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Date : 20160127


Dossier : A­141­15

Référence : 2016 CAF 28

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE RYER

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

 

 

ENTRE :

ROGERS COMMUNICATIONS PARTNERSHIP, SOCIÉTÉ TELUS COMMUNICATIONS, BELL MOBILITÉ INC. ET QUÉBECOR MÉDIA INC.

appelantes

et

SOCIÉTÉ CANADIENNE DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS DE MUSIQUE (aussi appelée SOCAN)

intimée

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 16 décembre 2015.

Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 27 janvier 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE RYER

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

 


Date : 20160127


Dossier : A­141­15

Référence : 2016 CAF 28

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE RYER

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

 

 

ENTRE :

ROGERS COMMUNICATIONS PARTNERSHIP, SOCIÉTÉ TELUS COMMUNICATIONS, BELL MOBILITÉ INC. ET QUÉBECOR MÉDIA INC.

appelantes

et

SOCIÉTÉ CANADIENNE DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS DE MUSIQUE (aussi appelée SOCAN)

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE RYER

[1]               Rogers Communications Partnership, société Telus Communications, Bell Mobilité Inc. et Québecor Média Inc. (les « sociétés ») ont intenté une action devant la Cour fédérale (l’« action ») contre la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (« SOCAN ») cherchant à recouvrer certains montants qu’elles ont versés entre le 14 novembre 2006 et le 12 juillet 2012 en vertu du Tarif 24 (Sonneries) pour les années 2003 à 2005 (« Tarif 24 (2003 à 2005) ») et du Tarif 24 (Sonneries et sonneries d’attente) pour les années 2006 à 2013 (« Tarif 24 (2006 à 2013) ») (collectivement, « Tarif 24 »). Ces paiements se rapportaient aux sonneries contenant des portions substantielles d’œuvres musicales du répertoire de la SOCAN qui étaient téléchargées sur les appareils mobiles des clients des sociétés.

[2]               La SOCAN a produit une défense à l’encontre de l’action et une demande reconventionnelle contre les sociétés demandant le paiement de certaines redevances pour les sonneries que les sociétés ont refusé de payer depuis le 12 juillet 2012 ou, subsidiairement, le 7 novembre 2012.

[3]               Dès réception d’une demande d’ordonnance sur consentement dans le cadre de l’action, la juge Anne Mactavish a rendu une ordonnance le 6 mars 2014, aux termes de l’alinéa 220(1)a) des Règles des Cours fédérales, DORS/98­106 (les « Règles des Cours fédérales »), ordonnant que soit rendue une décision provisoire à l’égard de six questions de droit (l’« ordonnance relative à l’alinéa 220(1)a) »).

[4]               Par une décision rendue le 6 mars 2015, le juge James O’Reilly (le « juge ») a reformulé les six questions et a répondu. Cette décision est publiée dans la référence 2015 C.F. 286.

[5]               Les deux parties, les sociétés et la SOCAN, ont interjeté appel de portions des décisions du juge à l’égard de ces six questions.

[6]               Par les motifs qui suivent, j’accueillerais en partie l’appel des sociétés ainsi que le pourvoi incident de la SOCAN.

I.                   FAITS ET PROCÉDURES

[7]               Les sociétés offrent des services de communications mobiles au Canada.

[8]               SOCAN est une société de gestion, au sens de l’article 2 de la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, ch. C­42 (la « Loi sur le droit d’auteur »). Son activité est la gestion collective du droit d’auteur, au sens du paragraphe 3(1) de la Loi sur le droit d’auteur, pour le compte de personnes qui l’autorisent à le faire en leur nom. Ses interventions consistent à octroyer des licences pour l’exécution en public ou la communication au public par télécommunication au Canada d’œuvres musicales ou dramatico­musicales. Elle intervient au nom de créateurs et d’éditeurs de musique canadiens qui sont titulaires du droit d’auteur relativement à une œuvre (les « titulaires de droits ») et qui l’autorisent à le faire.

[9]               De façon générale, les titulaires de droits concluent des ententes avec des sociétés de gestion, notamment la SOCAN, de sorte que, de manière économique et efficace, on puisse empêcher l’utilisation non autorisée de leurs œuvres et obtenir une indemnisation pour l’utilisation autorisée de leurs œuvres. La société de gestion accorde des « licences » aux personnes qui souhaitent utiliser les droits d’exécution des œuvres dont elle a gestion et perçoit les droits relatifs à cette utilisation par ces personnes. Après déduction des coûts convenus, la société de gestion fait la répartition entre les titulaires de droits.

[10]           La Commission du droit d’auteur du Canada est constituée aux termes du paragraphe 66(1) de la Loi du droit d’auteur. Ses pouvoirs généraux sont énoncés aux articles 66.51 à 66.71 de cette loi.

[11]           Aux termes de l’article 67.1 de la Loi sur le droit d’auteur, la société de gestion est tenue de proposer à la Commission des tarifs établissant le montant des redevances ou les droits des licences pour utiliser les œuvres musicales qui font partie de son répertoire, qu’il s’agisse de l’exécution de l’œuvre en public ou de la communication de l’œuvre au public par télécommunication.

[12]           Après avoir tenu compte des oppositions au tarif proposé, la Commission est tenue, aux termes du paragraphe 68(3) de la Loi sur le droit d’auteur, d’homologuer ces tarifs après avoir apporté les modifications qu’elle estime nécessaires, le cas échéant.

[13]           Aux termes de l’article 66.52 de la Loi sur le droit d’auteur, la Commission est habilitée à modifier une décision qu’elle a prise concernant les redevances, y compris une décision d’homologation prise en vertu du paragraphe 68(3) de la Loi sur le droit d’auteur si, selon son appréciation, il y a eu évolution importante des circonstances depuis ces décisions. Cette disposition se lit comme suit :

Modifications de décisions

Variation of decisions

66.52 La Commission peut, sur demande, modifier toute décision concernant les redevances visées au paragraphe 68(3), aux articles 68.1 ou 70.15 ou aux paragraphes 70.2(2), 70.6(1), 73(1) ou 83(8), ainsi que les modalités y afférentes, en cas d’évolution importante, selon son appréciation, des circonstances depuis ces décisions.

66.52 A decision of the Board respecting royalties or their related terms and conditions that is made under subsection 68(3), sections 68.1 or 70.15 or subsections 70.2(2), 70.6(1), 73(1) or 83(8) may, on application, be varied by the Board if, in its opinion, there has been a material change in circumstances since the decision was made.

[14]           Le paragraphe 68.2(1) de la Loi sur le droit d’auteur permet à la société de gestion de percevoir les redevances qui figurent dans un tarif homologué et de les recouvrer en s’adressant au juge compétent.

[15]           Aux termes du paragraphe 68.2(2) de la Loi sur le droit d’auteur, nul recours ne peut être intenté pour violation des droits d’exécution en public ou de communication au public par télécommunication visés à l’article 3 de la Loi sur le droit d’auteur contre quiconque a payé ou offert de payer les redevances figurant au tarif homologué.

[16]           En l’espèce, les droits en cause ont trait au téléchargement de sonneries qui consistent en portions d’œuvres musicales. Certains utilisateurs de téléphones cellulaires préfèrent des sonneries qui contiennent des œuvres musicales pour être informés d’appels entrants. Ainsi, les sonneries qui contiennent des œuvres musicales peuvent être chargées dans la mémoire d’un téléphone cellulaire et sont alors entendues comme signal d’un appel entrant. Lorsqu’une sonnerie qui contient une œuvre musicale est utilisée et qu’un appel est reçu, le téléphone cellulaire ne « sonne » pas; on entend plutôt la musique intégrée à la sonnerie.

[17]           Les paiements relatifs aux sonneries intégrées aux téléphones cellulaires au moment de leur achat ne sont pas visés par la présente action. L’action a plutôt trait aux sonneries qui sont « téléchargées » par la suite dans les téléphones cellulaires. Le téléchargement d’une sonnerie se produit lorsqu’un fichier de sonnerie est transmis d’une entreprise de services sans fil à un téléphone cellulaire où le fichier est alors mis dans la mémoire du téléphone cellulaire.

[18]           Rejetant les objections de quelques­unes des sociétés, la Commission a homologué le Tarif 24 (2003 à 2005) le 18 août 2006 pour ce qui est des années 2003, 2004 et 2005. Le Tarif 24 (2003 à 2005) autorisait la SOCAN à percevoir les redevances à l’égard du téléchargement de sonneries parce que ces téléchargements constituaient une communication au public aux termes de l’alinéa 3(1)f) de la Loi sur le droit d’auteur. Cette disposition prévoit ce qui suit :

3(1) Le droit d’auteur sur l’oeuvre comporte le droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie importante de l’oeuvre, sous une forme matérielle quelconque, d’en exécuter ou d’en représenter la totalité ou une partie importante en public et, si l’oeuvre n’est pas publiée, d’en publier la totalité ou une partie importante; ce droit comporte, en outre, le droit exclusif :

3(1) For the purposes of this Act, copyright, in relation to a work, means the sole right to produce or reproduce the work or any substantial part thereof in any material form whatever, to perform the work or any substantial part thereof in public or, if the work is unpublished, to publish the work or any substantial part thereof, and includes the sole right

[…]

(f) de communiquer au public, par télécommunication, une oeuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique;

(f) in the case of any literary, dramatic, musical or artistic work, to communicate the work to the public by telecommunication,

[19]           Selon ces modalités, le Tarif 24 (2003 à 2005) venait à expiration le 31 décembre 2005, mais continuerait en tant que tarif provisoire jusqu’à ce que la Commission homologue un tarif pour une période commençant le 1er janvier 2006.

