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Date : 20160831


Dossier : A-272-15

Référence : 2016 CAF 212

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE SCOTT

 

ENTRE :

BEAM SUNTORY INC., BEAM CANADA INC. ET JIM BEAM BRANDS CO.

appelantes

et

DOMAINES PINNACLE INC.

intimée

Audience tenue à Montréal (Québec), le 7 mars 2016

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 31 août 2016

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE PELLETIER

Y A SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE SCOTT


Date : 20160831


Dossier : A-272-15

Référence : 2016 CAF 212

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE SCOTT

 

ENTRE :

BEAM SUNTORY INC., BEAM CANADA INC. ET JIM BEAM BRANDS CO.

appelantes

et

DOMAINES PINNACLE INC.

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PELLETIER

[1]               Les appelantes Beam Suntory Inc., Beam Canada Inc., et Jim Beam Brands Co. (collectivement appelées « Beam ») ont été poursuivies en Cour fédérale et en Cour supérieure du Québec par l’intimée Domaines Pinnacle Inc. (« Domaines ») relativement à des problèmes en matière de marque de commerce découlant de l’utilisation du mot « Pinnacle » en lien avec la vente de boissons alcoolisées. À l’approche de l’instruction en Cour fédérale, les parties ont tenu des discussions en vue d’un règlement, et c’est ainsi que Beam a fait, en vertu de l’article 420 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, une offre de règlement prévoyant que la demande et la demande reconventionnelle introduites en Cour fédérale seraient abandonnées et que chacune des parties assumerait ses propres frais. Cette offre a été acceptée, mais les parties ne se sont pas entendues quant à la question de savoir si l’offre comprenait également le désistement de la poursuite en Cour supérieure. Beam affirme que l’offre comprend le désistement de la poursuite en Cour supérieure alors que Domaines prétend le contraire.

[2]               Chacune des parties a saisi la Cour fédérale d’une requête en vue de faire confirmer sa position. Dans des motifs publiés sous la référence 2015 CF 680 (motifs), le juge de la Cour fédérale a conclu qu’il y avait eu règlement de l’action et de la demande reconventionnelle introduites en Cour fédérale, mais que l’action intentée en Cour supérieure n’était pas réglée. Par conséquent, il a ordonné un sursis permanent des procédures en ce qui concerne la demande reconventionnelle de Beam. Beam interjette appel de cette décision.

[3]               Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis de rejeter l’appel.

I.                   LES FAITS

[4]               Le résumé des faits qui suit est tiré d’une décision qui a été rendue dans la présente affaire. Il explique la nature du différend entre les parties ainsi que l’historique des procédures qui ont mené aux événements qui sont à l’origine du présent appel.

7          La demanderesse [Domaines] fabrique divers produits alcoolisés à base de pommes, et particulièrement un cidre de glace, portant le nom « Domaine Pinnacle ». La demanderesse en fait la vente depuis 2001 dans sa boutique et depuis 2002 à la Société des alcools du Québec. Les défenderesses [Beam] distribuent des vodkas aromatisées portant également le nom de « Pinnacle ». La marque de vodka Pinnacle a été mise en circulation d’abord aux États‑Unis en 2003, et ensuite en 2005 par une des défenderesses à l’action en Cour fédérale : White Rock Distilleries, Inc. Par la suite, Jim Beam Brands Co. et Beam Inc. en ont fait l’acquisition en juin 2012 et ont continué de vendre la vodka Pinnacle au Canada, à l’exception du Québec.

8          Le 7 décembre 2012, la demanderesse a présenté une requête introductive d’instance à la Cour supérieure du Québec, visant à obtenir des injonctions permanente, interlocutoire et provisoire à l’encontre de la défenderesse Beam Inc. afin d’empêcher la commercialisation des vodkas et autres produits alcoolisés Pinnacle sur le marché québécois.

9          Le 13 février 2013, la demanderesse a également introduit une instance en Cour fédérale contre les défenderesses Beam Inc., Beam Canada Inc., et White Rock Distilleries Inc., alléguant la concurrence déloyale et la violation d’une marque de commerce en vertu des alinéas 7b) et 7c) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13. Les défenderesses Beam Inc. et Beam Canada Inc. se sont portées demanderesses reconventionnelles en demandant, entre autres, une déclaration selon laquelle l’utilisation de la marque « Pinnacle » pour leur vodka ne viole aucun droit allégué par la demanderesse au Canada en vertu de la Loi sur les marques de commerce.

