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Date : 20160420


Dossier : A-47-15

Référence : 2016 CAF 119

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE RENNIE

 

ENTRE :

MYLAN PHARMACEUTICALS ULC

appelante

et

ELI LILLY CANADA INC., ICOS CORPORATION ET LE MINISTRE DE LA SANTÉ

intimés

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 1er décembre 2015

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 20 avril 2016

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE RENNIE

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LA JUGE TRUDEL

 


Date : 20160420


Dossier : A-47-15

Référence : 2016 CAF 119

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE RENNIE

 

ENTRE :

MYLAN PHARMACEUTICALS ULC

appelante

et

ELI LILLY CANADA INC., ICOS CORPORATION ET LE MINISTRE DE LA SANTÉ

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE RENNIE

I.                   Introduction

[1]               Il s'agit d'un appel d'une décision de la Cour fédérale rendue par le juge de Montigny (le juge) le 7 janvier 2015 (2015 CF 17). Dans sa décision, le juge a accueilli la demande d'Eli Lilly qui visait à obtenir une ordonnance interdisant la délivrance d'un avis de conformité (AC) à Mylan, conformément à l'article 6 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133 (le Règlement). Mylan avait allégué que le brevet d'Eli Lilly était invalide pour cause de double brevet relatif à une évidence et pour cause d'absence d'utilité en raison d'absence de prédiction valable. Pour les motifs suivants, je rejetterais l'appel.

II.                Le contexte

[2]               Le brevet contesté (le brevet canadien no 2 226 784 ou le brevet 784) revendique le tadalafil et le 3‑méthyl tadalafil (les deux composés) pour le traitement de la dysfonction érectile. Le brevet comprend 28 revendications, dont un sous‑ensemble est contesté dans le présent appel. Il s'agit essentiellement de la revendication 18, qui revendique l'utilisation des deux composés administrés par voie orale dans le traitement de la dysfonction érectile, et des revendications 2, 4, 12, 14 et 15 (les autres revendications), qui revendiquent l'utilisation générale des deux composés pour le traitement de la dysfonction érectile, sans qu'il soit fait état de l'administration par voie orale.

[3]               La date de priorité du brevet 784, qui est contesté, est le 14 juillet 1995, sa date de dépôt au Canada est le 11 juillet 1996, et sa date de publication est le 6 février 1997.

[4]               Le tadalafil et le 3‑méthyl tadalafil sont des inhibiteurs de la PDE5. La PDE5 est une enzyme qui décompose la guanosine monophosphate cyclique (GMPc) — qui provoque l'érection en entraînant le relâchement des muscles lisses — en GMP (qui n'a pas cet effet). Comme la PDE5 empêche l'érection, un inhibiteur de la PDE5 stimulera l'érection.

[5]               Eli Lilly avait précédemment obtenu un brevet qui revendiquait, entre autres composés, le tadalafil. La date de priorité de ce brevet antérieur (le brevet canadien no 2 181 377 ou le brevet 377) est le 21 janvier 1994 et sa date de dépôt au Canada est le 19 janvier 1995. Comme l'a déclaré le juge, le brevet 377 revendiquait « de nouveaux composés, notamment le tadalafil, des compositions pharmaceutiques et l'utilisation du tadalafil dans le traitement de divers troubles dans lesquels le relâchement des muscles lisses est considéré comme bénéfique, dont les troubles cardiovasculaires ». Le brevet soulignait la biodisponibilité du tadalafil pour réduire l'hypertension systémique, mais ne faisait pas expressément mention du traitement de la dysfonction érectile.

[6]               Le 22 décembre 1994 (soit après la date de priorité du brevet 377, mais avant celle du brevet 784, qui est contesté), la demande de brevet américain WO 1994028902A1 (la demande de brevet 902) de Pfizer pour le sildénafil (un autre inhibiteur de la PDE5) a été publiée. Nonobstant les critiques formulées à l'égard du brevet canadien équivalent (le brevet no 2 163 446) par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Teva Canada Ltée c. Pfizer Canada Inc., 2012 CSC 60, [2012] 3 R.C.S. 625, pour cause de divulgation insuffisante du composé chimique précis revendiqué par le brevet, la demande de brevet 902 avait démontré qu'un inhibiteur de la PDE pouvait traiter la dysfonction érectile. Cependant, selon la preuve qui avait été présentée au juge, les renseignements contenus dans la demande de brevet 902 constituaient une percée contraire à ce à quoi on se serait attendu, et ces renseignements ont initialement été accueillis avec scepticisme.

[7]               Au début de 1996 (soit après la date de priorité du brevet 784, mais quelques semaines avant sa date de dépôt au Canada), une étude (l'étude de Boolell) a présenté une preuve solide, fondée sur des essais cliniques, selon laquelle le sildénafil, inhibiteur de la PDE5, pouvait être administré par voie orale pour un traitement efficace de la dysfonction érectile. Le juge a estimé que cette étude appuyait la thèse plus générale selon laquelle un inhibiteur de la PDE5 pouvait être administré par voie orale pour un traitement efficace et sans danger de la dysfonction érectile.

