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Date : 20160708


Dossier : A-520-15

Référence : 2016 CAF 195

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE SCOTT

LE JUGE DE MONTIGNY

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

ABDULLAH ALMALKI, KHUZAIMAH KALIFAH, ABDULRAHMAN ALMALKI, représenté par son tuteur à l’instance Khuzaimah Kalifah, SAJEDA ALMALKI, représentée par son tuteur à l’instance Khuzaimah Kalifah, MUAZ ALMALKI, représenté par son tuteur à l’instance Khuzaimah Kalifah, ZAKARIYY A ALMALKI, représenté par son tuteur à l’instance Khuzaimah Kalifah, NADIM ALMALKI, FATIMA ALMALKI, AHMAD ABOU‑ELMAATI, BADR ABOU-ELMAATI, SAMIRA AL-SHALLASH, RASHA ABOU-ELMAATI, MUAYYED NUREDDIN, ABDUL JABBAR NUREDDIN, FADILA SIDDIQU, MOFAK NUREDDIN, AYDIN NUREDDIN, YASHAR NUREDDIN, AHMED NUREDDIN, SARAB NUREDDIN, BYDA NUREDDIN

intimés

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 14 juin 2016.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 8 juillet 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GAUTHIER

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE SCOTT

LE JUGE DE MONTIGNY

 


Date : 20160708


Dossier : A-520-15

Référence : 2016 CAF 195

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE SCOTT

LE JUGE DE MONTIGNY

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

ABDULLAH ALMALKI, KHUZAIMAH KALIFAH, ABDULRAHMAN ALMALKI, représenté par son tuteur à l’instance Khuzaimah Kalifah, SAJEDA ALMALKI, représentée par son tuteur à l’instance Khuzaimah Kalifah, MUAZ ALMALKI, représenté par son tuteur à l’instance Khuzaimah Kalifah, ZAKARIYY A ALMALKI, représenté par son tuteur à l’instance Khuzaimah Kalifah, NADIM ALMALKI, FATIMA ALMALKI, AHMAD ABOU-ELMAATI, BADR ABOU-ELMAATI, SAMIRA AL-SHALLASH, RASHA ABOU-ELMAATI, MUAYYED NUREDDIN, ABDUL JABBAR NUREDDIN, FADILA SIDDIQU, MOFAK NUREDDIN, AYDIN NUREDDIN, YASHAR NUREDDIN, AHMED NUREDDIN, SARAB NUREDDIN, BYDA NUREDDIN

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE GAUTHIER

[1]  Le procureur général du Canada (PGC) interjette appel de la décision rendue par le juge Richard Mosley de la Cour fédérale (le juge), qui a conclu que l’application de l’article 18.1 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, L.R.C. 1985, c. C-23 [Loi sur le SCRS] serait « invalide » dans les circonstances particulières de l’espèce (2015 CF 1278). Plus précisément, le juge a conclu que l’article 18.1 ne prévoyait pas simplement une règle de preuve de nature procédurale, mais qu’il aurait une application rétrospective et que son application porterait atteinte aux droits acquis des intimés à la communication d’informations susceptibles de découvrir l’identité de la source humaine mêlée à la présente affaire, sous réserve de la pondération des facteurs énoncés aux articles 38 et suivants de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985, c. C-5 [la LPC]. Je souligne que la mention de l’article 38 dans les présents motifs renvoie aux articles 38 à 38.16 de la LPC.

[2]  La conclusion du juge concernant l’application du paragraphe 18(1) de la Loi sur le SCRS ne fait pas l’objet du présent appel. Par conséquent, la question relative aux informations caviardées concernant les employés du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) sera traitée dans le cadre de l’instance soulevant l’application de l’article 38, selon la conclusion qu’en tire le juge au paragraphe 55 de ses motifs.

[3]  Il convient de mentionner dès le départ que le présent appel ne requiert que l’application de principes d’interprétation législative bien établis à la disposition précise en cause. Cela dit, il ne faut pas en conclure que la question dont nous sommes saisis est simple, car elle porte sur l’application temporelle du nouveau privilège générique accordé aux sources humaines du SCRS par l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS. Comme l’ont fait remarquer les professeurs Côté, Beaulac et Devinat dans leur ouvrage intitulé L’interprétation des lois, 4e éd., Montréal, Thémis, 2009 à la p. 128, le droit transitoire est l’un des domaines du droit les plus difficiles.

[4]  Pour les motifs suivants, j’accueillerais l’appel.

I.  Contexte

[5]  Le contexte factuel général et l’historique procédural pertinent des instances civiles intentées par MM. Abdullah Almalki, Ahmad Abou-Elmaati, Muayyed Nureddin et certains membres de leur famille (collectivement, les intimés), ainsi que les demandes présentées subséquemment par le PGC en vertu de l’article 38 de la LPC, sont décrits en détail dans les motifs du juge (voir les paragraphes 14-36).

[6]  Pour les besoins du présent appel, nous pouvons nous limiter à rappeler qu’il y a plus de dix ans, les intimés ont intenté, devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario, des actions civiles en dommages-intérêts, plaidant la violation de leurs droits et libertés garantis par la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11 [la Charte].

[7]  Au cours des tentatives de médiation infructueuses, de même qu’au cours de l’enquête préalable à l’instance qui s’est ensuivie, le PGC a produit de nombreux documents caviardés, tout en refusant de produire les informations qui permettraient d’identifier les sources humaines secrètes du SCRS. Le PGC a notamment invoqué le privilège relatif à la sécurité nationale.

[8]  En conséquence, le PGC a présenté deux demandes en vertu de l’article 38 de la LPC. La première demande, qui porte sur les documents communiqués en vue de la médiation, a été traitée dans le dossier DES-1-10. La deuxième, qui se rapporte à la demande des intimés relative à la communication de tous les documents pertinents après l’échec de la médiation, a été traitée dans le dossier DES-1-11. La demande portant le numéro de dossier DES-1-10 a été réglée dans les décisions Canada (Procureur général) c. Almalki, 2010 CF 1106, [2012] 2 R.C.F. 508 [Almalki 2010] et Canada (Procureur général) c. Almalki, 2011 CAF 199, [2012] 2 R.C.F. 594 [Almalki 2011].

[9]  C’est au cours de la présente instance, introduite en vertu de l’article 38 et portant le numéro de dossier DES-1-11, que le projet de loi C-44, la Loi modifiant la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et d’autres lois, a été déposé en octobre 2014. Elle est entrée en vigueur le 23 avril 2015 sous le titre de Loi sur la protection du Canada contre les terroristes, L.C. 2015, c. 9. Il est généralement entendu et admis que les modifications en cause dans le présent appel ont été apportées à la suite de développements jurisprudentiels récents portant que, contrairement à ce que croyait le SCRS, ses sources humaines ne bénéficiaient pas du privilège absolu qu’accorde la common law aux indicateurs de police. En effet, la Cour suprême du Canada a souligné dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Harkat, 2014 CSC 37 au para. 87, [2014] 2 R.C.S. 33 [Harkat CSC], que seul le législateur pouvait créer un nouveau privilège générique s’il le jugeait souhaitable. Un message similaire avait été exprimé par notre Cour dans l’arrêt Almalki 2011 au paragraphe 34.

