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Date : 20160411


Dossier : A­351­15

Référence : 2016 CAF 110

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

LA JUGE GLEASON

 

ENTRE :

CONTAINERWEST MANUFACTURING LTD.

appelante

et

PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

intimé

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 5 avril 2016.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa, Ontario, le 11 avril 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE STRATAS

LA JUGE GLEASON

 


Date : 20160411


Dossier : A­351­15

Référence : 2016 CAF 110

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

LA JUGE GLEASON

 

ENTRE :

CONTAINERWEST MANUFACTURING LTD.

appelante

et

PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE WEBB

[1]               Le présent appel est interjeté à l’encontre de la décision du Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) rendue le 27 juillet 2015 (AP­2014­025). Le TCCE a rejeté l’appel de ContainerWest Manufacturing Ltd. (ContainerWest) interjeté contre la décision de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Selon l’ASFC, les conteneurs achetés par ContainerWest ne bénéficiaient pas du tarif de préférence général prévu par le Tarif des douanes, L.C. 1997, ch. 36, et le Règlement sur les règles d’origine (tarif de préférence général et tarif des pays les moins développés), DORS/2013­165 puisqu’ils n’ont pas été transportés de la Chine au Canada sous le couvert d’un connaissement direct.

[2]               Pour les motifs exposés ci-dessous, je rejetterais le présent appel.

I.                   Contexte

[3]               ContainerWest a fait l’achat de 1 678 conteneurs de différentes tailles (variant de 6 à 40 pieds) auprès de Rich Glory (Hong Kong) Limited, lesquels ont été fabriqués en Chine. Pour expédier les conteneurs le plus économiquement possible aux installations de ContainerWest situées au Canada, certains conteneurs renfermaient les marchandises de tierces parties, alors que d’autres étaient temporairement soudés ensemble avec de plus petits conteneurs à l’intérieur. ContainerWest n’a pas reçu de connaissements directs ni de documents d’expédition pour les conteneurs lorsqu’ils ont été expédiés de la Chine.

[4]               ContainerWest a allégué que les conteneurs pouvaient bénéficier du tarif de préférence général. L’ASFC a toutefois déterminé, après avoir effectué une vérification de la conformité, que les conteneurs ne répondaient pas aux conditions pour bénéficier de ce tarif parce qu’ils n’avaient pas été transportés de la Chine au Canada sous le couvert d’un connaissement direct.

II.                Dispositions pertinentes du Règlement sur les règles d’origine (tarif de préférence général et tarif des pays les moins développés) et du Tarif des douanes

[5]               Le paragraphe 4(1) du règlement précisait, au moment pertinent, que :

4 (1) Les marchandises ne bénéficient du tarif de préférence général que si elles sont expédiées directement au Canada, avec ou sans transbordement, à partir d’un pays bénéficiaire.

4 (1) Goods are entitled to the General Preferential Tariff only if the goods are shipped directly to Canada, with or without transhipment, from a beneficiary country.

L’article 17 du Tarif des douanes prévoit ce qui suit :

17 (1) Pour l’application de la présente loi, les marchandises sont expédiées directement au Canada à partir d’un autre pays lorsque leur transport s’effectue sous le couvert d’un connaissement direct dont le destinataire est au Canada.

17 (1) For the purposes of this Act, goods are shipped directly to Canada from another country when the goods are conveyed to Canada from that other country on a through bill of lading to a consignee in Canada.

(2) Sur recommandation du ministre, le gouverneur en conseil peut, par règlement, assimiler à des marchandises expédiées directement au Canada des marchandises dont le transport ne s’effectue pas sous le couvert d’un connaissement direct dont le destinataire est au Canada, et préciser les conditions de l’assimilation.

(2) The Governor in Council may, on the recommendation of the Minister, make regulations deeming goods that were not conveyed to Canada from another country on a through bill of lading to a consignee in Canada to have been shipped directly to Canada from that other country, subject to such conditions as may be set out in the regulations.

III.             Décision du TCCE

[6]               Après avoir examiné les dispositions susmentionnées, le TCCE a déterminé, en raison des dispositions énoncées au paragraphe 17(1) du Tarif des douanes, que les conteneurs auraient été admissibles au tarif de préférence général seulement s’ils avaient été expédiés de la Chine au Canada sous le couvert d’un connaissement direct. Au paragraphe 44 de ses motifs, le TCCE a déclaré ce qui suit :

Le simple fait que des parties à une transaction internationale disposent de diverses options ou aient des préférences quant à l’organisation de leurs affaires n’empêche pas le législateur de choisir une de ces options – transport sous le couvert d’un connaissement direct – comme condition pour déterminer le taux de droit de douane qui s’applique.

[7]               Le TCCE a également indiqué au paragraphe 65 de ses motifs que « ContainerWest ne conteste pas que les marchandises en cause n’ont pas été transportées à partir de la Chine en vertu d’un connaissement direct ».

[8]               Par conséquent, le TCCE n’a pas consulté les documents obtenus par ContainerWest après le transport des conteneurs, et il a rejeté son appel.