[8]               Eli Lilly a présenté une demande, en vertu du paragraphe 55.2(4) de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4, et de l'article 6 du Règlement, afin d'obtenir une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un AC à Mylan relativement à une version générique du tadalafil. Le 21 décembre 2012, Mylan a déposé un avis d'allégation soutenant que le brevet 784 était invalide pour cause d'absence d'utilité et de double brevet relatif à une évidence.

III.             La décision de la Cour fédérale

[9]               Mylan a allégué que les revendications faisant l'objet du litige étaient invalides pour cause de double brevet relatif à une évidence et pour cause d'absence d'utilité en raison de l'absence de prédiction valable.

[10]           Pour ce qui est de la contestation à l'égard du double brevet, le juge a déterminé que la date pertinente pour l'évaluation du brevet contesté devait être la date de priorité du premier brevet (le brevet 377), soit le 21 janvier 1994. Le juge a conclu que l'élément central de l'analyse à l'égard du double brevet relatif à une évidence était de savoir si les revendications du second brevet auraient dû faire partie du premier brevet. Il a également conclu que, même si l'analyse du double brevet consistait en une comparaison des revendications des deux brevets, les revendications devaient être interprétées dans le contexte du brevet pris dans son ensemble. Il a donc interprété le brevet 377 comme revendiquant le tadalafil en tant qu'inhibiteur de la PDE5, même si le fait qu'il inhibait la PDE5 n'était précisé que dans le mémoire descriptif.

[11]           Le juge a alors déterminé qu'à la date de priorité du brevet 377, l'utilisation d'inhibiteurs de la PDE5, comme les deux composés en cause, pour traiter la dysfonction érectile était une utilisation brevetable distincte de celle du brevet 784. Il a même souligné que cette conclusion de fait n'était pas contestée par les témoins des parties. Subsidiairement, le juge a conclu que, même à la date de priorité du second brevet, le brevet 784 visait toujours des éléments brevetables distincts de ceux du brevet 377. La demande de brevet 902, qui avait été publiée six mois environ avant la date de priorité du brevet 784, n'avait pas suffisamment fait avancer les connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art pour que le brevet 784 ne vise pas des éléments brevetables distincts.

[12]           Le juge a également rejeté la contestation de l'utilité du brevet. Il a conclu que la promesse du brevet concernait l'utilisation du tadalafil et du 3‑méthyl tadalafil pour le traitement de la dysfonction érectile, sans faire référence à une voie d'administration en particulier ni à l'absence de toxicité ou d'effets secondaires excessifs. Le juge a estimé qu'à la lumière des expériences révélées par la divulgation du brevet, des connaissances générales courantes et de la divulgation du brevet 377, il existait une inférence prima facie raisonnable d'utilité à l'égard des composés revendiqués.

[13]           Le juge a également conclu, subsidiairement, que même si l'administration par voie orale faisait partie de la promesse du brevet, cette promesse était valablement prédite. Le juge a déterminé qu'en combinant la divulgation du brevet 377, selon laquelle le tadalafil était un inhibiteur de la PDE5 biodisponible par voie orale, et les conclusions de l'étude de Boolell, selon lesquelles un inhibiteur de la PDE5 biodisponible par voie orale pouvait être utilisé pour traiter la dysfonction érectile, on pouvait conclure à une inférence prima facie raisonnable de l'utilité de l'administration par voie orale du tadalafil. Ayant conclu que la revendication 18 était valablement prédite au sujet du tadalafil, le juge a déterminé qu'il n'était pas nécessaire d'établir une conclusion semblable au sujet du 3‑méthyl tadalafil. Le juge a fondé cette conclusion sur le fait que la revendication 18 constituait une revendication Markush, et que les revendications Markush à l'égard d'une classe de composés ont une utilité si au moins un des composés de la classe est utile.

IV.             Les thèses des parties

[14]           Mylan interjette appel des conclusions concernant le double brevet relatif à une évidence et la prédiction valable, mais limite ses observations en appel à la prédiction valable de la revendication 18 et au double brevet relatif à une évidence pour les autres revendications.

[15]           En ce qui a trait au double brevet, Mylan soutient que le juge a commis une erreur de droit en fondant son analyse sur la date de priorité du brevet 377, alors que l'arrêt Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67, [2000] 2 R.C.S. 1067, commande plutôt l'utilisation de la date de publication du deuxième brevet (en l'espèce, le brevet 784). Mylan soutient également que le juge a commis une erreur manifeste et dominante en concluant que le brevet contesté n'était pas invalide pour cause de double brevet relatif à une évidence à la date de priorité du brevet 784. Enfin, Mylan soutient que l'analyse à l'égard du double brevet relatif à une évidence devrait s'apparenter à l'analyse de l'évidence.

