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Date : 20150316


Dossier : A-427-13

Référence : 2015 CAF 72

CORAM :

LE JUGE RYER

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

 

 

ENTRE :

RIO TINTO ALCAN INC.

demanderesse

et

SILICIUM QUÉBEC SEC, COMPAGNIE CANADA QSIP ULC, QSIP SALES ULC, ALCOA LTÉE, ALERIS SPECIFICATION ALLOY PRODUCTS CANADA COMPANY ET UNIFOR

défendeurs

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 24 février 2015.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 16 mars 2015.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE RYER

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

 


Date : 20150316


Dossier : A-427-13

Référence : 2015 CAF 72

CORAM :

LE JUGE RYER

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

 

ENTRE :

RIO TINTO ALCAN INC.

demanderesse

et

SILICIUM QUÉBEC SEC, COMPAGNIE CANADA QSIP ULC, QSIP SALES ULC, ALCOA LTÉE, ALERIS SPECIFICATION ALLOY PRODUCTS CANADA COMPANY ET UNIFOR

défendeurs

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE RYER

I.                   Introduction

[1]               La Cour est saisie d’une demande de révision judiciaire présentée par Rio Tinto Alcan Inc. (RTA) sur le fondement de l’article 96.1 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, L.R.C. 1985, c. S-15 (la LMSI), en vue de contester la décision du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) datée du 19 novembre 2013 (enquête n° NQ‑2013‑003) et rendue au titre du paragraphe 43(1) de la LMSI.

[2]               En application de l’alinéa 42(1)a) de la LMSI, le Tribunal a conclu que le dumping et le subventionnement de silicium métal aux caractéristiques particulières et originaire de Chine (les marchandises en question) n’avaient causé aucun dommage mais menaçaient d’en causer à la branche de production nationale. Le Tribunal a jugé que la branche de production nationale est constituée de Silicium Québec SEC (QSLP), de la Compagnie Canada QSIP ULC et QSIP Sales ULC (collectivement Silicium Québec). Par suite de cette conclusion, des droits antidumping et compensateurs (les droits) sont devenus payables sur les marchandises en question à compter du 20 novembre 2013.

[3]               RTA est le plus grand importateur et utilisateur final canadien des marchandises en question. Insatisfaite de la décision du Tribunal, RTA saisit la Cour de la présente demande et lui demande d’annuler la conclusion du Tribunal selon laquelle il y a menace de dommage et de lui substituer la conclusion selon laquelle il n’y a aucune menace ou, subsidiairement, de renvoyer l’affaire au Tribunal pour qu’il statue de nouveau sur l’affaire.

[4]               Pour les motifs qui suivent, je rejetterais la demande.

II.                Résumé des faits

[5]               Silicium Québec exploite la seule installation au Canada où l’on produit du silicium métal (l’installation). L’installation est située à Bécancour, au Québec. Pendant le déroulement de l’enquête du Tribunal, d’importants changements ont été apportés quant à la propriété et à l’exploitation de l’installation.

[6]               Avant septembre 2010, l’installation appartenait à Silicium Bécancour Inc. (SBI), une filiale de Timminco Limited (Timminco). En août 2010, SBI a constitué QSLP, une société en commandite, et lui a transféré l’installation. Le 1er octobre 2010, SBI a procédé à certaines opérations (les accords avec Dow) par lesquelles elle a vendu une participation de 49 pour cent dans QSLP à une filiale de Dow Corning Corporation (Dow) et a accordé à Dow le droit à 49 pour cent de la production faite à l’installation, une production que Dow exportait ensuite vers les États‑Unis. SBI est demeurée responsable de la vente de la part restante de 51 pour cent de la production de QSLP.

[7]               Environ au même moment où ont été passés les accords avec Dow, SBI a conclu un accord d’approvisionnement d’exportation à long terme (le contrat de vente avec Wacker) avec une société allemande, Wacker Chemie AG (Wacker).

[8]               Silicium Québec et son prédécesseur, SBI, étaient des producteurs de silicium métal axés sur l’exportation depuis au moins le début des années 2000, et seule une faible partie de leur production était vendue sur le marché canadien.

[9]               En juin 2012, dans le cadre de procédures fondées sur la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (les procédures fondées sur la LACC) faisant suite aux difficultés financières de Timminco à l’époque, la participation de 51 pour cent de SBI dans QSLP a été acquise par QSIP Canada, alors filiale en propriété exclusive de Globe Specialty Metals Inc. (Globe). Globe a alors pu renégocier le contrat de vente avec Wacker, de sorte que Wacker puisse s’approvisionner auprès soit de QSIP Sales, filiale en propriété exclusive de QSIP Canada, soit de Globe et de sa production provenant des États‑Unis.

[10]           Unifor est le syndicat qui représente les employés travaillant à l’installation. Les employés de l’installation ont été mis en lockout à compter de mai 2013 (le lockout), et ils l’étaient toujours lorsque s’est déroulée l’enquête du Tribunal. Défendeur dans la présente instance, Unifor conteste la demande.

[11]            Le 1er mars 2013, Silicium Québec a déposé une plainte auprès de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) concernant le dumping et le subventionnement des marchandises en question. Le 22 juillet 2013, l’ASFC a rendu une décision provisoire de dumping et de subventionnement, qui a donné lieu à l’imposition de droits provisoires sur les marchandises en question. Le 21 octobre 2013, l’ASFC a rendu une décision définitive de dumping et de subventionnement.

III.             Cadre législatif

[12]           Le Tribunal a institué son enquête en application de l’alinéa 42(1)a) de la LMSI, reproduit ci‑après :

42. (1) Dès réception de l’avis de décision provisoire prévu au paragraphe 38(3), le Tribunal fait enquête sur celles parmi les questions suivantes qui sont indiquées dans les circonstances, à savoir :

42. (1) The Tribunal, forthwith after receipt pursuant to subsection 38(3) of a notice of a preliminary determination, shall make inquiry with respect to such of the following matters as is appropriate in the circumstances:

a) si le dumping des marchandises en cause ou leur subventionnement :

(a) in the case of any goods to which the preliminary determination applies, as to whether the dumping or subsidizing of the goods

(i) soit a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage,

(i) has caused injury or retardation or is threatening to cause injury, or

(ii) soit aurait causé un dommage ou un retard sans l’application de droits provisoires aux marchandises;

(ii) would have caused injury or retardation except for the fact that provisional duty was imposed in respect of the goods;

[13]           Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit comme suit les expressions « branche de production nationale », « dommage » et « marchandises similaires » :

« branche de production nationale » Sauf pour l’application de l’article 31 et sous réserve du paragraphe (1.1), l’ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires. Peut toutefois en être exclu le producteur national qui est lié à un exportateur ou à un importateur de marchandises sous-évaluées ou subventionnées, ou qui est lui-même un importateur de telles marchandises.