[10]  En conséquence, les parties, y compris les amici dûment nommés, ont présenté leurs observations orales et écrites au juge relativement à l’interprétation et à l’application du nouveau texte législatif révisé, lequel pouvait avoir une incidence sur la faculté pour le juge d’apprécier les facteurs énoncés à l’article 38 de la LPC en ce qui a trait aux informations susceptibles de découvrir l’identité des sources humaines.

II.  La décision de la Cour fédérale

[11]  Le 23 novembre 2015, le juge a rendu une décision qu’il qualifie d’interlocutoire sur cette question importante et distincte. En effet, le juge souligne au paragraphe 63 de ses motifs que si l’article 18.1 devait s’appliquer à l’affaire, « il écartera[it] la compétence dont dispose la Cour en vertu de l’article 38 de la LPC de statuer sur la question de la communication des informations qui peuvent permettre d’identifier une source humaine ».

[12]  Le juge entreprend son analyse en déclarant qu’il existe une forte présomption selon laquelle le législateur n’entend pas que ses lois s’appliquent rétroactivement ou rétrospectivement. Il mentionne qu’il peut être difficile d’établir une distinction entre la rétrospectivité et la rétroactivité. Il explique ensuite que, bien que les parties s’entendent pour dire que l’article 18.1 ne devrait pas s’appliquer rétroactivement ou rétrospectivement, elles divergent sur la question de savoir si son application en l’espèce serait prospective (voir à cet égard les motifs du juge au para. 63).

[13]  Il appert que les débats devant le juge portaient sur la question de savoir si l’article 18.1 devait s’appliquer à toutes les instances, peu importe le moment où elles avaient été intentées, pourvu qu’il n’y ait pas eu communication d’informations relatives à une source humaine avant cette date. Le juge semble avoir retenu les prétentions des intimés selon lesquelles était centrale la définition de « source humaine » à l’article 2 de la Loi sur le SCRS (voir au para. 23 des présents motifs), car l’application de cette définition à l’affaire renvoie à des faits ayant eu lieu bien avant l’adoption des modifications. Ainsi, les intimés ont fait valoir que l’application de l’article 18.1 serait, sinon rétroactive, du moins rétrospective.

[14]  Fait intéressant, le juge signale l’argument des intimés selon qui le PGC cherche à conférer une nouvelle conséquence juridique à des faits antérieurs (voir les motifs du juge au para. 67), sans toutefois s’attarder davantage à cette question, avant de conclure qu’en appliquant l’article 18.1 à une source humaine ayant fourni de l’information treize ou quatorze ans avant l’adoption du texte législatif, on donnerait un effet rétrospectif à ce dernier (voir les motifs du juge au para. 72).

[15]  Selon le juge, la seule question qui reste à trancher est de savoir si la loi porte atteinte à des droits substantiels ou acquis. Son analyse semble être fondée sur le paragraphe 10 de l’arrêt R. c. Dineley, 2012 CSC 58, [2012] 3 R.C.S. 272 [Dineley] (voir les motifs du juge au para. 61; voir également mes commentaires à cet effet aux paras. 30-31).

[16]  Le juge conclut que l’article 18.1 établit un nouveau privilège générique qui crée, d’après lui, des droits substantiels pour les sources humaines. Les intimés et les amici ont soutenu que le droit à l’anonymat conféré aux sources humaines est un droit substantiel puisqu’il découle du statut d’une personne en tant que source, lequel est obtenu dès la survenance de certains faits (voir les motifs du juge au para. 84). Ils ont fait valoir que le droit et le statut existent tous les deux, qu’il y ait litige ou non. C’est sur la foi de cet argument que le juge conclut que l’article 18.1 ne peut constituer qu’une simple règle de preuve ou de procédure.

[17]  Même s’il n’en explique pas clairement la nécessité pour son analyse, le juge poursuit en affirmant que, sans se prononcer sur le bien-fondé des affirmations contenues dans les actions civiles des intimés, la Cour « peut raisonnablement tirer une conclusion » selon laquelle l’application de l’article 18.1 « pourrait » nuire à la faculté des intimés de prouver leurs allégations devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario (voir les motifs du juge au para. 92).

[18]  Dans la dernière partie de ses motifs, le juge prend en considération un argument subsidiaire pour conclure que l’article 18.1 ne devrait pas s’appliquer. Il poursuit en examinant l’application de la présomption contre l’atteinte aux droits acquis, puis en se demandant si les intimés avaient un droit acquis en ce qui a trait à la communication des informations relatives à une source humaine, dont l’exercice n’était subordonné qu’à la pondération prévue à l’article 38. Aux paragraphes 95 à 98, il énonce les règles de droit qu’il entend respecter. Il est toutefois difficile de circonscrire le raisonnement du juge quant au poids qu’il accorde à la présomption, étant donné qu’il traite principalement d’arguments se rapportant à la nature des droits qui seraient dévolus aux intimés, y compris le fait que la décision qu’il a précédemment rendue dans le dossier DES-1-10 ne pouvait être revêtue de l’autorité de la chose jugée relativement aux nouveaux documents en cause dans le dossier DES-1-11. Il est très peu question de l’intention du législateur de réfuter la présomption.

[19]  Le juge mentionne qu’il ne peut accepter que, dans un examen mené en application de l’article 38, le droit d’obtenir des informations n’est acquis qu’au moment même où celles-ci sont communiquées. Il estime plutôt que les intimés avaient un droit à la communication d’informations dans le cadre du processus judiciaire civil « dès le début » (voir les motifs du juge au para. 107). La question à trancher dans un examen mené en application de l’article 38 est de savoir si, à l’étape de l’enquête préalable, des informations qui auraient été normalement communiquées peuvent être soustraites à la communication pour des raisons d’intérêt public.

[20]  Le juge mentionne ensuite qu’il ne s’agit pas de l’abrogation d’un texte législatif ni même d’un privilège de common law existant. Il conclut que l’arrêt Gustavson Drilling (1964) Ltd. c. M.N.R., [1977] 1 R.C.S. 271 [Gustavson], était de peu d’utilité, celui-ci traitant d’une question relative à l’impôt  sur le revenu et l’analogie avec la présente affaire étant ténue. À son avis, il était exagéré de comparer le droit à la communication dans une instance en cours au droit à une exonération fiscale particulière, dont les modifications annuelles auraient dû être envisagées par les contribuables.

