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Date : 20160513


Dossier : A-245-15

Référence : 2016 CAF 150

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

OSBORNE G. BARNWELL

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 4 mai 2016.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 13 mai 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE BOIVIN

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

 


Date : 20160513


Dossier : A-245-15

Référence : 2016 CAF 150

CORAM :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

OSBORNE G. BARNWELL

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE BOIVIN

[1]               Il s’agit d’un appel d’un jugement rendu par un juge de la Cour canadienne de l’impôt (le juge), le 21 avril 2015 (2015 CCI 98). Le juge a rejeté l’appel de M. Osborne G. Barnwell (l’appelant) interjeté à l’encontre d’une décision rendue par le ministre du Revenu national (le ministre) rejetant sa déclaration d’une perte déductible au titre d’un placement d’entreprise (PDTPE) de 39 150 $, en vertu du sous-alinéa 39(1)c)(iv) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C., 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi).

I.                   Contexte factuel

[2]               Les faits sous-tendant le présent appel sont simples et non contestés.

[3]               Au début des années 2000, M. Nicholas Austin, connaissance de longue date de l’appelant, a décidé de créer et de publier une revue de voyages ciblant les passagers de lignes aériennes commerciales.

[4]               En 2004, M. Austin a constitué en société Whitesand Group of Companies Inc. (Whitesand) dans le cadre de son initiative de publication. À la recherche de financement, M. Austin a communiqué avec l’appelant en vue de financer sa revue de voyages. L’appelant a accepté de lui octroyer des fonds sous forme de prêts; cependant, aucun accord officiel n’a été conclu à cet égard. Après la publication de trois numéros du Whitesand magazine (hiver 2007, printemps 2008 et hiver 2009), Whitesand a cessé ses activités peu après en 2009.

[5]               Selon le sous-alinéa 39(1)c)(iv) de la Loi, un contribuable peut déduire la moitié de sa PDTPE pour l’année de son revenu au motif qu’une créance d’une société privée sous contrôle canadien (SPCC) lui est due :

Sens de gain en capital et de perte en capital

Meaning of capital gain and capital loss

39 (1) Pour l’application de la présente loi :

39 (1) For the purposes of this Act,

[…]

c) une perte au titre d’un placement d’entreprise subie par un contribuable, pour une année d’imposition, résultant de la disposition d’un bien quelconque s’entend de l’excédent éventuel de la perte en capital que le contribuable a subie pour l’année résultant d’une disposition, après 1977 :

(c) a taxpayer’s business investment loss for a taxation year from the disposition of any property is the amount, if any, by which the taxpayer’s capital loss for the year from a disposition after 1977

[…]

d’un bien qui est :

of any property that is

[…]

(iv) soit une créance du contribuable sur une société privée sous contrôle canadien (sauf une créance, si le contribuable est une société, sur une société avec laquelle il a un lien de dépendance) qui est :

(iv) a debt owing to the taxpayer by a Canadian-controlled private corporation (other than, where the taxpayer is a corporation, a debt owing to it by a corporation with which it does not deal at arm’s length) that is

(A) une société exploitant une petite entreprise,

(A) a small business corporation,

[…]

[6]               En 2011, l’appelant a déclaré une PDTPE de 39 150 $ dans sa déclaration de revenus. La demande a été rejetée par le ministre. L’appelant a interjeté appel de l’avis de cotisation auprès de la Cour canadienne de l’impôt, mais le juge a rejeté l’appel en soulignant que M. Austin était le débiteur de prêts, et non la SPCC Whitesand.

[7]               C’est sur ce jugement que porte le présent appel.

II.                Question en litige

[8]               La seule question en litige soulevée dans le présent appel est la suivante : Le juge a-t-il commis une erreur en rejetant l’appel au motif que les prêts en cause ont été octroyés à M. Austin et non à Whitesand?

III.             Norme de contrôle

[9]               Les parties conviennent que la norme de contrôle établie dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 s’applique au présent appel. La norme applicable aux questions de droit isolables est celle de la décision correcte (paragraphe 8). Pour les questions de faits, il doit être établi que le juge a commis une « erreur manifeste et dominante » (paragraphe 10). Pour les questions mixtes de faits et de droit, la norme plus stricte applicable aux pures questions de faits s’applique (paragraphe 29).

IV.             Analyse

[10]           Même si l’appelant admet les conclusions de fait du juge et reconnaît que les éléments de preuve documentaire indiquent que les prêts en cause ont été octroyés à M. Austin plutôt qu’à Whitesand, il soutient essentiellement que le juge n’a pas tenu compte des témoignages de vive voix. Selon l’appelant, si le juge avait pris adéquatement en considération le témoignage oral, il n’aurait pas pu faire autrement que de conclure raisonnablement que les prêts avaient été octroyés à Whitesand et non à M. Austin.