“domestic industry”  means, other than for the purposes of section 31 and subject to subsection (1.1), the domestic producers as a whole of the like goods or those domestic producers whose collective production of the like goods constitutes a major proportion of the total domestic production of the like goods except that, where a domestic producer is related to an exporter or importer of dumped or subsidized goods, or is an importer of such goods, “domestic industry” may be interpreted as meaning the rest of those domestic producers;

[...]

...

« dommage » Le dommage sensible causé à une branche de production nationale.

“injury” means material injury to a domestic industry;

[...]

...

« marchandises similaires » Selon le cas :

“like goods” , in relation to any other goods, means

a) marchandises identiques aux marchandises en cause;

(a) goods that are identical in all respects to the other goods, or

b) à défaut, marchandises dont l’utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

(b) in the absence of any goods described in paragraph (a), goods the uses and other characteristics of which closely resemble those of the other goods;

[14]           Par ailleurs, l’article 37.1 du Règlement sur les mesures spéciales d’importation, D.O.R.S./84-927 (le RMSI), énonce les facteurs que le Tribunal doit prendre en compte pour décider si le dumping ou le subventionnement de marchandises cause un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage. L’article 37.1 dispose :

37.1 (1) Les facteurs pris en compte pour décider si le dumping ou le subventionnement de marchandises cause un dommage ou un retard sont les suivants :

37.1 (1) For the purposes of determining whether the dumping or subsidizing of any goods has caused injury or retardation, the following factors are prescribed:

a) le volume des marchandises sous‑évaluées ou subventionnées et, plus précisément, s’il y a eu une augmentation marquée du volume des importations des marchandises sous-évaluées ou subventionnées, soit en quantité absolue, soit par rapport à la production ou à la consommation de marchandises similaires;

(a) the volume of the dumped or subsidized goods and, in particular, whether there has been a significant increase in the volume of imports of the dumped or subsidized goods, either in absolute terms or relative to the production or consumption of like goods;

b) l’effet des marchandises sous‑évaluées ou subventionnées sur le prix des marchandises similaires et, plus particulièrement, si les marchandises sous-évaluées ou subventionnées ont, de façon marquée, mené :

(b) the effect of the dumped or subsidized goods on the price of like goods and, in particular, whether the dumped or subsidized goods have significantly

(i) soit à la sous-cotation du prix des marchandises similaires,

(i) undercut the price of like goods,

(ii) soit à la baisse du prix des marchandises similaires,

(ii) depressed the price of like goods, or

(iii) soit à la compression du prix des marchandises similaires en empêchant les augmentations de prix qui par ailleurs se seraient vraisemblablement produites pour ces marchandises;

(iii) suppressed the price of like goods by preventing the price increases for those like goods that would otherwise likely have occurred;

c) l’incidence des marchandises sous-évaluées ou subventionnées sur la situation de la branche de production nationale et, plus précisément, tous les facteurs et indices économiques pertinents influant sur cette situation, y compris :

(c) the resulting impact of the dumped or subsidized goods on the state of the domestic industry and, in particular, all relevant economic factors and indices that have a bearing on the state of the domestic industry, including

(i) tout déclin réel ou potentiel dans la production, les ventes, la part de marché, les bénéfices, la productivité, le rendement sur capital investi ou l’utilisation de la capacité de la branche de production,

(i) any actual or potential decline in output, sales, market share, profits, productivity, return on investments or the utilization of industrial capacity,

(ii) toute incidence négative réelle ou potentielle sur les liquidités, les stocks, les emplois, les salaires, la croissance ou la capacité de financement,

(ii) any actual or potential negative effects on cash flow, inventories, employment, wages, growth or the ability to raise capital,

(ii.1) l’importance de la marge de dumping des marchandises ou du montant de subvention octroyé pour celles-ci,

(ii.1) the magnitude of the margin of dumping or amount of subsidy in respect of the dumped or subsidized goods, and

(iii) dans le cas des produits agricoles qui sont subventionnés, y compris tout produit qui est un produit ou une marchandise agricole aux termes d’une loi fédérale ou provinciale, toute augmentation du fardeau subi par un programme de soutien gouvernemental;

(iii) in the case of agricultural goods, including any goods that are agricultural goods or commodities by virtue of an Act of Parliament or of the legislature of a province, that are subsidized, any increased burden on a government support programme; and

d) tout autre facteur pertinent, compte tenu des circonstances.

(d) any other factors that are relevant in the circumstances.

(2) Les facteurs pris en compte pour décider si le dumping ou le subventionnement de marchandises menace de causer un dommage sont les suivants :

(2) For the purposes of determining whether the dumping or subsidizing of any goods is threatening to cause injury, the following factors are prescribed:

a) la nature de la subvention en cause et les répercussions qu’elle aura vraisemblablement sur le commerce;

(a) the nature of the subsidy in question and the effects it is likely to have on trade;

b) s’il y a eu un taux d’augmentation marquée des marchandises sous-évaluées ou subventionnées importées au Canada qui indique qu’il y aura vraisemblablement une augmentation importante des importations au Canada des marchandises sous-évaluées ou subventionnées;

(b) whether there has been a significant rate of increase of dumped or subsidized goods imported into Canada, which rate of increase indicates a likelihood of substantially increased imports into Canada of the dumped or subsidized goods;

c) s’il y a une capacité disponible accessible suffisante ou une augmentation imminente et marquée dans la capacité d’un exportateur, laquelle indique qu’il y aura vraisemblablement une augmentation importante du volume des marchandises sous-évaluées ou subventionnées, compte tenu de l’existence d’autres marchés d’exportation pouvant absorber des exportations additionnelles;

(c) whether there is sufficient freely disposable capacity, or an imminent, substantial increase in the capacity of an exporter, that indicates a likelihood of a substantial increase of dumped or subsidized goods, taking into account the availability of other export markets to absorb any increase;

d) la possibilité d’un changement de production dans le cas où les installations qui peuvent servir à produire les marchandises servent à la production d’autres marchandises;

(d) the potential for product shifting where production facilities that can be used to produce the goods are currently being used to produce other goods;

e) si les marchandises sont importées sur le marché national à des prix qui auront vraisemblablement pour effet de faire baisser ou de comprimer de façon marquée les prix de marchandises similaires et d’accroître la demande en importations additionnelles de ces marchandises;

(e) whether the goods are entering the domestic market at prices that are likely to have a significant depressing or suppressing effect on the price of like goods and are likely to increase demand for further imports of the goods;

f) les stocks de marchandises;

(f) inventories of the goods;

g) l’incidence négative réelle et potentielle sur les efforts déployés pour le développement et la production, y compris ceux déployés pour produire une version modifiée ou améliorée de marchandises similaires;

(g) the actual and potential negative effects on existing development and production efforts, including efforts to produce a derivative or more advanced version of like goods;

g.1) l’importance de la marge de dumping des marchandises ou du montant de subvention octroyé pour celles-ci;

(g.1) the magnitude of the margin of dumping or amount of subsidy in respect of the dumped or subsidized goods;

g.2) la preuve de l’imposition de mesures antidumping ou compensatoires par les autorités d’un pays autre que le Canada sur des marchandises de même description ou des marchandises semblables;

(g.2) evidence of the imposition of anti-dumping or countervailing measures by the authorities of a country other than Canada in respect of goods of the same description or in respect of similar goods; and

h) tout autre facteur pertinent, compte tenu des circonstances.