[21]  Pour ce motif, il conclut qu’au moment où l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS est entré en vigueur, les intimés avaient un droit acquis au régime de communication établi pour la durée de l’instance  introduite en vertu de l’article 38 (voir les motifs du juge au para. 110).

III.  Dispositions législatives

[22]  Le nouvel article 18.1 est ainsi rédigé :

Objet de l’article — sources humaines

Purpose of section — human sources

18.1 (1) Le présent article vise à préserver l’anonymat des sources humaines afin de protéger leur vie et leur sécurité et d’encourager les personnes physiques à fournir des informations au Service.

18.1 (1) The purpose of this section is to ensure that the identity of human sources is kept confidential in order to protect their life and security and to encourage individuals to provide information to the Service.

Interdiction de communication

Prohibition on disclosure

(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (8), dans une instance devant un tribunal, un organisme ou une personne qui ont le pouvoir de contraindre à la production d’informations, nul ne peut communiquer l’identité d’une source humaine ou toute information qui permettrait de découvrir cette identité.

(2) Subject to subsections (3) and (8), no person shall, in a proceeding before a court, person or body with jurisdiction to compel the production of information, disclose the identity of a human source or any information from which the identity of a human source could be inferred.

Exception — consentement

Exception — consent

(3) L’identité d’une source humaine ou une information qui permettrait de découvrir cette identité peut être communiquée dans une instance visée au paragraphe (2) si la source humaine et le directeur y consentent.

(3) The identity of a human source or information from which the identity of a human source could be inferred may be disclosed in a proceeding referred to in subsection (2) if the human source and the Director consent to the disclosure of that information.

Demande à un juge

Application to judge

(4) La partie à une instance visée au paragraphe (2), l’amicus curiae nommé dans cette instance ou l’avocat spécial nommé sous le régime de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés peut demander à un juge de déclarer, par ordonnance, si une telle déclaration est pertinente dans l’instance :

(4) A party to a proceeding referred to in subsection (2), an amicus curiae who is appointed in respect of the proceeding or a person who is appointed to act as a special advocate if the proceeding is under the Immigration and Refugee Protection Act may apply to a judge for one of the following orders if it is relevant to the proceeding:

a) qu’une personne physique n’est pas une source humaine ou qu’une information ne permettrait pas de découvrir l’identité d’une source humaine;

(a) an order declaring that an individual is not a human source or that information is not information from which the identity of a human source could be inferred; or

b) dans le cas où l’instance est une poursuite pour infraction, que la communication de l’identité d’une source humaine ou d’une information qui permettrait de découvrir cette identité est essentielle pour établir l’innocence de l’accusé et que cette communication peut être faite dans la poursuite.

(b) if the proceeding is a prosecution of an offence, an order declaring that the disclosure of the identity of a human source or information from which the identity of a human source could be inferred is essential to establish the accused’s innocence and that it may be disclosed in the proceeding.

Contenu et signification de la demande

Contents and service of application

(5) La demande et l’affidavit du demandeur portant sur les faits sur lesquels il fonde celle-ci sont déposés au greffe de la Cour fédérale. Sans délai après le dépôt, le demandeur signifie copie de la demande et de l’affidavit au procureur général du Canada.

(5) The application and the applicant’s affidavit deposing to the facts relied on in support of the application shall be filed in the Registry of the Federal Court. The applicant shall, without delay after the application and affidavit are filed, serve a copy of them on the Attorney General of Canada.

Procureur général du Canada

Attorney General of Canada

(6) Le procureur général du Canada est réputé être partie à la demande dès que celle-ci lui est signifiée.

(6) Once served, the Attorney General of Canada is deemed to be a party to the application.

Audition

Hearing

(7) La demande est entendue à huis clos et en l’absence du demandeur et de son avocat, sauf si le juge en ordonne autrement.

(7) The hearing of the application shall be held in private and in the absence of the applicant and their counsel, unless the judge orders otherwise.

Ordonnance de communication pour établir l’innocence

Order — disclosure to establish innocence

(8) Si le juge accueille la demande présentée au titre de l’alinéa (4)b), il peut ordonner la communication qu’il estime indiquée sous réserve des conditions qu’il précise.

(8) If the judge grants an application made under paragraph (4)(b), the judge may order the disclosure that the judge considers appropriate subject to any conditions that the judge specifies.

Prise d’effet de l’ordonnance

Effective date of order

(9) Si la demande présentée au titre du paragraphe (4) est accueillie, l’ordonnance prend effet après l’expiration du délai prévu pour en appeler ou, en cas d’appel, après sa confirmation et l’épuisement des recours en appel.

(9) If the judge grants an application made under subsection (4), any order made by the judge does not take effect until the time provided to appeal the order has expired or, if the order is appealed and is confirmed, until either the time provided to appeal the judgement confirming the order has expired or all rights of appeal have been exhausted.

Confidentialité

Confidentiality

(10) Il incombe au juge de garantir la confidentialité :

(10) The judge shall ensure the confidentiality of the following:

a) d’une part, de l’identité de toute source humaine ainsi que de toute information qui permettrait de découvrir cette identité;

(a) the identity of any human source and any information from which the identity of a human source could be inferred; and

b) d’autre part, des informations et autres éléments de preuve qui lui sont fournis dans le cadre de la demande et dont la communication porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui.

(b) information and other evidence provided in respect of the application if, in the judge’s opinion, its disclosure would be injurious to national security or endanger the safety of any person.

Confidentialité en appel

Confidentiality on appeal

(11) En cas d’appel, le paragraphe (10) s’applique, avec les adaptations nécessaires, aux tribunaux d’appel.

(11) In the case of an appeal, subsection (10) applies, with any necessary modifications, to the court to which the appeal is taken.

[23]  L’expression « source humaine » est ainsi définie à l’article 2 :

source humaine Personne physique qui a reçu une promesse d’anonymat et qui, par la suite, a fourni, fournit ou pourrait vraisemblablement fournir des informations au Service.

human source means an individual who, after having received a promise of confidentiality, has provided, provides or is likely to provide information to the Service;

IV.  Analyse

A.  Norme de contrôle

[24]  La seule question dont est saisie notre Cour porte sur l’application temporelle de l’article 18.1. Il s’agit d’une question de droit assujettie à la norme de contrôle de la décision correcte (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235).

[25]  Toutefois, les intimés et l’amicus (un seul a comparu devant nous) soutiennent que l’existence d’un droit acquis pour les intimés, une question distincte portant à la fois sur les faits et le droit, est assujettie à la norme de l’erreur manifeste et dominante. Le PGC soutient pour sa part que, comme elle fait partie intégrante de l’interprétation de l’article 18.1, il s’agit plutôt d’une pure question de droit. À mon avis, il importe peu en l’espèce de se prononcer sur la norme de contrôle applicable à la question de savoir si les intimés ont un droit acquis (voir au para. 57).