IV.             Question en litige

[9]               La question à trancher dans le cadre du présent appel, comme l’indique ContainerWest dans son mémoire des faits et du droit, est celle de savoir [traduction] « si le TCCE a commis une erreur en concluant, à partir de son interprétation du paragraphe 4(1) du Règlement sur les règles d’origine (tarif de préférence général et tarif des pays les moins développés), qu’un connaissement direct est obligatoire pour être admissible au tarif de préférence général ».

V.                Norme de contrôle

[10]           Par suite des dispositions de l’article 68 de la Loi sur les douanes, L.R.C., 1985, ch. 1 (2e suppl.), les appels interjetés devant la Cour sont limités aux questions de droit. Par conséquent, aucune conclusion de fait tirée par le TCCE ne peut faire l’objet d’un appel.

[11]           ContainerWest a fait valoir que la norme de contrôle devrait être celle de la décision correcte puisqu’il s’agit d’une question de droit et que le TCCE est une cour d’archives.

[12]           Cependant, la Cour a conclu que la norme de contrôle des décisions du TCCE, y compris celles liées au Tarif des douanes, est celle de la décision raisonnable (Skechers USA Canada Inc. c. Canada (Agence des services frontaliers), 2015 CAF 58, 470 N.R. 155, au paragraphe 34). ContainerWest n’a pas soutenu que cette jurisprudence était « manifestement erronée » de sorte qu’elle ne devrait plus être suivie : Miller c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 370, 220 D.L.R. (4e) 149. Par conséquent, la jurisprudence Skechers nous lie, et la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable.

VI.             Analyse

[13]           Le principal argument de ContainerWest dans le présent appel est que l’article 17 du Tarif des douanes ne doit pas être interprété comme exigeant la possession d’un connaissement direct pour être admissible au tarif de préférence général. ContainerWest soutient que le fait d’exiger la possession de ce document d’expédition donnerait lieu à un conflit avec le Règlement sur les règles d’origine (tarif de préférence général et tarif des pays les moins développés), ainsi qu’à des conséquences fortuites.

[14]           Selon ContainerWest, le paragraphe 4(1) du Règlement sur les règles d’origine (tarif de préférence général et tarif des pays les moins développés) prévoit que les marchandises bénéficieront du tarif de préférence général, peu importe si elles sont expédiées « avec ou sans transbordement ». Le mémoire des faits et du droit de ContainerWest précise que [traduction] « le transbordement comprend le transfert de marchandise d’un mode de transport à un autre ». Cette définition concorde avec celle du Mémorandum D11­4­4 de l’ASFC, Règles d’origine aux fins du Tarif de préférence général et du Tarif des pays moins développés (le 9 mars 2015), au paragraphe 70, et elle n’a pas été contestée par l’intimé.

[15]           ContainerWest a soutenu qu’un connaissement direct n’est requis que s’il faut avoir recours aux services de plus d’un transporteur; par conséquent, s’il fallait exiger un connaissement direct dans les cas où le transport était assuré par un seul transporteur, les marchandises expédiées directement au Canada à partir d’un pays admissible ne pourraient pas bénéficier du tarif de préférence général. ContainerWest affirme qu’une telle exigence serait incompatible avec le Règlement sur les règles d’origine (tarif de préférence général et tarif des pays les moins développés), lequel énonce que le tarif de préférence général sera accordé si les marchandises sont expédiées sans transbordement.

[16]           Cet argument découle d’une méprise de ContainerWest qui avait cru comprendre, comme le reflète le paragraphe 21 de son mémoire des faits et du droit, que le TCCE avait accepté la définition qu’elle avait proposée d’un « connaissement direct ».

[17]           Au paragraphe 42 de ses motifs, le TCCE énonce les définitions d’un connaissement direct, tel qu’il a été proposé par ContainerWest :

42. De plus, contrairement à ce que soutient ContainerWest, la référence à un connaissement direct ne démontre pas en soi que le paragraphe 17(1) du Tarif des douanes crée une présomption ou ne donne qu’un exemple de ce qui constitue une expédition directe par opposition à une définition ou à une condition requise. ContainerWest soutient qu’un connaissement direct est un document d’expédition particulier qui n’est pertinent que dans certaines circonstances, par exemple lorsque plus d’un transporteur ou mode de transport est utilisé. ContainerWest a soumis les deux définitions suivantes de « connaissement direct », la première tirée du Black’s Law Dictionary, 7e éd., et la deuxième du Dictionary of International Trade, 6e éd. :

Un connaissement en vertu duquel un transporteur achemine des marchandises vers une destination déterminée, même si le transporteur doit avoir recours à un autre transporteur pour une partie du trajet.

Un connaissement unique spécifiant la réception de marchandises à un lieu d’expédition et leur livraison à un destinataire au moyen de deux modes de transport ou plus.