(h) any other factors that are relevant in the circumstances.

(3) En outre, les facteurs pris en compte pour déterminer si le dumping ou le subventionnement des marchandises cause un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage sont les suivants :

(3) For the purpose of determining whether the dumping or subsidizing of any goods has caused injury or retardation, or is threatening to cause injury, the following additional factors are prescribed:

a) le fait qu’il existe ou non un lien de causalité entre le dumping ou le subventionnement et le dommage, le retard ou la menace de dommage, selon les facteurs énumérés aux paragraphes (1) et (2);

(a) whether a causal relationship exists between the dumping or subsidizing of the goods and the injury, retardation or threat of injury, on the basis of the factors listed in subsections (1) and (2); and

b) le fait qu’il existe ou non des facteurs, autres que le dumping ou le subventionnement, qui ont causé un dommage ou un retard ou qui menacent de causer un dommage, selon les éléments suivants :

(b) whether any factors other than the dumping or subsidizing of the goods have caused injury or retardation or are threatening to cause injury, on the basis of

(i) le volume et le prix des importations de marchandises similaires qui ne sont pas sous-évaluées ou subventionnées,

(i) the volumes and prices of imports of like goods that are not dumped or subsidized,

(ii) la contraction de la demande pour les marchandises ou pour des marchandises similaires,

(ii) a contraction in demand for the goods or like goods,

(iii) tout changement des habitudes de consommation des marchandises ou de marchandises similaires,

(iii) any change in the pattern of consumption of the goods or like goods,

(iv) les pratiques commerciales restrictives des producteurs étrangers et nationaux, ainsi que la concurrence qu’ils se livrent,

(iv) trade-restrictive practices of, and competition between, foreign and domestic producers,

(v) les progrès technologiques,

(v) developments in technology,

(vi) le rendement à l’exportation et la productivité de la branche de production nationale à l’égard de marchandises similaires,

(vi) the export performance and productivity of the domestic industry in respect of like goods, and

(vii) tout autre facteur pertinent, compte tenu des circonstances.

(vii) any other factors that are relevant in the circumstances.

[15]           Enfin, le paragraphe 2(1.5) de la LMSI restreint comme suit les situations où le Tribunal peut conclure à l’existence d’une menace de dommage :

2. (1.5) Pour l’application de la présente loi, pour qu’il puisse être décidé que le dumping ou le subventionnement de marchandises menace de causer un dommage ou cause une menace de dommage, il faut que les circonstances dans lesquelles le dumping ou le subventionnement est susceptible de causer un dommage soient nettement prévues et imminentes.

2. (1.5) For the purposes of this Act, the dumping or subsidizing of goods shall not be found to be threatening to cause injury or to cause a threat of injury unless the circumstances in which the dumping or subsidizing of goods would cause injury are clearly foreseen and imminent.

IV.             Décision du Tribunal

Période visée par l’enquête

[16]           Le Tribunal a évalué si le dumping et le subventionnement avaient causé un dommage réel pendant la période visée par l’enquête s’étendant du 1er janvier 2010 au 30 juin 2013 (la période visée par l’enquête). Il s’est également penché sur deux périodes intermédiaires : du 1er janvier au 30 juin 2012 (la période intermédiaire 2012) et du 1er janvier au 30 juin 2013 (la période intermédiaire 2013).

Certains éléments de l’enquête du paragraphe 42(1)

[17]           Le Tribunal a conclu que, pour mener l’enquête prévue au paragraphe 42(1) de la LMSI quant à savoir si le dumping et le subventionnement des marchandises en question avaient causé ou menaçaient de causer un dommage à la branche de production nationale, il devait déterminer si les exigences de certaines définitions énoncées au paragraphe 2(1) étaient respectées, soit celles des expressions « marchandises similaires », « branche de production nationale » et « dommage ».

Marchandises similaires

[18]           Le Tribunal a conclu que l’utilisation et les autres caractéristiques du silicium métal produit à l’installation étaient très proches de celles des marchandises en question. Les parties n’ont pas contesté cette conclusion et ont convenu que les marchandises en question et le silicium métal produit à l’installation constituaient une seule catégorie de marchandises. Par conséquent, le Tribunal n’a eu aucun mal à conclure que le silicium métal produit à l’installation répondait à la définition des marchandises similaires.

Branche de production nationale

[19]           Se référant à la définition de l’expression « branche de production nationale », le Tribunal a conclu que le dommage ou la menace de dommage devait être subi par l’ensemble des producteurs nationaux ou par les producteurs dont la production constituait une proportion majeure de la production nationale totale des marchandises similaires.

[20]           Le Tribunal a conclu que QSLP, QSIP Canada et QSIP Sales, qui comprend Silicium Québec, constituaient un seul groupe de sociétés qui était responsable de la production et de la vente nationales des marchandises similaires, que ce soit sur le marché marchand national ou sur les marchés d’exportation.

Conclusions sur le contexte

[21]           Pour inscrire en contexte ses analyses relatives au dommage et à la menace de dommage, le Tribunal a tiré un certain nombre de conclusions :

a)                  Avant 2006, SBI, le prédécesseur de Silicium Québec, vendait la plus grande partie de la production de l’installation sur les marchés d’exportation.

b)                  Depuis au moins 2005, le silicium métal produit en Chine est présent sur le marché canadien, à un prix considérablement inférieur à celui du silicium métal produit au pays; depuis leur entrée sur le marché canadien, les importations de silicium métal en provenance de la Chine ont augmenté leur part de ce marché.

c)                  Les difficultés financières de Timminco, l’ancien propriétaire de SBI, ont conduit cette entreprise à prendre plusieurs mesures dans l’espoir d’y remédier. Premièrement, Timminco a utilisé une proportion significative de sa production à l’installation pour la fabrication d’un autre produit, le silicium métal de qualité solaire (l’initiative liée au silicium de qualité solaire). Cette initiative a toutefois échoué par suite de l’effondrement du marché pour ce produit. Deuxièmement, l’entreprise a conclu les accords avec Dow, en vertu desquels Dow a exporté hors du Canada sa part du silicium métal produit à l’installation. Enfin, Timminco a conclu le contrat de vente avec Wacker en vue de l’exportation d’une partie importante de sa part de la production faite à l’installation. Les accords avec Dow et le contrat de vente avec Wacker ont permis à la grande majorité de la production de l’installation d’être exportée.

d)                 Malgré ces efforts, Timminco n’a pu redresser sa situation financière et elle s’est mise sous la protection de la LACC, ce qui a conduit à l’acquisition indirecte par Globe de la participation de 51 pour cent de SBI dans QSLP (par l’intermédiaire de QSIP Canada). Au moment de l’acquisition, Globe a aussi renégocié le contrat de vente avec Wacker, de manière à ce que Wacker puisse satisfaire à ses besoins en approvisionnement auprès de QSIP Sales, grâce à la production faite à l’installation, ou auprès de Globe elle‑même, grâce à la  production tirée de ses installations aux États‑Unis. Par la suite, Globe a instauré certaines mesures de réduction des coûts à l’installation et a amorcé une campagne en vue d’accroître les ventes sur le marché canadien de sa part de la production à l’installation.

e)                  Le 1er juillet 2013, la Chine a aboli sa taxe à l’exportation de 15 pour cent sur le silicium métal produit en Chine.

f)                   Un seul des trois fours dont l’installation était dotée a continué d’être exploité à la suite du lockout, et il en est résulté une baisse de la production à l’installation.