[16]           Pour ce qui est de la prédiction valable, Mylan soutient qu'aucune personne versée dans l'art ne conclurait à l'utilité de l'administration par voie orale sans que soient réalisés des essais in vivo sur les deux composés revendiqués. Comme aucun essai n'avait été effectué sur la biodisponibilité par voie orale du 3‑méthyl tadalafil à quelque fin que ce soit, et qu'aucun essai n'avait été fait sur l'administration par voie orale de l'un ou l'autre composé pour traiter la dysfonction érectile, la revendication 18 ne pouvait pas être valablement prédite.

[17]           Eli Lilly soutient que le juge, en dernier ressort, a tiré les bonnes conclusions au sujet des deux éléments contestés du brevet.

[18]           En ce qui a trait au double brevet, Eli Lilly soutient que, puisque l'effet d'inhibition de la PDE5 n'est mentionné que dans le mémoire descriptif du brevet, et non dans ses revendications, le juge a commis une erreur en concluant que l'inhibition de la PDE5 figurait dans les revendications du brevet 377. Malgré cette erreur présumée, Eli Lilly fait toutefois valoir que le juge a utilisé la bonne date pour l'analyse du double brevet et qu'il a conclu, à juste titre, que le brevet n'était pas invalide pour ce motif.

[19]           Eli Lilly allègue également que l'analyse à l'égard du double brevet relatif à une évidence ne peut être menée selon le cadre relatif à l'analyse de l'évidence. Elle soutient que cela ferait de la règle du double brevet relatif à une évidence un substitut à la règle de l'évidence et contournerait les protections conférées par l'article 28.3 de la Loi sur les brevets. L'alinéa 28.3a) exclut du dossier d'antériorité, lequel sert de fondement à toute contestation fondée sur l'évidence, toute communication faite par le titulaire de brevet durant l'année précédant le dépôt de sa demande.

[20]           Quant à la question de la prédiction valable, Eli Lilly est d'avis que le juge a conclu, à juste titre, que la demande de brevet 902 et l'étude de Boolell ont fourni un fondement factuel qui permettait d'effectuer un raisonnement valable pour prédire l'utilité de la revendication 18 en ce qui concerne les deux composés.

V.                La norme de contrôle

[21]           La norme de contrôle établie dans l'arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, s'applique aux appels visant des demandes sur des AC : Pfizer Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2006 CAF 214, [2007] 2 R.C.F. 137, au paragraphe 15. Les conclusions de fait et les conclusions mixtes de fait et de droit ne peuvent être infirmées que s'il y a eu erreur manifeste et dominante. Les conclusions de droit, y compris les questions de droit isolables dans le cas d'une question mixte de fait et de droit, sont examinées en regard de la norme de la décision correcte.

VI.             Observations préliminaires

[22]           Avant d'examiner les motifs d'invalidité visés par l'appel, il est utile de passer brièvement en revue trois éléments du droit des brevets. Le premier concerne la distinction entre les antériorités et les connaissances générales courantes. Le deuxième concerne la distinction entre l'évidence et le double brevet. Il convient en dernier lieu de récapituler les diverses dates soulevées par les questions en litige dans l'appel.

A.                Les antériorités et les connaissances générales courantes

[23]           Les antériorités s'entendent de l'ensemble du savoir dans le domaine du brevet en cause. Elles comprennent tout enseignement accessible au public, aussi obscur ou peu accepté soit‑il.

[24]           Les connaissances générales courantes, quant à elles, s'entendent des « connaissances que possède généralement une personne versée dans l'art en cause au moment considéré » : voir Apotex Inc. c. Sanofi‑Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, [2008] 3 R.C.S. 265, au paragraphe 37. Contrairement aux antériorités, qui sont une catégorie générale regroupant tous les renseignements précédemment divulgués dans le domaine, un élément d'information ne fait partie des connaissances générales courantes que si une personne versée dans l'art en serait informée et reconnaîtrait cette information comme constituant [TRADUCTION] « un bon fondement pour les actions à venir » : voir General Tire & Rubber Co. v. Firestone Tyre & Rubber Co., [1971] F.S.R. 417, (1972) R.P.C. 457, à la page 483 (C.A.).

[25]           Les antériorités sont utilisées à des fins précises dans le droit des brevets, notamment pour étayer une allégation selon laquelle les antériorités ont prédit l'invention ou l'ont rendue évidente. Les connaissances générales courantes déterminent la manière d'interpréter les revendications et les mémoires descriptifs, car le brevet vise la personne versée dans l'art. Toute analyse liée au droit des brevets menée du point de vue d'une personne versée dans l'art doit tenir compte des connaissances générales courantes.

B.                 Le double brevet relatif à une évidence

[26]           Selon la règle du double brevet, une revendication est jugée invalide si elle équivaut à un brevet d'une invention qui a été revendiquée dans un brevet antérieur. Cette règle vise le problème du renouvellement à perpétuité, qui consiste à prolonger le monopole accordé par le premier brevet en déposant une nouvelle demande de brevet qui ne propose pas de nouvelle invention au public. La règle du double brevet vise donc à empêcher un titulaire de brevet de contrevenir au marché qui est à la base du régime des brevets.