10        Le 25 avril 2013, les défenderesses ont fait connaître leur intention de demander la suspension des procédures en Cour supérieure du Québec, estimant qu’il s’agissait d’un dédoublement des procédures en Cour fédérale en ce qui concerne le Québec et avançant des arguments de litispendance et/ou forum non conveniens. Le 26 avril 2013, la demanderesse a présenté une requête en Cour fédérale pour amender sa déclaration en vertu de l’article 75 des Règles, souhaitant expressément exclure le Québec de son acte de procédure. Les défenderesses ont contesté cette requête en amendement et une audience a eu lieu devant le protonotaire Morneau le 13 mai 2013. L’ordonnance faisant l’objet du présent appel fut rendue le 14 mai 2013.

(Domaines Pinnacle Inc. c. Beam Inc., 2013 CF 831, [2013] A.C.F. no 982 (Domaines 2013).)

[5]               J’ajouterais, pour compléter ce résumé des faits, que la demande de suspension des procédures en Cour supérieure du Québec a été accueillie par cette cour en attendant l’issue de l’instance en Cour fédérale. De plus, la requête visant à exclure le Québec du champ d’application de l’action intentée en Cour fédérale a été rejetée : Domaines 2013. Enfin, White Rock Distilleries n’a plus rien à voir avec ces procédures.

[6]               L’audition de l’action et de la demande reconventionnelle introduites en Cour fédérale a été inscrite pour cinq jours, le premier jour d’audition étant le 13 avril 2015. C’est dans le contexte des événements décrits ci-dessus et de l’imminence de la date d’audience que monsieur Charles Crawford, le président de Domaines, et monsieur Neale Graham, le président de Beam, ont eu un entretien téléphonique le 25 mars 2015. Au cours de cet entretien, M. Crawford a offert de régler tous les points en litige en contrepartie du paiement par Beam d’une somme importante. Monsieur Graham a dit qu’il devait d’abord consulter à l’interne, puis qu’il donnerait une réponse à M. Crawford.

[7]               Dans la matinée du 30 mars, M. Graham a reçu de son avocat un document intitulé [traduction] « Points à soulever concernant l’offre de règlement définitive de Beam, à discuter avec Charles Crawford » et qui prévoyait ce qui suit :

[traduction]

La contre-offre de Beam :

1.         Coexistence des marques de commerce et produits respectifs des parties, et ce, à l’échelle du Canada.

2.         Les deux parties enregistrent leurs marques de commerce respectives en liaison avec leurs produits respectifs.

3.         Domaines Pinnacle rejette avec préjudice ses deux actions présentées contre Beam.

4.         Beam retire sa demande reconventionnelle.

5.         Chacune des parties assume ses propres frais juridiques.

Il s’agit de l’offre définitive de Beam; elle ne comprend pas le versement de quelque montant d’argent, par une partie ou l’autre.

S’il y a un intérêt pour un règlement fondé sur ce qui précède, les documents relatifs à ce règlement devront être rédigés, et l’entente prendra naissance uniquement lorsque les deux parties auront convenu de toutes les modalités de celle-ci et auront signé le document d’entente de règlement.

S’il n’y a pas intérêt pour un règlement fondé sur ce qui précède, Beam est disposée à se présenter à la Cour le 13 avril pour le procès.

Les avocats de Beam feront une offre inconditionnelle de règlement au titre des  Règles des Cours fédérales à l’avocate de Charles [Crawford]; cette offre sera valide jusqu'à la fin de la première journée du procès.

(dossier d’appel, à la page 857.)

[8]               Tard dans la journée du 30 mars, avant que M. Graham communique avec M. Crawford, les avocats de Beam ont envoyé une offre de règlement en bonne et due forme à l’avocate de Domaines. Voici l’offre en question :

[traduction]

Objet : Domaines Pinnacle Inc. c. Beam Suntory Inc., Beam Canada Inc. et Jim Beam Brands Co.