B.  Remarques préliminaires

[26]  Avant de commencer mon analyse, j’aimerais faire quelques remarques préliminaires qu’il importe de garder à l’esprit dans l’examen de la jurisprudence invoquée par les parties ainsi que de la jurisprudence traitant de la difficile question de l’application des lois dans le temps.

[27]  Le premier obstacle, comme le mentionne le juge, découle de la terminologie non uniforme employée dans les anciens ouvrages de doctrine et dans la jurisprudence. Deuxièmement, il convient de ne pas confondre les divers principes d’interprétation des lois qui s’appliquent.

[28]  Le sens du terme « rétrospectif » n’est pas toujours clair, non seulement dans la jurisprudence ancienne, mais également dans la jurisprudence moderne. En fait, ce terme est souvent utilisé comme synonyme de « rétroactif ». Ce problème, je le répète, persiste à ce jour malgré les mises en garde constantes faites par des auteurs comme Elmer A. Driedger, Ruth Sullivan et P.A. Côté. Cette situation est malheureusement exacerbée par le fait que, dans bien des cas, l’on ne différencie pas suffisamment certaines présomptions, comme celles de non-rétroactivité et de non-rétrospectivité des lois (définies et analysées par M. Driedger dans « Statutes: Retroactive Retrospective Reflections » (1978) R. du B. can. 265 [Retroactive Retrospective Reflections] et par M. Côté dans Interprétation des lois aux pp. 153-157) de celle contre l’atteinte aux droits acquis. Cette dernière présomption s’applique généralement à toutes les lois et non pas seulement à celles qui sont rétroactives ou rétrospectives.

[29]  Évidemment, il est tentant de faire preuve de concision pour résumer sa pensée en fusionnant divers éléments de ces principes d’interprétation très distincts. Mais ce faisant, on risque de confondre involontairement des présomptions qui n’ont pas la même force et qui sont susceptibles d’être réfutées par différents moyens.

[30]  L’une de ces présomptions veut que des dispositions procédurales s’appliquent immédiatement à l’ensemble des instances en cours relativement aux actes futurs. Il peut être exact de dire que cette présomption ne s’appliquera pas si les dispositions procédurales en question créent des droits substantiels ou y portent atteinte. Il en est ainsi, non pas par exception à l’application de la présomption, mais plutôt parce qu’une disposition n’est pas en soi simplement ou uniquement une disposition procédurale si elle a une incidence sur des droits substantiels. Ainsi, la présomption n’intervient tout simplement pas dans de tels cas. Dans un autre ordre d’idées — néanmoins connexes —, même les dispositions d’application immédiate ou prospective sont assujetties à la présomption contre l’atteinte aux droits acquis.

[31]  Comme l’a souligné M. Driedger, il est erroné de conclure qu’une loi est rétroactive ou rétrospective pour la simple raison qu’elle porte atteinte à des droits acquis (Retroactive Retrospective Reflections à la p. 266). En effet, encore une fois, la présomption contre l’atteinte aux droits acquis est distincte de celles de non-rétroactivité ou de non-rétrospectivité et n’a pas le même poids. Il se peut que le même résultat soit obtenu en pratique. Néanmoins, comme l’application temporelle de la loi en l’absence de dispositions transitoires claires se révèle difficile, il convient de maintenir les distinctions entre ces concepts pour veiller à leur accorder le poids qui convient tout au long de l’analyse téléologique. À titre d’exemple, au paragraphe 10 de l’arrêt Dineley, il est évident que la juge Deschamps n’avait pas l’intention de changer les règles d’interprétation applicables. Ces règles sont décrites plus en détail par le juge Cromwell au paragraphe 35 de ce même arrêt (voir également les motifs du juge Bastarache dans l’arrêt Dikranian c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 73 aux paras. 45-51, [2005] 3 R.C.S. 530 [Dikranian]).

[32]  Les droits acquis sont forcément des droits substantiels, puisqu’il n’y a aucun droit acquis à de simples processus ou procédure. Ainsi, dans ce sens seulement, on peut déduire d’une nouvelle disposition qui porte atteinte à des droits acquis qu’elle n’est pas simplement de nature procédurale. Cela explique les propos de la juge Deschamps au paragraphe 10 de l’arrêt Dineley en référence à l’arrêt Wildman c. La Reine, [1984] 2 R.C.S. 311, dans lequel le juge Lamer devait décider si la règle de preuve en question portait sur des droits substantiels ou simplement sur la procédure.

[33]  Je vais maintenant passer à l’analyse.

[34]  Dans le présent appel, les parties ont soulevé des arguments quant aux quatre présomptions distinctes qui suivent :

  1. La présomption selon laquelle le législateur n’entend pas que les lois s’appliquent rétroactivement, soit de manière à changer les conséquences juridiques passées d’une situation qui est survenue entièrement dans le passé. Cette présomption est forte (Ruth Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 6e éd., Markham (On), LexisNexis, 2014 à la p. 761, au para. 1);
  2. La présomption selon laquelle le législateur n’entend pas que les lois s’appliquent rétrospectivement (selon la définition qu’en donne M. Driedger dans Retroactive Retrospective Reflections), soit de manière à changer les conséquences juridiques futures d’une situation qui est survenue entièrement dans le passé, à moins qu’elle n’ait été adoptée pour protéger le public. Le poids de cette présomption est variable (Ibid. à la p. 761, au para. 2); nous ne pouvons donc pas simplement la qualifier de « forte », comme c’est le cas pour la présomption de non-rétroactivité;
  1. La présomption voulant que le législateur entende que les lois à vocation procédurale s’appliquent immédiatement tant aux instances en cours qu’aux mesures futures (Ibid, à la p. 761, au para. 5);

  2. La présomption selon laquelle le législateur n’entend pas porter atteinte à des droits acquis. Au risque de me répéter, le poids de cette présomption varie selon divers facteurs, comme la nature du droit protégé et l’effet inéquitable ou arbitraire qu’aurait l’abolition ou la limitation de ce droit. La présomption est souvent réfutée en l’absence de termes exprès dans le texte législatif (Ibid. à la p. 761, au para. 3; voir également Interprétation des lois à la p. 182).

[35]  Je n’ai pas l’intention de traiter en détail des première et troisième présomptions puisque, à mon avis, elles ne trouvent pas application en l’espèce.

[36]  En effet, il est évident, selon moi, que l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS n’est pas destiné à avoir un effet rétroactif, c’est-à-dire à influer sur les conséquences juridiques passées d’une situation qui est survenue entièrement dans le passé.