Démarche suivie dans l’analyse du dommage

[22]           En procédant à son analyse du dommage, le Tribunal a déclaré qu’il devait prendre en compte les facteurs énoncés aux paragraphes 37.1(1) et (3) du RMSI.

[23]           Le Tribunal a conclu que la grande majorité de la production de la branche de production nationale avait été exportée au cours de la période visée par l’enquête et que seule une faible part de cette production avait été vendue sur le marché marchand national. Appliquant toutefois la démarche suivie dans ses décisions antérieures, le Tribunal a conclu qu’il concentrerait son analyse du dommage sur le marché marchand canadien, mais que le caractère sensible du dommage causé par le dumping et le subventionnement serait évalué par rapport à l’ensemble de la production de marchandises similaires de la branche de production nationale.

Argument relatif au « plafonnement des prix »

[24]           RTA utilise les marchandises en question dans la production d’alliages de fonderie. Le Tribunal a fait état de l’argument de RTA selon lequel son incapacité à vendre ces produits à ses clients à un prix plus élevé que celui qu’elle obtenait la rendait incapable de payer une quelconque augmentation du prix des marchandises similaires. Essentiellement, la demanderesse faisait valoir qu’elle devait s’approvisionner en marchandises en question à bas prix pour pouvoir faire concurrence à ses concurrents non‑canadiens ayant accès auprès de fournisseurs chinois à des marchandises en question à bas prix sur le marché des alliages de fonderie.

[25]           Le Tribunal a rejeté cet argument au motif qu’il avait décidé, dans ses décisions antérieures, que la « conjoncture du marché en aval » n’était pas pertinente aux fins d’une enquête menée en application de l’article 42 de la LMSI.

Démarche suivie pour tirer les conclusions sur le dommage

[26]           Pour tirer ses conclusions sur le dommage, le Tribunal a pris en compte les facteurs énoncés aux paragraphes 37.1(1) et (3) du RMSI.

Conclusions sur le dommage

[27]           Le Tribunal a conclu que le dumping et le subventionnement des marchandises en question n’avaient pas causé de dommage à la branche de production nationale. Il a conclu que tout dommage ayant pu être subi par Silicium Québec entre janvier 2010 et juin 2012 était imputable à l’entreprise elle‑même, et non au dumping ou au subventionnement des marchandises en question. Le Tribunal a aussi conclu qu’en raison de l’échec de son initiative liée au silicium de qualité solaire, de son contrat de vente avec Wacker conclu à un prix défavorable et de ses accords avec Dow, Timminco n’avait plus disposé que d’une faible production pouvant être vendue sur le marché marchand national, qui dès lors recourait presque entièrement à l’importation de marchandises en question. Cela a donc fait hésiter les clients canadiens potentiels à tenter d’acheter du silicium métal de SBI. Par conséquent, le Tribunal n’a pas pu conclure que le dumping et le subventionnement des marchandises en question avaient causé un dommage à la branche de production nationale entre janvier 2010 et juin 2012.

[28]           Quant à la période postérieure à juin 2012, le Tribunal a conclu que Globe, après avoir acquis indirectement sa participation dans QSLP, avait fait « table rase » et avait tenté de faire à nouveau de Silicium Québec un fournisseur national. C’est ce qui ressortait de la renégociation du contrat de vente avec Wacker, qui avait permis de libérer pour la vente sur le marché canadien la part de QSIP Canada de la production de l’installation. Toutefois, quand Silicium Québec a tenté de négocier des ventes avec RTA, celle‑ci l’a informée que ses prix ne conviendraient pas à moins qu’ils ne soient comparables à ceux qu’elle pouvait obtenir pour l’achat des marchandises en question. Par conséquent, le Tribunal a conclu qu’il ne pouvait pas exclure l’existence d’un lien de causalité entre les marchandises en question et les pertes subies par Silicium Québec pendant la période visée par l’enquête. Toutefois, puisque Globe est entrée en scène pour une période limitée pendant la période visée par l’enquête et que Silicium Québec est demeurée axée sur l’exportation pendant cette période, le Tribunal a conclu que le dommage causé n’atteignait pas le seuil nécessaire pour être considéré comme sensible, comme l’exige la définition du dommage prévue au paragraphe 2(1) de la LMSI.

Démarche suivie dans l’analyse de la menace de dommage

[29]           En procédant à son analyse de la menace de dommage, le Tribunal a déclaré qu’il devait tenir compte des facteurs énoncés aux paragraphes 37.1(2) et (3) du RMSI, ainsi que des circonstances prévues et imminentes au sens du paragraphe 2(1.5) de la LMSI.

[30]           Le Tribunal a ensuite établi qu’il évaluerait si le dumping et le subventionnement des marchandises en question menaçaient de causer un dommage en fonction de la période de 12 à 18 mois suivant la date de sa conclusion de menace de dommage (soit le 19 novembre 2013).

[31]           En examinant les facteurs énoncés aux paragraphes 37.1(2) et (3) du RMSI, le Tribunal a tiré les conclusions suivantes :

a)                  Il y a eu une augmentation importante du volume des importations des marchandises en question entre 2010 et la période intermédiaire 2013, eu égard à la taille du marché canadien et à la part de marché acquise par les marchandises en question.

b)                  Les producteurs chinois disposent d’une importante capacité de production excédentaire et seraient motivés à augmenter leurs expéditions vers le Canada, et même une faible augmentation du volume des importations est susceptible de perturber la branche de production nationale.

c)                  Les stocks de marchandises chinoises en question ont considérablement augmenté en prévision de l’abolition de la taxe chinoise à l’exportation de 15 pour cent. L’abolition de cette taxe a en outre entraîné la baisse des prix à l’exportation.

d)                 Pour obtenir de nouvelles commandes de silicium métal, Silicium Québec devrait baisser ses prix pour se rapprocher de ceux demandés pour les marchandises en question.

e)                  Même si le volume des importations chinoises n’avait pas augmenté considérablement, il en résulterait néanmoins une sous‑cotation des prix et une importante baisse des prix des marchandises produites au pays pendant la période de 12 à 18 mois en cause.

f)                   Les grands acheteurs canadiens de marchandises en question n’ont aucune intention d’acheter des volumes accrus de marchandises similaires en l’absence de droits antidumping et compensateurs.

g)                  Silicium Québec ne peut concurrencer les bas prix des marchandises en question, et il est probable qu’elle perdra toute part quelconque de marché qu’elle détient.

h)                  L’absence de droits sur les marchandises en question causera une sous-cotation ou une baisse marquée des prix et causera un dommage sensible sous la forme de ventes perdues, de part de marché réduite et de niveaux de production en baisse.