[20]           La décision de la Commission d’homologuer le Tarif 24 (2003 à 2005) a fait l’objet d’un recours en contrôle judiciaire devant la Cour d’appel fédérale (Association canadienne des télécommunications sans fil c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2008 CAF 6, 371 N.R. 273 [ACTS]). Les demandeurs ont soutenu que le Tarif 24 (2003 à 2005) n’était pas autorisé par la Loi sur le droit d’auteur parce que le téléchargement d’une sonnerie ne constituait pas une communication au public aux termes de l’alinéa 3(1)f) de la Loi sur le droit d’auteur.

[21]           La Cour a rejeté la demande de contrôle judiciaire. Elle a conclu que le téléchargement d’une sonnerie constituait une communication d’une œuvre musicale au public aux termes de l’alinéa 3(1)f) de la Loi sur le droit d’auteur (la « question du téléchargement de sonneries »). En conséquence, la décision de la Commission d’homologuer le Tarif 24 (2003 à 2005) a été confirmée. L’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada de la décision de la Cour a été refusée le 18 septembre 2008.

[22]           Le paragraphe 67.1(1) de la Loi sur le droit d’auteur exige d’une société de gestion qu’elle dépose un projet de tarif auprès de la Commission, lequel projet stipule les redevances à percevoir pendant la période au cours de laquelle le projet de tarif s’applique avant la date précédant la cession d’effet d’un tarif homologué. Le projet de tarif doit être déposé au plus tard le 31 mars de l’année au cours de laquelle le tarif en vigueur cessera d’avoir effet.

[23]           Conséquemment à la cession d’effet du Tarif 24 (2003 à 2005), la SOCAN a déposé un projet de tarif pour remplacer le tarif 24 (2003 à 2005). La date de dépôt ne figure pas dans le dossier dont est saisie notre Cour.

[24]           Des oppositions à l’égard de ce projet de tarif de remplacement ont été déposées par plusieurs parties, dont les sociétés. Cependant, selon une correspondance datée du 7 juin 2010, la SOCAN a informé la Commission que la SOCAN avait conclu une entente avec plusieurs parties, dont les sociétés, au sujet des modalités et conditions du projet de tarif de remplacement pour les années 2006 à 2010 et avait prolongé la période visée par le projet de tarif de remplacement de 2006 à 2013 (l’« entente de 2010 »). La correspondance du 7 juin 2010 demandait que la Commission homologue un tarif conforme à l’entente de 2010. Suite à la réception par la Commission de la correspondance du 7 juin 2010, toutes les autres objections au projet de tarif de remplacement original ont été retirées.

[25]           Le 29 juin 2012, la Commission a homologué le tarif contenu à l’annexe B de l’entente de 2010. La décision de la Commission d’homologuer le Tarif 24 (2006 à 2013) n’a pas été contestée par un recours en contrôle judiciaire.

[26]           Entre le 14 novembre 2006 et le 12 juillet 2012, les sociétés ont versé environ 12 015 041,00 $ à la SOCAN en vertu du Tarif 24.

[27]           A l’occasion d’une procédure distincte, la Commission a homologué le tarif 22 pour les années de 1996 à 2006 le 18 octobre 2007. Le Tarif 22.A fixe les redevances à verser lorsqu’une œuvre musicale est téléchargée ou radiodiffusée sur Internet ou un réseau mobile.

[28]           La Commission a homologué les Tarifs 22.B à 22.G pour les années de 1996 à 2006 le 25 octobre 2008. Les Tarifs 22.B à 22.G fixent les redevances à payer lorsque divers supports contenant des œuvres musicales, ou une partie substantielle d’une œuvre musicale, sont radiodiffusés ou téléchargés sur Internet. Le Tarif 22.G fixe les redevances à payer lorsqu’un jeu vidéo contenant une œuvre musicale est radiodiffusé ou téléchargé sur Internet.

[29]           Les décisions de la Commission d’homologuer les Tarifs 22.A et 22.B à 22.G ont fait l’objet d’un recours en contrôle judiciaire devant la Cour d’appel fédérale, qui a entendu les deux requêtes ensemble. Notre Cour a rejeté les demandes de contrôle judiciaire le 2 septembre 2010 (Shaw Cablesystems G.P. c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2010 CAF 220, 409 N.R. 102 [Shaw]; Entertainment Software Association et Association canadienne du logiciel de divertissement c. CMRRA/SODRAC Inc., 2010 CAF 221, 406 N.R. 288 [ESA (CAF)]). Par l’arrêt Shaw, notre Cour a jugé que la conclusion de la Commission selon laquelle le téléchargement d’un fichier musical constituait une communication au public d’une œuvre musicale aux termes de l’alinéa 3(1)f) de la Loi sur le droit d’auteur, était raisonnable. Par l’arrêt ESA (CAF), la Cour a jugé que l’enseignement de son arrêt Shaw était décisif quant à la question du caractère raisonnable de la conclusion de la Commission selon laquelle le téléchargement d’un jeu vidéo contenant une œuvre musicale constitue une communication au public aux termes de l’alinéa 3(1)f) de la Loi.

[30]           Le 24 mars 2011, la Cour suprême du Canada a autorisé l’appel des décisions de la Cour d’appel fédérale dans les arrêts Shaw et ESA (CAF). Les appels ont été entendus ensemble le 6 décembre 2011.

[31]           La Cour suprême du Canada a rendu deux décisions partagées le 12 juillet 2012. Dans l’arrêt Entertainment Software Association c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2012 CSC 34, [2012] 2 R.C.S. 231 [ESA], la majorité des juges de la Cour suprême a conclu que le téléchargement de jeux vidéo contenant des œuvres musicales ne constituait pas une communication au sens de l’alinéa 3(1)f) de la Loi sur le droit d’auteur.

[32]           Dans l’arrêt Rogers Communications Inc. c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2012 CSC 35, [2012] 2 R.C.S. 283 [Rogers], la majorité des juges de la Cour suprême a déclaré que l’enseignement de son arrêt ESA ne se limitait pas au téléchargement de jeux vidéo contenant des œuvres musicales de sorte que, de façon plus générale, « l’œuvre musicale qui est téléchargée n’est pas « communiquée » par télécommunication » (au paragraphe 2, soulignement dans l’original).

[33]           Après la publication des arrêts ESA et Rogers, la SOCAN a rendu les redevances qu’elle avait perçues des sociétés en vertu du tarif 22.A et des tarifs 22.B à 22.G.

[34]           Les sociétés ont décidé que, vu l’enseignement des arrêts Rogers et ESA, le tarif 24 était désormais « sans aucun fondement juridique ». En conséquence, elles ont cessé de verser les paiements à la SOCAN en vertu du tarif 24 (2006 à 2013) le 12 juillet 2012.

[35]           Le 1er août 2012, aux termes de l’article 66.52 de la Loi sur le droit d’auteur (la « demande relative à 66.52 »), les sociétés ont déposé une demande visant à modifier les décisions d’homologation du tarif 24 de la Commission.

[36]           Le 18 janvier 2013, la Commission a rejeté la demande relative à 66.52. Elle a conclu que la demande était qualifiée à juste titre de demande de suspension des décisions d’homologation du tarif 24. La Commission a conclu que son pouvoir de modification ne comportait pas le pouvoir de suspension. Elle a également conclu que la décision des sociétés d’alléguer que le tarif 24 n’était plus applicable compte tenu des arrêts ESA et Rogers ne relevait pas de sa compétence et qu’il appartenait à la justice de trancher. La décision de la Commission de rejeter la demande relative à 66.52 n’a pas fait l’objet d’un recours en contrôle judiciaire.

[37]           Les sociétés ont plutôt  intenté une action contre la SOCAN devant la Cour fédérale, alléguant que la SOCAN s’était injustement enrichie par les paiements que les sociétés avaient faits en vertu du tarif 24. Elles demandaient :

a)      la restitution de 15 000 000 $ découlant d’un enrichissement sans cause;

b)      des dommages­intérêts en fonction d’un montant à détailler avant le procès;

c)      subsidiairement, une déclaration selon laquelle les sommes perçues par l’intimé et recensées ci­dessous (« paiements ») sont comprises et ont été retenues au moyen d’une fiducie par interprétation au nom des demandeurs, et une ordonnance portant que les paiements doivent être remis aux demandeurs sans délai;

d)     une déclaration portant que la transmission d’une copie d’une sonnerie contenant une partie d’une œuvre musicale ne constitue pas une communication au public par télécommunication de l’œuvre musicale, aux fins de l’alinéa 3(1)f) de la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, ch. C­42, et les décisions de la Commission du droit d’auteur du Canada (« Commission ») d’homologuer le tarif 24 (2003 à 2005) et le tarif 24 (2006 à 2013) (collectivement, le « tarif 24 »);

e)      subsidiairement, une déclaration portant que le tarif 24 constitue une violation à la Loi sur le droit d’auteur et est ultra vires.

f)       la comptabilisation des paiements;

g)      une ordonnance accordant un droit de suite en ce qui concerne les paiements;

h)      des intérêts pré­jugement et post­jugement aux termes de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F­7.