[27]           Dans Whirlpool, la Cour suprême du Canada a reconnu deux types de double brevet. Le premier, ou le double brevet relatif à la « même invention », survient lorsque les revendications du deuxième brevet sont tout simplement « identiques » à celles du premier. Ce n'est pas allégué en l'espèce. Le deuxième type, ou le double brevet relatif à une « évidence », survient lorsque le deuxième brevet n'est pas identique au premier, mais ne vise pas pour autant un « élément brevetable distinct ».

[28]           L'invalidité fondée sur le double brevet relatif à une évidence diffère de l'invalidité fondée sur l'évidence. L'évidence vise à déterminer s'il existe vraiment une « invention » (au sens juridique). L'analyse à l'égard du double brevet relatif à une évidence repose sur des justifications de principe différentes : l'examen vise à prévenir le renouvellement à perpétuité d'un brevet existant par l'intermédiaire de ce qui serait par ailleurs un brevet valide, mais qui en fait n'est qu'un prolongement d'un brevet existant : voir Merck & Co., Inc. c. Pharmascience Inc., 2010 CF 510, au paragraphe 124. Bien que certaines de ces différences fassent partie des questions en litige en l'espèce, il existe entre les deux variantes de la règle quelques distinctions qui ne prêtent pas à controverse.

[29]           Dans une contestation fondée sur l'évidence, tout élément d'antériorité, y compris un ensemble de travaux, peut être invoqué pour établir que le brevet contesté était évident et qu'il n'était donc pas brevetable : voir Sanofi‑Synthelabo, aux paragraphes 67 à 71. Par contre, dans une contestation fondée sur le double brevet relatif à une évidence, seul le brevet antérieur peut être invoqué pour établir que le brevet contesté ne vise pas un élément brevetable distinct; tout autre élément d'antériorité n'est pertinent que s'il contribue aux connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art.

[30]           Enfin, dans le cas d'une contestation fondée sur l'évidence, l'alinéa 28.3a) de la Loi sur les brevets prévoit que toute communication faite par le titulaire de brevet dans l'année précédant le dépôt de la demande ne peut être invoquée comme un élément d'antériorité rendant le brevet évident. Le titulaire de brevet dispose donc d'un délai d'un an avant le dépôt, délai au cours duquel il peut communiquer de l'information sans craindre que ces communications servent de fondement à une contestation fondée sur l'évidence. Le double brevet n'est pas assujetti à l'alinéa 28.3a), ce qui fait qu'on peut invoquer le brevet antérieur si celui‑ci a été publié dans l'année précédant la date de dépôt du brevet contesté.

C.                Les dates pertinentes

[31]           Je me fonde en grande partie sur l'ouvrage Hughes and Woodley on Patents, par le juge Roger T. Hughes, Dino Clarizio et Neal Armstrong, 2e éd., feuilles mobiles (Toronto, LexisNexis Butterworths, 2005), pour revoir certaines notions clés sur lesquelles repose le présent appel :

a)         La date de dépôt est la date à laquelle la demande de brevet est déposée au Bureau des brevets du Canada.

b)        La date de priorité est la date à laquelle une demande de brevet antérieure portant sur la même invention a été déposée par le titulaire de brevet, que ce soit au Canada ou (ce qui arrive beaucoup plus souvent) dans un pays qui est partie à un traité pertinent ou à une convention pertinente sur les brevets dont le Canada est également signataire. La date de priorité ne s'applique que si le titulaire de brevet le demande, et le brevet doit être déposé au Canada dans les 12 mois suivant la date de priorité.

c)         La date de revendication correspond à la date de priorité, s'il en existe une, ou alors à la date de dépôt.

(Ces deux concepts, soit a) et b), sont régis par l'article 28.1 de la Loi sur les brevets. Bien que les diverses versions de la Loi sur les brevets compliquent quelque peu les choses, on peut généralement affirmer que la nouveauté et l'évidence sont toutes deux évaluées au regard de la date de revendication.)

d)        Enfin, la date de publication est la date à laquelle la demande de brevet peut être consultée pour la première fois par le public. Le titulaire de brevet éventuel a le droit de retarder de 18 mois après la date de revendication la consultation de la demande par le public. Cette question relève de l'article 10 de la Loi sur les brevets. Le brevet devient un élément d'antériorité pouvant être invoqué à partir de la date de publication, laquelle est également la date d'interprétation des revendications.

VII.          Analyse

[32]           Une des questions en litige entre les parties est celle visant à déterminer si le fond de l'analyse du double brevet relatif à une évidence est identique à celui de l'analyse à l'égard de l'évidence, ainsi que la date à utiliser aux fins de cette analyse.

[33]           Mylan soutient que la Cour devrait appliquer le critère bien établi de l'évidence, en considérant que le brevet antérieur est l'antériorité. Selon ce concept, la Cour doit déterminer si une personne versée dans l'art considérerait le brevet contesté comme évident eu égard au brevet antérieur, le brevet antérieur remplaçant les antériorités en général, ou s'il existe une étape inventive qui confère au brevet contesté un caractère non évident. Bien que cette approche diffère de l'analyse de l'évidence pure quant aux antériorités qui sont prises en compte, la question centrale reste la même.