[32]           Le Tribunal a conclu que la renégociation du contrat de vente avec Wacker répondait à ses préoccupations quant à la capacité de Silicium Québec d’approvisionner le marché canadien. Il a ainsi conclu que la volonté et la capacité de Silicium Québec d’approvisionner ce marché constituaient un changement de circonstances entre celles prévalant pendant la période visée par l’enquête et celles qui auront probablement cours dans un futur proche, et que ce changement justifiait de conclure que le dumping et le subventionnement des marchandises en question causeraient vraisemblablement un dommage sensible à la branche de production nationale.

[33]           Le Tribunal a conclu que le dumping et le subventionnement des marchandises en question n’ont pas causé un dommage mais menaçaient de causer un dommage à la branche de production nationale.

V.                Questions en litige

[34]           Les questions en litige en l’espèce sont les suivantes :

a)                  La Cour devrait‑elle prendre en compte l’affidavit de Marlin Perkins, déposé par Silicium Québec et témoignant de certains événements qui se seraient produits depuis la date de la décision du Tribunal?

b)                  La décision du Tribunal est‑elle raisonnable?

VI.             Norme de contrôle

[35]           Dans l’arrêt MAAX Bath Inc. c. Almag Aluminum Inc., 2010 CAF 62, [2010] A.C.F. n° 275, aux paragraphes 31 à 33, la Cour a statué, en regard d’une analyse de dommage en application du paragraphe 42(1) de la LMSI, que les conclusions de fait tirées par le Tribunal, son interprétation de la LMSI et du RMSI et son application de cette interprétation à ces conclusions de fait, de même que la décision du Tribunal qui en découle, étaient des questions appelant la norme de la décision raisonnable, conformément à l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190.

[36]           Je ne vois aucune raison de ne pas appliquer la même norme dans le cadre du contrôle des conclusions du Tribunal, qui ont été tirées dans le contexte d’une analyse de la menace de dommage fondée sur le paragraphe 42(1) de la LMSI.

[37]           La demanderesse convient que la norme de contrôle applicable à la décision du Tribunal est celle de la décision raisonnable. Toutefois, au paragraphe 54 de son mémoire, elle exhorte la Cour à [traduction] « […] s’inspirer de la façon dont l’organe d’appel [l’OMC] a formulé la norme de contrôle applicable à la conclusion relative à la menace de dommage tirée par un organisme d’enquête » (non souligné dans l’original).

[38]           Avec égards, j’estime que suffisent pour me guider l’arrêt Dunsmuir et plusieurs arrêts subséquents de la Cour suprême du Canada (voir Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 R.C.S. 708; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654; McLean c. Colombie‑Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67, [2013] 3 R.C.S. 895).

[39]           Au paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême nous enseigne que, dans le cadre d’un contrôle, le caractère raisonnable de l’exposé des motifs d’un tribunal administratif tient « à la justification […], à la transparence et à l’intelligibilité » de la décision. Il faut examiner si la décision elle‑même appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

VII.          Analyse

[40]           J’examinerai d’abord le caractère raisonnable de la décision du Tribunal avant de me pencher sur l’admissibilité de l’affidavit de Marlin Perkins.

[41]           La demanderesse soutient que la décision du Tribunal est déraisonnable et devrait être infirmée parce qu’elle repose sur plusieurs erreurs, dont chacune suffit à justifier notre intervention. Dans son mémoire, la demanderesse classe ses arguments concernant ces erreurs reprochées selon trois catégories auxquelles, par souci de commodité, je me conformerai.  

Erreurs dans l’analyse du lien de causalité

[42]           Dans sa décision, le Tribunal a analysé si le dumping et le subventionnement des marchandises en question causaient un dommage et menaçaient de causer un dommage à la branche de production nationale. Dans le cadre de cette analyse, le Tribunal disposait de nombreux éléments de preuve, dont certains se chevauchaient.

[43]           Le Tribunal a conclu que c’étaient les bas prix auxquels les marchandises en question pouvaient être achetées des fournisseurs chinois qui avaient conduit l’ASFC à conclure que le dumping et le subventionnement de ces marchandises menaçaient de causer un dommage à la branche de production nationale.

[44]           La demanderesse conteste cette conclusion du Tribunal relative à un lien de causalité, affirmant qu’elle est entachée de quatre erreurs.

[45]           Selon la demanderesse, la conclusion du Tribunal selon laquelle il existe un lien de causalité reposait sur sa conclusion erronée selon laquelle elle aurait acquis davantage de silicium métal de Silicium Québec si des droits avaient été imposés. J’estime toutefois que le Tribunal n’a pas tiré pareille conclusion. Le Tribunal a plutôt conclu, au paragraphe 177 de ses motifs, que la demanderesse et Alcoa n’auraient pas acheté de silicium métal de Silicium Québec aussi longtemps qu’elles auraient pu acheter les marchandises en question aux prix inférieurs pratiqués avant l’imposition des droits. Par conséquent, je rejette cette affirmation selon laquelle le Tribunal aurait commis une erreur susceptible de contrôle.

[46]           La demanderesse affirme que le Tribunal a commis une erreur en refusant de tenir compte de la preuve sur le plafonnement des prix comme facteur pertinent qui menaçait de causer un dommage pour la branche de production nationale et a, par conséquent, commis une erreur en n’examinant pas le sous‑alinéa 42(1)a)(ii) de la LMSI.

[47]           Aux paragraphes 58 à 65 de ses motifs, le Tribunal se penche sur l’argument relatif au plafonnement des prix. Il y expose son interprétation de l’argument, à savoir que, à moins que la demanderesse puisse continuer d’acheter les marchandises en question à des prix exempts de droits, elle ne pourra pas continuer de vendre ses alliages de fonderie, des produits incorporant des marchandises en question. Il en serait ainsi parce que les acheteurs d’alliages de fonderie ne paieraient pas à la demanderesse des prix plus élevés pour ces produits en raison des droits, alors qu’ils peuvent acquérir de fournisseurs non‑canadiens des produits comparables à des prix exempts de droits.

[48]           La demanderesse a fait valoir devant la Cour que le Tribunal avait commis une erreur en ne concluant pas que le plafonnement des prix, plutôt que les bas prix auxquels les marchandises en question pourraient être achetées, était la cause de la menace de dommage pour la branche de production nationale.

