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Date : 20160415


Dossier : A-344-15

Référence : 2016 CAF 116

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE NEAR

LE JUGE BOIVIN

 

 

ENTRE :

HENGAMEH RANJBAR

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 13 avril 2016.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 15 avril 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE DAWSON

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NEAR

LE JUGE BOIVIN

 


Date : 20160415


Dossier : A-344-15

Référence : 2016 CAF 116

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE NEAR

LE JUGE BOIVIN

 

 

ENTRE :

HENGAMEH RANJBAR

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DAWSON

[1]               Pour les motifs prononcés de vive voix le 6 février 2015, dossiers de la Cour numéros 2014‑1454(GST)I et 2014‑1480(GST)I, un juge de la Cour canadienne de l'impôt a rejeté les appels de l'appelante à l'encontre d'une cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, ch. E‑15 (la Loi). Les questions soulevées par les appels consistaient à déterminer si l'appelante avait le droit de réclamer le remboursement de la TPS/TVH pour habitations neuves à la suite de l'achat de deux résidences distinctes : un condominium désigné comme « l'immeuble de Thornhill » et une maison en rangée désignée comme « l'immeuble de Richmond Hill ». Le présent appel est interjeté à l'encontre du jugement rendu par la Cour canadienne de l'impôt à l'égard de l'immeuble de Richmond Hill uniquement.

[2]               Comme le juge l'a mentionné à juste titre, les acheteurs ont le droit de réclamer le remboursement pour habitations neuves s'ils satisfont aux nombreuses conditions énoncées au paragraphe 254(2) de la Loi. Selon le juge, les deux conditions pertinentes étaient celles énoncées à l'alinéa 254(2)b) et à la division 254(2)g)(i)(A).

[3]               Le juge a conclu, d'après le témoignage de l'appelante, que la condition énoncée à l'alinéa 254(2)b) était satisfaite puisqu'au moment où l'appelante a conclu la convention d'achat‑vente, elle avait l'intention de faire de l'immeuble de Richmond Hill son lieu de résidence habituelle.

[4]               Cependant, le juge a conclu que la condition énoncée à la division 254(2)g)(i)(A) n'était pas satisfaite, puisque l'appelante n'avait jamais occupé l'immeuble.

[5]               Dans le présent appel, l'appelante soutient que le juge a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte du fait qu'elle satisfaisait à la condition énoncée au sous‑alinéa 254(2)g)(ii) de la Loi et qu'elle était donc admissible au remboursement pour habitations neuves.

[6]               L'intimée convient que, d'après le dossier de preuve présenté à la Cour canadienne de l'impôt, l'appelante satisfaisait à la condition énoncée au sous‑alinéa 254(2)g)(ii) de la Loi et que, de ce fait, elle n'avait pas à satisfaire à la condition énoncée au sous‑alinéa 254(2)g)(i) de la Loi pour satisfaire au paragraphe 254(2). Je suis d'accord. Bien qu'il fasse satisfaire aux conditions énoncées à chaque alinéa du paragraphe 254(2) pour être admissible au remboursement pour habitations neuves, les sous-alinéas de l'alinéa 254(2)g) énoncent deux conditions dont une seule doit être remplie.

[7]               L'intimée soutient cependant que cela n'aide en rien l'appelante, puisque le juge a commis une erreur de droit en s'appuyant uniquement sur la preuve présentée par l'appelante concernant son intention alors qu'il était également tenu par la loi d'examiner comment l'objet se manifestait objectivement (Symes c. Canada, [1993] 4 R.C.S. 695, à la page 736). À l'appui de son affirmation, l'intimée a cité le juge, qui a déclaré ce qui suit : [TRADUCTION] « Après avoir entendu le témoignage de l'appelante, j'ai conclu qu'au moment où elle a signé la convention d'achat-vente, elle avait l'intention de faire [...] de l'immeuble de Richmond Hill son lieu de résidence habituelle ».

[8]               L'observation de l'intimée présente deux difficultés.