[38]           Le 6 mars 2014, l’ordonnance relative à l’alinéa 220(1)a) a été prise. Elle portait que les six questions de droit suivantes devaient être tranchées : [traduction]

1.      La transmission par Internet à l’appareil mobile d’un client d’un fichier électronique de sonnerie constitue­t­elle une communication au public, par télécommunication, de l’œuvre musicale en question au sens de l’alinéa 3(1)(f) de la Loi sur le droit d’auteur?

2.      Les décisions de la Commission du droit d’auteur du Canada homologuant le Tarif 24 de la SOCAN (sonneries) pour les années 2003 à 2005 et 2006 à 2013 relevaient­elles de la compétence de la Commission?

3.      Une partie de la réclamation des demanderesses est­elle irrecevable selon le principe de l’autorité de la chose jugée?

4.      L’accord conclu par les demanderesses et déposé le 7 juin 2010 auprès de la Commission du droit d’auteur du Canada empêche­t­il les demanderesses de réclamer tout ou partie de la mesure qu’elles sollicitent dans le cadre de la présente action?

5.      La perception, par la SOCAN, des redevances prévues au Tarif 24 constitue­t­elle un enrichissement sans cause?

6.      Les demanderesses ont­elles le droit d’obtenir une ordonnance accordant un droit de suite à l’égard des redevances versées au titre du Tarif 24 de la SOCAN?

II.                LA DÉCISION DU JUGE

[39]           Le juge a reformulé les six questions énoncées dans l’ordonnance relative à l’alinéa 220(1)a) et a répondu. Ses questions reformulées et ses réponses sont les suivantes :

1.      Question : La réclamation des demanderesses a­t­elle déjà fait l’objet d’une décision définitive par laquelle elles ont été déboutées?

Réponse : La réclamation des demanderesses n’a pas fait l’objet d’une décision définitive par laquelle elles ont été déboutées.

2.      Question : L’accord que les demanderesses ont conclu en 2010 avec la SOCAN les empêche­t­il de solliciter la mesure qu’elles cherchent à obtenir?

Réponse : L’accord de 2010 intervenu entre les demanderesses et la SOCAN n’empêche pas les demanderesses de solliciter la mesure qu’elles cherchent à obtenir.

3.      Question : La transmission par Internet d’un fichier contenant une sonnerie constitue­t­elle une communication d’une œuvre musicale au public?

Réponse : La transmission par Internet d’un fichier de sonnerie ne constitue pas une communication au public d’une œuvre musicale.

4.      Question : La Commission avait­elle la compétence d’homologuer le Tarif 24?

Réponse : La Commission avait la compétence d’homologuer le Tarif 24.

5.      Question : La perception des redevances prévues au Tarif 24 par la SOCAN a­t­elle donné lieu à l’enrichissement sans cause de celle­ci?

Réponse : En percevant les redevances prévues au Tarif 24, la SOCAN n’a pas bénéficié d’un enrichissement sans cause.

6.      Question : Les demanderesses ont­elles le droit d’obtenir une ordonnance accordant un droit suite à l’égard des redevances versées au titre du Tarif 24?

Réponse : Les demanderesses n’ont pas le droit de se voir accorder une ordonnance leur conférant un droit de suite.

III.             LA QUESTION EN LITIGE

[40]           En l’espèce, la question en litige est de savoir si le juge a commis une erreur de droit en répondant à l’une quelconque des six questions.

IV.             NORME DE CONTRÔLE

[41]           Étant donné que, aux termes de l’alinéa 220(1)a) des Règles des Cours fédérales, le juge ne peut se prononcer que sur des points de droit, la norme de contrôle est la norme de la décision connecte (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, au paragraphe 8, [2002] 2 R.C.S. 235).

V.                ANALYSE

A.                Introduction

(1)               Alinéa 220(1)a)

[42]           Comme il est signalé plus haut, les questions que le juge a tranchées découlaient d’une requête présentée aux termes de l’alinéa 220(1)a) des Règles des Cours fédérales, faite par les sociétés et convenue par la SOCAN. Cette disposition se lit comme suit :

220. (1) Une partie peut, par voie de requête présentée avant l’instruction, demander à la Cour de statuer sur :

220. (1) A party may bring a motion before trial to request that the Court determine

a) tout point de droit qui peut être pertinent dans l’action;

(a) a question of law that may be relevant to an action;

[43]           Les exigences de cette règle sont énoncées dans la décision Berneche c. Canada, [1991] 3 C.F. 383, 133 N.R. 232 (C.A.) [Berneche], qui portait sur une version antérieure de l’alinéa 220(1)a). Au paragraphe 6, le juge Mahoney observait que la règle :

[traduction]

exige ensuite qu’il soit démontré de façon jugée satisfaisante par la Cour (1) qu’aucun fait essentiel à la question de droit à être tranchée n’est contesté; (2) que ce qui doit être tranché est une pure question de droit, et (3) que la décision disposera de manière définitive d’un point en litige de sorte que soit éliminée la nécessité d’un procès, ou s’il y a procès, il sera tout au moins abrégé ou plus rapide.

[Non souligné dans l’original.]

[44]           Notre Cour a précisé davantage le critère de la jurisprudence Berneche à l’occasion de l’affaire Perera c. Canada, [1998] 3 R.C.F. 381, 225 N.R. 162 (C.A.) [Perera] où le juge Létourneau a observé au paragraphe 13 :

…[c]omme l’a précisé l’arrêt Berneche, [elle doit être convaincue] que les questions proposées sont de pures questions de droit, c’est­à­dire des questions auxquelles il est possible de répondre sans tirer quelque conclusion de fait que ce soit. En fait, l’objet de cette règle est de répondre aux questions avant l’instruction; elle ne vise pas à morceler l’instruction ni à remplacer une partie de l’instruction par une autre instruction tenue au moyen d’affidavits

[Non souligné dans l’original, note en bas de page omise]

[45]           Cette jurisprudence enseigne clairement que l’alinéa 220(1)a) ne vise que les pures questions de droit. Cette limite ne s’applique pas de façon uniforme à toutes les juridictions. Par exemple, le paragraphe 58(1) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), DORS/90­688a (les « règles de la Cour de l’impôt ») habilite la Cour canadienne de l’impôt à trancher des questions préliminaires de droit, de fait ou de droit et de fait.

(2)               La reformulation des questions par le juge

[46]           Le juge a choisi de reformuler les questions définies dans l’ordonnance rendue aux termes de l’alinéa 220(1)a) et de répondre aux questions reformulées dans l’ordre de son choix.

[47]           Souvent, les questions de droit se traduisent par la vérification de critères juridiques ou l’interprétation de dispositions législatives. Les questions mélangées de fait et de droit comportent l’application d’un principe ou d’un critère juridique à un ensemble de faits. Une pure question de droit, au sens de l’enseignement des arrêts Berneche et Perera, ne comporte pas une question mélangée de fait et de droit.

[48]           En l’espèce, l’ordonnance rendue aux termes de l’alinéa 220(1)a) fut rendue du consentement des parties, la conséquence étant qu’il n’est pas évident qu’une attention particulière ait été accordée à la pertinence des six questions avancées par les parties; autrement dit, on peut savoir si chacune d’elles constituait une « pure question de droit ».

[49]           Quant à savoir si ces circonstances ont joué un rôle dans la décision du juge de reformuler les questions définies dans l’ordonnance rendue aux termes de l’alinéa 220(1)a), cela ne ressort pas de ses motifs.

[50]           Dans des circonstances assez analogues, le juge Hugessen, alors juge de la Cour fédérale, a conclu que la Cour doit refuser de répondre à des questions quand il n’est pas approprié de le faire. À l’occasion de l’affaire Bruyere c. Canada, 2005 CF 1371, 281 F.T.R. 221 [Bruyere], il a observé, au paragraphe 19 :

[19]      L’article 220 des Règles, qui prévoit une procédure en deux étapes au cours de laquelle la Cour détermine elle­même la pertinence des questions à poser avant de s’engager à y répondre, vise à éviter ce genre de problème. Cependant, les considérations politiques sous­jacentes à cette règle et le fait que la première partie de la requête n’a pas été contestée, de sorte que la protonotaire n’a pas été appelée à s’attarder sur la pertinence des questions, m’incitent à conclure que la Cour devrait refuser de répondre à des questions dans les cas où elle aurait tort de le faire. De toute évidence, il aurait été préférable que la requête soit rejetée à la première étape, comme ce fut le cas dans Wolf c. Canada, 2002 CFPI 434; cependant, alors que le fait de répondre à une question sur la foi d’une preuve insuffisante peut être lourd de conséquences pour des personnes autres que les parties, le refus d’y répondre ne causera d’inconvénients qu’aux parties qui sont elles­mêmes à l’origine de la situation actuelle.

[51]           La reformulation par le juge des six questions n’est pas controversée entre les parties. Cela dit, selon moi, en reformulant ces six questions, le juge était tenu de s’assurer que les questions reformulées satisfaisaient aux critères consacrés par les arrêts Berneche et Perera.

[52]           À l’audition de l’appel, la Cour a consacré par soulevé la question de savoir si elle était tenue de rechercher si étaient correctes les réponses du juge relativement à toute question reformulée qui n’était pas une « pure question de droit ». L’avocat représentant les sociétés a répondu  que notre Cour était libre de refuser de le faire et a utilement cité à notre Cour la jurisprudence Bruyere. L’avocat représentant la SOCAN a répondu que la Cour devait rechercher si étaient correctes les réponses du juge aux questions reformulées parce qu’elles émanaient de l’ordonnance rendue aux termes de l’alinéa 220(1)a) des Règles, ce qui a été accordé avec le consentement « d’avocats expérimentés pour des clients avertis ».