Dossier de la Cour fédérale no T-290-13

Chère [avocate] :

Conformément à l’article 420 des Règles des cours fédérales, les défenderesses/ demanderesses reconventionnelles Beam Suntory Inc. et Beam Canada Inc. ainsi que la demanderesse reconventionnelle Jim Beam Brands Co. font, par la présente, l’offre écrite suivante en vue de régler l’affaire susmentionnée :

1.         la demanderesse [Domaines] se désistera de son action;

2.         les demanderesses reconventionnelles [Beam] se désisteront de leur demande reconventionnelle;

3.         chaque partie assumera ses propres frais.

La présente offre viendra à échéance le 13 avril 2015, à 17 h.

 Sincèrement vôtre,

(dossier d’appel (D.A.), aux pages 763 et 764.)

[9]               Cette lettre était accompagnée par un courriel dans lequel les avocats de Beam avaient écrit ce qui suit :

[traduction]

Nous espérons que vous attirerez l’attention de votre client sur les conséquences en matière de frais que peut avoir l’obtention par une partie d’un jugement moins avantageux qu’une offre de règlement écrite faite par la partie adverse.

(D.A., à la page 762.)

[10]           Monsieur Crawford et M. Graham se sont finalement entretenus le 1er avril. Il existe un certain désaccord au sujet de ce qui s’est dit au cours de cet entretien. Dans l’affidavit qu’il a déposé dans le cadre du procès sommaire qui a eu lieu devant le juge de la Cour fédérale, M. Graham affirme qu’il a lu textuellement les cinq « points à soulever » numérotés à M. Crawford qui, dans son affidavit, nie cette affirmation (D.A., aux pages 853 et 1473 respectivement). Le juge de la Cour fédérale a privilégié le témoignage de M. Crawford plutôt que celui de M. Graham.

[11]           Cela dit, le juge de la Cour fédérale a conclu que ni M. Graham ni M. Crawford n’ont fait mention de l’offre de règlement faite en vertu de l’article 420 des Règles au cours de leur entretien (motifs, au paragraphe 46).

[12]           Plus tard, le 1er avril, l’avocate de Domaines a envoyé au greffe de la Cour fédérale une lettre, avec copie à l’intention des avocats de Beam, dans laquelle elle mentionnait que Domaines avait accepté l’offre de règlement faite par Beam en vertu de l’article 420 des Règles et elle y joint une copie de l’offre de règlement. Une copie signée d’un avis de désistement était jointe pour dépôt.

[13]           L’avocate de Domaines a avisé le greffe que l’avis de désistement de Beam suivrait en temps opportun.

[14]           Les avocats de Beam ont écrit à l’avocate de Domaines le jour suivant pour lui dire que, avant que Beam produise un avis de désistement relativement à sa demande reconventionnelle, celle-ci demandait que Domaines lui transmette un avis de désistement de l’action en Cour supérieure de sorte que les deux avis de désistement pourraient être déposés en même temps. L’avocate de Domaines a répondu que Beam était liée par son offre écrite, laquelle avait été acceptée par Domaines, et a souligné que rien dans ce document ne mentionnait que Domaines devait se désister de son action en Cour supérieure.

[15]           Beam et Domaines ont alors déposé des requêtes incidentes devant le juge de la Cour fédérale. Domaines a demandé l’exécution de la transaction (ou du règlement, dans le vocabulaire de la common law) créée par son acceptation de l’offre de règlement faite par Beam en vertu de l’article 420 des Règles, alors que Beam a prétendu que Domaines avait agi de mauvaise foi en traitant son offre comme se limitant à l’action en Cour fédérale et que le dépôt de l’avis de désistement constituait un abus.

II.                LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DE L’APPEL

[16]           Le juge de la Cour fédérale a formulé des savants motifs dans lesquels il a analysé les effets d’une offre de règlement faite en vertu de l’article 420 des Règles, le rôle du Code civil du Québec, L.R.Q., c. C-1991 (Code civil) dans les instances devant la Cour fédérale qui ont lieu au Québec, la nature et les caractéristiques d’une transaction au sens du Code civil, et le rôle limité de la Cour fédérale en ce qui a trait aux transactions et autres contrats conclus entre particuliers.

