprète sa loi constitutive, et qu'on doit donc présumer que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Alberta Teachers), elles font valoir que cette présomption est réfutée lorsque les facteurs de l'arrêt Dunsmuir sont pris en compte. Je ne peux souscrire à ce raisonnement.

[59]           Selon le critère énoncé dans Dunsmuir, il faut tenir compte de l'existence d'une clause privative, de la nature du régime administratif en question, de l'expertise du décideur et de la nature de la question.

[60]           Bien que les intimées fassent observer avec justesse que les décisions du Conseil ne sont pas protégées par une clause privative, les autres facteurs jouent en faveur de la déférence.

[61]           Aux termes des articles 79 à 103 de la Loi, le législateur a établi un régime de prix distinct pour les médicaments brevetés, dont l'administration est laissée au Conseil. Dans ce contexte légal, la Cour suprême a reconnu que le Conseil est un tribunal spécialisé qui a droit à la déférence (Celgene, au paragraphe 34). Même s'il s'agissait d'une remarque incidente, comme les intimées l'ont fait remarquer, elle a un poids considérable, puisqu'elle se trouve dans un passage visant à jeter le doute sur le fait qu'il convienne d'utiliser la norme de la décision correcte pour le contrôle de l'interprétation par le Conseil de sa loi habilitante (R. c. Henry, 2005 CSC 76, au paragraphe 57).

[62]           Je devrais ajouter que, bien que le sens des mots « breveté » ou « titulaire d'un brevet » au paragraphe 79(1) soulève une question de droit, il est difficile de considérer que celle‑ci revêt une « importance capitale pour le système juridique ». En fait, cette définition n'a probablement pas d'importance capitale pour la Loi elle‑même, qui s'appuie sur la définition plus générale du terme « breveté » ou « titulaire d'un brevet » donnée à l'article 2. Le paragraphe 79(1) n'évacue cette définition générale que pour appliquer le régime de prix distinct pour les médicaments brevetés. La question de savoir si une personne exerce « les droits d'un titulaire » dépend à un haut point des faits, du jugement du Conseil sur l'industrie pharmaceutique et des relations complexes entre les sociétés innovantes et celles qui produisent des médicaments génériques.

[63]           La présomption de déférence énoncée dans l'arrêt Alberta Teachers n'étant pas réfutée, le juge de la Cour fédérale a conclu avec raison que l'interprétation donnée par le Conseil du paragraphe 79(1) de la Loi devait faire l'objet d'un contrôle fondé sur la norme de la décision raisonnable.

[64]           Enfin, la conclusion du Conseil selon laquelle les titulaires de brevets du groupe Novartis ont accordé à Sandoz une licence implicite lui permettant de vendre le médicament soulève une question mixte de fait et de droit à propos de laquelle il faut aussi faire preuve de déférence envers le Conseil.

L'interprétation par le Conseil du paragraphe 79(1) de la Loi

L'objectif légal

[65]           Le Conseil a établi que l'objectif de ses dispositions habilitantes était de protéger les consommateurs de l'imposition de prix excessifs pour les médicaments brevetés (motifs de la décision CEPMB Sandoz, au paragraphe 37). Le juge de la Cour fédérale a toutefois préféré une définition plus étroite et a conclu que l'objectif consistait à empêcher les titulaires de brevets de demander des prix excessifs pour leurs médicaments brevetés (motifs du jugement Ratiopharm, au paragraphe 15). Il s'agit d'une des quatre principales raisons sur lesquelles le juge de la Cour fédérale s'est appuyé pour justifier son intervention et invalider l'interprétation donnée par le Conseil du paragraphe 79(1) de la Loi (motifs du jugement Ratiopharm, aux paragraphes 14 et 15).

[66]           Ce faisant, le juge de la Cour fédérale a substitué son propre point de vue sur l'objectif de la Loi à celui du Conseil, sans examiner si la conclusion du Conseil satisfaisait au seuil des issues possibles acceptables pouvant se justifier qui distingue les décisions déraisonnables de celles qui ne le sont pas. Il a donc mal appliqué la norme de la décision raisonnable. S'il avait étudié les motifs du Conseil, il aurait été évident que sa décision reposait sur une interprétation de la Loi pouvant se justifier au regard de la façon dont elle a été interprétée jusqu'à maintenant.

[67]           Le juge de la Cour fédérale et le Conseil ont tous deux estimé que le méfait visé par ces dispositions était le prix excessif des médicaments brevetés. Cependant, alors que l'interprétation du Conseil mettait l'accent sur les personnes ayant besoin de protection contre ce méfait, c.‑à‑d. les consommateurs, le juge de la Cour fédérale s'est concentré sur celles qui sont en mesure de commettre le méfait. En perdant de vue le but ultime des dispositions en question, il ne s'est pas rendu compte que le méfait à empêcher pouvait être causé sans que le propriétaire du brevet lui‑même exige des prix excessifs.

L'interprétation en faveur de la constitutionnalité

[68]           La deuxième raison pour laquelle le juge de la Cour fédérale a rejeté l'interprétation donnée par le Conseil du paragraphe 79(1) était sa crainte que cette interprétation puisse être inconstitutionnelle. Ce raisonnement ne tient de nouveau aucun compte de la norme de contrôle régissant la question dont il était saisi.

[69]           Le juge de la Cour fédérale semble avoir été d'avis que le paragraphe 79(1) pourrait être considéré comme ambigu, ce qui signifie qu'il pourrait faire l'objet de plus d'une interprétation (motifs du jugement Ratiopharm, au paragraphe 17). Plus précisément, la définition du mot « breveté » pourrait n'englober que les propriétaires de brevets, ou ne pas s'y limiter. Bien que le Conseil ait adopté cette deuxième interprétation, celle-ci pouvait, de l'avis du juge de la Cour fédérale, « exposer » la loi à une contestation fondée sur des motifs constitutionnels (motifs du jugement Sandoz, au paragraphe 22; motifs du jugement Ratiopharm, au paragraphe 17). Il a par conséquent préféré la première interprétation.

[70]           Le contrôle du caractère raisonnable d'une décision n'autorise pas la Cour à mettre en ordre de priorité toutes les réponses possibles à une question et à déterminer quelle est la meilleure. Il lui faut plutôt répondre à la question de savoir si la conclusion à laquelle le décideur est parvenu satisfait au critère de l'issue acceptable et défendable dont il a été question précédemment. Si la Loi pouvait raisonnablement se prêter à l'interprétation donnée par le Conseil, il était interdit au juge de la Cour fédérale de substituer son propre point de vue à celui du Conseil.

[71]           Je devrais ajouter que, nonobstant ce qui précède, le juge de la Cour fédérale ne peut donner une interprétation étroite du paragraphe 79(1) au motif que l'interprétation adoptée par le Conseil pourrait être inconstitutionnelle, puisqu'un avis de question constitutionnelle avait été déposé et qu'il lui incombait de décider de la constitutionnalité du paragraphe 79(1), tel que l'interprète le Conseil (comparer l'arrêt Canada (Pêches et Océans) c. MiningWatch Canada, 2008 CAF 166, au paragraphe 4).

La question du prix « départ usine »

[72]           Le troisième motif pour lequel le juge de la Cour fédérale a annulé l'interprétation donnée par le Conseil du paragraphe 79(1) est qu'« on comprend généralement que la compétence fédérale en cette matière est [sic] se limite à la règlementation des prix des médicaments brevetés “départ usineˮ » (motifs du jugement Ratiopharm, au paragraphe 18, citant l'arrêt Pfizer, aux paragraphes 61 à 63).

[73]           Bien que la Loi ne mentionne pas les prix départ usine, le terme « prix départ usine » apparaît dans le Règlement, où il est utilisé aux alinéas 4(1)f) et 4(1)g), ainsi qu'au paragraphe 4(10), pour préciser les prix de vente dont il est question aux alinéas 80(1)b) et 80(2)b) de la Loi. Le terme n'est pas défini en tant que tel dans le Règlement, mais il l'est de la façon suivante dans le Guide (motifs de la décision CEPMB Ratio HFA, au paragraphe 31) :

Le prix de la première vente du médicament [...] par le fabricant aux distributeurs, grossistes, hôpitaux, pharmacies, etc. n'ayant avec lui « aucun lien de dépendance ». Le prix départ‑usine correspond généralement au « prix catalogue » du médicament.

[74]           Ratiopharm allègue que cette définition exclut les ventes conclues entre elle‑même et ses fournisseurs, puisqu'elle n'a pas de lien de dépendance avec les titulaires de brevets à qui elle a acheté les médicaments en cause. Comme l'a conclu le juge de la Cour fédérale, c'est le prix versé par Ratiopharm à ces entreprises qui donne lieu au contrôle du Conseil, non le prix facturé par la suite par Ratiopharm à ses clients.