[Renvois aux notes de bas de page omis]

[18]           Alors que le TCCE désigne les deux définitions comme étant proposées par ContainerWest, il ne les a pas expressément adoptées dans ses motifs. Il est cependant implicite au paragraphe 44 de ses motifs qu’il n’a pas nécessairement accepté le fait qu’un connaissement direct ne puisse pas être obtenu s’il n’y a qu’un seul transporteur :

44. De plus, ContainerWest n’a soumis aucun élément de preuve de pratique commerciale démontrant qu’un importateur, en particulier un importateur qui est au fait des exigences du Tarif des douanes, peut, dans certaines situations, ne pas pouvoir obtenir un connaissement direct, y compris dans les situations où il n’y a pas de transbordement ou lorsqu’un seul transporteur ou mode de transport est utilisé.

[19]           Je soulignerais également le libellé du Règlement sur l’assimilation à l’expédition directe d’Haïti (tarif de préférence général et tarif des pays les moins développés) DORS/2010­58. Ce règlement a été adopté en vertu du paragraphe 17(2) du Tarif des douanes, lequel permettrait d’étendre aux marchandises qui ne sont pas expédiées d’Haïti au Canada sous le couvert d’un connaissement direct l’admissibilité au tarif de préférence général. Le règlement prévoit ce qui suit :

1 Aux fins d’établissement de leur admissibilité au tarif de préférence général ou au tarif des pays les moins développés, les marchandises produites en Haïti sont réputées être des marchandises expédiées directement d’Haïti au Canada si les conditions suivantes sont remplies :

1 Goods that are produced in Haiti are deemed, for the purposes of their entitlement to the General Preferential Tariff or the Least Developed Country Tariff, to have been shipped directly to Canada from Haiti on condition that

a) elles sont importées au Canada et font l’objet d’une déclaration conformément à l’article 32 de la Loi sur les douanes après le 12 janvier 2010;

(a) the goods are imported into Canada and accounted for in accordance with section 32 of the Customs Act after January 12, 2010;

b) elles ont été transbordées dans un port de la République dominicaine et transportées de ce port, sous le couvert d’un connaissement direct, vers un destinataire dans un port donné au Canada;

(b) the goods have been transhipped through a port in the Dominican Republic and conveyed from that port on a through bill of lading to a consignee in a specified port in Canada; and

c) l’importateur remet sur demande au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile tout document relatif à l’expédition des marchandises.

(c) the importer submits to the Minister of Public Safety and Emergency Preparedness any documentation requested by that Minister relating to the shipment of the goods.

[Non souligné dans l’original.]

[20]           Il semblerait que ce règlement pourrait être interprété comme si un « connaissement direct » n’est exigé que s’il n’y a qu’un seul transporteur ou mode de transport. Cette disposition fait référence à un « connaissement direct » en ce qui a trait au transport de marchandises depuis un port en République dominicaine jusqu’à un port au Canada, opération qui peut être effectuée à l’aide d’un seul navire puisque la République dominicaine est située dans les Caraïbes.

[21]           Le sens de l’expression « connaissement direct » est également le même dans le Règlement sur l’assimilation à l’expédition directe du Mexique (tarif de préférence général), DORS/98­37.

[22]           Quoi qu’il en soit, le TCCE a conclu, au paragraphe 10 de ses motifs, que « ContainerWest n’a pas reçu de connaissements directs ni de documents d’expédition pour les marchandises en cause au moment de leur transport de la Chine au Canada. » Il n’était donc pas nécessaire pour le TCCE de définir la notion de « connaissement direct ». Il n’y avait tout simplement pas de documents d’expédition. Comme il est susmentionné, les appels déposés devant la Cour sont limités aux questions de droit, cette conclusion de fait n’est donc pas soumise à un contrôle dans le cadre du présent appel.

[23]           En ce qui concerne la décision du TCCE qu’un « connaissement direct » s’avère nécessaire pour que les marchandises puissent bénéficier du tarif de préférence général, il a effectué son analyse en se fondant sur les principes d’interprétation législative, tels qu’ils ont été exposés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 RCS 27, 154 D.L.R. (4th) 193. Je ne suis pas persuadé que le TCCE a commis une erreur en effectuant son analyse pour arriver à cette conclusion.

[24]           Pour ces motifs, je suis d’avis de rejeter le présent appel avec dépens.

« Wyman W. Webb »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

David Stratas, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Mary J.L. Gleason, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme.

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A­351­15

(APPEL D’UNE DÉCISION RENDUE ET DES MOTIFS DU TRIBUNAL CANADIEN DU COMMERCE EXTÉRIEUR EN DATE DU 27 JUILLET 2015, NUMÉRO D’APPEL AP­2014­025)

INTITULÉ :

CONTAINERWEST MANUFACTURING LTD. c. PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 5 avril 2016

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE STRATAS ET LA JUGE GLEASON

DATE :

Le 11 avril 2016

COMPARUTIONS :

Me Justin Kutyan

Me Thang Trieu

Pour l’appelante

Me Matthew Johnson

Pour l’intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

KPMG cabinet juridique s.r.l.

Toronto (Ontario)

Pour l’appelante

William F. Pentney

Sous­procureur général du Canada

Pour l’intimé

 

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