[17]           Le juge de la cour fédérale a rejeté l’argument de Beam selon lequel il n’y avait aucun contrat, et donc aucune transaction, parce qu’il y avait vice de consentement. Il a rejeté l’argument de Beam selon lequel l’offre que Domaines avait acceptée n’était pas l’offre que Beam avait faite ou voulait faire. Le juge de la Cour fédérale n’était pas convaincu que l’offre de règlement de Beam ne pouvait pas être interprétée de manière littérale et qu’elle devait être interprétée à la lumière des actes de procédure en Cour fédérale, qui ont effet partout au Canada, y compris au Québec. Beam a prétendu que son offre portait non seulement sur les avis de désistement en Cour fédérale, mais également sur le désistement de l’action en Cour supérieure,  laquelle visait l’obtention de la même réparation que celle demandée dans l’action en Cour fédérale, sauf qu’elle était limitée au Québec.

[18]           Le juge de la Cour fédérale a conclu que la seule interprétation raisonnable de l’objet et des effets de l’offre de règlement faite en vertu de l’article 420 des Règles est celle qui découle des mots clairs utilisés par Beam. Étant donné que ces mots ne contiennent aucune limite, il n’était pas loisible à la Cour de les interpréter comme en comportant une. De plus, en l’absence de toute ambiguïté, il n’était pas nécessaire d’aller au-delà des conditions de l’offre : motifs, au paragraphe 33. Le juge de la Cour fédérale a souligné que Beam n’a pas prétendu qu’il y avait eu erreur lors de la rédaction de l’offre. En fait, l’avocat de Beam a reconnu devant le juge de la Cour fédérale que :

[…]  l’offre finale du 30 mars 2015 ne faisait pas référence à l’action provinciale parce que la Cour fédérale n’a tout simplement pas compétence sur cet aspect du litige, et ne pourrait donc pas, dans un jugement final, ordonner le rejet de l’action provinciale.

(motifs, au paragraphe 33.)

[19]           Le juge de la Cour fédérale a ensuite traité de la question de savoir s’il était possible d’avoir recours à une preuve extrinsèque pour interpréter les conditions de l’offre de règlement faite en vertu de l’article 420 des Règles. La preuve extrinsèque en question était les « points à soulever », susmentionnés, et les circonstances entourant leur production. Il a conclu que la preuve extrinsèque ne était inadmissible parce qu’il n’y avait aucune ambiguïté. De plus, il a conclu que la preuve extrinsèque ne pouvait pas être utilisée pour contredire l’offre de Beam car il n’y avait pas commencement de preuve, comme l’exige l’article 2863 du Code civil, ni être utilisée pour compléter l’offre, car celle-ci n’était pas manifestement incomplète comme l’exige l’article 2864. De toute façon, cette preuve n’était pas concluante. Au cours de cette analyse, le juge de la Cour fédérale a tiré des conclusions quant à la crédibilité de MM. Crawford et Graham. Ses conclusions ne favorisaient pas M. Graham.

[20]           En fin de compte, le juge de la Cour fédérale a conclu que l’acceptation par Domaines de l’offre faite par Beam en vertu de l’article 420 des Règles mettait fin au litige en Cour fédérale. Vu le refus de Beam de se désister de sa demande reconventionnelle, le juge de la Cour fédérale a ordonné un sursis permanent des procédures en ce qui concerne celle-ci.

[21]           Enfin, le juge de la Cour fédérale a traité de la question des dépens. Domaines a demandé l’adjudication de dépens sur une base avocat-client en raison du comportement répréhensible de Beam. Le refus de cette dernière de déposer un avis de désistement a obligé Domaines à continuer de se préparer pour l’instruction de la demande reconventionnelle alors qu’elle préparait sa requête visant à faire appliquer le règlement, ce qui lui a occasionné des frais inutiles. De plus, Beam a fait des accusations gratuites, de nature diffamatoire, concernant Domaines et son président, M. Crawford. Le juge de la Cour fédérale a reconnu que des éléments du comportement de Beam étaient répréhensibles et que, par conséquent, le montant des dépens devait être majoré. Toutefois, il a refusé d’adjuger à Domaines les dépens de 50 000$ sur la base avocat-client qu’elle demandait et lui a adjugé plutôt des dépens de 30 000$.