[75]           Selon moi, cet argument doit être rejeté pour deux raisons. Premièrement, il a été reconnu que les lignes directrices du Conseil n'ont pas force de loi et que, si elles sont incompatibles avec la Loi ou le Règlement, ces derniers prévalent (Teva Neuroscience, aux paragraphes 21 à 25). Le Conseil a fait remarquer que son mandat légal peut exiger qu'il s'adapte à « diverses ententes de vente, de distribution, d'ordre commercial et de mise en marché » (motifs de la décision CEPMB Ratio HFA, au paragraphe 32). En fait, le Guide décrit un mode de fonctionnement, dans lequel la première vente d'un médicament breveté à une personne sans lien de dépendance sera en général la vente au prix courant. Cependant, ce n'est pas le seul mode de fonctionnement, et le Conseil a simplement adapté la définition à une situation dans laquelle le prix courant est demandé pour une vente subséquente à la première vente à une personne sans lien de dépendance (motifs de la décision CEPMB Ratiopharm, aux paragraphes 15 et 16). Bien que les intimées prétendent le contraire, je n'estime pas cette conclusion déraisonnable.

[76]           Deuxièmement, l'actuel paragraphe 4(5) du Règlement (autrefois le paragraphe 4(6)) reconnaît que l'examen du Conseil peut aller au‑delà de la première vente à une personne avec qui il n'y a pas de lien de dépendance, pourvu que la partie dont les prix sont susceptibles de contrôle soit aussi un « breveté » au sens du paragraphe 79(1) pour le médicament en question. Comme le Conseil l'a conclu, dans ce genre de situation, l'attention se porte sur le prix demandé par le breveté qui se trouve en aval dans la chaîne de distribution (motifs de la décision CEPMB Ratio HFA, au paragraphe 47). Il n'est pas déraisonnable de conclure que le prix demandé par ce breveté subséquent constitue le prix départ usine dans ces situations particulières.

[77]           Sandoz, pour sa part, n'a fait valoir aucun argument fondé sur le prix départ usine tel qu'il est défini dans le Guide. Cependant, parce que le juge de la Cour fédérale s'est appuyé sur cet argument pour rendre sa décision dans l'appel interjeté par Sandoz, il doit aussi être examiné dans ce contexte.

[78]           Sandoz ayant un lien de dépendance avec Novartis, les prix qu'elle demande entrent dans la définition des prix départ usine du Guide. Bien qu'il soit possible d'alléguer que, conformément à l'actuel paragraphe 4(6) du Règlement (auparavant le paragraphe 4(7)), c'est Novartis qui aurait dû déclarer les prix demandés par Sandoz, cela ne s'applique que lorsque la partie ayant un lien de dépendance qui revend le médicament n'a pas le « droit » de le faire et ne doit donc pas « fournir des renseignements » en vertu de l'article 80 de la Loi, qui ne s'applique qu'aux brevetés. Rien ne dépend toutefois de cela en l'espèce, puisque le Conseil a conclu que Sandoz est également une brevetée en raison de la licence implicite en vertu de laquelle elle vendait les médicaments en cause.

[79]           L'argument de Ratiopharm selon lequel la définition des mots « breveté » ou « titulaire d'un brevet » proposée par le Conseil est tellement complexe qu'elle engloberait les grossistes, les détaillants et les pharmacies est sans fondement (mémoire des faits et du droit de Ratiopharm, aux paragraphes 84 et 85). Le fait que les intimées ont une licence les autorisant à vendre les médicaments brevetés alors que les grossistes, les détaillants et les pharmacies tirent leur droit du fait qu'ils sont propriétaires des produits qu'ils achètent pour les revendre fournit une base étayée par des principes pour les traiter différemment (comparer l'arrêt Eli Lilly & Co. c. Novopharm Ltd., [1998] 2 R.C.S. 129, aux paragraphes 48 à 51, 68 à 71 et 99 à 100).

Le texte français du paragraphe 79(1) de la Loi

[80]           Le juge de la Cour fédérale a examiné l'incidence de la version française du paragraphe 79(1) dans la partie de son jugement ayant trait aux « facteurs » à l'appui, dont je parlerai plus loin dans les présents motifs. Cependant, parce que l'issue des présents appels repose sur l'interprétation de cette disposition, il est préférable d'aborder la question dès maintenant, en même temps que les autres raisons principales mentionnées par le juge de la Cour fédérale pour appuyer son intervention.

[81]           Pour déterminer le sens à donner aux mots « breveté » ou « titulaire d'un brevet », le juge de la Cour fédérale a comparé l'énoncé du texte français, « les droits d'un titulaire », à l'énoncé du texte anglais, « any rights in relation to that patent ». Selon lui, la version française « lie davantage [que l'anglais] la définition de “brevetéˮ ou “titulaire d'un brevetˮ aux droits du titulaire de brevet » et devrait être préférée pour cette raison (motifs du jugement Sandoz, au paragraphe 31).

[82]           La difficulté que présente ce raisonnement, c'est que la définition ainsi interprétée n'ajouterait rien à la définition qui se trouve à l'article 2 de la Loi, à savoir « [l]e titulaire ayant pour le moment droit à l'avantage d'un brevet », et mènerait à une redondance qui va à l'encontre de la présomption voulant que le législateur ne parle pas pour ne rien dire (Canada (Procureur général) c. JTI‑Macdonald Corp., 2007 CSC 30, au paragraphe 110).

[83]           Il vaut la peine de mentionner de plus que l'histoire de cette disposition montre que, bien que les mots « any rights of the patentee » aient constamment été utilisés dans la version anglaise au fil des ans, le texte français utilisait auparavant l'énoncé moins précis « quiconque exerce des droits d'un breveté », ce qui fournit une interprétation qui correspond tout à fait à la version anglaise (ces textes sont reproduits à l'annexe II des présents motifs). Le fait que les mots « any rights » aient toujours été présents dans le texte anglais semble indiquer qu'un glissement peut s'être produit lors de la rédaction de la version française en 1992, au moment où le mot « les » a remplacé le mot « des ». En passant, il est utile d'ajouter que, lorsqu'il s'agit de déterminer quels sont « les droits » dont il est question au paragraphe 79(1), il ne faut pas conclure que l'utilisation du pluriel exclut le singulier (paragraphe 33(2) de la Loi d'interprétation, L.R.C. 1985, ch. I‑21).

[84]           Les intimées présentent une justification plus élaborée pour se fonder sur le texte français afin d'en limiter le sens aux titulaires de brevets. Le point de départ de l'analyse qu'elles proposent consiste à invoquer la règle de la signification commune utilisée en interprétation des lois. Parce que le texte anglais ne précise pas ce qui constitue des « rights in relation to » (des droits afférents à) un brevet, les intimées allèguent qu'il faut se reporter au texte français pour éclaircir la question. Lorsqu'on examine la façon dont la jurisprudence et la doctrine ont défini le terme « les droits d'un titulaire » de brevet (soit le libellé de la version française, que les intimées traduisent par « the rights of a patent holder »), on découvre que le droit d'exclure, un droit que seul le titulaire d'un brevet peut posséder, constitue le caractère essentiel.

[85]           Je fais d'abord observer que cet argument exigerait que le paragraphe 79(1) soit interprété sans tenir compte des droits d'un breveté, tels qu'ils sont énoncés dans la Loi elle‑même (article 42), une solution très improbable. Cet argument suppose aussi qu'il y a antinomie entre le texte français et le texte anglais à propos de la question de savoir si le droit d'exclure est une composante essentielle de la définition, puisqu'il n'est possible d'avoir recours à la signification commune que si cette antinomie existe vraiment (R. c. Daoust, 2004 CSC 6, au paragraphe 27).

[86]           À ce sujet, les intimées ont fait valoir que les « droits d'un titulaire » ne peuvent viser quelqu'un qui a le droit de vendre un médicament breveté sans avoir aussi le droit d'exclure. Il n'est toutefois pas nécessaire de regarder plus loin que le texte français pour voir que sa portée ne peut être si étroite. En fait, tout comme dans le texte anglais, l'exclusion des licences obligatoires, dont la validité a été prorogée par la LMLB, précise les droits en cause dans le texte français. Ces licences ne donnaient pas à leur titulaire le droit d'exclure les autres, mais elles leur donnaient le droit de vendre les procédés ou les produits brevetés sans le consentement du titulaire du brevet. Le fait que le législateur ait prévu cette exclusion indique que, si elle n'existait pas, les droits accordés aux termes de ces licences obligatoires auraient constitué les « droits d'un titulaire » de brevet.

[87]           Les intimées ont tenté de restreindre l'effet de cette exclusion en alléguant qu'elle était mentionnée pour plus de certitude. L'explication la plus plausible, toutefois, est que l'exclusion a été insérée pour que ceux qui avaient le droit de vendre des médicaments brevetés en vertu des licences obligatoires qui restaient en vigueur lorsque les modifications de 1992 ont été promulguées ne soient pas visés par la définition du terme « breveté ».