[37]  Je suis également d’accord avec les intimés et l’amicus que l’article 18.1 ne prévoit pas simplement une règle de preuve de nature procédurale. Comme il est indiqué dans Demande fondée sur l’art. 83.28 du Code criminel (Re), 2004 CSC 42 au para. 56, [2004] 2 R.C.S. 248, « […] pour qu’une disposition soit considérée comme étant de nature procédurale, elle doit toucher exclusivement la procédure ». Le commentaire du juge, selon lequel l’application de l’article 18.1 écarterait la compétence que lui confère l’article 38 relativement aux informations qui permettraient de découvrir l’identité de sources humaines (voir les motifs du juge au para. 63), appuie les autres arguments analysés en l’espèce quant à la nature substantielle de l’article 18.1.

[38]  Bien que certaines dispositions de l’article 18.1 portent sur la procédure applicable (voir les paragraphes 18.1(4)-(7)), cet article confère un droit substantiel aux sources humaines découlant de leur statut et de leur relation particulière avec le SCRS. Le privilège générique créé par l’article 18.1 se rapproche (mais se distingue) du privilège générique accordé par la common law aux indicateurs de police, privilège que notre Cour a décrit dans Almalki 2011 comme étant « une règle juridique d’ordre public qui s’impose au juge » (voir aux paras. 15-18). Cette description va dans le même sens que la prétention du PGC selon laquelle l’adoption du projet de loi C-44 découle des commentaires formulés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Harkat CSC, dans lequel elle a confirmé que seul le législateur pouvait créer un tel privilège générique pour les sources humaines du SCRS s’il le jugeait souhaitable.

[39]  L’article 18.1 crée ainsi une exception au droit du public « à la preuve émanant de toutes les sources » (R. c. National Post, 2010 CSC 16 au para. 1, [2010] 1 R.C.S. 477). Il l’emporte sur l’intérêt public à la communication de toute la preuve en soustrayant cette dernière à la compétence que l’article 38 de la LPC confère à la Cour fédérale.

[40]  Cette interprétation est la seule qui cadre avec le choix du législateur d’inclure un paragraphe précis indiquant très clairement que l’objet de la disposition est de protéger la vie et la sécurité des sources humaines et d’encourager les personnes physiques à fournir des informations au SCRS (voir le paragraphe 18.1(1)). Il ne serait guère logique de faire une telle déclaration si la disposition ne prévoyait qu’un simple processus ou qu’une simple procédure.

[41]  La question suivante est de savoir si la deuxième présomption trouve application (car l’article 18.1 influe sur les conséquences juridiques futures d’une situation survenue entièrement avant l’adoption de cette disposition) ou si l’article 18.1 s’applique simplement prospectivement (c’est-à-dire s’il influe sur les conséquences juridiques futures d’une situation en cours, comme le statut d’une personne physique à titre de source humaine).

C.  La présomption de non-rétrospectivité trouve-t-elle application?

[42]  Comme je l’ai fait remarquer au paragraphe 16, les intimés et l’amicus ont fait valoir, au moment de présenter leurs arguments au juge, que le droit énoncé à l’article 18.1 repose sur le statut d’une personne à titre de source humaine. Je suis d’accord.

[43]  Même si cet argument visait à répondre à la troisième présomption, il importe de le prendre en considération lorsqu’il s’agit de définir la « situation » à laquelle les dispositions législatives en cause sont censées s’appliquer ou à laquelle elles attachent des conséquences juridiques.

[44]  En effet, comme l’ont souligné tant M. Côté que M. Driedger, l’étape la plus importante dans l’application des diverses présomptions est de caractériser correctement la situation à laquelle la loi s’applique (Pierre-André Coté, « La position temporelle des faits juridiques et l’application de la loi dans le temps » (1988) 22 R.J.T. 207 aux pp. 210-211 [Position temporelle des faits juridiques]; Interprétation des lois à la p. 148). Il s’agit rarement d’une tâche facile et cela requiert l’interprétation téléologique de la disposition en cause. Comme l’a fait remarquer le juge Iacobucci, s’exprimant au nom de la Cour dans Benner c. Canada (Secrétaire d’État), [1997] 1 R.C.S. 358 aux paras. 45-46 [Benner] :

La question à trancher consiste donc à caractériser la situation […].

[B]ien des situations peuvent raisonnablement être considérées comme mettant en jeu à la fois des événements précis et isolés et des conditions en cours. Ainsi, un statut ou une condition en cours découlera souvent d’un événement passé précis et isolé. Une déclaration de culpabilité en matière criminelle constitue un événement unique précis et isolé, mais elle crée une condition en cours, celle d’être en détention, ou le statut de « détenu ». Des observations semblables vaudraient également en ce qui a trait au mariage ou au divorce. Pour déterminer si une affaire donnée emporte l’application de la Charte à un événement passé, ou simplement à une condition ou à un statut en cours, il faut se demander si, compte tenu de toutes les circonstances, l’élément le plus important ou le plus pertinent de cette affaire est l’événement passé ou la condition en cours qui en résulte. Il s’agit là, comme je l’ai dit plus tôt, d’une question de caractérisation, qui variera selon les circonstances. La détermination dépendra des faits de l’espèce, du texte de loi en cause et du droit garanti par la Charte dont le demandeur sollicite l’application.

[45]  Il existe une différence importante entre une disposition législative destinée à imposer des conséquences à un statut ou à une situation en cours et celle qui prévoit les conséquences juridiques futures ou passées d’un événement qui est survenu entièrement dans le passé (voir Benner au para. 42, où le juge Iacobucci s’appuie sur la proposition de M. Driedger, qu’il a réitérée dans Construction of Statutes, 2e éd., (Toronto, Butterworths, 1983. Il semble que cette étape importante n’ait pas été examinée par le juge, qui a axé son analyse sur le fait que, dans ce cas, les faits ayant engendré la relation entre une personne et le SCRS s’étaient déroulés bien avant l’adoption de l’article 18.1. En même temps, le juge a accepté que ce qu’on appelle le privilège générique découle du statut en cours d’une personne à titre de source humaine.

[46]  Les expressions « sources humaines » ou « sources humaines du SCRS » ne sont pas nouvelles. Elles ont souvent été utilisées par le passé (voir, par exemple, la décision Canada (Procureur général) c. Telbani, 2014 CF 1050 aux paras. 45-47). Elles ont également été utilisées par les intimés en l’espèce, et ce, bien avant la rédaction du projet de loi C-44 (voir la partie intitulée Renseignements provenant de sources humaines de la décision du juge dans Almalki 2010 aux paras. 163-170; voir aussi l’arrêt Almalki 2011 aux paras. 10-34). Dans Harkat CSC, aux paragraphes 78-87, ces expressions sont reprises, mais renvoient à un autre régime législatif.

[47]  Point n’était besoin d’inclure une définition de « source humaine » dans la Loi sur le SCRS. En l’absence d’une telle définition, il ne faisait aucun doute que la Loi devait s’appliquer au statut en cours (ou à « l’état ») de source humaine. Cependant, compte tenu des divers commentaires jurisprudentiels concernant l’interprétation antérieure de ce terme par le SCRS lui-même, on peut supposer que le législateur estimait souhaitable de définir les « ingrédients » permettant d’établir les rapports donnant naissance au statut de source humaine.