III.             ANALYSE

[22]           Dans son mémoire des faits et du droit, le nouvel avocat de Beam soulève des questions de consensus ad idem. Il allègue que le juge de la Cour fédérale a commis une erreur en concluant que l’acceptation de l’offre de règlement faite par Beam en vertu de l’article 420 des Règles constituait un contrat liant les parties. Beam prétend également que le juge de la Cour fédérale a commis une erreur en rejetant la preuve extrinsèque constituée par les « points à soulever », car, selon elle, il s’agit d’une preuve des circonstances entourant l’affaire qui aurait dû être prise en compte lors de l’interprétation des conditions de l’offre de règlement faite en vertu de l’article 420 des Règles. Enfin, Beam s’élève contre les [traduction] « conclusions non étayées [du juge de la Cour fédérale] concernant la crédibilité de M. Graham et le comportement de [Beam] ».

[23]           Selon moi, ces arguments, autres que ceux concernant la crédibilité, sont tous fondés sur la thèse selon laquelle Beam voulait faire une offre de règlement en vertu de l’article 420 des Règles qui comprenait le règlement de l’action en Cour supérieure.

[24]           Ces arguments ne peuvent pas être retenus. Le libellé de l’offre de règlement faite en vertu de l’article 420 des Règles est non équivoque alors que la preuve des circonstances entourant l’affaire incluant l’application de l’article 420 des Règles, à supposer qu’elle soit admissible, n’étaye pas la position de Beam.

[25]           Comme il s’agit d’un appel de la décision d’un juge de la Cour fédérale rendue après un procès sommaire, les normes de contrôle applicables sont celles qui ont été énoncées dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235. Récemment, la Cour suprême du Canada a énoncé que l’interprétation contractuelle soulève des questions mixtes de fait et de droit. Puisque ce type de question est axée sur les faits, il est rare qu’une pure question de droit puisse être isolé : Sattva Capital Corp c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, [2014] 2 R.C.S. 633, aux paragraphes 50 et 55. La présente affaire ne fait pas exception. Par conséquent, la Cour n’interviendra que si une erreur manifeste et dominante est relevée.

[26]           En premier lieu, il convient de souligner que puisque les événements qui ont donné naissance au présent litige se sont produits au Québec, et puisque le droit fédéral ne dit rien sur le sujet, c’est le Code civil qui constitue le droit applicable. L’utilisation par Beam de termes de common law pour formuler son argument n’est donc pas indiquée. Cela dit, le concept invoqué par Beam, l’absence d’une intention commune, n’est pas étranger au Code civil. Bien que Beam n’ait pas formulé son argument devant le juge de la Cour fédérale en termes d’erreur, je crois comprendre que l’argument qu’elle formule devant nous est essentiellement le même qu’elle a formulé en Cour fédérale, c’est-à-dire qu’il y a eu vice de consentement, car les parties ne partageaient aucune intention commune qui pouvait constituer le fondement d’un contrat valide : motifs, au paragraphe 14.

[27]           En common law, il doit y avoir un consensus ad idem avant qu’un contrat puisse se former, c’est-à-dire qu’il doit y avoir un « accord des volontés » en ce qui concerne les modalités d’une entente. L’exigence de common law voulant qu’il y ait un « accord des volontés », figure à l’article 1378 du Code civil qui stipule qu’un contrat est un « accord de volonté », et à l’article 1393, qui stipule que l’acceptation qui n’est pas substantiellement conforme à l’offre ne vaut pas acceptation :

1378. Le contrat est un accord de volonté, par lequel une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres à exécuter une prestation. …

 

1378. A contract is an agreement of wills by which one or several persons obligate themselves to one or several other persons to perform a prestation. …

1393. L’acceptation qui n’est pas substantiellement conforme à l’offre, de même que celle qui est reçue par l’offrant alors que l’offre était devenue caduque, ne vaut pas acceptation.

Elle peut, cependant, constituer elle-même une nouvelle offre.

1393. Acceptance which does not correspond substantially to the offer or which is received by the offeror after the offer has lapsed does not constitute acceptance.

It may, however, constitute a new offer.

[28]           Les articles 1385 à 1387 soulignent qu’un contrat se forme par l’échange de consentement :

1385. Le contrat se forme par le seul échange de consentement entre des personnes capables de contracter, à moins que la loi n’exige, en outre, le respect d’une forme particulière comme condition nécessaire à sa formation, ou que les parties n’assujettissent la formation du contrat à une forme solennelle. …

1385. A contract is formed by the sole exchange of consents between persons having capacity to contract, unless, in addition, the law requires a particular form to be respected as a necessary condition of its formation, or unless the parties subject the formation of the contract to a solemn form. …

1386. L’échange de consentement se réalise par la manifestation, expresse ou tacite, de la volonté d’une personne d’accepter l’offre de contracter que lui fait une autre personne.