[88]           En fin de compte, rien n'indique que les textes français et anglais donnent des réponses différentes à la question de savoir si quelqu'un doit avoir le droit d'exclure pour être un « breveté ».

[89]           Lorsqu'elle interprète les dispositions de la Loi qui encadrent la compétence du Conseil, la Cour doit préférer l'interprétation qui réalise le mieux les objectifs de la Loi. Dans l'arrêt Celgene, la juge Abella a souligné la nécessité que le Conseil puisse exercer son mandat « en accordant une importance prépondérante à sa responsabilité qui consiste à veiller à ce que le breveté n'abuse pas financièrement du monopole découlant de la délivrance d'un brevet, au détriment des patients canadiens et de leurs assureurs » (Celgene, au paragraphe 29).

[90]           Comme l'a longuement expliqué le Conseil, le législateur, en englobant dans la définition du terme « breveté » les personnes qui exercent les droits d'un titulaire d'un brevet, a reconnu que les personnes qui détiennent le droit de vendre peuvent infliger au consommateur le même préjudice que les titulaires de brevets. Dans les deux cas, le risque que des prix excessifs soient demandés découle de l'existence du brevet associé aux médicaments vendus et de son incidence présumée sur le marché (motifs de la décision CEPMB Sandoz, aux paragraphes 72 à 78; motifs de la décision CEPMB Ratiopharm, au paragraphe 19). Pour dire les choses simplement, rien ne repose sur le fait que les droits afférents à un brevet — plus précisément, le droit d'exclure et le droit de vendre — sont exercés par des personnes différentes.

[91]           Comme le Conseil l'a également expliqué, si l'interprétation étroite proposée par les intimées devait prévaloir, sa capacité de s'acquitter de son mandat serait très amoindrie. Ayant conclu que le libellé du paragraphe 79(1) peut raisonnablement se prêter à une interprétation qui lui permet de réaliser l'intention du législateur, le Conseil l'a adoptée (motifs de la décision CEPMB Sandoz, aux paragraphes 35 à 40, 56 et 57). Je ne décèle en cela aucune erreur.

Les « facteurs » à l'appui

[92]           Le juge de la Cour fédérale a mis en évidence un certain nombre de points secondaires qu'il a appelés « facteurs » afin d'appuyer sa conclusion selon laquelle les intimées ne sont pas des brevetées au sens du paragraphe 79(1) de la Loi.

« Fabricants de médicaments génériques »

[93]           Outre son interprétation de la version française du paragraphe 79(1), sur laquelle je me suis déjà penché, les pratiques générales des « fabricants de médicaments génériques » de l'industrie pharmaceutique sont le principal facteur que le juge de la Cour fédérale a abordé. Il a affirmé, par exemple, qu'en « [r]ègle générale, les fabricants de médicaments génériques contribuent à créer un marché concurrentiel ou s'y joignent », et qu'habituellement, ils n'ont « pas droit au principal avantage que confère un brevet » (motifs du jugement Ratiopharm, aux paragraphes 20 et 21). Je ne trouve pas cette analyse utile.

[94]           Le terme « fabricant de médicaments génériques » n'apparaît nulle part dans la Loi ou le Règlement. Des termes comme « innovant » ou « générique » sont, dans certains contextes, utilisés comme raccourcis pour désigner des catégories juridiques pertinentes au régime légal, comme, respectivement, « première personne » et « seconde personne » au sens du Règlement AC). Cependant, les utiliser en parlant d'une loi qui ne fait pas référence à ces distinctions ne sert qu'à jeter la confusion.

[95]           Dans ses motifs, le Conseil a rejeté cette approche, en expliquant ce qui suit (motifs de la décision CEPMB Ratiopharm, au paragraphe 81) :

[...] l'industrie pharmaceutique générique n'est pas une entité définie, au sens légal ou pratique. Il existe certaines différences évidentes entre l'industrie pharmaceutique de marque et l'industrie pharmaceutique générique et des limites approximatives peuvent être tracées. Cependant, cela ne favorise pas la définition des droits légaux au sens invoqué par ratiopharm. En effet, certaines entreprises de médicaments génériques pourraient détenir plus de brevets que certaines entreprises de marques déposées ou exercer plus de droits de titulaire de brevet que certaines entreprises de marques déposées.

[96]           Cette conclusion est raisonnable. En termes simples, la question de savoir si une société donnée s'appuie sur la protection offerte par les brevets dans son modèle commercial global, comme les entreprises innovantes le font généralement et les entreprises génériques ne le font généralement pas, n'est pas pertinente à la question de savoir si, en ce qui concerne un médicament précis vendu, cette société agit comme une brevetée au sens du paragraphe 79(1) de la Loi.

La conclusion du Conseil à propos d'une licence implicite

[97]           Le juge de la Cour fédérale n'a pas examiné la question de savoir si Sandoz avait une licence implicite pour les brevets en question. Il est parvenu à sa décision en se fondant sur un motif plus général, à savoir que Sandoz n'était pas propriétaire des brevets en question et n'avait pas non plus de monopole, et que par conséquent elle n'était pas une brevetée au sens du paragraphe 79(1) de la Loi (motifs du jugement Sandoz, au paragraphe 41). Le fait que le juge de la Cour fédérale ait suivi le même raisonnement dans les motifs du jugement Ratiopharm, au paragraphe 34, pour rendre essentiellement la même ordonnance, malgré l'existence de conventions expresses entre Ratiopharm et les titulaires de brevets, confirme cette conclusion.

[98]           Il reste que l'absence de licence implicite, s'il n'y en a effectivement pas, fournirait un motif pour confirmer l'ordonnance du juge de la Cour fédérale.

[99]           L'essentiel de la décision du Conseil à propos des licences implicites était que Sandoz avait le droit de vendre chacun des médicaments en question sans être poursuivie pour contrefaçon par les propriétaires des brevets liés à ces médicaments (motifs de la décision CEPMB Sandoz, au paragraphe 48). De ce fait, Sandoz exerçait les droits d'un titulaire du brevet en question, et était donc une brevetée au sens du paragraphe 79(1) de la Loi.

[100]       La contestation la plus directe de ce point par Sandoz consiste à dire que le Conseil a affirmé, sans analyse, que les ventes en cause auraient constitué une contrefaçon des brevets en question (mémoire des faits et du droit de Sandoz, au paragraphe 85). En réalité, prétend Sandoz, la plupart des médicaments qu'elle vendait n'étaient pas liés aux brevets. L'affirmation du Conseil à propos de la « contrefaçon » vient d'une [TRADUCTION] « évidente mauvaise compréhension des faits » (mémoire des faits et du droit de Sandoz, au paragraphe 85).

[101]       Cet argument comporte deux vices fondamentaux. Premièrement, le Conseil n'a jamais en fait conclu que les ventes en question équivaudraient à une contrefaçon. Bien que le Conseil ait dit à un certain moment qu'« en l'absence de cette autorisation, ces ventes constitueraient une contrefaçon de brevet donnant matière à des poursuites », il l'a fait dans un paragraphe explicitement consacré à un résumé de la thèse du personnel du Conseil (motifs de la décision CEPMB Sandoz, au paragraphe 10).

[102]       Le second vice de cet argument est sa prémisse, selon laquelle le Conseil n'aurait pu parvenir à sa conclusion à moins que les ventes en question n'équivaillent à une contrefaçon. Cette prémisse est fausse.

[103]       Le droit que le Conseil a circonscrit était le droit, découlant d'un contrat implicite, de vendre les médicaments achetés de la partie accordant la licence, même si ces ventes, en l'absence de ce droit, auraient constitué une contrefaçon d'un brevet dont la partie accordant la licence était titulaire. De l'avis du Conseil, on peut voir la validité juridique de ce droit du fait que, si l'une ou l'autre de ces parties intentait des poursuites contre Sandoz pour contrefaçon de brevet, Sandoz s'appuierait sur ce droit pour se défendre (motifs de la décision CEPMB Sandoz, au paragraphe 50). Que la partie intentant la poursuite dans cette situation puisse prouver ou non que le médicament était protégé par son brevet est sans pertinence à la question de savoir si Sandoz pouvait s'appuyer sur ce droit, à supposer qu'une telle poursuite soit intentée (c.‑à‑d. pour établir qu'elle a le droit de vendre le médicament). En fait, la première question concerne la force du lien entre une invention précise et un médicament précis plutôt que l'existence de droits juridiques que la partie qui vend le médicament peut avoir au sujet du brevet de l'invention en question.