[9]               Premièrement, la preuve de la façon dont l'objet s'est manifesté objectivement a été présentée par la Couronne lors du témoignage de vive voix de l'appelante. Ainsi, le fait que le juge ait dit [TRADUCTION] « Après avoir entendu le témoignage de l'appelante » est, à tout le moins, ambigu.

[10]           La deuxième difficulté que présente l'observation de l'intimée est que la Cour suprême a déclaré : « Les juges du procès sont censés connaître le droit qu'ils appliquent tous les jours » (F.H. c. McDougall, [2008] 3 R.C.S. 41, 2008 CSC 53, au paragraphe 54, citant R. c. Burns, [1994] 1 R.C.S. 656, à la page 664).

[11]           Il s'ensuit que le juge bénéficie de la présomption qu'il connaissait et comprenait le droit applicable à la détermination de l'intention de l'appelante, même s'il n'a pas explicitement énoncé les principes juridiques pertinents.

[12]           Conformément à cette présomption, je ne suis pas en mesure de conclure que le juge a commis une erreur manifeste et dominante lorsqu'il a déterminé que le témoignage de l'appelante était suffisamment crédible pour l'emporter sur la preuve circonstancielle sur laquelle s'était appuyée l'intimée pour affirmer que l'appelante n'avait pas l'intention nécessaire au moment opportun.

[13]           Le fait que, durant les observations finales, le juge a déclaré qu'il n'avait pas [TRADUCTION] « à entendre » l'avocat de l'intimée au sujet de l'immeuble de Richmond Hill est plus troublant. L'intimée ne soutient pas que cette déclaration, dans les circonstances particulières de l'espèce, vicie la décision du juge. Elle soutient plutôt que si le juge avait entendu ses observations, il « n'aurait peut‑être pas » commis d'erreur.

[14]           Un des principes fondamentaux de notre système contradictoire est qu'une partie a le droit d'être entendue avant que la Cour ne rende une décision qui lui sera préjudiciable.

[15]           Cela dit, la question de l'intention de l'appelante a été directement soulevée par l'intimée dans sa réponse à l'avis d'appel. Au moment de déterminer que l'appelante n'était pas admissible au remboursement, le ministre s'est fondé sur l'hypothèse selon laquelle : [TRADUCTION] « À aucun moment après l'achat de l'immeuble de [Richmond Hill] l'appelante n'a prévu que l'immeuble lui serve de lieu de résidence habituelle ou serve ainsi à son proche ». L'appelante a été contre‑interrogée au regard des hypothèses du ministre.

[16]           Dans ce contexte, je suis convaincue que la question de l'intention de l'appelante était en jeu, de sorte que l'intimée a pu présenter ses observations sur cette question.

[17]           Par conséquent, malgré les observations valables présentées par l'avocat de l'intimée, j'accueillerais l'appel et j'infirmerais la décision de la Cour canadienne de l'impôt en ce qui concerne l'immeuble de Richmond Hill. Rendant la décision qui aurait dû être rendue, je renverrais l'affaire au ministre pour nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelante a droit au remboursement de la TPS/TVH pour habitations neuves à l'égard de l'immeuble de Richmond Hill.

[18]           Compte tenu de l'ensemble des faits et des circonstances, je n'adjugerais aucuns dépens.

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

« Je suis d'accord.

D.G. Near, j.c.a. »

« Je suis d'accord.

Richard Boivin, j.c.a. »


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

A-344-15

 

 

INTITULÉ :

HENGAMEH RANJBAR c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

le 13 avril 2016

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE DAWSON

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NEAR

LE JUGE BOIVIN

 

DATE DES MOTIFS :

le 15 avril 2016

 

COMPARUTIONS :

Bobby B. Solhi, J.D.

 

Pour l'appelante

 

Christopher M. Bartlett

 

Pour l'intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

TaxChambers LLP

Toronto (Ontario)

Pour l'appelante

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Pour l'intimée

 

 

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