[48]  L’intention du législateur ressort clairement du libellé de la définition (voir au para. 23) dans son contexte, y compris de celui de l’alinéa 18.1(4)a) qui confère le droit de faire valoir « qu’une personne physique n’est pas une source humaine ». Dès lors qu’une personne physique répond aux critères énoncés à l’article 2, elle constitue une source et elle conserve ce statut de manière continue. Pour reprendre les termes de M. Driedger, c’est [traduction] « l’état » de source qui entraîne les conséquences juridiques décrites à l’article 18.1, même si la relation ayant donné lieu à ce statut a été établie avant l’adoption de la Loi sur le SCRS (voir aussi Position temporelle des faits juridiques aux pp. 215-219, 228, 229, 236, 237).

[49]  À l’audience, l’amicus a convenu que la Cour pouvait en venir à une telle conclusion. Il a souligné que le présent appel, à son avis, portait fondamentalement sur l’application de la présomption contre l’atteinte aux droits acquis. Je suis du même avis et j’aborderai ensuite ce principe.

[50]  Pour conclure la présente partie, étant donné que les nouvelles dispositions sont destinées à s’appliquer à une situation en cours, à savoir le statut de source humaine, la présomption de non-rétrospectivité des dispositions législatives en cause n’entre pas en jeu.

[51]  Comme les présomptions de non-rétrospectivité et de non-rétroactivité ne trouvent pas application, il n’est guère nécessaire d’examiner la conclusion du juge selon laquelle l’article 18.1 « pourrait » en fin de compte nuire à la capacité des défendeurs d’établir le bien-fondé de leurs allégations devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario (voir les motifs du juge au para. 92).

[52]  En effet, il semble avoir jugé nécessaire de traiter de cette question — qui, selon lui, se distingue de celle de savoir si les défendeurs avaient des droits acquis à la divulgation de renseignements pouvant permettre d’identifier une source humaine, dont l’exercice était subordonné à l’application de l’article 38 (partie V.B.(3) de ses motifs) —, car, selon lui, une telle situation entraîne une application rétrospective de l’article 18.1 (voir les motifs du juge au para. 61).

[53]  Quoi qu’il en soit, compte tenu de la nature limitée de l’information protégée par l’article 18.1 ainsi que du type d’information divulguée par le passé dans les instances qui soulevaient l’application de l’article 38, et sans connaître toute l’information déjà mise à la disposition des intimés, il est impossible de décider si la conclusion quant à une « incidence possible » est fondée.

D.  La présomption contre l’atteinte aux droits acquis

[54]  Tout au long de mon analyse, j’ai manifestement suivi l’approche moderne d’interprétation législative qui requiert qu’on interprète les termes d’une loi dans leur contexte global (ce qui comprend les présomptions applicables), en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’économie de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur. Comme l’a souligné le juge Bastarache dans l’arrêt Dikranian, il est particulièrement important, lorsqu’il s’agit de la présomption contre l’atteinte aux droits acquis, d’éviter de tomber dans le piège de l’interprétation littérale des dispositions législatives (Dikranian au para. 36).

[55]  Bien qu’il s’agisse de la dernière partie de l’analyse, j’estime qu’il vaut mieux traiter de l’objet ainsi que de l’évolution et de l’historique législatifs de la disposition en cause de manière plus détaillée dans cette partie afin d’éviter toute répétition. J’aborderai ce point après avoir décidé si oui ou non les intimés ont un droit acquis faisant intervenir la présomption contre l’atteinte à de tels droits.

[56]  À l’exception de la question de l’autorité de la chose jugée, les arguments des parties étaient essentiellement les mêmes que ceux mentionnés à la partie V.B.(3) des motifs du juge.

[57]  Comme je l’ai noté précédemment (voir au para. 25), je ne crois pas que la question de la norme de contrôle à appliquer soit pertinente, car j’estime que le juge n’a pas fait d’erreur en décidant que le droit des intimés à la communication de tous les renseignements pertinents, dont l’exercice est subordonné à l’application de l’article 38, ne se résume pas un droit de nature procédurale.

[58]  Dans l’arrêt Abou-Elmaati v. Canada (Attorney General), 2011 ONCA 95 aux paras. 17-21 (un jugement rendu dans des instances civiles intentées par certains des intimés), la Cour d’appel de l’Ontario a conclu que le régime établi par l’article 38 de la LPC constitue en fait une libéralisation du privilège conféré en common law à la Couronne et fondé sur les relations internationales, la sécurité nationale et la défense nationale, lequel était auparavant un privilège absolu ne pouvant être contesté d’aucune manière.

[59]  Comme j’y ai fait allusion précédemment, le nouvel article 18.1 a effectivement remplacé la règle antérieure qui s’appliquait aux sources humaines du SCRS en supprimant la mention de ces sources à l’ancien paragraphe 18(1) de la Loi sur le SCRS. En effet, l’ancien paragraphe 18(2) permettait l’application de l’article 38 de la LPC jusqu’à l’introduction des modifications en avril 2015 (les dispositions antérieures sont reproduites à l’annexe A).

[60]  Ainsi, lorsqu’on examine le contexte historique et l’évolution législative de l’article 38 de la LPC et de l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS, il ne fait aucun doute que la nouvelle disposition prive les intimés du bénéfice de la version plus libérale du privilège découlant de l’application de l’article 38 de la LPC, qui régissait la question de l’identité des sources et des informations qui tendraient à découvrir leur identité jusqu’à présent.

[61]  En ce sens, je suis d’accord avec l’amicus pour dire que les modifications récentes changent les [traduction] « règles du jeu au détriment des intimés » (Mémoire des faits et du droit de l’amicus curiae au para. 29). Je dois donc décider si la présomption selon laquelle l’intention du législateur n’était pas d’entraîner un tel résultat a été réfutée.

[62]  Comme je le souligne au paragraphe 34, le poids de cette dernière présomption varie selon divers facteurs, comme la nature et l’importance du droit que les intimés cherchent à protéger et l’iniquité ou le caractère arbitraire de la décision de les en priver. En adoptant une interprétation téléologique, la Cour doit également tenter de voir si ces conséquences indésirables sont nécessaires ou justifiées pour l’atteinte du ou des objectifs du législateur.

[63]  Comme l’a souligné le juge au paragraphe 43 de ses motifs, « [p]our reprendre les termes de l’auteur du projet de loi, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, la modification [le nouvel article 18.1] vise à accroître la protection des sources humaines du Service canadien du renseignement de sécurité ».