[104]       Comme l'a conclu la Cour dans l'arrêt ICN, il doit exister un lien logique entre une invention brevetée et le médicament vendu au Canada pour que le Conseil ait le pouvoir d'examiner un ensemble donné de prix (ICN, au paragraphe 46). Le paragraphe 79(2) de la Loi définit ce lien en indiquant quand une invention « est liée à » un médicament donné pour l'application du paragraphe 79(1). Compte tenu de la formulation générale du paragraphe 79(2), le lien « peut être le plus ténu qui soit » (ICN, au paragraphe 46). En donnant un effet au libellé du paragraphe 79(2), la Cour a expressément rejeté l'idée que le Conseil doive se livrer à une interprétation des revendications du brevet, sans parler de déterminer que les ventes en question équivaudraient à une contrefaçon du brevet, et a conclu que l'existence du lien requis est évaluée sans qu'il soit nécessaire d'interpréter le brevet (ICN, au paragraphe 46).

[105]       Le Conseil a compris que, conformément à la règle énoncée dans l'arrêt ICN, il n'était pas tenu d'interpréter le brevet (motifs de la décision CEPMB Sandoz, aux paragraphes 72 et 75). Il a également compris que la question de savoir s'il existe des droits au sens du paragraphe 79(1) est distincte de la question de savoir si une invention est liée à un médicament au sens du paragraphe 79(2), puisqu'il s'est penché sur ces questions l'une après l'autre dans des sections séparées de ses motifs (motifs de la décision CEPMB Sandoz, aux paragraphes 31 et 58).

[106]       Au sujet de l'interprétation de cette dernière disposition, Sandoz a soutenu devant le Conseil qu'il faut établir une distinction avec l'arrêt ICN, ou que la jurisprudence subséquente a rendu cet arrêt obsolète (motifs de la décision CEPMB Sandoz, au paragraphe 73). Bien que le juge de la Cour fédérale n'ait pas examiné cette question (motifs du jugement Sandoz, au paragraphe 5), le Conseil s'est longuement penché sur elle (motifs de la décision CEPMB Sandoz, aux paragraphes 73 à 80). Comme l'a conclu l'arrêt ICN et l'a redit le Conseil, si un lien plus étroit entre le brevet et le médicament en question était requis, l'objet du paragraphe 79(2) en serait entravé.

[107]       Les autres arguments avancés par Sandoz à propos de la licence implicite doivent aussi être rejetés. Sandoz allègue que le Conseil a fait erreur lorsqu'il a conclu que les titulaires des brevets avaient [TRADUCTION] « donné des directives » (mémoire des faits et du droit de Sandoz, aux paragraphes 80 et 107). Elle ajoute que la conclusion selon laquelle il existe une licence implicite repose sur une mauvaise compréhension de la preuve, sans toutefois indiquer de quels éléments de preuve il pourrait s'agir.

[108]       La seule question à laquelle il faut apporter une réponse pour rejeter ces arguments consiste à savoir si la conclusion du Conseil au sujet de l'existence d'une licence implicite est appuyée par la preuve. Selon moi, il suffit pour cela de mentionner le consentement donné par les titulaires de brevets à Sandoz afin de l'autoriser à faire référence à leurs médicaments et à obtenir les AC requis.

La contestation constitutionnelle

[109]       Les intimées prétendent que le Conseil a abusivement rejeté, de façon sommaire, leur contestation constitutionnelle des dispositions habilitantes de la Loi. Elles allèguent que le Conseil n'a pas examiné leurs arguments ou ne les a pas traités équitablement. Elles renvoient aux arguments qu'elles ont présentés devant le Conseil et demandent qu'ils reçoivent l'attention qu'ils méritent (mémoire de Ratiopharm, aux paragraphes 122 à 126).

[110]       Le point principal de l'argument constitutionnel que les intimées ont présenté devant le Conseil était que le contrôle des prix en vertu des articles 79 à 103 de la Loi et les exigences de dépôt connexes sont un prolongement inconstitutionnel du pouvoir du Parlement en ce qui concerne les brevets, tout au moins en ce qui concerne les produits pharmaceutiques génériques (observations écrites présentées par Sandoz au Conseil, recueil d'appel confidentiel de Sandoz, volume 11, onglet 27, au paragraphe 201). Ratiopharm a fait les mêmes arguments, mais sans cette réserve (observations écrites présentées par Ratiopharm au Conseil, recueil d'appel confidentiel de Ratiopharm, volume 5, onglet 10, au paragraphe 383; transcription de l'audience devant le Conseil, RAPR, volume 8, onglet 44, à la page 2210). Cependant, l'avis de question constitutionnelle qu'elle a déposé devant la Cour fédérale et devant la présente Cour est formulé de la même manière.

[111]       Il est évident que les intimées se sont exprimées ainsi parce que leur argument, s'il est accepté, pourrait provoquer l'écroulement de tout le régime conçu par le Parlement. Le juge de la Cour fédérale a refusé de déclarer ce régime inconstitutionnel dans la mesure où il vise les titulaires de brevets (motifs du jugement Ratiopharm, aux paragraphes 28 à 30; motifs du jugement Sandoz, aux paragraphes 35 à 37), mais sa décision ne règle pas la question de savoir si le régime pourrait être inconstitutionnel en ce qui a trait aux personnes qui exercent le droit de vendre un médicament breveté sans en être propriétaire.

[112]       La contestation constitutionnelle des intimées devant le Conseil reposait sur l'idée que le régime actuel est purement et simplement un régime de contrôle des prix, qui fait intrusion dans le domaine de la propriété et des droits civils. Plus précisément, lorsque la décision Manitoba Society a été rendue, le Conseil avait le pouvoir réparateur de « lever » la protection accordée à un inventeur par un brevet (on renvoie à l'alinéa 41.15(2)d) de la Loi tel qu'il était à ce moment‑là). Selon les intimées, cette disposition, qui a depuis été abrogée, était au cœur de la décision de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba qui a confirmé la constitutionnalité du régime dans l'affaire Manitoba Society.

[113]       Les intimées ont allégué que la disparition de cette disposition au moment où la LMLB a été introduite rendait la Loi inconstitutionnelle. Plus précisément, le régime ne vise plus les brevets, mais le prix des médicaments, et donc fait intrusion dans la compétence des provinces en matière de propriété et de droits civils.

[114]       Les intimées ont fait valoir de plus, citant le critère établi dans l'arrêt General Motors of Canada Ltd. c. City National Leasing, [1989] 1 R.C.S. 641, que les dispositions pertinentes de la Loi ne sont pas suffisamment intégrées au régime fédéral pour justifier cette intrusion. À la différence de la situation à laquelle la Cour suprême a été confrontée dans Kirkbi AG c. Gestions Ritvik Inc., 2005 CSC 65, le degré d'intrusion dans les compétences provinciales est très élevé et exige donc un critère plus rigoureux. Seule la démonstration que ces dispositions sont nécessaires ou font partie intégrante du régime fédéral peut sauvegarder leur constitutionnalité, et cette démonstration n'a pas été faite.

[115]       Cette allégation, pour autant qu'elle vise les propriétaires de brevets, a été sommairement rejetée par le juge de la Cour fédérale et le Conseil. Le Conseil a conclu que le pouvoir de contrôler les prix excessifs fait partie intégrante du régime mis en place par le législateur. En fait, la Cour du Banc de la Reine a fait observer dans l'affaire Manitoba Society qu'augmenter la protection offerte aux sociétés pharmaceutiques par les brevets accroît le risque de prix excessifs, et que le législateur s'est prononcé sur ce problème en créant le Conseil et en lui conférant des pouvoirs de surveillance et de contrôle des prix (Manitoba Society, au paragraphe 20). La capacité du Conseil d'imposer des prix plafonds a toujours fait partie du régime et, bien que le pouvoir de « lever » la protection offerte par les brevets n'ait pas provoqué d'intrusion dans des questions de compétence provinciale, et que le contrôle des prix l'a fait, c'était sans conséquence, puisque le contrôle des prix faisait, et continue de faire, partie intégrante du régime. Ainsi que l'a dit la Cour d'appel du Manitoba, qui a rejeté l'appel de la décision de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba (Manitoba Society (C.A. Man.), au paragraphe 4) :

[TRADUCTION]

[...] il ne peut y avoir qu'une seule réponse à la question soulevée en l'espèce. Les dispositions légales contestées portent, de par leur caractère véritable, sur des questions relevant de la compétence exclusive du Parlement de légiférer en matière de brevets. Le fait que ces dispositions puissent avoir des incidences sur des questions relevant de la compétence provinciale (en l'occurrence, la propriété et les droits civils) ne tire donc pas à conséquence.

[116]       Selon moi, le juge de la Cour fédérale, et le Conseil avant lui, ont conclu avec raison que le contrôle des prix demandés pour les médicaments brevetés faisait partie des compétences du Parlement en matière de brevets en vertu du paragraphe 91(22) de la Loi constitutionnelle de 1867 lorsqu'il s'applique à un propriétaire ou à un titulaire de brevet. Les intimées le reconnaissent lorsqu'elles disent que l'interprétation du mot « breveté » donnée par le juge de la Cour fédérale maintient le lien avec la compétence fédérale, si bien que le raisonnement de l'affaire Manitoba Society reste intact (réplique de chacune des intimées à la réponse du procureur général du Canada à l'avis de question constitutionnelle (répliques des intimées), aux paragraphes 46).