 

1386. The exchange of consents is accomplished by the express or tacit manifestation of the will of a person to accept an offer to contract made to him by another person.

1387. Le contrat est formé au moment où l’offrant reçoit l’acceptation et au lieu où cette acceptation est reçue, quel qu’ait été le moyen utilisé pour la communiquer et lors même que les parties ont convenu de réserver leur accord sur certains éléments secondaires.

1387. A contract is formed when and where acceptance is received by the offeror, regardless of the method of communication used, and even though the parties have agreed to reserve agreement as to secondary elements.

[29]           Le consentement des parties doit être libre et éclairé et ne doit pas être vicié par l’erreur : article 1399 du Code civil, reproduit ci-dessous. L’article 1400 stipule que l’erreur vicie le consentement des parties lorsqu’elle porte sur la nature du contrat, sur l’objet de la prestation ou, encore, sur tout élément essentiel qui a déterminé le consentement. Cela est semblable à la notion d’erreur en common law. La conséquence d’une erreur au sens de l’article 1400 est l’annulation du contrat en cause : article 1407 du Code civil. L’effet de l’annulation est rétroactif; le contrat est réputé n’avoir jamais existé, c’est-à-dire n’avoir jamais été formé : article 1422 du Code civil.

1399. Le consentement doit être libre et éclairé.

Il peut être vicié par l’erreur, la crainte ou la lésion.

1399. Consent must be free and enlightened.

It may be vitiated by error, fear or lesion.

1400. L’erreur vicie le consentement des parties ou de l’une d’elles lorsqu’elle porte sur la nature du contrat, sur l’objet de la prestation ou, encore, sur tout élément essentiel qui a déterminé le consentement.

L’erreur inexcusable ne constitue pas un vice de consentement.

1400. Error vitiates the consent of the parties or of one of them where the error relates to the nature of the contract, to the object of the prestation or to any essential element that determined the consent.

An inexcusable error does not constitute a defect of consent.

[30]           La question déterminante dans le présent appel consiste à savoir s’il y a eu, en fait, acceptation conforme à l’offre : article 1393 du Code civil. Pour répondre à cette question, nous devons d’abord définir le contenu de l’offre de Beam. Elle est très simple. Elle fait mention de l’action en Cour fédérale en indiquant les noms des parties et le numéro de dossier. Elle comporte trois conditions, dont aucune, à première vue, n’est équivoque. Ces conditions n’ont trait qu’à l’action en Cour fédérale et font mention du désistement de la demande et de la demande reconventionnelle et des frais. Elles ne font aucune mention de l’action en Cour supérieure ni de quoi que ce soit qui pourrait être interprété comme étant un renvoi à cette action.

[31]           Beam prétend que ces mots apparemment non équivoques renvoient à une autre offre de règlement dont les conditions figurent dans les « points à soulever » et qui devraient être examinées afin de déterminer quelle était la véritable intention de Beam lorsqu’elle a fait son offre en vertu de l’article 420 des Règles. Le Code civil prévoit dans quels cas on peut avoir recours à une preuve extrinsèque : voir les articles 2863 et 2864. Toutefois, il n’est pas nécessaire de décider si les « points à soulever » sont admissibles parce que, même s’ils le sont, ils n’étayent pas la position de Beam.

[32]           Un examen attentif des « points à soulever » révèle qu’ils portent sur deux offres. La première figure dans les 5 points numérotés au début du document et dans les deux paragraphes qui suivent. Les 5 points numérotés portent sur le règlement des deux actions en Cour fédérale (demande et demande reconventionnelle) et de l’action en Cour supérieure. Selon les conditions du règlement, les deux actions intentées par Domaines sont rejetées de façon définitive et Beam retire sa demande reconventionnelle. De plus, les parties acceptent que leurs marques coexistent dans l’ensemble du Canada et chaque partie enregistre sa marque en liaison avec ses produits. Aucune somme d’argent n’est versée dans le cadre du règlement et chaque partie assume ses propres frais.

