Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20160119


Dossier : A‑312‑15

[TRADUCTION FRANÇAISE]                                                            Référence : 2016 CAF 13

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

BAYER INC. et BAYER INTELLECTUAL PROPERTY GmbH

appelantes

et

FRESENIUS KABI CANADA LTD. et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

intimés

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 19 janvier 2016.

Jugement rendu à l'audience à Ottawa (Ontario), le 19 janvier 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE STRATAS

 


Date : 20160119


Dossier : A‑312‑15

Référence : 2016 CAF 13

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

BAYER INC. et BAYER INTELLECTUAL PROPERTY GmbH

appelantes

et

FRESENIUS KABI CANADA LTD. et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l'audience à Ottawa (Ontario), le 19 janvier 2016)

LE JUGE STRATAS

[1]               Bayer Inc. et Bayer Intellectual Property GmbH interjettent appel de l'ordonnance de la Cour fédérale du 26 juin 2015 (la juge Strickland) : 2015 CF 797.

[2]               Bayer a sollicité, à la Cour fédérale, une ordonnance en application du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133 (le Règlement), interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à Fresenius Kabi Canada Ltd. (anciennement Pharmaceutical Partners of Canada Inc.) relativement à son produit proposé, le chlorhydrate de moxifloxacine pour injection, et ce, jusqu'à l'expiration de trois brevets de Bayer, y compris le brevet canadien no 2 378 424 (le brevet 424). Bayer faisait notamment valoir que Fresenius contrefaisait son brevet 424 ou incitait à sa contrefaçon.

[3]               Le protonotaire Lafrenière a radié toutes les parties de la demande se rapportant au brevet 424 : 2015 CF 388. Compte tenu des faits, il a conclu qu'il était évident et manifeste que Fresenius ne contrefaisait pas le brevet 424 de Bayer ni n'incitait à sa contrefaçon. Bayer a interjeté appel à la Cour fédérale, au titre de l'article 51 des Règles des Cours fédérales, faisant valoir que la monographie de produit de Fresenius pour le chlorhydrate de moxifloxacine proposé incitait à la contrefaçon du brevet 424. Suivant (au paragraphe 41) la norme de contrôle énoncée dans Canada c. Aqua‑Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 (C.A.F.), la Cour fédérale a procédé à une audience de novo, à la suite de laquelle elle est parvenue à la même conclusion que le protonotaire, essentiellement pour les mêmes motifs.

[4]               Bayer s'adresse maintenant à notre Cour.

[5]               La Cour est ainsi saisie d'un appel formé à l'encontre de l'ordonnance que la Cour fédérale a rendue en raison de sa compétence en matière d'appel à l'égard des ordonnances du protonotaire conférée par l'article 51. Les deux parties soutiennent que la norme de contrôle applicable est celle de l'erreur manifeste et dominante. Elles invoquent l'arrêt de la Cour suprême Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 (Housen).

[6]               L'arrêt Housen ferait autorité en l'espèce n'eût été du fait qu'il s'agit d'un appel à l'égard d'un appel au titre de l'article 51. La norme applicable est alors différente. La Cour d'appel peut modifier une décision de la Cour fédérale si celle‑ci n'avait aucun motif de modifier la décision du protonotaire ou, advenant l'existence d'un tel motif, si la décision de la Cour fédérale est mal fondée ou manifestement erronée : Z.I. Pompey Industrie c. ECU‑Line N.V., 2003 CSC 27, [2003] 1 R.C.S. 450, au paragraphe 18, citant l'arrêt Jian Sheng Co. Ltd. c. Great Tempo S.A., [1998] 3 C.F. 418 (C.A.F.), le juge Décary, aux pages 427 et 428. Dans la présente affaire, lorsqu'elle a entendu l'appel à l'encontre de l'ordonnance du protonotaire au titre de l'article 51, la Cour fédérale a appliqué la norme de contrôle énoncée dans l'arrêt Aqua‑Gem plutôt que la norme habituelle en matière d'appel de l'arrêt Housen.

[7]               Comme je l'ai indiqué précédemment, ces différentes normes de contrôle ne sont plus utiles. Il convient d'appliquer de manière générale la norme en matière civile énoncée dans l'arrêt Housen, précité : Apotex Inc. c. Bristol‑Myers Squibb Company, 2011 CAF 34, aux paragraphes 6 à 9. Outre les motifs exposés dans cette décision, il convient d'ajouter que l'arrêt Housen est postérieur à Aqua‑Gem et qu'il devait énoncer la norme de contrôle pour l'ensemble des appels en matière civile : voir Decor Grates Incorporated c. Imperial Manufacturing Group Inc., 2015 CAF 100, [2016] 1 R.C.F. 246, au paragraphe 22. En ce qui concerne la norme de contrôle formulée ultérieurement par la Cour suprême dans Pompey, précité, elle semble avoir été supplantée par l'arrêt plus récent Hryniak c. Mauldin, 2014 CSC 7, [2014] 1 R.C.S. 87. Dans cet arrêt, la Cour suprême préconise la mise en place par les tribunaux de mesures afin de simplifier les procédures et les rendre plus accessibles. Notre Cour a appliqué cette recommandation dans la jurisprudence portant sur la norme de contrôle dans le but de simplifier et d'uniformiser autant que possible la norme de contrôle applicable aux appels en matière civile : Turmel c. Canada, 2016 CAF 9, [2016] 3 R.C.F. F‑3, Imperial Manufacturing, précité.