[117]       La dernière question à trancher consiste à savoir si ce régime de contrôle des prix demeure constitutionnel lorsqu'il s'applique à d'autres personnes que les titulaires ou les propriétaires de brevets.

[118]       L'argument mis de l'avant par les intimées consiste à dire qu'inclure ces personnes rompt le lien énoncé dans Manitoba Society et repris dans ICN (répliques des intimées, aux paragraphes 19). Elles soutiennent plus précisément que la constitutionnalité de la compétence du Conseil est mise en péril lorsque des personnes qui ne sont pas titulaires d'un brevet pour le médicament vendu sont visées par la définition du terme « breveté » (répliques des intimées, aux paragraphes 30).

[119]       Je ne peux souscrire à ce raisonnement. La constitutionnalité de l'article 15 de la Loi modifiant la Loi sur les brevets et prévoyant certaines dispositions connexes, L.C. 1987, ch. 41 (la « Loi de 1987 modifiant la Loi sur les brevets ») était en cause dans Manitoba Society. Au moment où la décision de cette affaire a été rendue, les dispositions contestées de l'ancienne loi incluaient l'article 39.1, qui définissait les termes « breveté » ou « titulaire de brevet » de la façon suivante :

39.1 (1) Les définitions qui suivent s'appliquent aux articles 39.11 à 39.25.

[...]

« breveté » ou « titulaire de brevet » Lui est assimilé quiconque exerce des droits d'un breveté sur une invention liée à un médicament autres qu'une licence visée à l'article 39.

39.1 (1) In sections 39.11 to 39.25,

. . .

“patentee”, in respect of an invention pertaining to a medicine, includes, where a person is exercising any rights of the patentee other than under a licence under section 39, that other person in respect of those rights.

[120]       Comme je l'ai déjà dit, cette définition antérieure, dans l'une ou l'autre des deux langues officielles, ne donnait lieu à aucune ambiguïté concevable à propos de l'intention du Parlement d'inclure les titulaires de brevets et les personnes qui, sans détenir un brevet, exercent des droits qui lui sont associés. Par conséquent, il ne peut être soutenu qu'en confirmant la constitutionnalité du régime des prix établi par l'article 15 de la Loi de 1987 modifiant la Loi sur les brevets, la Cour du Banc de la Reine du Manitoba et la Cour d'appel du Manitoba dans l'affaire Manitoba Society n'ont pas reconnu la constitutionnalité du régime des prix dans le cas des personnes qui ne sont pas titulaires de brevets.

[121]       Par ailleurs, l'argument selon lequel le lien avec le brevet cesse d'être suffisant pour répondre à l'exigence constitutionnelle lorsque la personne ciblée est titulaire d'une licence l'autorisant à vendre un médicament breveté sans être titulaire du brevet est sans fondement. Comme l'explique l'arrêt ICN, le méfait que la Loi vise à empêcher découle de l'existence du brevet lié aux médicaments vendus (ICN, au paragraphe 76), de sorte que rien ne repose sur le fait que la personne exerçant les droits de vente n'est pas elle‑même titulaire du brevet.

[122]       Je conclus donc que le Conseil a eu raison d'affirmer qu'inclure au paragraphe 79(1) de la Loi les personnes qui exercent des droits de vente en vertu d'un brevet n'a pas pour conséquence de retirer cette disposition du champ du paragraphe 91(22) de la Loi constitutionnelle.

[123]       Pour ces motifs, j'accueillerais les appels avec dépens dans les deux affaires et je renverrais les affaires au juge de la Cour fédérale ou à un autre juge de cette cour désigné par le juge en chef afin que les deux questions en suspens mentionnées au paragraphe 55 des présents motifs puissent être réglées.

« Marc Noël »

Juge en chef

« Je suis d’accord.

J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Donald J. Rennie, j.c.a. »

 


ANNEXE I

Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4

Patent Act, R.S.C., 1985, c. P‑4

Définitions

2. Sauf disposition contraire, les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

[...]

« breveté » ou « titulaire d'un brevet » Le titulaire ayant pour le moment droit à l'avantage d'un brevet.

[...]

Definitions

2. In this Act, except as otherwise provided,

. . .

“patentee” means the person for the time being entitled to the benefit of a patent;

. . .

Contenu du brevet

42. Tout brevet accordé en vertu de la présente loi contient le titre ou le nom de l'invention avec renvoi au mémoire descriptif et accorde, sous réserve des autres dispositions de la présente loi, au breveté et à ses représentants légaux, pour la durée du brevet à compter de la date où il a été accordé, le droit, la faculté et le privilège exclusif de fabriquer, construire, exploiter et vendre à d'autres, pour qu'ils l'exploitent, l'objet de l'invention, sauf jugement en l'espèce par un tribunal compétent.

Contents of patent

42. Every patent granted under this Act shall contain the title or name of the invention, with a reference to the specification, and shall, subject to this Act, grant to the patentee and the patentee's legal representatives for the term of the patent, from the granting of the patent, the exclusive right, privilege and liberty of making, constructing and using the invention and selling it to others to be used, subject to adjudication in respect thereof before any court of competent jurisdiction.

Contrefaçon et recours

55. (1) Quiconque contrefait un brevet est responsable envers le breveté et toute personne se réclamant de celui‑ci du dommage que cette contrefaçon leur a fait subir après l'octroi du brevet.

[...]

Liability for patent infringement

55. (1) A person who infringes a patent is liable to the patentee and to all persons claiming under the patentee for all damage sustained by the patentee or by any such person, after the grant of the patent, by reason of the infringement.

. . .

Définitions

79. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article et aux articles 80 à 103.

[...]

« breveté » ou « titulaire d'un brevet » La personne ayant pour le moment droit à l'avantage d'un brevet pour une invention liée à un médicament, ainsi que quiconque était titulaire d'un brevet pour une telle invention ou exerce ou a exercé les droits d'un titulaire dans un cadre autre qu'une licence prorogée en vertu du paragraphe 11(1) de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets.

[...]

Definitions

79. (1) In this section and in sections 80 to 103,

. . .

“patentee”, in respect of an invention pertaining to a medicine, means the person for the time being entitled to the benefit of the patent for that invention and includes, where any other person is entitled to exercise any rights in relation to that patent other than under a licence continued by subsection 11(1) of the Patent Act Amendment Act, 1992, that other person in respect of those rights;

. . .

Définition de « invention liée à un médicament »

(2) Pour l'application du paragraphe (1) et des articles 80 à 101, une invention est liée à un médicament si elle est destinée à des médicaments ou à la préparation ou la production de médicaments, ou susceptible d'être utilisée à de telles fins.

Invention pertaining to a medicine

(2) For the purposes of subsection (1) and sections 80 to 101, an invention pertains to a medicine if the invention is intended or capable of being used for medicine or for the preparation or production of medicine.

Renseignements réglementaires à fournir sur les prix

80. (1) Le breveté est tenu de fournir au Conseil, conformément aux règlements, les renseignements et documents sur les points suivants :

a) l'identification du médicament en cause;

b) le prix de vente — antérieur ou actuel — du médicament sur les marchés canadien et étranger;

c) les coûts de réalisation et de mise en marché du médicament s'il dispose de ces derniers renseignements au Canada ou s'il en a connaissance ou le contrôle;

d) les facteurs énumérés à l'article 85;

e) tout autre point afférent précisé par règlement.

Pricing information, etc., required by regulations

80. (1) A patentee of an invention pertaining to a medicine shall, as required by and in accordance with the regulations, provide the Board with such information and documents as the regulations may specify respecting

(a) the identity of the medicine;

(b) the price at which the medicine is being or has been sold in any market in Canada and elsewhere;

(c) the costs of making and marketing the medicine, where that information is available to the patentee in Canada or is within the knowledge or control of the patentee;

(d) the factors referred to in section 85; and

(e) any other related matters.

Idem

(2) Sous réserve du paragraphe (3), l'ancien titulaire d'un brevet est tenu de fournir au Conseil, conformément aux règlements, les renseignements et les documents sur les points suivants :

a) l'identification du médicament en cause;

b) le prix de vente du médicament sur les marchés canadien et étranger pendant la période où il était titulaire du brevet;

c) les coûts de réalisation et de mise en marché du médicament pendant cette période, qu'ils aient été assumés avant ou après la délivrance du brevet, s'il dispose de ces derniers renseignements au Canada ou s'il en a connaissance ou le contrôle;

d) les facteurs énumérés à l'article 85;

e) tout autre point afférent précisé par règlement.