[34]           Eli Lilly soutient que cette affirmation est incorrecte, estimant que l'enquête doit plutôt viser à déterminer si la deuxième invention constitue un prolongement inapproprié du brevet initial. Pour sa part, le juge a abordé la question en cherchant à déterminer si les revendications du deuxième brevet auraient pu, ou auraient dû, être incluses dans le premier brevet.

[35]           Je ne vois pas de différence fondamentale entre ces deux approches. Je suis d'avis que ces approches ne sont pas incompatibles et qu'elles constituent plutôt une reformulation de la même question. Qu'il s'agisse de déterminer si « le deuxième brevet est un prolongement inadmissible du premier » ou si « les revendications du deuxième brevet auraient dû être incluses dans le premier brevet », les deux énoncés visent essentiellement à déterminer s'il y a eu une étape inventive entre le premier et le deuxième brevet.

[36]           Dans l'arrêt Whirlpool, la Cour suprême du Canada indique que l'analyse du double brevet — tout comme l'analyse de l'évidence — vise essentiellement à déterminer si le deuxième brevet fait preuve « de nouveauté ou d'ingéniosité » par rapport au premier brevet : voir Whirlpool, aux paragraphes 66 et 67. De plus, comme la règle vise à interdire le renouvellement à perpétuité de brevets par des ajouts non inventifs, l'examen visant à déterminer si les modifications dans le deuxième brevet relèvent ou non de l'invention est directement lié aux considérations de principe qui sous‑tendent la règle. Enfin, bien que ce ne soit pas déterminant, l'ajout de la mention « évidence » à ce type de double brevet indique qu'il est pertinent d'utiliser un processus d'analyse similaire.

[37]           Une telle analyse requiert, dans l'exercice, que les revendications du deuxième brevet soient examinées en regard de celles du premier brevet. La différence par rapport à un examen relatif à l'évidence est subtile, mais néanmoins importante quant aux principes. Comme le souligne le juge Hughes dans la décision Merck & Co., Inc. c. Pharmascience Inc., au paragraphe 124 :

Ce qu'il importe de garder à l'esprit dans l'analyse qu'exige l'examen visant à déterminer s'il y a double brevet, c'est que les revendications du brevet antérieur, dont le titulaire est le même que celui du brevet postérieur, doivent être comparées aux revendications du brevet postérieur, pour voir si elles sont « identiques », ou si les revendications du brevet postérieur sont « évidentes » compte tenu de celles du brevet antérieur. Par conséquent, il s'agit d'une analyse différente de celle qu'on doit faire lorsqu'il s'agit de l'évidence du brevet par rapport à la technique qui aurait été connue de la personne versée dans l'art à la date pertinente. L'analyse à l'égard du double brevet consiste à présenter à la personne versée dans l'art les revendications du premier brevet et à se demander si l'objet des revendications du second brevet est « identique » à celui des revendications du premier ou aurait été évident compte tenu du brevet antérieur. Il ne faut pas s'occuper de savoir si le brevet antérieur serait venu à l'attention de la personne versée dans l'art. Ni d'examiner les revendications du brevet antérieur quant à leur validité ou d'un autre point de vue. Ni d'examiner l'« état de la technique » au‑delà du brevet antérieur. Comme l'a écrit le juge Binnie au paragraphe 67 de l'arrêt Whirlpool, l'analyse ne peut établir qu'un second brevet est justifié que si les revendications font preuve « de nouveauté ou d'ingéniosité » par rapport au premier brevet. [...]

[Souligné dans l'original]

[38]           Bien que le libellé diffère légèrement, cette analyse remonte à l'arrêt Commissioner of Patents v. Fabwerks Hoechst Aktiengeselschaft Vormals Meister Lucius & Bruning, [1964] R.C.S. 49, et est compatible avec cet arrêt, dans lequel on a principalement cherché à déterminer si le second brevet contenait un élément ou un processus nouveau ou inventif qui ne figurait pas dans les revendications du premier.

[39]           Je suis d'avis que le juge a commis une erreur en faisant référence au mémoire descriptif pour l'interprétation des revendications du brevet 377. Les règles relatives à l'interprétation des brevets interdisent les renvois au mémoire descriptif lorsque les revendications sont claires, et le renvoi constitue une erreur s'il modifie la portée des revendications. Voir Hughes and Woodley on Patents, à la page 312 :

[TRADUCTION]

Les revendications constituent le point de départ dans l'interprétation d'un brevet. Seules les revendications définissent le monopole reconnu par la loi, et le titulaire du brevet est légalement tenu de déclarer, dans les revendications, en quoi consiste l'invention dont il demande la protection. Lors de l'interprétation des revendications, le recours au reste du mémoire descriptif : 1) est permis pour éclairer le sens des termes employés dans les revendications; 2) n'est pas nécessaire lorsque le libellé est clair et sans ambiguïté; 3) est abusif si l'on cherche par ce moyen à modifier la portée ou l'étendue des revendications.

