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Date : 20160120


Dossier : A-142-15

Référence : 2016 CAF 16

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

ALEXANDR SIN

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 9 décembre 2015.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 20 janvier 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

 


Date : 20160120


Dossier : A-142-15

Référence : 2016 CAF 69

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

ALEXANDR SIN

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE WEBB

[1]               La Cour est saisie d’un appel interjeté à l’encontre de l’ordonnance rendue par le juge O’Reilly de la Cour fédérale le 4 mars 2015 (2015 CF 276). Dans cette ordonnance, le juge O’Reilly a radié l’action intentée par M. Alexandr Sin contre la Couronne, au motif qu’il était manifeste et évident que l’action était vouée à l’échec, et a rejeté la requête présentée par M. Sin en vue d’obtenir un avis d’autorisation relativement à un recours collectif. M. Sin réclame des dommages‑intérêts à la Couronne, parce que le gouvernement du Canada a mis fin à la demande de résidence permanente au Canada qu’il a présentée au titre de la catégorie des investisseurs. Pour les motifs exposés ci-dessous, je rejetterais le présent appel.

Le contexte

[2]               En 2009, à partir de la Russie, M. Sin a présenté une demande d’immigration au Canada dans la catégorie des investisseurs, au titre de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR) et du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227. Avant que sa demande d’immigration ne soit approuvée, le gouvernement du Canada, en modifiant la LIPR (Loi no 1 sur le plan d’action économique, modifiant la LIPR, article 87.5), a mis fin à toutes les demandes pendantes présentées au titre de la catégorie des investisseurs (y compris la demande de M. Sin).

[3]               Conformément aux modifications législatives qui ont mis fin aux demandes pendantes, les frais liés aux demandes ont été remboursés aux personnes qui les avaient acquittés (paragraphe 87.5(4) de la LIPR) et une somme égale au placement fait par ces personnes à l’égard de leurs demandes leur a aussi été remboursée, sans intérêts (paragraphe 87.5(5) de la LIPR).

[4]               M. Sin a introduit son action le 11 août 2014. Il a aussi présenté une requête [traduction] « en vue d’obtenir une ordonnance portant qu’un avis d’autorisation relatif à l’origine et à la nature […] du recours collectif proposé soit communiqué sans délai aux éventuels membres du recours collectif par courrier électronique ou par affichage sur Internet ou autrement ».

[5]               La Couronne a présenté une requête en radiation de l'action de M. Sin au motif qu'il était évident et manifeste qu'elle était vouée à l'échec. Comme je l’ai souligné, le juge de la Cour fédérale a accueilli la requête de la Couronne et a radié l’action de M. Sin. Comme son action fut radiée, sa requête en avis d’autorisation a été rejetée.

Les normes de contrôle

[6]               À la suite de l’arrêt de la Cour intitulé Decor Grates Inc. c. Imperial Manufacturing Group Inc., 2015 CAF 100, 472 N.R. 109, les normes de contrôle applicables lorsque la Cour révise une décision discrétionnaire d’une cour inférieure sont celles énoncées dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235. Quant aux conclusions de fait (y compris les inférences de fait), elles seront confirmées, à moins qu’il ne soit établi que le juge de la Cour fédérale a commis une erreur manifeste et dominante. Quant aux questions mixtes de fait et de droit, la norme de la décision correcte s’appliquera à toute question de droit isolable et, dans les autres cas, la norme de l’erreur manifeste et dominante s’appliquera. Une erreur est manifeste si elle est facilement décelable, et elle est dominante si elle a pour effet de modifier l’issue de la cause.

La question en litige

[7]               La question en litige dans le présent appel consiste à savoir si le juge de la Cour fédérale a commis une erreur lorsqu’il a radié l’action de M. Sin. Dans l’affirmative, la requête présentée par M. Sin en vue d’obtenir une ordonnance portant qu’un avis d’autorisation soit communiqué devrait‑elle être accueillie?

L’Analyse

[8]               Le paragraphe 87.5(7) de la LIPR est libellé ainsi :

87.5(7) Nul n’a de recours contre Sa Majesté du chef du Canada ni droit à une indemnité de sa part relativement à une demande à laquelle il est mis fin par application du paragraphe (1), notamment à l’égard de tout contrat ou autre forme d’entente qui a trait à la demande.

87.5(7) No right of recourse or indemnity lies against Her Majesty in right of Canada in connection with an application that is terminated under subsection (1), including in respect of any contract or other arrangement relating to any aspect of the application.

[9]               Ce paragraphe est clair et non équivoque. Étant donné qu’il a été mis fin à la demande de M. Sin, en application du paragraphe 87.5(1) de la LIPR, ce paragraphe lui interdirait d’obtenir de la Couronne le remboursement de toute somme qu’il a versée en lien avec la demande en question.

[10]           M. Sin prétend toutefois que cette disposition doit être interprétée à la lumière des accords sur la promotion et la protection des investissements étrangers (APIE) et des accords de libre-échange que le Canada a conclus. En particulier, M. Sin se fonde sur l’APIE conclu entre le Canada et la Russie le 20 novembre 1989.