Idem

(2) Subject to subsection (3), a person who is a former patentee of an invention pertaining to a medicine shall, as required by and in accordance with the regulations, provide the Board with such information and documents as the regulations may specify respecting

(a) the identity of the medicine;

(b) the price at which the medicine was sold in any market in Canada and elsewhere during the period in which the person was a patentee of the invention;

(c) the costs of making and marketing the medicine produced during that period, whether incurred before or after the patent was issued, where that information is available to the person in Canada or is within the knowledge or control of the person;

(d) the factors referred to in section 85; and

(e) any other related matters.

Prescription

(3) Le paragraphe (2) ne vise pas celui qui, pendant une période d'au moins trois ans, a cessé d'avoir droit à l'avantage du brevet ou d'exercer les droits du titulaire.

Limitation

(3) Subsection (2) does not apply to a person who has not been entitled to the benefit of the patent or to exercise any rights in relation to the patent for a period of three or more years.

Renseignements sur les prix exigés par le Conseil

81. (1) Le Conseil peut, par ordonnance, enjoindre le breveté ou l'ancien titulaire du brevet de lui fournir les renseignements et les documents sur les points visés aux alinéas 80(1)a) à e), dans le cas du breveté, ou, dans le cas de l'ancien breveté, aux alinéas 80(2)a) à e) ainsi que sur tout autre point qu'il précise.

Pricing information, etc. required by Board

81. (1) The Board may, by order, require a patentee or former patentee of an invention pertaining to a medicine to provide the Board with information and documents respecting

(a) in the case of a patentee, any of the matters referred to in paragraphs 80(1)(a) to (e);

(b) in the case of a former patentee, any of the matters referred to in paragraphs 80(2)(a) to (e); and

(c) such other related matters as the Board may require.

Respect

(2) L'ordonnance est à exécuter dans le délai précisé ou que peut fixer le Conseil.

Compliance with order

(2) A patentee or former patentee in respect of whom an order is made under subsection (1) shall comply with the order within such time as is specified in the order or as the Board may allow.

Prescription

(3) Il ne peut être pris d'ordonnances en vertu du paragraphe (1) plus de trois ans après qu'une personne ait cessé d'avoir droit aux avantages du brevet ou d'exercer les droits du titulaire.

Limitation

(3) No order may be made under subsection (1) in respect of a former patentee who, more than three years before the day on which the order is proposed to be made, ceased to be entitled to the benefit of the patent or to exercise any rights in relation to the patent.

Obligations des brevetés

88. (1) Le breveté est tenu, conformément aux règlements ou aux ordonnances du Conseil, de fournir à celui-ci des renseignements et documents sur les points suivants :

a) l'identité des titulaires des licences découlant du brevet au Canada;

b) les recettes directes ou indirectes qu'il a tirées de la vente au Canada du médicament, ainsi que la source de ces recettes;

c) les dépenses de recherche et développement faites au Canada relativement au médicament.

Sales and expense information, etc., to be provided

88. (1) A patentee of an invention pertaining to a medicine shall, as required by and in accordance with the regulations, or as the Board may, by order, require, provide the Board with such information and documents as the regulations or the order may specify respecting

(a) the identity of the licensees in Canada of the patentee;

(b) the revenue of the patentee, and details of the source of the revenue, whether direct or indirect, from sales of medicine in Canada; and

(c) the expenditures made by the patentee in Canada on research and development relating to medicine.

Renseignements complémentaires

(2) S'il estime pour des motifs raisonnables qu'une personne a des renseignements ou documents sur le montant des ventes au Canada de tout médicament ou sur les dépenses de recherche et développement supportées à cet égard au Canada par un titulaire de brevet, le Conseil peut, par ordonnance, l'obliger à les lui fournir — ou une copie de ceux-ci — selon ce que précise l'ordonnance.

Additional information, etc.

(2) Where the Board believes on reasonable grounds that any person has information or documents pertaining to the value of sales of medicine in Canada by a patentee or the expenditures made by a patentee in Canada on research and development relating to medicine, the Board may, by order, require the person to provide the Board with any of the information or documents that are specified in the order, or with copies thereof.

Délai

(3) L'ordonnance est à exécuter dans le délai précisé ou que peut fixer le Conseil.

Compliance with order

(3) A person in respect of whom an order is made under subsection (1) or (2) shall comply with the order within such time as is specified in the order or as the Board may allow.

Protection des renseignements

(4) Sous réserve de l'article 89, les renseignements ou documents fournis au Conseil sont protégés; nul ne peut, après les avoir obtenus en conformité avec la présente loi, sciemment les communiquer ou en permettre la communication sans l'autorisation de celui qui les a fournis, sauf quant à l'application de la présente loi.

Information, etc., privileged

(4) Subject to section 89, any information or document provided to the Board under subsection (1) or (2) is privileged, and no person who has obtained the information or document pursuant to this Act shall, without the authorization of the person who provided the information or document, knowingly disclose the information or allow it to be disclosed, except for the purposes of the administration of this Act.

Rapport

89. (1) Le Conseil remet au ministre un rapport annuel exposant son estimation de la proportion, exprimée en pourcentage, que les dépenses de recherche et développement en matière de médicaments, faites au Canada dans l'année précédente, représentent par rapport aux recettes tirées de la vente au Canada de médicaments pendant la même période, et ce tant pour chaque breveté que pour l'ensemble des brevetés.

Report

89. (1) The Board shall in each year submit to the Minister a report setting out

(a) the Board's estimate of the proportion, as a percentage, that the expenditures of each patentee in Canada in the preceding year on research and development relating to medicine is of the revenues of those patentees from sales of medicine in Canada in that year; and

(b) the Board's estimate of the proportion, as a percentage, that the total of the expenditures of patentees in Canada in the preceding year on research and development relating to medicine is of the total of the revenues of those patentees from sales of medicine in Canada in that year.

Fondement du rapport

(2) Le rapport se fonde sur l'analyse des renseignements et documents obtenus au titre des paragraphes 88(1) ou (2) et des renseignements ou documents — que le Conseil juge pertinents — sur les recettes et dépenses mentionnées au paragraphe 88(1); par ailleurs, il est établi de manière à ne pas permettre de connaître l'identité de la personne qui a fourni ces renseignements ou documents visés aux paragraphes 88(1) ou (2).

Basis of report

(2) The report shall be based on an analysis of information and documents provided to the Board under subsections 88(1) and (2) and of such other information and documents relating to the revenues and expenditures referred to in subsection 88(1) as the Board considers relevant but, subject to subsection (3), shall not be set out in a manner that would make it possible to identify a person who provided any information or document under subsection 88(1) or (2).

Exception

(3) Dans son rapport, le Conseil identifie toutefois les brevetés pour lesquels une estimation est donnée; il peut aussi identifier les contrevenants aux paragraphes 88(1) ou (2) pour l'année en cause.

Exception

(3) The Board shall, in the report, identify the patentees in respect of whom an estimate referred to in subsection (1) is given in the report, and may, in the report, identify any person who has failed to comply with subsection 88(1) or (2) at any time in the year in respect of which the report is made.

Dépôt au Parlement

(4) Le ministre fait déposer le rapport devant chaque chambre du Parlement dans les trente premiers jours de séance de celle-ci suivant sa remise.

Tabling of report

(4) The Minister shall cause a copy of the report to be laid before each House of Parliament on any of the first thirty days on which that House is sitting after the report is submitted to the Minister.

Règlement sur les médicaments brevetés, DORS/94-688

(tel qu'il est cité par le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés à l'annexe A des motifs de la décision CEPMB Ratiopharm)

Patented Medicines Regulations, SOR/94-688

(as cited by the Patented Medicine Prices Review Board in PMPRB Ratiopharm reasons as Appendix “A”)

3. (1) Pour l'application des alinéas 80(1)a) et (2)a) de la Loi, les renseignements identifiant le médicament doivent indiquer :

a) le nom et l'adresse du breveté ou de l'ancien breveté ainsi que son adresse postale au Canada;

b) si celui-ci détient le brevet ou est le titulaire d'une licence autre que celle prorogée en vertu du paragraphe 11(1) de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets, ou toute autre personne visée par la définition de « breveté » au paragraphe 79(1) de la Loi;

c) l'appellation générique et la marque du médicament;

d) si le médicament est destiné à usage humain ou vétérinaire;

e) son usage thérapeutique approuvé par le ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social;

f) la date à laquelle le premier avis de conformité a été délivré au breveté ou à l'ancien breveté pour le médicament;

g) le numéro d'identification de drogue attribué à chaque forme posologique et à chaque concentration du médicament conformément au Règlement sur les aliments et drogues;

h) le numéro de brevet de chaque invention du breveté ou de l'ancien breveté liée au médicament, la date d'octroi ainsi que la date d'expiration du brevet.