[11]           Je ne suis pas d’accord. Le juge a énoncé soigneusement les conclusions de fait dans sa décision, et l’appelant reconnaît ces faits comme étant [traduction] « définis avec précision » (motifs du juge, aux paragraphes 4 à 33 et mémoire des faits et du droit de l’appelant, au paragraphe 4). Il ressort sans équivoque de cela, à la lecture des motifs du juge, qu’il a pris en considération les éléments de preuve documentaire et le témoignage oral qui lui ont été présentés. Plus précisément, le juge a tenu compte de ce qui suit :

-      tous les chèques étaient faits à l’ordre de M. Austin personnellement; aucun n’a été établi à l’ordre de Whitesand (aux paragraphes 16 et 50);

-      lors de son témoignage, M. Austin a précisé que les billets à ordre appuyaient tous sa promesse de rembourser les prêts (au paragraphe 29);

-      dans le journal général bancaire de l’appelant, les montants étaient désignés comme des prêts à M. Austin (au paragraphe 18);

-      dans son témoignage lors du contre-interrogatoire, M. Austin a déclaré que la plupart des chèques avaient été déposés dans son compte bancaire personnel (au paragraphe 32);

-      lors de son témoignage, M. Austin a indiqué qu’il comprenait que les prêts constituaient des créances dont il était personnellement responsable (au paragraphe 58).

[12]           En examinant les éléments de preuve au dossier, le juge a conclu que le débiteur était M. Austin, et non Whitesand, et qu’il n’y avait aucun mandat ni aucun témoignage indiquant que M. Austin agissait en qualité de mandataire pour le compte de Whitesand lorsqu’il a touché des sommes de la part de l’appelant. En l’espèce, l’appelant demande essentiellement à la Cour de réexaminer et de réévaluer les éléments de preuve pour arriver à une conclusion différente. Ce n’est pas le rôle de la Cour. Par ailleurs, l’appelant n’avait souligné aucune erreur dans la décision du juge qui justifierait l’intervention de la Cour.

[13]           L’appelant soutient ensuite que, selon le paragraphe 18.15(3) de la Loi, une norme moins onéreuse et technique devrait s’appliquer pour examiner ses éléments de preuve, conformément à l’objectif de la procédure informelle. Je rejette également cet argument. La Cour a interprété cette disposition de la Loi comme signifiant que les règles relatives à l’admission des éléments de preuve ne s’appliquent pas techniquement dans une procédure informelle. Par conséquent, même si le paragraphe 18.15(3) de la Loi est propice à l’admissibilité des éléments de preuve dans la procédure informelle, il n’accorde pas à l’appelant une pondération plus favorable pour certains de ses éléments de preuve, c’est-à-dire le témoignage oral en l’espèce (arrêt Suchon c. Canada, 2002 CAF 282, 291 N.R. 250; arrêt Selmeci c. Canada, 2002 CAF 293, 292 N.R. 182, aux paragraphes 4 à 10).

[14]           L’appelant a d’ailleurs soutenu à l’audience que le juge n’a pas tenu compte de la [traduction] « réalité commerciale » de son entente avec M. Austin, et que [traduction] « l’intention, depuis le début, était que les sommes soient versées à Whitesand magazine ». Autrement dit, bien que l’appelant n’ait versé directement aucuns fonds à Whitesand, ils ont été remis à M. Austin au profit de Whitesand. Sur ce fondement, l’appelant soutient que la créance lui était due par Whitesand, et non par M. Austin. Encore une fois, cet argument est sans fondement. Le libellé clair du sous-alinéa 39(1)c)(iv) de la Loi exige que la créance « soit une créance du contribuable sur une société privée sous contrôle canadien ». Puisque M. Austin a témoigné qu’il était personnellement responsable des créances (motifs du juge, aux paragraphes 28, 52 et 58), certains éléments de preuve au dossier appuient la conclusion du juge voulant que M. Austin soit responsable de la créance, et non la SPCC.

[15]           Enfin, l’appelant soutient que le juge a commis une erreur en invoquant l’arrêt Friedberg c. Canada (CAF), 135 N.R. 61, [1991] A.C.F., no 1255 (QL), pour faire valoir que, en droit fiscal, une intention subjective ne peut pas supplanter la caractérisation d’une opération aux fins de l’impôt (motifs du juge, aux paragraphes 53 à 56). L’appelant insiste sur le fait que les circonstances de l’affaire en l’espèce se distinguent puisque [traduction] « les chèques et les billets à ordre étaient soumis à l’intention exprimée de vive voix par les parties » (mémoire des faits et du droit de l’appelant, au paragraphe 22). Ce faisant, l’appelant ne fait que demander que la Cour accorde la priorité à son explication des éléments de preuve après coup. Cependant, je suis d’avis que la conclusion du juge lui était loisible d’après les faits établis dans le dossier.

[16]           Pour ces motifs, l’appelant n’a pas été en mesure de définir une erreur manifeste et dominante de la part du juge. En conséquence, je suis d’avis de rejeter l’appel. Toutefois, compte tenu des circonstances de la présente affaire, je n’accorderais aucuns dépens.

« Richard Boivin »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Donald J. Rennie j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Mary J.L. Gleason j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-245-15

(APPEL D’UN JUGEMENT RENDU PAR LE JUGE JOHN R. OWEN DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT LE 21 AVRIL 2015, DOSSIER NO 2013-3552 IT[I])

INTITULÉ :

OSBORNE G. BARNWELL c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 4 mai 2016

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE BOIVIN

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

DATE :

LE 13 MAI 2016

COMPARUTIONS :

Osborne G. Barnwell

Pour l’appelant

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Rita Araujo

Michael Ezri

Pour l’intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Pour l’intimée

 

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