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Date : 20160304


Dossier : A-56-15

Référence : 2016 CAF 76

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

 

ENTRE :

RANDY URQUHART

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Fredericton (Nouveau-Brunswick) et à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 25 février 2016.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 4 mars 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE RENNIE

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE GLEASON

 


Date : 20160304


Dossier : A-56-15

Référence : 2016 CAF 76

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

 

ENTRE :

RANDY URQUHART

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE RENNIE

[1]               La Cour est saisie d’un appel interjeté à l’égard de la décision de la Cour canadienne de l’impôt rendue le 15 janvier 2015 (jugement rendu le 21 janvier 2015). Dans cette décision, la Cour canadienne de l’impôt a rejeté l’appel de l’appelant concernant la décision du ministre du Revenu national par laquelle il a refusé à l’appelant le droit de déduire de son revenu d’emploi certains frais qu’il avait engagés. Pour les motifs qui suivent, l’appel devrait être accueilli en partie.

[2]               Dans la présente affaire, l’appelant travaillait pour Towne Sales and Service Ltd. (Towne), un concessionnaire Ford situé à Miramichi, au Nouveau-Brunswick. Il n’y avait aucun contrat de travail écrit.

[3]               Il y avait deux éléments relatifs au travail de l’appelant. Il recevait un salaire fixe en tant que directeur des ventes et une commission pour ses ventes en tant que vendeur de voitures. En ce qui concerne cet aspect de son travail, l’appelant a engagé diverses dépenses pour soutenir ses ventes. Il s’agissait notamment : de frais de téléphone cellulaire; de frais postaux pour l’envoi de cartes à des clients; de dépenses de promotion pour soutenir des équipes sportives locales; de cadeaux à des mécaniciens pour assurer un service rapide à ses clients chez le concessionnaire; de coûts de transfert engagés pour apporter de nouvelles voitures à Miramichi pour les livrer aux clients afin d’obtenir une commission plus élevée que le concessionnaire avait accepté de payer dans la mesure où l’appelant s’arrangeait pour que les voitures soient transférées à Miramichi; de frais liés à l’installation d’accessoires sur certaines voitures qu’il vendait; de frais liés à une assistance mécanique si un véhicule récemment vendu tombait en panne; et de frais pour fournir un véhicule lorsque celui de l’acheteur était au garage pour un entretien.

[4]               L’alinéa 8(1)f) de Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) dispose que, pour que des dépenses puissent être déduites du revenu d’emploi du contribuable, ce dernier doit être tenu, en vertu de son contrat, de les acquitter.

[5]               La décision du juge quant à la question de savoir si « tenu, en vertu de son contrat » commande une interprétation du contrat est une question mixte de fait et de droit : Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, [2014] 2 R.C.S. 633. En soi, la décision du juge au sujet des modalités d’un contrat sera infirmée en appel seulement s’il peut être établi que le juge a commis une erreur manifeste et dominante, ou a commis une erreur relativement à une pure question de droit : Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235.

[6]               Le juge a commis une erreur à deux égards. Premièrement, pour interpréter le contrat, il s’est fondé sur le point de vue personnel de l’employeur à l’égard des dépenses que l’employé était « tenu, en vertu de son contrat » d’acquitter, sans déterminer, suite à une lecture objective du contrat, si le fait que l’employé était tenu d’engager certaines dépenses afin de toucher les commissions prévues constituait une condition implicite ou tacite du contrat; voir l’arrêt Sattva, paragraphe 49.

[7]               Deuxièmement, le juge a commis une erreur en ne tenant pas compte de la possibilité que l’appelant puisse être « tenu, en vertu de son contrat » de s’acquitter de certaines dépenses et non d’autres. Il n’a pas indiqué séparément les dépenses liées au marketing et à l’accroissement des ventes de l’appelant (que l’appelant n’était pas tenu d’engager en vertu du contrat) de celles qui, lorsque le contrat de travail était considéré objectivement, avaient été expressément convenues avec le concessionnaire (remboursement) et étaient requises pour que l’appelant puisse assumer ses responsabilités et obtenir les commissions prévues à son contrat (de vente de voitures en contrepartie de commissions). Plus précisément, la deuxième catégorie de dépenses comprenait :

        i.            les frais de transport et de manutention pour apporter les voitures chez le concessionnaire;

      ii.            les dépenses liées à l’achat d’accessoires devant être inclus lors de la livraison d’un véhicule, ou peu de temps après, et que l’appelant et le concessionnaire avaient accepté de partager. Elles ne comprendraient pas les frais liés aux accessoires que le concessionnaire n’était pas disposé à financer ni les cadeaux offerts aux mécaniciens pour la pose des accessoires.

[8]               D’ailleurs, les éléments de preuve de l’appelant (factures et bordereaux roses de remboursement) démontrent une compréhension mutuelle de la nécessité de ces dépenses. Sans ces documents, l’appelant ne pouvait pas obtenir la commission plus élevée que le concessionnaire avait accepté de lui payer si le véhicule était en vente à Miramichi, ou livrer la marchandise que le concessionnaire avait accepté de livrer à un client. Par conséquent, ces dépenses devraient être distinguées des dépenses prudentes ou novatrices visant simplement à contribuer à générer des revenus en nouant des relations positives avec les clients.

[9]               Compte tenu des montants en litige et des frais juridiques encourus, il y a lieu d’exercer l’autorité conférée en vertu du sous-alinéa 52(c)(ii) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7. Je suis d’avis d’accueillir l’appel en partie, chacune des parties supportant ses propres dépens, et d’ordonner au ministre de modifier la cotisation afin de permettre les déductions pour les frais encourus par le contribuable pour le transport de véhicules jusqu’à l’emplacement du concessionnaire afin qu’ils soient livrés aux clients, et pour les dépenses engagées pour acheter des accessoires ou améliorer les véhicules lorsque le concessionnaire en couvrait aussi une partie et que ces frais étaient remboursés.

[10]           Pour ce qui est des coûts de la requête présentée par écrit par l’appelant afin d’ajouter certains documents, il est évident qu’une partie de ces derniers ont été utiles et qu’ils ont été mentionnés au cours de l’audience. Toutefois, puisque l’appel est accueilli uniquement en partie, chaque partie devrait assumer ses propres dépens.

« Donald J. Rennie »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Johanne Gauthier, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Mary J.L. Gleason, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-56-15

(APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT DATÉ DU 21 JANVIER 2015, DOSSIER NO 2013-2565(IT)I)

INTITULÉ :

RANDY URQUHART c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

FREDERICTON (NOUVEAU-BRUNSWICK)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 25 février 2016

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE RENNIE

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE GLEASON

DATE :

Le 4 MARS 2016

COMPARUTIONS :

Kevin C. Toner

Pour l’appelant

David I. Besler

Pour l’intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

E. J. Mockler, société professionnelle

Avocats

Fredericton (Nouveau-Brunswick)

Pour l’appelant

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Pour l’intimée

 

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