[40]           En l'espèce, le brevet 377 revendique de façon non équivoque le composé tadalafil, sans faire mention de son utilisation comme inhibiteur de la PDE5. Dans ces conditions, le renvoi du juge au paragraphe 77 de l'arrêt Sanofi-Synthelabo est mal fondé. Les commentaires du juge Rothstein au sujet du mémoire descriptif du brevet ont été formulés dans le contexte précis de l'interprétation du concept inventif d'une partie du brevet aux fins de l'analyse de l'évidence, et non de l'interprétation des revendications. L'arrêt Sanofi‑Synthelabo établit clairement que l'interprétation du concept inventif constitue une analyse distincte de l'interprétation des revendications.

[41]           Les paragraphes 76 et 77 de l'arrêt Sanofi‑Synthelabo sont utiles à ce sujet. Premièrement, au paragraphe 76, le juge Rothstein interprète les revendications du brevet et conclut qu'elles visent « l'isomère dextrogyre », un composé. Le juge Rothstein examine ensuite l'évidence et le concept inventif de la revendication. Ce n'est qu'à cette deuxième étape de son analyse que le juge Rothstein fait référence au mémoire descriptif, notant à ce sujet que : « La seule présence d'une formule chimique ne permet pas de déterminer l'inventivité de la revendication. »

[42]           De plus, dans son analyse du double brevet relatif à une évidence, plus loin dans son jugement, le juge Rothstein n'a pas tenu compte du mémoire descriptif du brevet dans l'interprétation des revendications. Au paragraphe 108, il a déclaré ce qui suit :

Apotex fait valoir qu'une allégation de double protection s'attache aux revendications des deux brevets, et non à la divulgation. J'en conviens. Dans l'arrêt Whirlpool, le juge Binnie a dit ce qui suit au par. 63 :

Il est clair que l'interdiction du double brevet implique une comparaison des revendications plutôt que des divulgations, car ce sont les revendications qui définissent le monopole.

[43]           En conclusion, comme il n'y avait pas d'ambiguïté dans les revendications en l'espèce, on ne pouvait pas avoir recours au mémoire descriptif. Cette erreur est toutefois sans conséquence, car elle n'a eu pour effet que d'imposer un fardeau plus lourd à Eli Lilly. La conclusion du juge au sujet du double brevet relatif à une évidence était fondée.

[44]           Ayant réglé la question de la méthode, je me penche maintenant sur la question de la date à retenir aux fins de l'enquête. Les conséquences associées au choix d'une date sont examinées par le professeur N. Siebrasse dans son article « Sufficient Description — Observations on Canadian patent cases : Disagreement on Date for Assessing Obviousness-type Double Patenting » (14 août 2015), <http://www.sufficientdescription.com/2015/08/disagreement-on-date-for-assessing.html>, où il conclut que le droit est incertain et qu'il s'agit d'une question difficile — un point de vue que je partage.

[45]           Il existe trois dates possibles au regard desquelles le double brevet relatif à une évidence peut être examiné. La première est la date de priorité du premier brevet. Vient ensuite la date de priorité du deuxième brevet qui, en l'espèce, survient après la publication de la demande de brevet 902 de Pfizer. Enfin, la dernière date possible est la date de publication du second brevet, moment avant lequel l'étude de Boolell avait été publiée et était devenue bien connue. Les différentes dates, et les choix qui s'offrent, apparaissent ci‑dessous :

[46]           Les parties se sont entendues dans l'ensemble sur les conséquences associées au choix de chacune des dates. Si la première date (la date de priorité du brevet 377) est la bonne, les intimés auront presque assurément gain de cause; Mylan n'a pas fait valoir dans son mémoire ni dans sa plaidoirie que le double brevet pouvait être établi uniquement sur la base du brevet 377. Si la dernière date est la bonne (la date de publication du brevet 784), c'est alors l'appelante qui aura presque certainement gain de cause, car l'étude de Boolell confère au brevet 784 un caractère non inventif. Dans sa plaidoirie, Eli Lilly n'a pas sérieusement prétendu le contraire. Enfin, si la date intermédiaire est la bonne (la date de priorité du brevet 784), il y a alors un litige au sujet de la preuve pour savoir si le juge a commis une erreur en concluant à l'absence de double brevet.

[47]           Je suis convaincu que la date de publication du deuxième brevet (la dernière date) n'est pas la bonne date à utiliser. Contrairement à ce que soutient l'appelante dans ses observations, je ne considère pas l'arrêt Whirlpool comme faisant autorité sur cette question.