[53]           Selon moi, notre Cour est libre de refuser de rechercher si était correctes les réponses du juge à toute question qui ne relève pas du champ de l’alinéa 220(1)a) des Règles des Cours fédérales.

[54]            À l’occasion de l’affaire Thomas Fuller Construction Co. c. Canada, [1992] 3 C.F. 795, 147 N.R. 313 (C.A.), notre Cour a annulé l’ordonnance d’un juge qui a tranché une question de droit préliminaire parce que la question de droit n’avait pas été soulevée dans les actes de procédure. Selon moi, vu le pouvoir de la Cour d’appel d’annuler une requête soulevant un point de droit qui n’est pas soulevé dans les actes de procédure, elle est habilitée à annuler une décision relative à une question qui ne constitue pas une pure question de droit.

[55]           À l’occasion de l’affaire McLarty c. La Reine, 2002 C.A.F. 206, 291 N.R. 396 [McLarty], le juge Rothstein, alors juge à la Cour d’appel, a examiné une requête présentée en vertu de l’alinéa 58(1)a) des Règles de la Cour de l’impôt qui, à l’époque, ne visait que les questions de droit préliminaires. Aux paragraphes 7 et 12 de ses motifs, le juge Rothstein a indiqué :

[7]        Avant qu’une requête en vertu de l’alinéa 58(1)a) ne puisse être accueillie, le juge des requêtes doit être convaincu qu’aucun fait essentiel à la question de droit à être tranchée n’est contesté. Voir Berneche  c. Canada, [1991] 133 N.R. 232, (C.A.F.) paragraphe 6.

[12]      En fin de compte, une fois que le juge des requêtes a conclu que les documents [traduction] « peuvent avoir un impact [...] sur la responsabilité de l’appelant [en matière d’impôt] [...] » et qu’ils constituaient [traduction] « de la preuve contestée et non [...] un exposé conjoint des faits », le juge des requêtes avait l’obligation de rejeter la requête concernant la question préliminaire. Ce n’est que lorsque aucun fait essentiel pertinent à la question de droit n’est contesté que ladite question de droit peut être tranchée sur une base préliminaire. Une fois que le juge des requêtes a décidé qu’il y avait des faits contestés qui étaient essentiels à la question, il devait rejeter la requête visant à faire trancher une question de droit préliminaire.

[56]           En conclusion, selon moi, notre Cour n’est pas tenue de rechercher si étaient correctes les réponses du juge aux questions qui ne soulevaient pas de pures questions de droit.

B.                 Les questions

(1)     Première question : La réclamation des demanderesses a­t­elle déjà fait l’objet d’une décision définitive par laquelle elles ont été déboutées?

[57]           Essentiellement, avec la question reformulée, il est demandé si la réclamation des sociétés est irrecevable selon la doctrine de l’autorité de la chose jugée. La question de savoir si les exigences de cette doctrine sont réunies constitue une question de droit [Re EnerNorth Industries Inc., 2009 ONCA 536, paragraphe 52, 96 O.R. (3d) 1, autorisation de pourvoi devant la C.S.C. refusée, 33354 (14 janvier 2010); Ernst & Young Inc. c. Central Guaranty Trust Co., 2006 ABCA 337, paragraphe 26, 397 A.R. 225, autorisation de pourvoi devant la C.S.C. refusée, 31794 (19 avril 2007)]. En conséquence, il s’agissait d’une question pertinente aux termes de l’alinéa 220(1)a) des Règles des Cours fédérales.

[58]           Le juge a conclu que rien n’empêchait les sociétés de poursuivre l’action selon la jurisprudence de la Commission et de la Cour d’appel fédérale. Il a conclu que les trois critères doivent être réunis avant que la doctrine de l’autorité de la chose jugée – que ce soit sous la forme de la préclusion fondée sur la cause d’action ou de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée – puisse jouer. Il en a conclu qu’une partie ne peut pas demander le réexamen d’une affaire lorsque a) la même question a été tranchée dans une procédure antérieure, b) les parties aux deux procédures sont les mêmes, et c) la décision antérieure était définitive.

[59]           Bien qu’il soit clair que le juge savait qu’il y avait deux homologations par la Commission du Tarif 24, son analyse semble avoir porté principalement sur la décision concernant le Tarif 24 (2003 à 2005) qui a été confirmé à l’occasion de l’affaire ACTS.

[60]           Le juge a conclu que la question du téléchargement de sonneries constituait la question essentielle de l’action et qu’il s’agissait de la même question qui avait été tranchée à l’occasion de l’affaire ACTS. En outre, il a conclu que les parties à l’action et le contentieux antérieur étaient les mêmes. Par conséquent, il a conclu que les deux premiers critères étaient réunis.

[61]           Le juge a ensuite conclu que le troisième critère n’avait pas été rempli parce que, aux termes de l’article 66.52 de la Loi sur le droit d’auteur, qui habilite la Commission à modifier une décision d’homologation s’il y a eu évolution importante des circonstances depuis ces décisions, « une décision de la Commission n’est jamais vraiment définitive ». De plus, le juge a tenu pour acquis que c’est l’enseignement de la Cour suprême du Canada par les arrêts ESA et Rogers « qui aurait entraîné une évolution des circonstances », même si la Commission avait refusé d’accorder la requête présentée en vertu de l’article 66.52 qui reposait sur cet enseignement.

[62]           Bien que le juge ait semblé concentrer son analyse du « caractère définitif » sur la décision concernant le Tarif 24 (2003 à 2005), il semble logique qu’il estimait aussi que si la décision relative au Tarif 24 (2003 à 2005) n’était pas définitive, alors la décision subséquente de la Commission en ce qui concerne le Tarif 24 (2006 à 2013) ne serait pas non plus définitive. En conséquence de sa décision selon laquelle les décisions de la Commission n’étaient pas définitives, il a conclu que le troisième critère de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée n’était pas rempli et que, par conséquent, la doctrine de l’autorité de la chose jugée n’empêchait pas les sociétés de poursuivre l’action.

[63]           Puis, le juge a conclu que même si « la décision antérieure concernant les redevances relatives aux sonneries avait un caractère définitif », il « aurait peut­être été injuste d’empêcher » les sociétés de demander une mesure dans le cadre de la présente action. Il en était ainsi parce que selon l’enseignement des arrêts ESA et Rogers « la Commission et la Cour d’appel fédérale ont commis une erreur en concluant que le téléchargement de sonneries constituait une communication d’œuvres musicales au public ».

[64]           Comme le juge avait conclu, avec raison, la préclusion découlant d’une question déjà tranchée et la préclusion fondée sur la cause d’action ont en commun trois critères. Le juge n’a pas jugé nécessaire d’opérer une distinction entre ces deux volets de la doctrine de la chose jugée. Selon moi, le volet pertinent est celui de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée.

[65]           La préclusion découlant de la question déjà tranchée est définie au paragraphe 24 de l’arrêt Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., 2001 CSC 44, [2001] 2 R.C.S. 460 [Danyluk], qui se lit comme suit :

La préclusion découlant d’une question déjà tranchée a été définie de façon précise par le juge Middleton de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt McIntosh c. Parent, [1924] 4 D.L.R. 420, p. 422 :

[traduction]

Lorsqu’une question est soumise à un tribunal, le jugement de la cour devient une décision définitive entre les parties et leurs ayants droit. Les droits, questions ou faits distinctement mis en cause et directement réglés par un tribunal compétent comme motifs de recouvrement ou comme réponses à une prétention qu’on met de l’avant, ne peuvent être jugés de nouveau dans une poursuite subséquente entre les mêmes parties ou leurs ayants droit, même si la cause d’action est différente. Le droit, la question ou le fait, une fois qu’on a statué à son égard, doit être considéré entre les parties comme établi de façon concluante aussi longtemps que le jugement demeure.

[Je souligne.]

Le juge Laskin (plus tard Juge en chef) a souscrit à cet énoncé dans ses motifs de dissidence dans l’arrêt Angle, précité, p. 267­268 Cette description des aspects visés par la préclusion (« [l]es droits, questions ou faits distinctement mis en cause et directement réglés ») est plus exigeante que celle utilisée dans certaines décisions plus anciennes à l’égard de la préclusion fondée sur la cause d’action (par exemple [traduction] « toute question ayant été débattue ou qui aurait pu à bon droit l’être », Farwell, précité, p. 558). S’exprimant au nom de la majorité dans l’arrêt Angle, précité, p. 255, le juge Dickson (plus tard Juge en chef) a également fait sienne la définition plus exigeante de l’objet de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée. « Il ne suffira pas », a­t­il dit, « que la question ait été soulevée de façon annexe ou incidente dans l’affaire antérieure ou qu’elle doive être inférée du jugement par raisonnement. » La question qui est censée donner naissance à la préclusion doit avoir été « fondamentale à la décision à laquelle on est arrivé » dans l’affaire antérieure. En d’autres termes, comme il est expliqué plus loin, la préclusion vise les faits substantiels, les conclusions de droit ou les conclusions mixtes de fait et de droit (« les questions ») à l’égard desquels on a nécessairement statué (même si on ne l’a pas fait de façon explicite) dans le cadre de l’instance antérieure.

[66]           Ainsi, parce que le juge a conclu que la question du téléchargement de sonneries avait déjà été tranchée dans le cadre de l’action opposant les sociétés à la SOCAN, il faut en déduire que le juge a conclu qu’il n’y avait eu aucune décision définitive quant à la question du téléchargement de sonneries.