[8]               Nous n'avons pas entendu des plaidoiries complètes sur ce point. Par conséquent, pour les besoins du présent appel, nous appliquerons la norme énoncée dans l'arrêt Jian Sheng, précité. Comme il ressortira des motifs qui suivent, nous arriverions au même résultat si nous devions appliquer la norme de contrôle de l'arrêt Housen.

[9]               À notre avis, l'appel de Bayer doit être rejeté. Bayer ne nous a pas convaincus que la Cour fédérale avait des motifs de modifier la décision du protonotaire. Bayer n'a pas démontré que la décision de la Cour fédérale était mal fondée ou manifestement erronée.

[10]           Aux paragraphes 43 à 51 de ses motifs, la Cour fédérale énonce les principes de droit applicables à l'incitation à la contrefaçon. Comme l'indique la Cour (au paragraphe 43), les parties n'ont pas contesté ces principes. Elles ne les ont pas non plus contestés à notre Cour. Ainsi, la décision de la Cour fédérale n'était pas mal fondée.

[11]           Aux paragraphes 53 et suivants, la Cour fédérale a appliqué ces principes aux faits dont elle disposait. Nous sommes d'avis que sa décision n'était pas manifestement erronée. La Cour fédérale a conclu que, dans les faits, la monographie de produit en question n'enseigne pas ni n'appelle à administrer le produit de Fresenius avec autre chose, notamment avec une solution de chlorure de sodium à 0,9 % (aux paragraphes 59 à 61). La Cour a également conclu que la référence générale au chlorure de sodium dans la monographie de produit était obligatoire et n'équivalait pas à l'incitation (aux paragraphes 64 et 65). La Cour fédérale tirait ainsi une conclusion de fait, après avoir dûment tenu compte des principes en matière d'incitation à la contrefaçon.

[12]           Enfin, la Cour fédérale a conclu qu'en l'espèce, la monographie de produit étant un élément se passant de commentaire, la preuve d'expert présentée par Bayer sur la monographie de produit était non pertinente, inutile et conjecturale (aux paragraphes 58 à 64), et elle a établi ainsi une distinction (au paragraphe 70) entre l'espèce et les arrêts Genpharm Inc. c. AB Hassle, 2004 CAF 413, conf. 2003 CF 1443, et Novopharm Ltd. c. Abbott Laboratories Ltd., 2007 CAF 251, conf. 2006 CF 1411. À notre avis, la Cour fédérale n'a commis aucune erreur de principe en tirant ces conclusions et n'a pas commis d'erreur manifeste si l'on tient compte des faits de l'espèce.

[13]           Bayer avance que la Cour fédérale a appliqué un critère trop peu exigeant à la requête en radiation de la demande présentée en vertu de l'alinéa 6(5)b) du Règlement en ce qui concerne le brevet 424. Nous sommes d'avis que la Cour fédérale était en droit de déterminer si les éléments de preuve présentés à l'appui de la demande étaient pertinents ou s'il était possible qu'ils appuient la demande : voir, p. ex., Pfizer Canada Inc. c. Novopharm Limited, 2008 CAF 263, au paragraphe 3. La Cour fédérale a conclu que ces éléments de preuve n'étaient pas pertinents et qu'il n'était pas possible qu'ils appuient la demande et a donc rejeté la demande en ce qui concernait le brevet 424. Une fois de plus, nous sommes d'avis que la Cour fédérale n'a commis aucune erreur de principe en tirant ces conclusions et qu'elle n'a pas commis d'erreur manifeste si l'on tient compte des faits de l'espèce.

[14]           Par conséquent, en dépit de l'argumentation solide de Me Davis, nous rejetterons l'appel avec dépens. Les avocats ont convenu que les dépens devraient s'établir à 2 500 $, débours et taxes compris.

« David Stratas »

j.c.a.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DoSSIER :

A‑312‑15

APPEL DE L'ORDONNANCE PRONONCÉE LE 26 JUIN 2015 PAR LA JUGE STRICKLAND

INTITULÉ :

BAYER INC. ET BAYER INTELLECTUAL PROPERTY GMBH c. FRESENIUS KABI CANADA LTD. ET LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

LE 19 JANVIER 2016

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE GLEASON

 

PRONONCÉS À L'AUDIENCE PAR :

LE JUGE STRATAS

COMPARUTIONS :

Mark Edward Davis

 

POUR LES AppelantEs

 

Sana Halwani

Andrew Moeser

POUR L'INTIMÉE FRESENIUS KABI CANADA LTD.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Belmore Neidrauer LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LES AppelantEs

 

Gilbert's LLP

Ottawa (Ontario)

 

POUR L'INTIMÉE FRESENIUS KABI CANADA LTD.

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

POUR L'INTIMÉ LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

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