[49]           La demanderesse poursuit en affirmant que l’imposition de droits ne serait d’aucun secours pour la branche de production nationale parce que le plafonnement des prix aurait pour effet d’empêcher les achats de marchandises similaires si leur prix était majoré de droits. Il s’ensuit donc que la cause de la menace de dommage pour la branche de production nationale n’était pas la présence des marchandises en question à bas prix, mais bien le plafonnement des prix.

[50]           La demanderesse fait valoir au soutien de cette prétention, au paragraphe 63 de son mémoire, que dans la décision intitulée En l’affaire de : La tôle en acier carbone laminé à chaud et la tôle en acier haute résistance faiblement allié, traitée à chaud ou non, originaires ou exportées des États‑Unis (dossier du Secrétariat n° CDA-93-1904-06), le groupe spécial binational constitué en vertu de l’Accord de libre‑échange entre le Canada et les États‑Unis

[traduction]

[…] a statué que le sous‑alinéa 42(1)a)(ii) de la LMSI impose au Tribunal de faire enquête sur l’effet dissuasif probable à l’avenir de l’imposition de droits.

[Non souligné dans l’original.]

La demanderesse reproduit ensuite à ce paragraphe de son mémoire la partie suivante de la décision citée :

Il est clair que [le sous‑alinéa 42(1)a)(ii) de la LMSI] autorise – voire impose – une enquête en vue de déterminer si les marchandises sous‑évaluées sont susceptibles de causer un préjudice sensible. C’est là manifestement une interrogation qui porte sur l’avenir, et le TCCE doit donc examiner les motivations plausibles des entreprises qui ont pratiqué le dumping de leurs marchandises, ainsi que les conditions du marché qui influeront sur leurs décisions futures. Étant donné que le Parlement a ordonné au TCCE de considérer l’effet de droits provisoires, il est difficile d’imaginer qu’il voulait que le TCCE ignore l’effet de l’imposition de droits antidumping dans ses décisions pour l’avenir. Il n’est donc pas déraisonnable pour le TCCE de tenir compte de l’effet dissuasif de l’imposition de droits antidumping lorsqu’il se demande si le dumping est « susceptible de causer un préjudice sensible ».

[Non souligné dans l’original.]

[51]           Bien que la demanderesse ne l’affirme pas expressément dans son mémoire, j’ai l’impression qu’elle soutient que le Tribunal a commis une erreur en refusant de respecter l’obligation qui lui est imposée par le sous‑alinéa 42(1)a)(ii) de la LMSI d’examiner l’effet dissuasif probable à l’avenir de l’imposition de droits.

[52]           À mon sens, cette affirmation est indéfendable. À première vue, le sous‑alinéa 42(1)a)(ii) de la LMSI ne comporte pas une telle obligation. En outre, le groupe spécial binational ne déclare pas dans sa décision ce que la demanderesse affirme dans son mémoire.

[53]           L’argument présenté au groupe spécial binational était la question de savoir s’il s’agissait d’une erreur pour le Tribunal de prendre le moindrement en compte l’effet dissuasif de l’imposition de droits dans le cadre d’une analyse de la menace de dommage pour l’application du sous‑alinéa 42(1)a)(ii) de la LMSI. Le groupe spécial binational a conclu dans cette affaire qu’une telle prise en compte était admissible, mais non obligatoire.

[54]           En outre, tel qu’il est déclaré dans le passage précité de la décision du groupe spécial binational, l’effet dissuasif de l’imposition de droits que le Tribunal doit prendre en compte dans l’analyse d’une menace de dommage doit concerner les répercussions sur les entreprises qui ont pratiqué le dumping de leurs marchandises, ainsi que les conditions du marché qui influeront sur leurs décisions futures. On n’a aucunement pris en compte l’effet de l’imposition de droits sur les acheteurs en aval de marchandises ayant, comme composantes, les marchandises en question examinées dans cette affaire.

[55]           Par conséquent, j’estime que la demanderesse n’a pas établi l’existence d’une erreur relativement à l’argument fondé sur le plafonnement des prix.

[56]           La demanderesse affirme que le Tribunal a commis une erreur en déclarant que des droits provisoires étaient imposés au cours de la période intermédiaire 2013, qui a pris fin le 30 juin 2013, alors qu’en réalité, ces droits sont entrés en vigueur le 22 juillet 2013 (motifs du Tribunal, au paragraphe 100). Si une telle erreur a été commise, elle concerne principalement l’analyse du dommage par le Tribunal, et non son analyse de la menace de dommage. En outre, cette erreur est fondamentalement sans importance et ne rend pas déraisonnable la conclusion du Tribunal selon laquelle les bas prix auxquels la demanderesse a pu acheter les marchandises en question des fournisseurs chinois, en conséquence du dumping et du subventionnement de ces marchandises, étaient la cause de la menace de dommage pour la branche de production nationale.

[57]           La demanderesse affirme que le Tribunal a commis une erreur en faisant abstraction de la preuve relative au lockout dans son analyse de la menace de dommage et en n’examinant pas si ce lockout était une cause de la menace de dommage pour la branche de production nationale. Il ne fait aucun doute que le Tribunal savait que le lockout avait commencé en mai 2013, au cours des 12 derniers mois de la période visée par l’enquête qui a pris fin en juin 2013. Quant à cette dernière période, le Tribunal a conclu que le dumping et le subventionnement avaient causé un dommage, bien que non sensible, à la branche de production nationale. Pour arriver à cette conclusion, au paragraphe 141 de ses motifs, le Tribunal a conclu que d’« autres facteurs », y compris le lockout selon ce que j’en comprends, n’avaient pas causé le dommage subi par Silicium Québec après juin 2012.

[58]           Dans son analyse de la menace de dommage, le Tribunal n’a pas semblé aborder expressément la question de savoir si le lockout était un « autre facteur » aux fins du sous‑alinéa 37.1(3)b)(iv) du RMSI, qui avait causé une menace de dommage à la branche de production nationale. Dans l’arrêt Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, [2014] 2 R.C.S. 633, le juge Rothstein de la Cour suprême du Canada a déclaré, au paragraphe 75, qu’il importait de se rappeler que « le décideur n’est pas tenu de faire référence à tous les arguments, dispositions ou précédents ni de tirer une conclusion précise sur chaque élément constitutif du raisonnement pour que sa décision soit raisonnable (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 R.C.S. 708, par. 16) ». Comme je l’ai déjà dit, le Tribunal a conclu que la menace de dommage découlait des bas prix auxquels on pouvait acheter les marchandises en question au Canada. Par conséquent, je suis enclin à croire que l’on peut considérer que le Tribunal a implicitement exclu le lockout comme cause possible de la menace de dommage.