[11]           M. Sin reconnaît qu’aucun des APIE (y compris l’APIE conclu entre le Canada et la Russie) n’a été mis en vigueur par une loi. Toutefois, M. Sin soutient que, malgré l’absence de loi mettant en vigueur l’APIE, le paragraphe 87.5(7) de la LIPR devrait être interprété comme s’appliquant uniquement au demandeur qui présente une demande à partir d’un pays autre qu’un pays avec lequel le Canada a conclu un APIE. Ainsi, selon M. Sin, le paragraphe 87.5(7) de la LIPR ne s’appliquerait pas au demandeur qui présente une demande à partir d’un pays (y compris la Russie) avec lequel le Canada a conclu un APIE. Je ne suis pas de cet avis.

[12]           Dans l’arrêt Baker c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, [1999] A.C.S. no 39, [1999] 2 R.C.S. 817, la majorité des juges de la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit :

69        Un autre indice de l’importance de tenir compte de l’intérêt des enfants dans une décision d’ordre humanitaire est la ratification par le Canada de la Convention relative aux droits de l’enfant, et la reconnaissance de l’importance des droits des enfants et de l’intérêt supérieur des enfants dans d’autres instruments internationaux ratifiés par le Canada. Les conventions et les traités internationaux ne font pas partie du droit canadien à moins d’être rendus applicables par la loi:  Francis c. The Queen, [1956] R.C.S. 618, à la p. 621; Capital Cities Communications Inc. c. Conseil de la Radio‑Télévision canadienne, [1978] 2 R.C.S. 141, aux pp. 172 et 173.  Je suis d’accord avec l’intimé et la Cour d’appel que la Convention n’a pas été mise en vigueur par le Parlement. Ses dispositions n’ont donc aucune application directe au Canada.

[Non souligné dans l’original.]

[13]           Comme l’a relevé la Cour suprême du Canada, « [l]es conventions et les traités internationaux ne font pas partie du droit canadien à moins d’être rendus applicables par la loi ».

[14]           Ce principe a encore été réitéré récemment dans l’arrêt Kazemi (Succession) c. République islamique d’Iran, 2014 CSC 62, [2014] 3 R.C.S. 176, dans lequel la majorité des juges de la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit :

149      Même si nous devions adopter l’interprétation de l’art. 14 que préconisent les appelants, et même s’il existait un consensus international sur la question, il importe de souligner que l’existence d’un article dans un traité ratifié par le Canada ne transforme pas automatiquement cet article en un principe de justice fondamentale. Le Canada continue à posséder un système dualiste au chapitre des traités et du droit conventionnel (Currie, p. 235). En conséquence, à moins qu’une disposition d’un traité n’exprime une règle du droit international coutumier ou une norme impérative, cette disposition ne deviendra exécutoire en droit canadien que s’il lui est donné effet par l’intermédiaire du processus d’élaboration des lois du Canada (Health Services and Support — Facilities Subsector Bargaining Assn. c. Colombie-Britannique, 2007 CSC 27, [2007] 2 R.C.S. 391, par. 69; Capital Cities Communications Inc. c. Conseil de la Radio-Télévision canadienne, [1978] 2 R.C.S. 141, p. 172-173; Currie, p. 235). Les appelants n’ont pas prétendu — et encore moins établi — que leur interprétation de l’art. 14 correspond au droit international coutumier ou qu’elle a été intégrée au droit canadien par voie législative.

[15]           M. Sin n’a pas prétendu que l’APIE conclu entre le Canada et la Russie reflète le droit international coutumier, et il reconnaît que cet APIE n’a pas été mis en vigueur par une loi fédérale. Cet APIE ne fait donc pas partie du droit canadien et ne peut pas modifier une loi fédérale. Par conséquent, je ne suis pas d’accord pour affirmer que le paragraphe 87.5(7) de la LIPR devrait être interprété à la lumière de l’APIE conclu entre le Canada et la Russie.

[16]           Étant donné que cette conclusion mettrait un terme à l’action de M. Sin comme celui-ci l’a reconnu dans son mémoire, il n’est pas nécessaire de traiter la question de savoir si l’APIE conclu entre le Canada et la Russie viserait l’action que M. Sin a intentée.

[17]           Par conséquent, je rejetterais l’appel avec dépens.

« Wyman W. Webb »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Richard Boivin j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Yves de Montigny j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL DE L’ORDONNANCE RENDUE PAR LE JUGE O’REILLY LE 4 MARS 2015 DANS LE DOSSIER NT-1734.

DOSSIER :

A-142-15

 

 

INTITULÉ :

ALEXANDR SIN c.

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 DÉCEMBRE 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE de MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 20 JANVIER 2016

 

COMPARUTIONS :

Dan Miller

 

POUR L’APPELANT

 

Lorne McClenaghan

Julian Jubenville

 

POUR L’INTIMÉE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dan Miller

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANT

ALEXANDR SIN

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

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