[64]  Le paragraphe 18.1(1) prescrit expressément ce qui suit :

Objet de l’article — sources humaines

Purpose of section — human sources

18.1 (1) Le présent article vise à préserver l’anonymat des sources humaines afin de protéger leur vie et leur sécurité et d’encourager les personnes physiques à fournir des informations au Service.

18.1 (1) The purpose of this section is to ensure that the identity of human sources is kept confidential in order to protect their life and security and to encourage individuals to provide information to the Service.

[65]  Les intimés font valoir qu’à l’égard des « véritables » sources humaines les modifications sont redondantes et n’ajoutent rien de plus à la protection accordée au titre de l’article 38. Dans leur mémoire, les intimés affirment également que le fait d’encourager des personnes physiques à fournir des informations ne justifie pas nécessairement une atteinte à leurs propres droits acquis.

[66]  Je ne peux souscrire à ces arguments. Le législateur ne parle pas inutilement et le nouveau texte législatif est présumé apporter une solution de droit. Comme l’a fait valoir le PGC, les nouvelles dispositions législatives étaient destinées à combler une lacune apparente après que la Cour suprême du Canada eut confirmé que le privilège absolu de common law accordé aux indicateurs de police ne s’appliquait pas aux sources humaines du SCRS. Par conséquent, en théorie, un juge pouvait décider de révéler des renseignements permettant d’identifier ces sources s’il estimait que l’intérêt public l’emportait. L’adoption de l’article 18.1 signifie que le législateur a soupesé tous les facteurs pertinents et a jugé que l’intérêt public dans la non-communication de ce type précis et plutôt limité d’informations doit l’emporter sur tous les autres droits, sous réserve de l’alinéa 18.1(4)b).

[67]  Il est également important de garder à l’esprit que le législateur est réputé connaître la loi et savoir comment elle est appliquée. Ainsi, il est présumé, avant d’adopter l’article 18.1, avoir été au fait de la manière dont l’article 38 a été appliqué ainsi que de la manière dont s’effectue la mise en balance de l’intérêt public militant pour et contre la communication. En effet, les remarques qui suivent sont également utiles lorsqu’il s’agit de circonscrire les paramètres du droit acquis en l’espèce.

[68]  Il était généralement admis devant nous que l’identité des sources humaines ou les informations qui permettraient d’identifier des sources humaines n’avaient jamais été communiquées à ce jour dans le cadre d’instances soulevant l’application de l’article 38, y compris dans le dossier DES-1-10. Le juge souligne expressément au paragraphe 25 de ses motifs qu’aucune information de ce genre n’a été communiquée aux intimés dans le dossier DES-1-10.

[69]  Le juge a également mentionné dans ses motifs dans la décision Almalki 2010 que le principal intérêt du public à la communication dont l’objet est de faire en sorte que le tribunal de première instance dispose de tous les éléments pertinents possibles, ne constitue pas en soi le facteur déterminant justifiant la communication lorsque la sécurité nationale est en jeu (voir Almalki 2010 au para. 178). Il est également pertinent de mentionner que, dans cette décision, le juge était pleinement conscient de l’importance pour l’intérêt public d’obliger le gouvernement à répondre des présumés actes et omissions invoqués par les intimés dans les instances civiles. Il a toutefois souligné que, malgré les violations qu’ils invoquent à l’égard de leurs droits garantis par la Charte, la sécurité et les autres droits que la Charte garantit aux intimés ne sont pas actuellement en jeu dans les instances principales (voir les motifs du juge; Almalki 2010 aux paras. 181-185; voir également les commentaires de notre Cour dans l’arrêt Almalki 2011 aux paras. 32-33).

[70]  Lorsque l’on prend en considération le court laps de temps entre le jugement rendu par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Harkat (mai 2014) et le dépôt du projet de loi C-44 (octobre 2014), on peut supposer que le législateur estimait qu’il était urgent de remédier à ce mal par l’adoption de l’article 18.1. Ce mal consistait en la perception selon laquelle les sources humaines du SCRS n’étaient pas automatiquement protégées par un privilège d’anonymat s’apparentant à celui accordé aux indicateurs de police et que leur protection dépendait entièrement de la procédure prescrite à l’article 38.

[71]  Force m’est donc de conclure que c’est justement les cas où les intimés ont la « possibilité », même faible, d’obtenir la communication de renseignements permettant de découvrir l’identité de sources humaines par l’entremise de l’article 38 que le législateur visait en adoptant l’article 18.1.

[72]  Je suis d’accord avec l’amicus pour dire que l’article 18.1 aurait été plus clair et aurait certainement rendu notre tâche plus facile si le législateur avait ajouté, après « une instance devant un tribunal » au paragraphe 18.1(2), la précision « intentée avant ou après l’entrée en vigueur du présent paragraphe » (soit un libellé s’apparentant à celui d’une disposition transitoire). Cependant, lorsqu’on interprète les termes de la disposition à la lumière de leur contexte conformément aux principes d’interprétation téléologique, l’absence de ces mots ne suffit pas, à mon avis, à empêcher la conclusion que le législateur avait l’intention d’interdire la communication des informations indiquées à l’article 18.1 dans toutes les instances.

[73]  Je suis d’accord avec le PGC pour dire que, vu la faible possibilité que les intimés obtiennent des informations susceptibles de découvrir l’identité de sources humaines dans l’instance soulevant l’application de l’article 38, compte tenu de l’intention claire du législateur de protéger la vie et la sécurité de toute personne physique qui est une source humaine (statut en cours), il est difficile, voire impossible, de conclure que le législateur avait l’intention de laisser ouverte la possibilité d’une communication. Cette conclusion s’impose car, selon le législateur, la communication pourrait avoir une incidence directe sur la vie et la sécurité des sources humaines. Qui plus est, à mon avis, si l’on apprenait que la vie d’une source humaine est menacée ou perdue, peu importe le moment où cette personne est devenue une source, une telle situation pourrait miner la faculté pour le SCRS de recruter de nouvelles sources humaines.

[74]  Bien que cela ne soit pas déterminant, j’estime également que l’atteinte aux droits en cause n’est, en l’espèce, ni arbitraire ni injuste. L’article 38 oblige le juge à veiller à ce que les intimés reçoivent le plus d’informations possible quant à la teneur des informations ayant été véritablement transmises par la source. De plus, le paragraphe 18.1(4) énonce diverses protections auxquelles les intimés peuvent avoir recours, le cas échéant.

[75]  En effet, il est important de se rappeler que le nouveau régime énoncé à l’article 18.1 prévoit la faculté, pour les parties comme les intimés ou l’amicus, de soumettre une demande à la cour en vue de contester le fait qu’une personne physique est une source humaine au sens de la Loi sur le SCRS et que les informations qui tendraient à découvrir l’identité d’une telle source permettent bel et bien d’identifier la source.

