Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20151123


Dossier : A-549-14

Référence : 2015 CAF 260

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE STRATAS

LE JUGE DE MONTIGNY

 

ENTRE :

RACHEL EXETER

appelante

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

(administrateur général, Statistique Canada)

intimé

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 4 novembre 2015.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 23 novembre 2015.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE PELLETIER

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE DE MONTIGNY

 


Date : 20151123


Dossier : A-549-14

Référence : 2015 CAF 260

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE STRATAS

LE JUGE DE MONTIGNY

 

ENTRE :

RACHEL EXETER

appelante

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

(administrateur général, Statistique Canada)

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PELLETIER

[1]               Mme Exeter interjette appel de l’ordonnance de la Cour fédérale (non publiée) rejetant l’appel qu’elle a interjeté de la décision du protonotaire Aronovitch (aussi non publiée), qui a accueilli la requête en cautionnement pour dépens de 2 000 $ déposée par le procureur général.

[2]               Mme Exeter a été fréquemment partie à des instances devant la Cour d’appel fédérale et la Cour fédérale. Au cours de son parcours contentieux, elle a souvent été condamnée aux dépens, et des dépens lui ont occasionnellement été accordés. Le procureur général a déposé une requête en cautionnement pour dépens, laquelle était appuyée par un affidavit dont il ressort que Mme Exeter n’avait pas réglé des dépens auxquels elle avait été condamnée dans d’autres causes. Mme Exeter a déposé son propre affidavit, par lequel elle contestait l’affidavit déposé par le procureur général et demandait d’être libérée de l’obligation de fournir un cautionnement pour dépens parce qu’elle était démunie.

[3]               Le protonotaire a tenu compte de la preuve relative aux dépens non réglés ainsi que de la preuve relative à l’indigence, et il a ordonné le dépôt d’un cautionnement pour dépens d’un montant de 2 000 $ au lieu du montant de 8 120 $ demandé par le procureur général. Lors de l’appel à la Cour fédérale, la juge de la Cour fédérale a pris note de la preuve relative aux dépens non réglés ainsi que la décision du protonotaire au sujet de l’indigence, et elle a conclu que, étant donné la norme de contrôle judiciaire concernant les décisions d’un protonotaire par un juge de la Cour fédérale, rien ne justifiait d’infirmer la décision du protonotaire.

[4]               Mme Exeter interjette maintenant appel à la Cour d’appel fédérale. Dans les jours qui ont précédé l’audition de l’appel, Mme Exeter a écrit au juge en chef pour s’opposer à la présence du juge Stratas au sein du banc, au motif que donnait lieu à une crainte raisonnable de partialité une décision de la Cour d’appel fédérale qu’il a rédigée et à laquelle les autres membres du banc ont souscrit. Comme il est de pratique courante, le juge Stratas a répondu aux allégations de Mme Exeter, jugeant qu’il s’agissait d’une requête en récusation informelle. Dans sa décision, portant le no de référence 2015 CAF 238, il a déclaré qu’aucune personne raisonnable pleinement informée qui examinerait l’affaire en détail ne conclurait qu’il ne pourrait pas trancher l’affaire de façon impartiale.

[5]               Mme Exeter a alors écrit de nouveau au juge en chef, demandant que l’affaire soit ajournée, le temps qu’elle interjette appel de la décision du juge Stratas à la Cour suprême du Canada. Le juge en chef m’a demandé, en qualité de président de l’audience, de répondre à la demande d’ajournement de Mme Exeter. J’ai donné une directive expliquant pourquoi un ajournement ne serait pas accordé.

[6]               Au début de l’audition de l’appel, Mme Exeter a renouvelé sa demande d’ajournement et elle a signalé qu’elle cesserait de participer à l’appel si l’ajournement était refusé. L’ajournement a été refusé. L’avocate du ministère public, en réponse à une question du banc, a signalé qu’elle n’avait rien à ajouter à son Exposé des faits et du droit. Par conséquent, l’appel sera tranché sur examen du dossier.

[7]               Il ressort de l’affidavit de Josée Carrière qu’un certain nombre de dépens auxquels Mme Exeter a été condamnée ne sont pas réglés. Mme Exeter conteste cette affirmation, déclarant que l’affidavit ne tient pas compte d’ordonnances de la juge Sharlow lui attribuant des dépens d’un montant total de 1 500 $ à la Cour d’appel fédérale, ces dépens devant être compensés avec les dépens non réglés par Mme Exeter dans d’autres instances. Il est vrai que l’affidavit du procureur général est incomplet, mais le total des dépens non réglés indiqués dans l’affidavit de Josée Carrière est supérieur au montant que Mme Exeter peut affecter en compensation.

[8]               Mme Exeter conteste aussi le fait que les dépens mentionnés dans l’affidavit ne sont pas réglés, puisque, pour certains de ces dépens, des brefs de saisie‑exécution grèvent son bien immobilier. Le fait que des mesures d’exécution ont été entreprises ne veut pas dire que les dépens ont été réglés. Ils demeurent non réglés tant que le bien immobilier n’est pas vendu et que les brefs ne sont pas annulés. Le protonotaire n’a commis aucune erreur lorsqu’il a jugé que les exigences de la règle 416(1)f) avaient été satisfaites.