[59]           De plus, les arrêts Newfoundland Nurses et Sattva Capital nous enseignent que, lorsqu’ils examinent une décision selon la norme de la décision raisonnable, les tribunaux siégeant en révision peuvent compléter les motifs du décideur au vu du dossier dont ils disposent.

[60]           À cet égard, j’estime que le dossier comporte des éléments de preuve permettant au Tribunal de conclure raisonnablement que l’imposition de droits aurait pu entraîner la fin du lockout. En effet, il aurait sans doute été loisible au Tribunal de conclure que les bas prix auxquels la demanderesse pouvait acheter les marchandises en question avaient causé non seulement la menace de dommage à la branche de production nationale, mais aussi le lockout lui‑même. Par conséquent, me servant de cet élément de preuve pour compléter les motifs du Tribunal, je conclus que la prétention de la demanderesse selon laquelle le Tribunal a commis une erreur susceptible de contrôle relativement au lockout est sans fondement.

Erreurs dans l’analyse de la menace de dommage

[61]           Pour en arriver à sa conclusion que le dumping et le subventionnement des marchandises en question menaçaient de causer un dommage à la branche de production nationale, le Tribunal a pris en compte les facteurs énoncés aux paragraphes 37.1(2) et (3) du RMSI.

[62]           Aux paragraphes 70 à 82 de son mémoire, la demanderesse soutient que cette conclusion est indéfendable pour divers motifs, notamment les suivants :

a)      le Tribunal n’a pas invoqué d’éléments de preuve;

b)      il n’a pas étayé sa conclusion sur une preuve affirmative;

c)      il a fondé sa conclusion sur des hypothèses et des suppositions.

[63]           Avec ces arguments, la demanderesse ne tente guère plus que de persuader la Cour de tirer des conclusions que le Tribunal a refusé de tirer. Étant donné la grande retenue judiciaire qu’appelle l’exercice par le Tribunal de son rôle de recherche des faits, je ne suis pas convaincu du caractère déraisonnable de l’une quelconque des conclusions contestées. De plus, comme nous l’enseignent les arrêts Newfoundland Nurses et Sattva Capital, le défaut d’un tribunal administratif de traiter, dans ses motifs, chaque élément de preuve et argument qui lui a été présenté, comme l’aurait préféré le plaignant, ne constitue pas une erreur qui justifie l’intervention de la cour de révision.

[64]           Finalement, dans leurs réponses à ces contestations des conclusions de fait, aux paragraphes 96 à 121 de leur mémoire, les défendeurs réfutent de façon convaincante ces contestations.

[65]           À l’audience, la demanderesse a soutenu que le Tribunal avait commis une erreur en tenant compte de l’effet du dumping et du subventionnement des marchandises en question sur l’incapacité de Silicium Québec d’accroître sa part des ventes sur le marché canadien. L’argument est fondé sur le fait que le sous‑alinéa 37.1(1)c)(i) du RMSI fait référence à un « déclin » dans la part de marché, et non à une incapacité d’accroître sa part de marché. Ainsi, selon la demanderesse, le Tribunal a commis une erreur dans son application de ce facteur.

[66]           À mon sens, l’argument est indéfendable puisque le sous‑alinéa 37.1(1)c)(i) du RMSI s’applique à l’analyse du dommage, et non à l’analyse de la menace de dommage – l’objet de l’examen du Tribunal.

[67]           Le paragraphe 37.1(2) du RMSI, qui énonce les facteurs à prendre en compte dans une analyse de la menace de dommage, n’empêchait aucunement le Tribunal de prendre en considération l’incapacité de Silicium Québec d’augmenter sa part des ventes sur le marché canadien, ni d’examiner si cette incapacité éventuelle, laquelle a été jugée réelle, était pertinente pour décider si le dumping et le subventionnement des marchandises en question menaçaient de causer un dommage à la branche de production nationale. Par conséquent, le Tribunal n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle en tenant compte, dans son analyse de la menace de dommage, de l’incapacité éventuelle de Silicium Québec d’augmenter sa part du marché canadien.

[68]           À mon avis, la preuve au dossier suffisait pour que le Tribunal puisse conclure que l’importation des marchandises en question et leur vente sur le marché canadien, à des prix exempts de droits, constituaient une menace de dommage pour la branche de production nationale. Par conséquent, je ne suis pas convaincu qu’en tirant cette conclusion, le Tribunal a commis une erreur susceptible de contrôle.

Défaut d’appliquer le critère du caractère sensible

[69]           La question du caractère sensible se pose du fait que le dommage dont il est question au paragraphe 42(1) de la LMSI est défini, au paragraphe 2(1) de cette loi, comme le dommage sensible causé à une branche de production nationale. Cela dit, le caractère sensible n’est défini nulle part dans la loi et aucune des parties n’a renvoyé la Cour à une décision de jurisprudence qui énonçait le critère du caractère sensible.

[70]           La demanderesse soutient que le Tribunal a exposé le bon critère quant au caractère sensible du dommage menaçant d’être causé, mais a commis une erreur en n’appliquant pas ce critère.

[71]           En procédant à l’analyse du dommage, le Tribunal a conclu que, pendant la partie pertinente de la période visée par l’enquête qui a suivi l’acquisition de Globe, le dommage subi par Silicium Québec n’était pas sensible. Pour en arriver à cette conclusion, le Tribunal a comparé les ventes de silicium métal faites au Canada par Silicium Québec par rapport à sa production nationale totale; il a alors conclu que les ventes au Canada de Silicium Québec constituaient un faible pourcentage de sa production nationale totale. Par conséquent, les bas prix auxquels on vendait les marchandises en question au Canada n’avaient pu nuire qu’à ce faible pourcentage de la production nationale totale vendue par Silicium Québec sur le marché canadien. Cela a conduit le Tribunal à conclure que le dommage pour la branche de production nationale n’était pas sensible.

[72]           Le Tribunal a recouru à une période de 12 à 18 mois aux fins de son analyse de la menace de dommage. Selon moi, lorsqu’il a examiné le caractère sensible de la menace de dommage pendant cette période, le Tribunal a appliqué essentiellement le même critère que celui utilisé pour l’examen du caractère sensible aux fins de l’analyse du dommage.

[73]           Toutefois, comme il procédait à une analyse prospective, le Tribunal a dû évaluer quelles seraient les ventes futures de silicium métal faites par Silicium Québec sur le marché canadien. Ce faisant, le Tribunal a conclu qu’en grande partie grâce à la renégociation par Globe du contrat de vente avec Wacker, la production nationale de Silicium Québec suffisait pour lui permettre d’approvisionner en silicium métal l’ensemble du marché canadien.

[74]           On doit ainsi considérer que, lorsque le Tribunal a comparé le volume jugé être celui des ventes nationales prévues de silicium métal par Silicium Québec avec la production nationale totale prévue de l’entreprise, il a conclu que le pourcentage prévu de ventes nationales de Silicium Québec était considérablement plus élevé que le pourcentage de ces ventes au moment de l’analyse du dommage. Il s’ensuit que l’important pourcentage ainsi obtenu a permis au Tribunal de conclure que la menace de dommage occasionnée par le dumping et le subventionnement des marchandises en question était sensible.