[67]           Selon moi, la validité du Tarif 24 (2003 à 2005) et de la question du téléchargement de sonneries, dont dépendait cette validité, ont fait l’objet d’une décision définitive lorsque la Cour suprême du Canada a refusé l’autorisation d’interjeter appel de l’arrêt ACTS. Le dernier paragraphe de l’arrêt ACTS se lit comme suit :

[44] À mon avis, la Commission du droit d’auteur a eu raison en droit de conclure que la transmission sur demande de sonneries à leurs clients par des entreprises de télécommunications sans fil constitue une communication au public par télécommunication au sens de l’alinéa 3(1)f) de la Loi sur le droit d’auteur. Je rejetterais la présente demande avec dépens.

[68]           La conclusion du juge selon laquelle les décisions de la Commission ne sont « jamais vraiment définitives », aux termes de l’article 66.52 de la Loi sur le droit d’auteur ne va pas dans le sens de la conclusion selon laquelle l’arrêt ACTS ne constituait pas une décision définitive. Même si l’article 66.52 de la Loi sur le droit d’auteur habilite la Commission à infirmer ses propres décisions, ce pouvoir n’habilite pas la Commission à infirmer des décisions judiciaires. À mon avis, l’arrêt ACTS rendu par notre Cour constitue une décision définitive quant à la validité du Tarif 24 (2003 à 2005) et de la question du téléchargement de sonneries. Par conséquent, j’estime que le critère du caractère définitif de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée est satisfait et que le juge a commis une erreur de droit en concluant autrement.

[69]           Dans l’éventualité où je fais erreur en concluant que la question du téléchargement de sonneries a fait l’objet d’une décision définitive par l’arrêt ACTS et que l’exigence relative au caractère définitif de la décision doit être tranchée par renvoi au caractère définitif de la décision de la Commission relative au tarif 24 (2003 à 2005), j’estime que le juge a commis une erreur de droit dans son interprétation de l’article 66.52 de la Loi sur le droit d’auteur sur laquelle repose sa conclusion selon laquelle les décisions de la Commission ne sont « jamais vraiment définitives ».

[70]           La capacité de la Commission de modifier ses propres décisions fait jouer le principe du dessaisissement (functus officio). À l’occasion de l’affaire Chandler c. Alberta Association of Architects, [1989] 2 R.C.S. 848, 62 D.L.R. (4th) 577 [Chandler], la Cour suprême a conclu que  ce principe vaut aussi pour les décisions de tribunaux administratifs. À la page 861, le juge Sopinka a observé :

… En règle générale, lorsqu’un tel tribunal a statué définitivement sur une question dont il était saisi conformément à sa loi habilitante, il ne peut revenir sur sa décision simplement parce qu’il a changé d’avis, parce qu’il a commis une erreur dans le cadre de sa compétence, ou parce que les circonstances ont changé. Il ne peut le faire que si la loi le lui permet ou s’il y a eu un lapsus ou une erreur au sens des exceptions énoncées dans l’arrêt Paper Machinery Ltd. c. J. O. Ross Engineering Corp., précité.

L’erreur dont il est question dans la dernière partie de cette citation est une erreur dans l’expression de « l’intention manifeste » de la cour ou du tribunal relativement à sa décision.

[71]           Ainsi, en vertu du principe du dessaisissement, la Commission ne serait pas autorisée à rouvrir une de ses décisions en l’absence d’un lapsus ou d’une erreur qui va à l’encontre de l’intention manifeste de la Commission en parvenant à sa décision. En l’espèce, aucune de ces exceptions du principe du functus officio n’est pertinente. Cependant, comme il est signalé dans l’extrait de l’arrêt Chandler, un tribunal administratif peut être habilité par la loi à revenir sur ses décisions. En effet, la Loi sur le droit d’auteur prévoit un tel pouvoir.

[72]           En concluant qu’il n’y avait eu aucune décision définitive en ce qui concerne le tarif 24 (2003 à 2005) et, par conséquent, aucune décision définitive en ce qui concerne la question du téléchargement de sonneries, le juge a conclu que la jurisprudence de la Cour suprême du Canada (ESA et Rogers) constituaient une évolution importante des circonstances, ce qui habilitait la Commission à modifier sa décision pour homologuer ce tarif. Il a conclu que les arrêts ESA et Rogers ont modifié le droit parce qu’ils ont effectivement déclaré que la Commission et la Cour d’appel fédérale avaient, par l’arrêt ACTS, commis une erreur dans leurs décisions relatives au téléchargement de sonneries. En concluant ainsi, le juge a interprété les mots « en cas d’évolution importante, selon son appréciation, des circonstances depuis ces décisions » de l’article 66.52 de la Loi sur le droit d’auteur comme incluant une modification du droit découlant d’une jurisprudence postérieure à la décision à modifier.

[73]           Par cette interprétation, le juge n’a cité nulle jurisprudence qui tenait compte de l’article 66.52 de la Loi sur le droit d’auteur ou, en l’absence d’un pouvoir de surveillance, n’a pas mené une analyse fondée sur la méthode bien connue d’interprétation textuelle, contextuelle et téléologique de la loi (Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, paragraphe 10, [2005] 2 R.C.S. 601).

[74]           À l’appui de son interprétation, le juge a cité l’affaire Adar c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 132 F.T.R. 35, [1997] A.C.F. no 695 (QL) [Adar], une décision de la Cour fédérale qui a tenu compte du pouvoir de réexamen conféré à la Section du statut de réfugié de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada en vertu du paragraphe 69.2(2) de la Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985 (4e suppl.), ch. I­2, modifié par S.C. 1992, ch. 49 (la « Loi sur l’immigration »). Le juge a conclu que cette disposition comportait un « pouvoir comparable » à celui conféré à la Commission en vertu de l’article 66.52 de la Loi sur le droit d’auteur. Le paragraphe 69.2(2) de la Loi sur l’immigration se lit comme suit :

69.2(2) Avec l’autorisation du president, le minister peut, par avis, demander à la section du statut de réexaminer la question de la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention accordée en application de la présente loi ou de ses règlements et d’annuler cette reconnaissance, au motif qu’elle a été obtenue par des moyens frauduleux, par une fausse indication sur un fait important ou par la suppression ou la dissimulation d’un fait important, même si ces agissements sont le fait d’un tiers.

69.2(2) The Minister may, with leave of the Chairperson, make an application to the Refugee Division to reconsider and vacate any determination made under this Act or the regulations that a person is a Convention refugee on the ground that the determination was obtained by fraudulent means or misrepresentation, suppression or concealment of any material fact, whether exercised or made by that person or any other person.

[75]           La présente disposition vise la décision qui porte principalement sur les faits – statut de réfugié au sens de la Convention – et permet un réexamen lorsque cette décision reposait sur la fraude ou une fausse déclaration, la suppression ou la dissimulation d’un fait important.

[76]           Pour ce qui est de la mesure dans laquelle la présente disposition se compare à l’article 66.52 de la Loi sur le droit d’auteur, il en ressort qu’une « évolution importante dans les circonstances » doit se limiter aux modifications importantes de nature factuelle. En fait, le mot  « circonstance », dans le langage courant, peut être pris comme synonyme du mot « fait ».

[77]           Toutefois, en l’espèce, une interprétation exhaustive des mots « évolution importante dans les circonstances » n’est pas requise. Tout ce qu’il faut, c’est rechercher si la modification alléguée du droit qui est censée découler de l’enseignement de la Cour suprême consacré par les arrêts ESA et Rogers constitue une « évolution importante des circonstances », au sens de l’article 66.52 de la Loi sur le droit d’auteur.

[78]           La Cour d’appel a tenu compte de la portée de l’article 66.52 de la Loi sur le droit d’auteur à l’occasion de l’affaire L’Association canadienne des distributeurs et exportateurs de films c. Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (SODRAC) Inc., 2014 C.A.F. 235, 378 D.L.R. (4th) 72 [ACDEF]. En l’espèce, la Commission est revenue sur une décision afin d’homologuer un tarif parce qu’elle reconnaissait avoir commis une erreur dans son interprétation du projet de tarif et, par conséquent, commis une « erreur manifeste ». Notre Cour a conclu que la Commission n’était pas en mesure de revenir sur sa décision pour homologuer le tarif aux termes de l’article 66.52 de la Loi sur le droit d’auteur. Ce faisant, il est évident que notre Cour a conclu qu’une erreur manifeste commise par la Commission ne constitue pas une « évolution des circonstances » aux fins de l’article 66.52 de la Loi sur le droit d’auteur.