[9]               Mme Exeter attaque aussi la conclusion du protonotaire selon laquelle sa preuve d’indigence était [TRADUCTION] « insuffisante et pas assez détaillée aux fins de l’affaire ». Dans son affidavit, Mme Exeter a déclaré un revenu annuel de 13 227 $ et des dépenses mensuelles de 1 380 $, qui ne comprennent pas les dépenses de nourriture, d’assurance (habitation et automobile) et de transport, l’impôt foncier et d’autres dépenses diverses. Le problème avec cette déclaration, c’est que les dépenses mensuelles de Mme Exeter (1 380 $) sont supérieures à son revenu mensuel (13 227 $ / 12 = 1 102 $) de plus de 275 $ (1 380 $ - 1 102 $ = 278 $), avant que les dépenses pour la nourriture et les produits de première nécessité n’aient été comptabilisées. Il est clair que, soit Mme Exeter a d’autres revenus, soit son état de dépenses est inexact. Le fait que l’avocate du ministère public n’ait pas contre-interrogé Mme Exeter au sujet de son affidavit ne signifie pas qu’elle reconnaît la véracité du contenu de l’affidavit. Zheng c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1311, [2007] J.C.F. no 1686, paragraphe 13. Le protonotaire n’a commis aucune erreur lorsqu’il a jugé que la preuve d’indigence de Mme Exeter était insuffisante et ne répondait pas aux exigences de la règle 417.

[10]           Mme Exeter attaque aussi les motifs de la juge de la Cour fédérale pour insuffisance, soutenant qu’ils ne permettent pas au lecteur de comprendre pourquoi elle a tiré la conclusion en question. Je rejette cette thèse. Ces motifs respectent les critères de suffisance consacrés par une certaine jurisprudence de la Cour suprême et résumés récemment par la Cour d’appel fédérale dans Canada c. Première Nation Long Plain, 2015 CAF 177, paragraphe 143.

[11]           Dans de telles circonstances, il n’est pas nécessaire d’examiner au fond la thèse défendue par Mme Exeter devant la Cour fédérale. La juge de la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur en refusant de le faire.

[12]           Mme Exeter soutient également que la question du cautionnement pour dépens est chose jugée étant donné qu’une requête en cautionnement pour dépens déposée par le procureur général en 2012 a été rejetée avec dépens payables à Mme Exeter. Cette requête en cautionnement visait les dépens relatifs à des instances devant la Cour d’appel. Même si nous tenons pour acquis, aux fins de la discussion, que la doctrine de la chose jugée s’applique au rejet d’une demande en cautionnement pour dépens dans diverses procédures devant diverses juridictions, c’est à Mme Exeter qu’il incombe de montrer qu’il n’y a eu aucun changement important à sa situation depuis 2012.   Elle ne l’a pas fait, et la thèse de la chose jugée ne tient donc pas.

[13]           Mme Exeter invoque un certain nombre d’autres moyens tirés de la Charte canadienne des droits et libertés et de son droit d’accès à la justice. L’appel dont nous sommes saisis ne soulève aucune question portant sur des dispositions de la Charte. L’ordonnance visée par l’appel ne soulève aucune question d’égalité et ne donne lieu à nulle privation de la vie, de la liberté ou de la sécurité de la personne. Pour ce qui est du droit d’accès à la justice de Mme Exeter, l’ordonnance faisant l’objet de l’appel résulte du fait qu’elle a exercé ce droit à de nombreuses reprises auparavant sans honorer les obligations qu’elle a par le fait même contractées.

[14]           En dernier lieu, Mme Exeter soutient que l’avocate du ministère public ne s’est pas conformée aux Règles de la Cour fédérale DORS/98‑106 lorsqu’elle a modifié unilatéralement l’intitulé de la cause en supprimant la mention de l’administrateur général, Statistique Canada. J’aborde dans le sens de Mme Exeter sur ce point. Les Règles sont claires sur le fait que l’intitulé de la cause ne peut être modifié que sur ordonnance : voir la règle 76. Cela dit, la non-conformité aux Règles n’a aucune incidence sur la question du cautionnement pour dépens. Si le procureur général souhaite modifier l’intitulé de la cause, il peut, si le besoin se présente, déposer une requête en ce sens.

[15]           Par ces motifs, je rejetterais l’appel de Mme Exeter et je confirmerais l’ordonnance relative au cautionnement pour dépens d’un montant de 2 000 $ relativement à l’instance portant le no de dossier T ‑482‑13. J’accorderais aussi des dépens de 500 $ au procureur général du Canada dans la présente instance. Pour ce qui est des dépens non réglés par Mme Exeter, j’ordonnerais également que ces dépens soient payables sans délai et qu’aucun autre avis d’appel relatif à des questions interlocutoires dans le dossier T ‑482‑13 ne puisse être déposé tant que Mme Exeter n’aura pas produit de confirmation écrite du paiement des dépens.

« J.D. Denis Pelletier »

J.C.A.

« Je suis d’accord.

Le Juge Stratas »

« Je suis d’accord.

Le Juge De Montigny »

Traduction certifiée conforme

François Brunet, réviseur


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-549-14

(APPEL DE L’ORDONNANCE DE LA JUGE MARTINE ST‑LOUIS RENDUE LE 4 DÉCEMBRE 2014, NT ‑482‑13.

DOSSIER :

A-549-14

 

 

INTITULÉ :

RACHEL EXETER c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA (administrateur général, Statistique Canada)

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 4 NOVEMBRE 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE PELLETIER

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE DE MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 23 NOVEMBRE 2015

 

COMPARUTIONS :

Rachel Exeter

 

EN SON NOM PROPRE

 

Helene Robertson

 

POUR L’INTIMÉ

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

EN SON NOM PROPRE

 

POUR LA DEMANDERESSE

RACHEL EXETER

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

 

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