[48]           Comme l'a souligné le juge, l'arrêt Whirlpool portait sur l'évidence, et il n'était pas nécessaire de déterminer la bonne date pour l'analyse à l'égard du double brevet. La Cour a estimé que la preuve d'expert qui avait été présentée au juge était insuffisante pour conclure à l'existence d'un double brevet relatif à une évidence. De plus, la question se posait à l'égard de la date choisie pour l'interprétation des revendications en vertu de l'ancienne loi, et la Cour a tranché en faveur de la date de publication. Par conséquent, bien qu'il ne s'agisse en principe que d'une remarque incidente, l'observation du juge Binnie au paragraphe 67, selon laquelle un second brevet ne saurait être justifié que si les revendications font preuve « de nouveauté ou d'ingéniosité » par rapport au premier brevet, tend à favoriser la date de publication du premier brevet. Au risque de me répéter, je tiens également à souligner l'interprétation que le juge Hughes a faite de l'arrêt Whirlpool au paragraphe 124 de l'arrêt Merck c. Pharmascience, où il déclare ce qui suit :

L'analyse à l'égard du double brevet consiste à présenter à la personne versée dans l'art les revendications du premier brevet et à se demander si l'objet des revendications du second brevet est « identique » à celui des revendications du premier ou aurait été évident compte tenu du brevet antérieur. Il ne s'agit pas [...] d'examiner l'« état de la technique » au‑delà du brevet antérieur.

[49]           Il faut ensuite se demander si la date de publication du deuxième brevet (le brevet 784) est néanmoins la bonne date à utiliser, compte tenu des principes qui sous‑tendent la règle du double brevet. Je conclus que ce n'est pas le cas. Plus particulièrement, il ne serait pas indiqué d'utiliser une date postérieure à la date de revendication du second brevet, que la date de revendication corresponde à la date de priorité, comme en l'espèce, ou qu'elle corresponde à la date de dépôt.

[50]           Comme le souligne le professeur Siebrasse, l'utilisation d'une date postérieure à la date de revendication signifierait également qu'une cour chargée d'une analyse à l'égard du double brevet relatif à une évidence tiendrait compte d'antériorités excédant celles que la Cour peut prendre en compte pour l'évaluation de l'évidence en vertu de l'article 28.3. Par contre, la règle du double brevet permet à l'auteur d'une contestation de se soustraire à la règle du délai d'un an prévu à l'alinéa 28.3a). Ce contournement est acceptable, car la prise en compte des documents du brevet antérieur est précisément ce que la Cour doit faire en vertu de la règle. Cependant, aucun motif équivalent ne permet de prétendre au double brevet relatif à une évidence en invoquant les antériorités postérieures à la date de revendication, sans qu'il soit possible d'en faire autant dans le cas d'une contestation pour cause d'évidence.

[51]           Cela élimine donc la possibilité que la troisième date, c'est-à-dire la date de publication du brevet 784, soit la bonne. À ce titre, l'étude de Boolell ne peut pas être prise en compte par la personne versée dans l'art pour évaluer le double brevet. Le scénario selon lequel l'appelante, Mylan, obtient gain de cause hors de toute controverse devrait donc être éliminé.

[52]           Il reste donc la première date, ce qui signifierait que Mylan échoue sans controverse, et la date intermédiaire, ce qui soulèverait un litige concernant la preuve. Il n'est pas nécessaire de déterminer laquelle de ces dates doit être utilisée. En effet, d'après les faits de l'espèce, même si la bonne date est la date intermédiaire, qui est plus favorable à l'appelante, je suis d'avis que le juge n'a pas commis d'erreur en concluant qu'il n'y avait pas de double brevet. Comme je vais l'expliquer ci‑dessous, il n'y a eu aucun changement dans les connaissances générales courantes entre la première date et la date intermédiaire.

[53]           Plus précisément, je suis d'avis que le juge n'a commis aucune erreur susceptible de révision en concluant que le brevet 784 visait un élément brevetable distinct, même en regard de la demande de brevet 902. Je conviens avec l'appelante que le fait que la Cour suprême du Canada ait critiqué l'équivalent canadien de la demande de brevet 902 pour cause de divulgation insuffisante du composé précis revendiqué (le sildénafil) est sans rapport avec la question plus générale de ce que la demande de brevet 902 enseignait au sujet des inhibiteurs de la PDE5 comme classe générale. Cependant, le juge a accepté la preuve selon laquelle les enseignements découlant de la demande de brevet 902, au sujet de l'utilisation des inhibiteurs de la PDE5 pour traiter la dysfonction érectile, étaient contraires à ce à quoi on se serait attendu et avaient initialement été accueillis avec scepticisme. La personne versée dans l'art n'aurait donc pas admis sans hésitation la validité des enseignements de la demande de brevet 902, car ces enseignements ne faisaient pas partie des connaissances générales courantes. Le juge n'a donc pas commis d'erreur manifeste et dominante en concluant que, même en tenant compte des connaissances générales courantes postérieures à la demande de brevet 902, le brevet 784 visait un élément brevetable distinct de l'objet du brevet 377.

A.                L'utilité de la revendication 18

[54]           Mylan conteste également la revendication 18 pour cause d'absence d'utilité. Mylan allègue plus précisément que, même si l'administration par voie orale du tadalafil pour traiter la dysfonction érectile aurait pu être valablement prédite, on ne peut pas en dire autant du 3‑méthyl tadalafil. En effet, même si on pouvait combiner le brevet 377 (qui démontrait la biodisponibilité par voie orale et l'inhibition de la PDE5) à l'étude de Boolell (qui indiquait qu'un inhibiteur de la PDE5 biodisponible par voie orale pouvait traiter la dysfonction érectile) dans le cas du tadalafil, le brevet 377 n'a démontré que la biodisponibilité par voie orale du tadalafil et non celle du 3‑méthyl tadalafil.