[79]           À l’occasion de l’affaire Metro Can Construction Ltd. c. La Reine, 2001 C.A.F. 227, 273 N.R. 273 [Metro Can], la Cour d’appel a tenu compte des pouvoirs de résiliation et de modification prévus par l’alinéa 399(2)a) des Règles des Cours fédérales, qui se lit comme suit :

399(2) La Cour peut, sur requête, annuler ou modifier une ordonnance dans l’un ou l’autre des cas suivants :

399(2) On motion, the Court may set aside or vary an order

a) des faits nouveaux sont survenus ou ont été découverts après que l’ordonnance a été rendue;

(a) by reason of a matter that arose or was discovered subsequent to the making of the order;

[80]           En tenant compte de la portée de ce pouvoir, le juge Rothstein, alors juge de la Cour d’appel, a observé :

[4]        Le réexamen est une exception stricte à la doctrine de la chose jugée. Dans le jugement Jhajj c. Canada (M.E.I.), [1995] 2 C.F. 369 (1re inst.), il a été a conclu que les décisions qu’un tribunal d’instance supérieure rend par la suite ne constituent pas « des faits nouveaux [qui] sont survenus [...] après [...] » au sens de la règle 399(2)a). Le même principe s’appliquerait aux décisions subséquemment rendues par la même cour. Dans l’affaire Jhajj, il a été décidé que le réexamen fondé sur des jugements subséquents n’est pas conciliable avec la doctrine de la chose jugée et que, dans ce contexte, un « fait nouveau » ne comprend pas les décisions subséquentes d’un tribunal d’instance supérieure. Si en parlant d’ « un fait nouveau », on entendait des décisions subséquentes, le réexamen d’une affaire pourrait être demandé dès que le droit a été modifié et que la modification aurait pour effet d’entraîner un règlement différent de l’affaire. Cela créerait en outre une incertitude inacceptable pour les plaideurs et pour le public, qui doivent être convaincus qu’un jugement, une fois prononcé, est définitif. Nous ne voyons pas pourquoi il faudrait s’écarter de cette analyse et de cette conclusion.

[5]        Metro Can a cité des décisions de l’Ontario et de la Chambre des lords qui étayent la thèse selon laquelle lorsque le droit a été modifié, la doctrine de la chose jugée n’empêche pas toujours une question réglée d’être de nouveau débattue dans une instance subséquente. Voir Minott v. O’Shanter Development Co. (1999), 168 D.L.R. (4th) 270 (C.A. Ont.), Robb v. St. Joseph’s Health Care Centre, 2001 O.J. no 606 (Q.L.) (C.A.) et Arnold et al. v. National Westminster Bank Plc. (1991) 142 N.R. 31 (C.L.). Ces décisions permettent à un tribunal d’exercer son pouvoir discrétionnaire dans des circonstances spéciales, en vue de déterminer s’il convient de permettre qu’une question litigieuse, qui ne pourrait pas par ailleurs être soulevée en raison de la chose jugée ou du principe de l’irrecevabilité résultant de l’identité des questions en litige, soit de nouveau débattue dans une instance subséquente. Toutefois, aucune de ces décisions ne se rapporte à un réexamen et aucune de ces décisions n’étaye la thèse que Metro Can a invoquée devant nous, à savoir que des décisions subséquentes qui ont pour effet de modifier le droit devraient servir de fondement aux fins du réexamen d’affaires qui ont déjà été tranchées. Il y a une différence fondamentale entre le fait de permettre qu’une question litigieuse qui a été réglée soit de nouveau débattue et réexaminée dans un litige subséquent pour le motif que le droit a été modifié et la réouverture d’une affaire qui a déjà été tranchée pour le motif que le droit a été modifié. Ce n’est que dans ce dernier cas qu’il y aurait réexamen d’un nombre indéfini de décisions antérieures, résultat qui n’est pas conciliable avec le fondement de la doctrine de la chose jugée.

[6]        Metro Can affirme qu’elle subira une injustice si la Cour ne rouvre pas son appel. Toutefois, nous tenons à faire remarquer que, dans la demande qu’elle a présentée en vue d’obtenir l’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada contre la décision Metro Can de cette cour, Metro Can a invoqué la présumée incompatibilité entre les jugements Madson et Metro Can. La Cour suprême a néanmoins rejeté la demande d’autorisation.

[souligné dans l’original]

[81]           Notre Cour a suivi l’enseignement de l’arrêt Metro Can, portant que l’évolution de la jurisprudence ne constitue pas un « fait nouveau » aux fins du paragraphe 399(2) des Règles des Cours fédérales, dans Ayangma c. Canada, 2003 C.A.F. 382, 313 N.R. 312, où le juge Pelletier, au paragraphe 4, a observé :

Nous ne sommes pas persuadés que les « faits nouveaux » dont il est fait mention à l’alinéa 399(2)a) renvoient à la jurisprudence. Dans Metro­Can Construction Ltd. c. Canada., [2001] A.C.F. no 1075 (F.C.A.), la Cour a statué que les jugements subséquents de la Cour ou d’un tribunal d’instance supérieure ne constituent pas des « faits nouveaux » qui sont survenus après que l’ordonnance a été rendue, au sens de l’alinéa 399(2)…

Il faut remarquer que le juge Pelletier fait référence à la version française de la règle en question qui utilise les mots « faits nouveaux ».

[82]           L’enseignement des arrêts ACDEF, Metro Can et Ayangma retient une interprétation plus limitée de la portée du pouvoir de modification de la Commission aux termes de l’article 66.52 de la Loi sur le droit d’auteur que celle retenue par le juge. En conséquence, je conclus que les mots « en cas d’évolution importante, selon son appréciation, des circonstances depuis ces décisions », à l’article 66.52 de la Loi sur le droit d’auteur, ne vise pas l’évolution de la jurisprudence ultérieure à la décision visée par ces mots et que le juge a commis une erreur de droit en les interprétant en sens contraire.

[83]           Il s’ensuit que le juge a commis une erreur en concluant que le critère du caractère définitif de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée n’a pas été satisfait en ce qui concerne la décision de la Commission d’homologuer le Tarif 24 (2003 à 2005), et pour réitérer ma conclusion antérieure, la décision concernant la question du téléchargement de sonneries était définitive.

[84]           Au paragraphe 25 de ses motifs, le juge évoque les « décisions antérieures de la Commission ». Il est donc également nécessaire d’examiner la décision de la Commission quant à la validité du Tarif 24 (2006 à 2013) relativement à la question du caractère définitif.

[85]           Nulle demande de contrôle judiciaire visant cette décision n’a été présentée; par conséquent,  la question de son caractère définitif, aux fins de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée, doit être tranchée sans citation de la jurisprudence de notre Cour ou d’une juridiction supérieure.

[86]           À elle seule, l’expiration des délais de présentation d’une demande en contrôle judiciaire d’une décision rend cette décision définitive. Cela ressort sans ambiguïté du paragraphe 10 de l’arrêt Yeager c. Day, 2013 CAF 258, 453 N.R. 385, où le juge Stratas a observé :

[10]      En l’espèce, M. Yeager n’a pas interjeté appel de l’ordonnance rendue par le juge suppléant. À l’expiration de la date d’échéance pour le dépôt d’un avis d’appel, et en l’absence d’une requête en prorogation du délai d’appel, la question tombe sous l’autorité de la chose jugée. Une fois devenue chose jugée, l’ordonnance est présumée valide, en l’absence de preuve établissant qu’il y a eu fraude lorsqu’elle a été rendue, même si plus tard il y a modification de la loi : voir par exemple, Régie des rentes du Québec c. Canada Bread Company Ltd., 2013 CSC 46, au paragraphe 55, citant l’arrêt Roberge c. Bolduc, [1991] 1 R.C.S. 374, à la page 403. Par exemple, lorsqu’une personne reconnue coupable d’une infraction pénale est en prison et n’a pas interjeté appel de sa condamnation, elle ne peut pas tirer avantage d’une jurisprudence ultérieure : R. c. Wigman, [1987] 1 R.C.S. 246, au paragraphe 21. Par conséquent, étant donné que M. Yeager n’a pas interjeté appel de l’ordonnance rendue par le juge suppléant, il ne peut pas profiter de quelque évolution du droit ultérieure, telle que la modification apportée par la jurisprudence Felipa, précitée.

[87]           Par conséquent, je conclus que le juge a commis une erreur dans la mesure où il a conclu que le critère du caractère définitif de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée n’était pas rempli en ce qui concerne la décision de la Commission d’homologuer le Tarif 24 (2006 à 2013).

[88]           Par souci d’exhaustivité, j’ajoute que je rejette la thèse des sociétés portant que le principe de Blackstone doit l’emporter sur la doctrine de l’autorité de la chose jugée en l’espèce. Elles affirment que, selon l’enseignement des arrêts ESA et Rogers, la SOCAN n’a jamais eu le droit de percevoir des redevances en vertu du Tarif 24. Selon moi, cette thèse n’a aucun fondement.

[89]           Les affaires ESA et Rogers ne portaient pas sur le Tarif 24 (2003 à 2005) ou le Tarif 24 (2006 à 2013). Par l’arrêt ACTS, la présente cour a confirmé la validité du Tarif 24 (2003 à 2005) et la Cour suprême a refusé l’autorisation d’interjeter appel de cette décision. La Commission a homologué le Tarif 24 (2006 à 2013) et les sociétés n’ont pas exercé un recours en contrôle judiciaire contre cette décision, même si elles auraient pu le faire, en temps utile, après la reddition des arrêts ESA et Rogers.

[90]           Bien qu’il puisse ressortir du raisonnement sur lequel est fondé l’enseignement des arrêts ESA et Rogers que les décisions concernant la question du téléchargement de sonneries par la Commission et la présente cour sont douteuses, ou même incorrectes, la validité de ces décisions n’était pas directement en cause devant la Cour suprême du Canada à l’occasion des affaires ESA et Rogers. À mon avis, le principe de Blackstone ne sanctionne pas le revirement de la jurisprudence  comme conséquence de l’évolution ultérieure de la jurisprudence. D’ailleurs, à l’occasion de l’affaire Canada (Procureur général) c. Hislop, 2007 CSC 10, [2007] 1 R.C.S. 429, la Cour suprême a pris soin d’observer, au paragraphe 86, que les mesures rétrospectives peuvent ne pas toujours être disponibles pour la partie qui a eu gain de cause dans la procédure.