[75]           Par conséquent, j’estime infondée la prétention de la demanderesse selon laquelle le Tribunal n’a pas appliqué le critère du caractère sensible exigé par la définition du dommage prévue au paragraphe 2(1) de la LMSI. En outre, comme l’application du critère est prospective, il était raisonnable pour le Tribunal de conclure qu’il convenait de prendre en compte, pour évaluer le caractère sensible du dommage, les approvisionnements en silicium métal dont Silicium Québec pouvait s’attendre à disposer dans le futur pour qu’elle les vende sur le marché national. Finalement, au vu du dossier dont il disposait, il était loisible au Tribunal de conclure que l’approvisionnement en silicium métal de Silicium Québec augmenterait suffisamment, pendant la période de 12 à 18 mois en cause, pour lui permettre d’approvisionner l’ensemble du marché canadien. De même, il faut considérer que le Tribunal a conclu que le lockout n’aurait pas eu un effet négatif sur la capacité de Silicium Québec de produire du silicium métal. Par conséquent, je rejette la prétention de la demanderesse selon laquelle le Tribunal a commis une erreur susceptible de contrôle dans l’application du critère du caractère sensible.

Erreurs relativement aux circonstances prévues et imminentes

[76]           Le paragraphe 2(1.5) de la LMSI prévoit qu’en procédant à l’analyse de la menace de dommage, on ne peut conclure que le dumping et le subventionnement des marchandises en question menacent de causer un dommage que si les circonstances dans lesquelles le dumping ou le subventionnement est susceptible de causer un dommage sont nettement prévues et imminentes.

[77]           La demanderesse ne conteste pas que le Tribunal a interprété raisonnablement le  paragraphe 2(1.5) de la LMSI en concluant qu’il devait y avoir un changement entre les circonstances existant pendant la période visée par l’enquête et celles susceptibles d’exister pendant la période future sur laquelle porte l’analyse de la menace de dommage.

[78]           En appliquant ce critère, le Tribunal a conclu que la renégociation par Globe du contrat de vente avec Wacker a permis à Silicium Québec d’approvisionner le marché canadien avec sa production nationale, qui sinon aurait été exportée à Wacker. Le Tribunal a ensuite conclu que la capacité de Silicium Québec d’approvisionner le marché canadien grâce à cette production nationale libérée constituait un changement par rapport aux circonstances qui existaient lorsqu’il a rendu sa décision par suite de l’analyse du dommage.

[79]           La demanderesse conteste les conclusions de fait tirées par le Tribunal quant aux répercussions éventuelles de la renégociation du contrat de vente avec Wacker. Plus particulièrement, elle fait valoir qu’on ne peut invoquer la renégociation du contrat de vente avec Wacker comme un changement de circonstances puisque les changements apportés au contrat qui ont permis à Globe d’approvisionner Wacker avec du silicium métal provenant des États‑Unis étaient déjà en vigueur avant le 30 juin 2013, la date de référence pour la conclusion d’« absence de dommage » tirée par le Tribunal.

[80]           Cet argument ne me convainc pas parce qu’il fait abstraction des effets éventuels des modifications apportées au contrat de vente avec Wacker, lesquelles, en pratique, requerraient du temps pour se concrétiser. Il serait déraisonnable de laisser entendre que Silicium Québec deviendrait en mesure d’approvisionner le marché canadien immédiatement après l’acquisition par Globe du droit d’approvisionner Wacker en silicium métal provenant des États‑Unis. Par conséquent, je suis d’avis que le Tribunal n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle en s’appuyant sur l’incidence éventuelle de la renégociation du contrat de vente avec Wacker sur la capacité de Silicium Québec de réaliser d’importantes ventes de silicium métal sur le marché canadien pour conclure qu’il existait un changement dans les circonstances qui existaient à la date de référence pour sa conclusion d’« absence de dommage ».

[81]           La demanderesse affirme également que la conclusion du Tribunal relative au changement de circonstances est déraisonnable parce que le Tribunal a conclu que les changements en cause auraient permis à Silicium Québec de satisfaire à la demande canadienne sans tenir compte du lockout. Plus particulièrement, la demanderesse fait valoir qu’aucune preuve n’a été présentée au Tribunal démontrant que le lockout était terminé ou était sur le point de l’être. Je ne puis accepter cette affirmation. Le Tribunal disposait du témoignage de M. Kestenbaum, de Globe, et du témoignage de M. Gargiso, d’Unifor, selon lesquels, si l’imposition des droits était maintenue, il était raisonnable de s’attendre à ce que le lockout prenne fin.

Conclusion

[82]           Pour ces motifs, je conclus qu’en statuant que le dumping et le subventionnement des marchandises en question menacent de causer un dommage à la branche de production nationale, le Tribunal n’a commis aucune erreur justifiant l’intervention de la Cour et que la décision du Tribunal appartient aux issues raisonnables et justifiables.

VII.          Affidavit de M. Perkins

[83]           Vu les conclusions tirées dans le paragraphe qui précède, je n’aurai pas à examiner la question de l’admissibilité de l’affidavit de Marlin Perkins.

VIII.       Dispositif

[84]           Pour les motifs qui précèdent, je rejetterais la demande avec dépens.

« C. Michael Ryer »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Wyman W. Webb, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

D.G. Near, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DoSSIER :

A-427-13

DEMANDE DE RÉVISION JUDICIAIRE VISANT LA DÉCISION DU 19 NOVEMBRE 2013 DU TRIBUNAL CANADIEN DU COMMERCE EXTÉRIEUR (ENQUÊTE N° NQ-2013-003)

INTITULÉ :

RIO TINTO ALCAN INC. c. SILICIUM QUÉBEC SEC, COMPAGNIE CANADA QSIP ULC, QSIP SALES ULC, ALCOA LTÉE, ALERIS SPECIFICATION ALLOY PRODUCTS CANADA COMPANY ET UNIFOR

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 FÉVRIER 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE RYER

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

 

DATE :

LE 16 MARS 2015

 

COMPARUTIONS :

Jesse I. Goldman

George W.H. Reid

 

POUR LA DEMANDERESSE

RIO TINTO ALCAN INC.

 

Benjamin P. Bedard

R. Benjamin Mills

 

POUR LES DÉFENDERESSES

SILICIUM QUÉBEC SEC, COMPAGNIE CANADA QSIP ULC, QSIP SALES ULC

 

Craig Logie

 

POUR LE DÉFENDEUR

UNIFOR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bennett Jones LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

RIO TINTO ALCAN INC.

 

Conlin Bedard LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDERESSES

SILICIUM QUÉBEC SEC, COMPAGNIE CANADA QSIP ULC, QSIP SALES ULC

 

Sack Goldblatt Mitchell LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

UNIFOR

 

 

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