[55]           Il n'est pas nécessaire de démontrer l'utilité au moment du dépôt du brevet : il suffit que l'utilité revendiquée puisse être valablement prédite à cette date. La règle de la prédiction valable comporte trois éléments : la prédiction doit avoir un fondement factuel, le raisonnement doit être clair et valable, et il doit y avoir une divulgation suffisante : voir Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., 2002 CSC 77, [2002] 4 R.C.S. 153, au paragraphe 70. Si ces trois critères sont réunis, il peut exister une « inférence prima facie raisonnable de l'utilité » : voir Eli Lilly Canada Inc. c. Novopharm Limited, 2010 CAF 197, [2012] 1 R.C.F. 349, au paragraphe 85.

[56]           Après avoir conclu que la revendication 18 à l'égard du tadalafil était valablement prédite, le juge n'a pas cherché à déterminer si l'on pouvait valablement prédire que le 3‑méthyl tadalafil pouvait être administré par voie orale pour le traitement de la dysfonction érectile. Le juge a estimé que, comme il s'agissait d'une revendication Markush, il était inutile de déterminer si chacun des composés revendiqués fonctionnait. Cependant, une revendication Markush exige qu'on démontre l'utilité de chacun des composés de la classe revendiquée, et non seulement d'un seul composé : voir Abbott Laboratories c. Ministre de la Santé, 2005 CF 1095, aux paragraphes 23 à 27. Même en supposant que la revendication 18 était bien une revendication Markush, sans trancher la question, le juge a commis une erreur; cette erreur est toutefois sans conséquence.

[57]           Les éléments de preuve présentés au juge laissaient croire que l'utilité du 3‑méthyl tadalafil était valablement prédite. L'affidavit en réponse du Dr Brock a fourni un fondement factuel et un raisonnement valable, suffisants pour établir une prédiction valable. Le Dr Brock a souligné à la fois l'étude de Boolell, qui révélait que les inhibiteurs de la PDE5 pouvaient être utilisés pour traiter la dysfonction érectile, et le large éventail de dérivés tétracycliques qualifiés d'inhibiteurs de la PDE5 biodisponibles par voie orale dans le brevet 377. Ce brevet ajoute, par un énoncé général, le fondement factuel (selon lequel le 3‑méthyl tadalafil, en tant que dérivé tétracyclique, est un inhibiteur biodisponible par voie orale de la PDE5) qui manquait, selon Mylan. Le Dr Brock a considéré par ailleurs qu'une personne versée dans l'art serait en mesure d'inférer l'utilité des deux composés administrés par voie orale pour le traitement de la dysfonction érectile. Il n'y avait aucune garantie de réussite, mais la règle de la prédiction valable n'exige pas pareille garantie. Une inférence prima facie raisonnable de réussite existait donc.

[58]           Enfin, je note que, même si on en était arrivé à une conclusion différente quant à la validité de la revendication 18, cela n'aurait eu aucun effet sur l'issue du présent appel. La revendication 18 est une revendication dépendante qui vise un sous‑ensemble de l'objet revendiqué par les autres revendications. Puisque, comme je l'ai déterminé précédemment, l'allégation de double brevet ne peut s'appliquer aux autres revendications, la revendication 18 ne définit aucun monopole qui ne fasse pas entièrement partie de leur portée.

VIII.       Conclusion

[59]           En conclusion, le juge n'a commis aucune erreur susceptible de révision en jugeant que le brevet contesté n'était pas invalide pour cause de double brevet relatif à une évidence ou d'absence d'utilité. En conséquence, je suis d'avis de rejeter l'appel, avec dépens.

« Donald J. Rennie »

j.c.a.

« Je suis d'accord.

Eleanor R. Dawson, j.c.a. »

« Je suis d'accord.

Johanne Trudel, j.c.a. »

 


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL D'UN JUGEMENT DE LA COUR FÉDÉRALE DU 7 JANVIER 2015 (2015 CF 17), DOSSIER NO T-296-13

DOSSIER :

A-47-15

 

INTITULÉ :

MYLAN PHARMACEUTICALS ULC c. ELI LILLY CANADA INC., ICOS CORPORATION ET LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 1er décembre 2015

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE RENNIE

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LA JUGE TRUDEL

DATE DES MOTIFS :

Le 20 avril 2016

COMPARUTIONS :

Tim Gilbert

Sana Halwani

Andrew Moeser

Zarya Cynader

Pour l'appelante

Jamie Mills

Chantal Saunders

Pour les intiméEs

ELI LILLY CANADA INC. ET

ICOS CORPORATION

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gilbert's LLP

Toronto (Ontario)

Pour l'appelante

Borden Ladner Gervais S.E.N.C.R.L., S.R.L.

Ottawa (Ontario)

Pour les intimées

ELI LILLY CANADA INC. ET

ICOS CORPORATION

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR L'INTIMÉ

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

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