[91]           Ma conclusion selon laquelle le juge a commis une erreur en concluant que le critère de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée n’avait pas été respecté pour ce qui est de la question du téléchargement de sonneries ne répond pas tout à fait à la question de savoir si l’on devrait empêcher les sociétés de poursuivre l’action en vertu du principe de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée.

[92]           Le droit est bien fixé : lorsqu’un juge a conclu à l’existence des conditions d’application de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée, le juge doit quand même rechercher si la préclusion d’une question déjà tranchée doit jouer (Danyluk, au paragraphe 33). Plus particulièrement, le juge Binnie, au paragraphe 62 de l’arrêt Danyluk, a indiqué :

L’appelante fait valoir que la Cour doit néanmoins exercer son pouvoir discrétionnaire et refuser l’application de la préclusion. Il ne fait aucun doute que ce pouvoir discrétionnaire existe. Dans l’arrêt General Motors of Canada Ltd. c. Naken, [1983] 1 R.C.S. 72, le juge Estey a souligné, à la p. 101, que dans le contexte d’une instance judiciaire « ce pouvoir discrétionnaire est très limité dans son application ». À mon avis, le pouvoir discrétionnaire est nécessairement plus étendu à l’égard des décisions des tribunaux administratifs, étant donné la diversité considérable des structures, missions et procédures des décideurs administratifs.

[93]           À l’audience, les parties ont instamment invité notre Cour à exercer ce pouvoir discrétionnaire. Je décline cette invitation. Selon moi, il est préférable que ce soit le juge qui instruit l’action qui le fasse.

[94]           Par conséquent, le juge a commis une erreur en ne concluant pas que les trois exigences de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée avaient été réunies. C’est au juge instructeur de l’action qu’il revient d’exercer, ou non, le pouvoir discrétionnaire relatif à la préclusion découlant de la question déjà tranchée afin de rejeter la demande des sociétés.

(2)     Deuxième question : L’accord que les demanderesses ont conclu en 2010 avec la SOCAN les empêche­t­il de solliciter la mesure qu’elles cherchent à obtenir?

[95]           Essentiellement, avec la question reformulée, il est demandé si l’accord conclu en 2010 constitue un fondement sur lequel on pourrait empêcher les sociétés de solliciter la mesure qu’elles cherchent à obtenir.

[96]           Selon moi, le juge aurait dû refuser de répondre à cette question. Il ne s’agit pas d’une pure question de droit.

[97]           Il ressort clairement des motifs du juge qu’il s’est livré à une interprétation de l’accord de 2010. La Cour suprême du Canada enseigne que l’interprétation des contrats est une question de fait et de droit (voir Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, au paragraphe 50, [2014] 2 R.C.S. 633). De plus, la conclusion du juge en ce qui concerne cette question découlait de sa conclusion selon laquelle « …il est évident que les parties n’interprétaient pas de la même manière l’accord en question… » et « …étant donné que les parties interprétaient différemment l’accord, la SOCAN ne saurait faire valoir qu’elle s’est fondée sur une interprétation commune » (Motifs aux paragraphes 29 et 35). Voilà des conclusions de fait, et le juge croyait apparemment qu’elles constituaient des conditions préalables nécessaires à la réponse à cette question. Vu l’enseignement de la jurisprudence McLarty, l’exigence qui consiste à tirer des conclusions de fait aurait dû amener le juge à s’abstenir de répondre à cette question. De plus, comme le juge Létourneau l’a observé à l’occasion de l’affaire Perera, l’alinéa 220(1)a) des Règles des Cours fédérales ne vise pas à disjoindre le procès en diverses parties.

[98]           Par conséquent, la question de savoir si l’accord conclu en 2010 empêche les sociétés de solliciter la mesure qu’elles cherchent à obtenir doit être tranchée par le juge qui instruit l’action.

(3)     Troisième question : La transmission par Internet d’un fichier contenant une sonnerie constitue­t­elle une communication d’une œuvre musicale au public?

[99]           Le juge a conclu que la transmission par Internet d’un fichier contenant une sonnerie ne constitue pas une communication d’une œuvre musicale au public.

[100]       À l’audience, l’avocat de la SOCAN a fait savoir que cette dernière n’interjetait plus appel à l’encontre de la conclusion du juge relativement à cette question.

(4)     Quatrième question : La Commission avait­elle compétence d’homologuer le Tarif 24?

[101]       Le juge a légèrement reformulé la question, mais elle demeure en substance inchangée. La question de la compétence de la Commission d’homologuer le Tarif 24 est une question de droit.

[102]       Le juge a conclu que la Commission avait compétence d’homologuer le Tarif 24.

[103]       Au final, les sociétés soutiennent que la Commission n’avait pas compétence d’homologuer un tarif si la Commission avait commis une erreur dans le raisonnement qui soutenait sa décision en matière d’homologation. En toute différence, cette thèse est erronée. De toute évidence, l’homologation d’un tarif relève de la Commission aux termes de la Loi sur le droit d’auteur. Si la Commission homologue un tarif sur un fondement qui semble erroné, la partie concernée est susceptible d’engager un recours en contrôle judiciaire en vue de corriger l’erreur alléguée.

[104]       En l’espèce, la Cour d’appel fédérale à l’occasion de l’affaire ACTS a tenu compte des plaintes concernant la validité du Tarif 24 (2003 à 2005) et la Cour suprême du Canada a refusé l’autorisation d’interjeter appel de cette décision. Pour ce qui est du Tarif 24 (2006 à 2013), les sociétés ont refusé d’engager un recours en contrôle judiciaire visant la décision de la Commission. En fait, selon l’accord conclu en 2010, les sociétés ont convenu d’appuyer l’approbation du Tarif 24 (2006 à 2013).

[105]       Par conséquent, le juge n’a commis aucune erreur en concluant que la Commission avait compétence d’homologuer le Tarif 24.

[106]       Il convient de signaler que l’avis d’appel des sociétés ne soulève pas cette question, même si elle est discutée dans le mémoire des faits et du droit des sociétés. Dans les circonstances uniques du présent appel, par lequel les sociétés attaquent plusieurs réponses du juge à des questions précises, le fait que les sociétés aient omis de soulever cette question dans leur avis d’appel pourrait fort bien avoir été un motif suffisant pour que la Cour ait disposé de cet aspect de l’appel. Cela dit, la Cour a tenu compte de la question parce que la SOCAN ne s’est pas opposée à ce que cette question soit soulevée uniquement dans le mémoire des faits et du droit des sociétés.

(5)     Cinquième question : La perception des redevances prévues au Tarif 24 par la SOCAN a­t­elle donné lieu à un enrichissement sans cause de celle­ci?

[107]       Le juge n’a pas vraiment reformulé cette question en substance. Toutefois, selon moi, il aurait dû décliner l’invitation à y répondre parce qu’il ne s’agit pas d’une pure question de droit. En fait, au lieu d’être une question préliminaire qui abrégera la durée de l’instruction, ou éventuellement en éliminera la nécessité, cette question constitue une controverse importante – sinon centrale – qui doit être instruite dans le cadre de l’action.

[108]       Le juge a conclu que, selon la doctrine de l’enrichissement sans cause, il doit y avoir eu enrichissement au profit de la défenderesse, au détriment des demanderesses et qu’il ne soit justifié par aucun motif juridique. Il a conclu que les deux premiers éléments, qui de toute évidence sont factuels d’après moi, étaient « clairement présents » et qu’il restait seulement à savoir si cette question se justifiait par un motif juridique.

[109]       Il ressort de l’exposé conjoint des faits qu’il n’existe aucun accord à l’égard de ces questions de fait.

[110]       Il ressort de l’exposé de la défense que la SOCAN soulevait la question de savoir si elle avait reçu un « avantage incontestable » du paiement des redevances, étant donné son statut de société sans but lucratif et de son obligation de répartir les redevances déduction faite des dépenses aux titulaires de droits. Dans la même veine, l’exposé de la défense soulève la question de savoir si les sociétés avaient été privées de leurs droits parce qu’elles avaient fait les paiements des redevances ou si ces paiements constituaient des coûts qu’elles répercutaient sur leurs clients.

[111]       Le juge s’est alors penché sur la question de savoir s’il y avait un motif juridique qui justifiait le paiement des redevances. Le juge, au paragraphe 56 de ses motifs, a ainsi recherché si, vu le « fardeau initial peu élevé, les sociétés avaient démontré qu’il y a à première vue absence de tout motif juridique justifiant le versement des redevances pour les sonneries ». Dans le même paragraphe, le juge a également conclu que l’analyse de la question de l’enrichissement sans cause l’obligeait à se prononcer sur les « attentes raisonnables des parties, ainsi que les considérations d’intérêt public ». En se livrant à cette analyse, le juge a déterminé facteurs pertinents, selon lui.

[112]       Au paragraphe 59 de ses motifs, le juge a conclu que le Tarif 24 ne constituait pas un motif juridique justifiant la perception de redevances à partir du moment où la SOCAN a été « avisée qu’il existait une « sérieuse possibilité » que le Tarif 24 repose sur un fondement juridique erroné ». Cela lui a permis de conclure que la perception de redevances par la SOCAN avant la reddition des arrêts ESA et Rogers ne constituait pas un enrichissement sans cause, mais que toute perception postérieure à cette jurisprudence constituerait un enrichissement sans cause.