3. (1) For the purposes of paragraphs 80(1)(a) and 80(2)(a) of the Act, information identifying the medicine shall indicate

(a) the name and address of the patentee or former patentee and the address for correspondence in Canada;

(b) whether the reporting patentee referred to in paragraph (a) is the patent holder, a person holding a licence other than a licence continued by subsection 11(1) of the Patent Act Amendment Act, 1992, or any other person referred to in the definition “patentee” in subsection 79(1) of the Act;

(c) the generic name and brand name of the medicine;

(d) whether the medicine is for human or veterinary use;

(e) the therapeutic use of the medicine approved by the Minister of Health and Welfare;

(f) the date on which the first notice of compliance was issued to the patentee or former patentee in respect of the medicine;

(g) the drug identification number assigned to each strength and dosage form of the medicine under the Food and Drug Regulations;

(h) the patent number of each invention of the patentee or former patentee pertaining to the medicine, the date on which each patent was granted and the date on which each patent will expire.

(2) Les renseignements visés au paragraphe (1) doivent être fournis :

a) soit si un avis de conformité a été délivré pour le médicament;

b) soit si le médicament est offert en vente au Canada.

(2) The information required under subsection (1) shall be provided if

(a) a notice of compliance has been issued in respect of the medicine; or

(b) the medicine is being offered for sale in Canada.

(3) Les renseignements visés au paragraphe (1) doivent être fournis, selon la première de ces éventualités suivantes :

a) dans les 30 jours suivant la date à laquelle le premier avis de conformité est délivré pour le médicament;

b) dans les 30 jours suivant la date à laquelle le médicament est offert en vente au Canada pour la première fois.

(3) The information referred to in subsection (1) shall be provided within the earlier of

(a) 30 days after the date on which the first notice of compliance is issued in respect of the medicine, and

(b) 30 days after the date on which the medicine is first offered for sale in Canada.

(4) Les renseignements visés au paragraphe (1) doivent être tenus à jour, et toute modification qui y est apportée doit être présentée dans les 30 jours suivant celle-ci.

(4) The information referred to in subsection (1) shall be up to date and any modification of that information shall be reported within 30 days after the modification.

4. (1) Pour l'application des alinéas 80(1)b) et (2)b) de la Loi, les renseignements identifiant le médicament et ceux sur son prix de vente doivent indiquer :

a) l'identité du breveté ou de l'ancien breveté;

b) l'appellation générique et la marque du médicament;

c) la période visée au paragraphe (2) à laquelle s'appliquent les renseignements;

d) le numéro d'identification de drogue attribué en vertu du Règlement sur les aliments et drogues ou, lorsqu'aucun numéro n'a été attribué, un autre numéro d'identification attribué à chaque forme posologique et à chaque concentration du médicament du breveté ou de l'ancien breveté;

e) la quantité du médicament vendue et soit son prix moyen par emballage, soit les recettes nettes dérivées des ventes de chaque forme posologique, de chaque concentration et de chaque format d'emballage dans lesquels le médicament était vendu sous sa forme posologique finale par le breveté ou l'ancien breveté à chaque catégorie de clients dans chacune des provinces durant les périodes visées au paragraphe (2);

f) le prix départ usine accessible au public de chaque forme posologique, de chaque concentration et de chaque format d'emballage dans lesquels le médicament était vendu par le breveté ou l'ancien breveté à chaque catégorie de clients dans chacune des provinces durant les périodes visées au paragraphe (2);

g) lorsque le médicament est vendu dans un ou plusieurs des pays nommés à l'annexe I, le prix départ usine accessible au public de chaque forme posologique, de chaque concentration et de chaque format d'emballage dans lesquels le médicament était vendu à chaque catégorie de clients dans chacun de ces pays au cours des périodes visées au paragraphe (2).

4. (1) For the purposes of paragraphs 80(1)(b) and (2)(b) of the Act, information identifying the medicine and concerning the price of the medicine shall indicate

(a) the identity of the patentee or former patentee;

(b) the generic name and brand name of the medicine;

(c) the time period, referred to in subsection (2), to which the information pertains;

(d) the drug identification number assigned under the Food and Drug Regulations or, where no drug identification number has been assigned, any other identification number assigned to each dosage form and strength of the medicine of the patentee or former patentee;

(e) the quantity of the medicine sold and either the average price per package or the net revenue from sales of each dosage form, strength and package size in which the medicine was sold in final dosage form by the patentee or former patentee to each class of customer in each province during the periods referred to in subsection (2);

(f) the publicly available ex‑factory price for each dosage form, strength and package size of the medicine that was sold by the patentee or former patentee to each class of customer in each province during the periods referred to in subsection (2);

(g) where the medicine is being sold in one or more of the countries set out in Schedule I, the publicly available ex‑factory price for each dosage form, strength and package size in which the medicine was sold to each class of customer in each of those countries, during the periods referred to in subsection (2).

(2) Les renseignements visés au paragraphe (1) sont fournis à l'égard de :

a) la période de 30 jours suivant la date à laquelle le médicament est vendu au Canada pour la première fois;

b) chaque période de six mois commençant le 1er janvier et le 1er juillet de chaque année.

(2) The information referred to in subsection (1) shall be provided in respect of

(a) the 30 day period following the date of the first sale in Canada of the medicine; and

(b) each six month period commencing on January 1 and July 1 of each year.

(3) Les renseignements visés au paragraphe (2) doivent être présentés dans les 30 jours suivant la fin de chaque période visée à ce paragraphe.

(3) The information referred to in subsection (2) shall be provided within 30 days after the end of each period referred to in that subsection.

(4) Pour l'application de l'alinéa (1)e), le prix après déduction des réductions accordées à titre de promotion ou sous forme de rabais, escomptes, remboursements, biens ou services gratuits, cadeaux ou autres avantages semblables et après déduction de la taxe de vente fédérale doit être utilisé pour le calcul du prix moyen par emballage dans lequel le médicament était vendu.

(4) For the purposes of paragraph (1)(e), in calculating the average price per package of medicine, the actual price after any reduction given as a promotion or in the form of rebates, discounts, refunds, free goods, free services, gifts or any other benefits of a like nature and after deduction of the federal sales tax shall be used.

(5) Pour l'application de l'alinéa (1)e), le montant des recettes après déduction des réductions accordées sous forme de rabais, escomptes, remboursements biens ou services gratuits, cadeaux ou autres avantages semblables et après déduction de la taxe de vente fédérale doit être utilisé pour le calcul des recettes nettes pour chaque forme posologique, chaque concentration et chaque format d'emballage dans lesquels le médicament était vendu sous sa forme posologique finale.

(5) For the purposes of paragraph (1)(e), in calculating the net revenue from sales of each dosage form, strength and package size in which the medicine was sold in final dosage form, the actual revenue after any reduction in the form of rebates, discounts, refunds, free goods, free services, gifts or any other benefits of a like nature and after deduction of federal sales taxes shall be used.

(6) Sous réserve du paragraphe (7), le présent article ne s'applique pas à un médicament vendu par le breveté ou l'ancien breveté à une personne avec qui il a un lien de dépendance ou à tout autre breveté ou ancien breveté.

(6) Subject to subsection (7), this section does not apply in respect of medicine sold by the patentee or former patentee to any person with whom the patentee or former patentee does not deal at arm's length, or to any other patentee or former patentee.

(7) Lorsque le breveté ou l'ancien breveté vend le médicament à une personne avec qui il a un lien de dépendance et que celle-ci n'est pas tenue de fournir des renseignements en vertu des alinéas 80(1)a) et 80(2)a) de la Loi, le breveté ou l'ancien breveté doit fournir les renseignements prévus en vertu des alinéas (1)e) à g) à l'égard de toute revente du médicament par cette personne.

(7) Where the patentee or former patentee sells the medicine to a person with whom the patentee or former patentee does not deal at arm's length and the person is not required to provide information pursuant to paragraphs 80(1)(a) and 80(2)(a) of the Act, the patentee or former patentee shall provide the information required under paragraphs (1)(e) to (g) in respect of any resale of the medicine by that person.

(8) Pour l'application de l'alinéa (1)g), le prix auquel le médicament était vendu dans un pays étranger doit être exprimé dans la devise de ce pays.

(8) For the purposes of paragraph (1)(g), the price at which a medicine was sold in a country other than Canada shall be expressed in the currency of that country.

(9) Pour l'application du présent article, les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu dans sa version du 1er décembre 1987 s'appliquent, compte tenu des adaptations nécessaires, à la détermination du lien de dépendance entre le breveté et une autre personne.

(9) For the purposes of this section, the provisions of the Income Tax Act, as that Act read on December 1, 1987, apply with such modifications as the circumstances require, in determining whether a patentee or former patentee is dealing at arm's length with another person.

(10) Pour l'application du présent article, « prix départ usine accessible au public » s'entend notamment de tout prix d'un médicament breveté dont sont convenus le breveté ou l'ancien breveté et l'autorité réglementante compétente du pays dans lequel le breveté vend le médicament.