[76]  J’ai également quelques réserves relativement à l’argument selon lequel la définition de « source humaine » dans la Loi sur le SCRS est beaucoup plus large que celle qu’employaient antérieurement les juges pour la même expression. Il est bien possible que, par le passé, le SCRS n’ait pas fait preuve de suffisamment de discernement quand il s’agissait de décider si une personne physique constituait une « véritable » source humaine mais, compte tenu de l’incidence de l’article 18.1, je suis persuadée que les tribunaux surveilleront dorénavant très attentivement ce processus. Il est trop tôt pour conclure que la définition à l’article 2 de la Loi sur le SCRS recevra une interprétation large. Il faudra attendre que la jurisprudence se développe dans le contexte de demandes soulevant l’application du paragraphe 18.1(2).

[77]  Je suis convaincue que la présomption contre l’atteinte aux droits acquis est réfutée en l’espèce.

[78]  Pour l’ensemble des motifs qui précèdent, je conclus que l’article 18.1 s’applique à l’instance qui soulève l’application de l’article 38 dans le dossier DES-1-11 et je propose d’accueillir l’appel. J’annulerais le jugement de la Cour fédérale et, en rendant le jugement qui aurait dû être rendu, je déclarerais que l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS s’applique à l’instance dans le dossier DES-1-11.

« Johanne Gauthier »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

A.F. Scott, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Yves de Montigny, j.c.a »


ANNEXE A

18. (1) Sous réserve du paragraphe (2), nul ne peut communiquer des informations qu’il a acquises ou auxquelles il avait accès dans l’exercice des fonctions qui lui sont conférées en vertu de la présente loi ou lors de sa participation à l’exécution ou au contrôle d’application de cette loi et qui permettraient de découvrir l’identité :

18. (1) Subject to subsection (2), no person shall disclose any information that the person obtained or to which the person had access in the course of the performance by that person of duties and functions under this Act or the participation by that person in the administration or enforcement of this Act and from which the identity of

a) d’une autre personne qui fournit ou a fourni au Service des informations ou une aide à titre confidentiel;

(a) any other person who is or was a confidential source of information or assistance to the Service, or

b) d’une personne qui est ou était un employé occupé à des activités opérationnelles cachées du Service.

(b) any person who is or was an employee engaged in covert operational activities of the Service can be inferred

Exceptions

Exceptions

(2) La communication visée au paragraphe (1) peut se faire dans l’exercice de fonctions conférées en vertu de la présente loi ou de toute autre loi fédérale ou pour l’exécution ou le contrôle d’application de la présente loi, si une autre règle de droit l’exige ou dans les circonstances visées aux alinéas 19(2)a) à d).

(2) A person may disclose information referred to in subsection (1) for the purposes of the performance of duties and functions under this Act or any other Act of Parliament or the administration or enforcement of this Act or as required by any other law or in the circumstances described in any of paragraphs 19(2)(a) to (d).

Infraction

Offence

(3) Quiconque contrevient au paragraphe (1) est coupable :

(3) Everyone who contravenes subsection (1)

a) soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans;

(a) is guilty of an indictable offence and liable to imprisonment for a term not exceeding five years; or

b) soit d’une infraction punissable par procédure sommaire

(b) is guilty of an offence punishable on summary conviction.

19. (1) Les informations qu’acquiert le Service dans l’exercice des fonctions qui lui sont conférées en vertu de la présente loi ne peuvent être communiquées qu’en conformité avec le présent article.

19. (1) Information obtained in the performance of the duties and functions of the Service under this Act shall not be disclosed by the Service except in accordance with this section.

Idem

Idem

(2) Le Service peut, en vue de l’exercice des fonctions qui lui sont conférées en vertu de la présente loi ou pour l’exécution ou le contrôle d’application de celle-ci, ou en conformité avec les exigences d’une autre règle de droit, communiquer les informations visées au paragraphe (1). Il peut aussi les communiquer aux autorités ou personnes suivantes :

(2) The Service may disclose information referred to in subsection (1) for the purposes of the performance of its duties and functions under this Act or the administration or enforcement of this Act or as required by any other law and may also disclose such information,

a) lorsqu’elles peuvent servir dans le cadre d’une enquête ou de poursuites relatives à une infraction présumée à une loi fédérale ou provinciale, aux agents de la paix compétents pour mener l’enquête, au procureur général du Canada et au procureur général de la province où des poursuites peuvent être intentées à l’égard de cette infraction;

(a) where the information may be used in the investigation or prosecution of an alleged contravention of any law of Canada or a province, to a peace officer having jurisdiction to investigate the alleged contravention and to the Attorney General of Canada and the Attorney General of the province in which proceedings in respect of the alleged contravention may be taken;

b) lorsqu’elles concernent la conduite des affaires internationales du Canada, au ministre des Affaires étrangères ou à la personne qu’il désigne à cette fin;

(b) where the information relates to the conduct of the international affairs of Canada, to the Minister of Foreign Affairs or a person designated by the Minister of Foreign Affairs for the purpose;

c) lorsqu’elles concernent la défense du Canada, au ministre de la Défense nationale ou à la personne qu’il désigne à cette fin;

(c) where the information is relevant to the defence of Canada, to the Minister of National Defence or a person designated by the Minister of National Defence for the purpose; or

d) lorsque, selon le ministre, leur communication à un ministre ou à une personne appartenant à l’administration publique fédérale est essentielle pour des raisons d’intérêt public et que celles-ci justifient nettement une éventuelle violation de la vie privée, à ce ministre ou à cette personne.

(d) where, in the opinion of the Minister, disclosure of the information to any minister of the Crown or person in the federal public administration is essential in the public interest and that interest clearly outweighs any invasion of privacy that could result from the disclosure, to that minister or person.

Rapport au comité de surveillance

Report to Review Committee

(3) Dans les plus brefs délais possible après la communication visée à l’alinéa (2)d), le directeur en fait rapport au comité de surveillance.

(3) The Director shall, as soon as practicable after a disclosure referred to in paragraph (2) (d) is made, submit a report to the Review Committee with respect to the disclosure.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR FÉDÉRALE DATÉ DU 23 NOVEMBRE 2015, DOSSIER NO DES-1-11 (2015 CF 1278)

DOSSIER :

A-520-15

 

INTITULÉ :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA C. ABDULLAH ALMALKI ET AL.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 juin 2016

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GAUTHIER

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE SCOTT

LE JUGE DE MONTIGNY

DATE DES MOTIFS :

Le 8 juillet 2016

COMPARUTIONS :

Christopher Rupar

Derek Rasmussen

Pour l’appelant

Barbara L. Jackman

Pour les intimés
(Elmaati et Nureddin)

John Norris

AMICUS CURIAE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour l’appelant

Jackman and Associates LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

Stockwoods LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour les intimés

John Norris

Toronto (Ontario)

AMICUS CURIAE

 

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