[113]       En se livrant à cette analyse, le juge n’a pas répondu à une pure question de droit tout simplement pour simplifier ou abréger l’instruction de l’action. Au contraire, il a décidé de régler l’une des questions centrales soulevées dans l’action et a tiré des conclusions de fait ainsi que des conclusions de fait et de droit.

[114]       La non­pertinence de cette démarche de la part du juge est démontrée de façon plus détaillée par les conclusions des parties en l’instance.

[115]       Les sociétés affirment que le juge a suivi le processus erroné en tirant ses conclusions au sujet de l’enrichissement sans cause. Elles disent que lorsque la réclamation de recouvrement aux fins de restitution se fonde sur une « catégorie établie », l’élément complet du motif juridique n’a pas à être pris en compte et, quant à la Cour, son « pouvoir discrétionnaire de refuser le recouvrement est plus étroit » (mémoire des faits et du droit des sociétés au paragraphe 43).

[116]       Les sociétés invitent notre Cour à infirmer les décisions du juge pour ce qui est de l’enrichissement sans cause. Elles demandent ainsi à la Cour :

a)      infirme les conclusions de motif raisonnable (mémoire des faits et du droit des sociétés, au paragraphe 60);

b)      remplace la date qu’elles proposent à laquelle il y a eu enrichissement sans cause par celle du juge (mémoire des faits et du droit des sociétés, aux paragraphes 61, 77 et 78);

c)      conclue : [traduction] « Il n’existe aucun fait dans la présente affaire qui justifierait la Cour d’intervenir en faveur de la SOCAN, comme elle l’a fait pour des personnes lésées en matière de droit familial » (mémoire des faits et du droit des sociétés, au paragraphe 69);

d)     conclue que la SOCAN savait que la perception des redevances était sans cause (mémoire des faits et du droit des sociétés, au paragraphe 71).

[117]       La SOCAN affirme qu’elle doit pouvoir conserver les paiements des redevances et invite la Cour à :

a)      confirmer la conclusion du juge selon laquelle la SOCAN n’avait pas « été informée » de problèmes relatifs à son droit de percevoir des redevances avant la reddition des arrêts ESA et Rogers (mémoire des faits et du droit de la SOCAN, aux paragraphes 63 à 72);

b)      conclure que l’accord de 2010 règle une demande faite de bonne foi (mémoire des faits et du droit de la SOCAN, aux paragraphes 77 et 79);

c)      conclure que l’intention des sociétés étaient d’être liées par l’accord de 2010 (mémoire des faits et du droit de la SOCAN, aux paragraphes 80 à 87);

d)     conclure que la SOCAN a modifié de bonne foi sa thèse de façon à établir un moyen de défense à l’égard de la restitution (mémoire des faits et du droit de la SOCAN, aux paragraphes 92 à 102);

e)      conclure que les sociétés n’ont pas commis une erreur de droit (mémoire des faits et du droit de la SOCAN, aux paragraphes 115 à 121);

f)       conclure si les sociétés ont effectué volontairement le paiement des redevances (mémoire des faits et du droit de la SOCAN, aux paragraphes 122 à 135).

[118]       À mes yeux, il est évident que les deux parties demandent que notre Cour se prononce sur les conclusions de fait du juge et tire de nouvelles conclusions de fait.

[119]       Tout cela est totalement hors de propos dans le cadre d’un appel d’une ordonnance qui était censée avoir tranché sur les réponses aux questions préliminaires de pur droit. En l’espèce, je suis d’avis que le juge a commis une erreur en ne déclinant pas l’invitation à répondre à cette question eu égard au besoin évident de tirer des conclusions de fait pour le faire.

[120]       Les sociétés demandent à notre Cour de rendre une ordonnance portant qu’elles ont droit au remboursement de toutes les sommes payées à la SOCAN en ce qui concerne le Tarif 24. Quant à elle, la SOCAN affirme qu’elle doit avoir le droit de garder les paiements des redevances. L’une de ces solutions peut découler logiquement de la conclusion d’une instruction de l’action dans le cadre de laquelle le juge de l’instance déterminera le droit pertinent et l’appliquera aux faits constatés dans le cadre du procès. On peut penser qu’une requête aux termes de la règle 220(1)a) des Règles aide le juge de l’instance en ce qui a trait à la recherche du droit applicable de sorte que le procès puisse éventuellement être abrégé. Toutefois, en l’espèce, le juge a fait de la recherche relative aux questions préliminaires de pur droit un procès sommaire. D’ailleurs, le juge peut avoir fait plus que tout simplement disjoindre le procès en diverses parties et entrepris l’instruction de toute l’action.

[121]       Par conséquent, la question de savoir si la SOCAN s’est enrichie sans cause doit être tranchée par le juge qui instruit l’action.

(6)     Sixième question : Les demanderesses ont­elles le droit d’obtenir une ordonnance accordant un droit suite à l’égard des redevances versées au titre du Tarif 24?

[122]       Le juge n’a pas reformulé cette question de manière substantielle. Il a dit que sa conclusion selon laquelle la SOCAN ne s’était pas enrichie sans cause en percevant les redevances constituait une réponse complète à cette question.

[123]       Bien que les sociétés aient demandé à notre Cour une « comptabilisation et une ordonnance accordant un droit de suite relativement aux redevances sur les sonneries versées par le défendeur aux termes du Tarif 24 », leur mémoire des faits et du droit n’expose nulle thèse quant aux raisons pour lesquelles la réponse du juge à cette question était erronée.

[124]       Encore une fois, il m’est impossible de voir comment cette question pourrait être qualifiée de pure question de droit, et encore moins de question qui pourrait éventuellement abréger ou éliminer l’instruction de l’action. Cette question en est une de mesures subsidiaires dans l’éventualité où l’allégation d’enrichissement sans cause soit accueillie et que la restitution soit refusée. Au mieux, il s’agit d’une question mélangée de fait et de droit. Comme on l’a conclu plus tôt, la question d’enrichissement sans cause (question 5) n’a pas été présentée correctement au juge parce qu’il s’agit d’une question mélangée de fait et de droit et non une pure question de droit. Le même raisonnement empêche aussi cette question d’être présentée correctement au juge.

[125]       Par conséquent, la question de savoir si les sociétés ont droit à une ordonnance accordant un droit de suivi sera tranchée par le juge qui instruit l’action.

VI.             DÉCISION

[126]       Par les motifs qui précèdent, je concluerais sur l’appel et l’appel incident comme suit :

a)      Pour ce qui est de la première question, les conditions nécessaires à l’application du principe de la préclusion découlant de la question déjà tranchée ont été énoncées. Le juge qui instruit l’action doit décider si, dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire du juge, le principe de la préclusion découlant de la question déjà tranchée doit s’appliquer relativement aux réclamations des sociétés dans le cadre de l’action. Dans cette mesure, l’appel incident est accueilli.

b)      Pour ce qui est de la deuxième question, le juge n’en était pas saisi à bon droit et il n’aurait pas dû y répondre parce qu’il ne s’agissait pas d’une pure question de droit. Le juge qui instruit l’action doit le faire sans égard à la décision du juge relativement à cette question. Dans cette mesure, l’appel incident est accueilli.

c)      Pour ce qui est de la troisième question, vu que la SOCAN a abandonné son appel à cet égard lors de l’audience, l’appel incident est rejeté.

d)     Pour ce qui est de la quatrième question, la Commission avait compétence d’homologuer le Tarif 24 (2003 à 2005) et le Tarif 24 (2006 à 2013). Dans cette mesure, l’appel est rejeté.

e)      Pour ce qui est de la cinquième question, le juge n’en était pas saisi à bon droit et il n’aurait pas dû y répondre parce qu’il ne s’agissait pas d’une pure question de droit. Le juge qui instruit l’action doit le faire sans égard à la décision du juge relativement à cette question. Dans cette mesure, l’appel est accueilli.

f)       Pour ce qui est de la sixième question, le juge n’en était pas saisi à bon droit et il n’aurait pas dû y répondre parce qu’il ne s’agissait pas d’une pure question de droit. Le juge qui instruit l’action doit le faire sans égard à la décision du juge relativement à cette question. Dans cette mesure, l’appel est accueilli.

Les dépens suivront l’issue de la cause.

« C. Michael Ryer »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Wyman W. Webb, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

D.G. Near, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

François Brunet, réviseur


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

NOMS DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL À L’ENCONTRE D’UNE DÉCISION DU JUGE JAMES O’REILLY,

DATÉE DU 6 MARS 2015

Dossier :

A­141­15

INTITULÉ :

ROGERS COMMUNICATIONS PARTNERSHIP, SOCIÉTÉ TELUS COMMUNICATIONS, BELL MOBILITÉ INC. ET QUÉBECOR MÉDIA INC. c. SOCIÉTÉ CANADIENNE DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS DE MUSIQUE (aussi appelée SOCAN)

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

lE 16 DÉCEMBRE 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE RYER

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

DATE DES MOTIFS :

LE 27 JANVIER 2016

COMPARUTIONS :

Gerald (Jay) Kerr­Wilson

Peter N. Mantas

Ariel Thomas

Yael Wexler

 

Pour les appelantes

 

D. Lynne Watt

Matthew Estabrooks

 

Pour l’intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Fasken Martineau Dumoulin s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

Pour les appelantes

 

Gowling Lafleur Henderson LLP

Ottawa (Ontario)

Pour l’intimée

 

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