(10) For the purposes of this section, “publicly available ex‑factory price” includes any price of a patented medicine that is agreed on by the patentee or former patentee and the appropriate regulatory authority of the country in which the medicine is sold by the patentee.

5. (1) Pour l'application du paragraphe 88(1) de la Loi, les renseignements sur l'identité des titulaires des licences découlant du brevet au Canada et sur les recettes et les dépenses de recherche et développement du breveté doivent indiquer :

a) le nom et l'adresse du breveté ainsi que son adresse postale au Canada;

b) le nom et l'adresse des titulaires des licences au Canada;

c) les recettes brutes totales tirées de toutes les ventes de médicaments pour usage humain et vétérinaire effectuées par le breveté au Canada durant l'année et les recettes totales qui proviennent des titulaires des licences au titre des ventes au Canada de médicaments pour usage humain et vétérinaire;

d) un résumé de toutes les dépenses engagées par le breveté durant l'année pour l'exécution, au Canada par lui ou pour son compte, de recherche et développement en matière de médicaments pour usage humain ou vétérinaire y compris :

(i) une description du type de recherche et développement et le nom de la personne ou de l'entité qui les a exécutés,

(ii) pour chaque type de recherche et développement, les montants dépensés par le breveté ou par la personne ou l'entité qui a exécuté la recherche et le développement,

(iii) le nom de la province où la recherche et le développement ont été effectués et le montant dépensé dans la province par le breveté ou par la personne ou l'entité.

5. (1) For the purposes of subsection 88(1) of the Act, information concerning the identity of any licensee in Canada of the patentee and the revenues and research and development expenditures of the patentee shall indicate

(a) the name and address of the patentee and the address for correspondence in Canada;

(b) the name and address of all licensees in Canada of the patentee;

(c) the total gross revenues from all sales in Canada during the year by the patentee of medicine for human and veterinary use and the total revenues received from all licensees from the sale in Canada of medicine for human and veterinary use; and

(d) a summary of all expenditures made during the year by the patentee towards the cost of research and development relating to medicine for human or veterinary use carried out in Canada by or on behalf of the patentee, including

(i) a description of the type of research and development and the name of the person or entity that carried out the research and development,

(ii) the expenditures of the patentee or the person or entity that carried out the research and development, in respect of each type of research and development, and

(iii) the name of the province in which the research and development was carried out and the expenditures in that province by the patentee or the person or entity.

(2) Les renseignements visés au paragraphe (1) doivent être fournis pour chaque année civile et être présentés dans les 60 jours suivant la fin de l'année.

(2) The information referred to in subsection (1) shall be provided for each calendar year and shall be submitted within 60 days after the end of each calendar year.

(3) Les recettes brutes totales visées à l'alinéa (1)c) sont celles qui se rapportent aux ventes de médicaments :

a) auxquels un numéro d'identification de drogue a été attribué conformément au Règlement sur les aliments et drogues ou ceux qui ont été approuvés pour la vente à un chercheur compétent conformément à ce règlement;

b) qui sont utilisés pour le diagnostic, le traitement, l'atténuation ou la prévention de maladies, de troubles ou d'états physiques anormaux ou de leurs symptômes, ainsi que pour la modification de fonctions organiques chez les humains ou les animaux;

c) dont la vente est promue par quelque moyen que ce soit auprès des médecins, des dentistes, des vétérinaires, des hôpitaux, des détaillants ou des grossistes de drogues ou des fabricants de produits pharmaceutiques contrôlés.

(3) The total gross revenues referred to in paragraph (1)(c) shall comprise revenues from sales of medicine

(a) for which a drug identification number has been issued under the Food and Drug Regulations or which has been approved for sale to qualified investigators under those Regulations;

(b) that is used in the diagnosis, treatment, mitigation or prevention of a disease, disorder or abnormal physical state or the symptoms thereof or in the modification of organic functions in humans or animals; and

(c) the sale of which is promoted by any means to physicians, dentists, veterinarians, hospitals, drug retailers or wholesalers or manufacturers of ethical pharmaceutical products.

(4) Pour l'application de l'alinéa (1)d), le breveté doit indiquer :

a) les dépenses en immobilisations totales afférentes aux immeubles et le montant de dépréciation annuelle de ceux-ci, qui est calculée à un taux annuel de 4 pour cent sur une période maximale de 25 ans;

b) les dépenses totales relatives à l'équipement;

c) la source du financement des dépenses de recherche et de développement du breveté et le montant fourni.

(4) For the purposes of paragraph (1)(d), the patentee shall specify

(a) the total capital expenditures on buildings and the annual depreciation of the buildings which depreciation shall be calculated at an annual rate of four per cent for a maximum of 25 years;

(b) the total capital expenditures on equipment; and

(c) the source and amount of the funds for expenditures made by the patentee towards the cost of research and development.


ANNEXE II

Loi modifiant la Loi sur les brevets et prévoyant certaines dispositions connexes, L.C. 1987, ch. 41

(dispositions pertinentes en vigueur le 7 décembre 1987)

An Act to amend the Patent Act and to provide for certain matters in relation thereto, S.C. 1987, c. 41

(relevant provisions in force on 7 December 1987)

41.1 (1) Les définitions qui suivent s'appliquent aux articles 41.11 à 41.25.

[...]

« breveté » ou « titulaire de brevet » Lui est assimilé quiconque exerce des droits d'un breveté sur une invention liée à un médicament autres qu'une licence visée à l'article 41.

[...]

41.1 (1) In sections 41.11 to 41.25,

. . .

“patentee”, in respect of an invention pertaining to a medicine, includes, where a person is exercising any rights of the patentee other than under a licence under section 41, that other person in respect of those rights.

. . .

Loi modifiant la Loi sur les brevets et prévoyant certaines dispositions connexes, L.R.C. 1985 (3e suppl.), ch. 33

(dispositions pertinentes en vigueur le 12 décembre 1988)

An Act to amend the Patent Act and to provide for certain matters in relation thereto, R.S.C. 1985 (3rd Supp.), c. 33

(relevant provisions in force on 12 December 1998)

39.1 (1) Les définitions qui suivent s'appliquent aux articles 39.11 à 39.25.

[...]

« breveté » ou « titulaire de brevet » Lui est assimilé quiconque exerce des droits d'un breveté sur une invention liée à un médicament autres qu'une licence visée à l'article 39.

[...]

39.1 (1) In sections 39.11 to 39.25,

. . .

“patentee”, in respect of an invention pertaining to a medicine, includes, where a person is exercising any rights of the patentee other than under a licence under section 39, that other person in respect of those rights.

. . .

Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets, L.C. 1993, ch. 2

(dispositions pertinentes en vigueur le 15 février 1993)

Patent Act Amendment Act, 1992, S.C. 1993, c. 2

(relevant provisions in force on 15 February 1993)

79. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article et aux articles 80 à 103.

[...]

« breveté » ou « titulaire d'un brevet » La personne ayant pour le moment droit à l'avantage d'un brevet pour une invention liée à un médicament, ainsi que quiconque était titulaire d'un brevet pour une telle invention ou exerce ou a exercé les droits d'un titulaire dans un cadre autre qu'une licence prorogée en vertu du paragraphe 11(1) de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets.

[...]

79. (1) In this section and in sections 80 to 103,

. . .

“patentee”, in respect of an invention pertaining to a medicine, means the person for the time being entitled to the benefit of the patent for that invention and includes, where any other person is entitled to exercise any rights in relation to that patent other than under a licence continued by subsection 11(1) of the Patent Act Amendment Act, 1992, that other person in respect of those rights;

. . .


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIERS :

A-302-14 ET A-303-14

 

DOSSIER :

A-302-14

 

INTITULÉ :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. SANDOZ CANADA INC.

 

ET DOSSIER :

A-303-14

 

INTITULÉ :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. RATIOPHARM INC. (MAINTENANT TEVA CANADA LIMITÉE)

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :

LE 22 SEPTEMBRE 2015

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE EN CHEF NOËL

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE RENNIE

DATE DU JUGEMENT :

LE 6 NOVEMBRE 2015

COMPARUTIONS :

Robert MacKinnon

Craig Collins-Williams

POUR L'APPELANT

Gavin MacKenzie

Neil Fineberg

POUR L'INTIMÉE

(SANDOZ CANADA INC.)

Gavin MacKenzie

Neil Fineberg

POUR L'INTIMÉE

(RATIOPHARM INC. (MAINTENANT TEVA CANADA LIMITÉE))

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

POUR L'APPELANT

DAVIS LLP

Toronto (Ontario)

et

MILLER THOMSON LLP

Toronto (Ontario)

POUR L'INTIMÉE

(SANDOZ CANADA INC.)

DLA PIPER (CANADA) LLP

Toronto (Ontario)

et

MILLER THOMSON LLP

Toronto (Ontario)

POUR L'INTIMÉE

(RATIOPHARM INC. (MAINTENANT TEVA CANADA LIMITÉE))

 

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