[33]           Si Domaines était intéressée par cette proposition, des documents de règlement officiels seraient rédigés : aucun règlement n’entrerait en vigueur tant qu’il n’y aurait pas eu accord sur l’ensemble des conditions et que les documents relatifs au règlement ne seraient pas signés par les deux parties. Si Domaines n’était pas intéressée, alors l’affaire serait instruite et l’avocat de Beam ferait la seconde offre, une offre de règlement inconditionnelle faite en vertu des Règles sur les Cours fédérales, et celle-ci serait valable jusqu’à la fin du premier jour d’instruction.

[34]           Outre les questions de dates, sur lesquelles je reviendrai, je prends pour acquis que les « points à soulever » exposent le plan A et le plan B de Beam. Le plan A prévoyait le règlement de tous les différends qui existaient entre les parties, y compris les actions en Cour fédérale et en Cour supérieure. Ce règlement devait être négocié jusqu’à ce qu’il y ait entente sur toutes les conditions et qu’une entente en bonne et due forme soit signée par les représentants de chacune des parties. Le plan B était la solution de repli de Beam si le plan A échouait : Beam ferait entendre sa cause en Cour fédérale et demanderait qu’on lui adjuge le double des dépens en vertu des Règles des Cours fédérales.

[35]           Beam tente maintenant de nous convaincre qu’il y a seulement eu un plan A et que l’offre de règlement qu’elle a faite en vertu de l’article 420 des Règles visait à le communiquer, mais cette position est manifestement contraire au contenu des « points à soulever ». L’offre de règlement faite par Beam en vertu de l’article 420 des Règles ne traite pas de la coexistence des marques respectives des parties dans l’ensemble du Canada ni de l’enregistrement de ces marques. De plus, les modalités proposées dans les « points à soulever » n’auraient force exécutoire que lorsqu’elles seraient incluses dans une entente officielle après que les parties les aient toutes acceptées. Ces éléments, ainsi que d’autres, ne figurent pas dans l’offre de règlement faite en vertu de l’article 420 des Règles, et ne peuvent donc pas être considérés comme communiquant le plan A.

[36]           Dans le cadre des négociations, Beam faisait des offres à prendre ou à laisser. Si Domaines n’était pas disposée à accepter les conditions de Beam, alors l’affaire serait instruite et l’offre de règlement faite en vertu de l’article 420 des Règles planerait au-dessus de sa tête. Cette offre, toutefois, ne porterait que sur l’action en Cour fédérale.

[37]           On comprend mieux l’intention de Beam si on examine comment l’article 420 des Règles s’applique. Par souci de commodité, celui-ci est reproduit ci-dessous :

420 (1) Sauf ordonnance contraire de la Cour et sous réserve du paragraphe (3), si le demandeur fait au défendeur une offre écrite de règlement, et que le jugement qu’il obtient est aussi avantageux ou plus avantageux que les conditions de l’offre, il a droit aux dépens partie-partie jusqu’à la date de signification de l’offre et, par la suite, au double de ces dépens, mais non au double des débours.

420 (1) Unless otherwise ordered by the Court and subject to subsection (3), where a plaintiff makes a written offer to settle and obtains a judgment as favourable or more favourable than the terms of the offer to settle, the plaintiff is entitled to party-and-party costs to the date of service of the offer and costs calculated at double that rate, but not double disbursements, after that date.

 

(2) Sauf ordonnance contraire de la Cour et sous réserve du paragraphe (3), si le défendeur fait au demandeur une offre écrite de règlement, les dépens sont alloués de la façon suivante :

 

(2) Unless otherwise ordered by the Court and subject to subsection (3), where a defendant makes a written offer to settle,

 

a) si le demandeur obtient un jugement moins avantageux que les conditions de l’offre, il a droit aux dépens partie-partie jusqu’à la date de signification de l’offre et le défendeur a droit, par la suite et jusqu’à la date du jugement au double de ces dépens, mais non au double des débours;

 

(a) if the plaintiff obtains a judgment less favourable than the terms of the offer to settle, the plaintiff is entitled to party-and-party costs to the date of service of the offer and the defendant shall be entitled to costs calculated at double that rate, but not double disbursements, from that date to the date of judgment; or

 

b) si le demandeur n’a pas gain de cause lors du jugement, le défendeur a droit aux dépens partie-partie jusqu’à la date de signification de l’offre et, par la suite et jusqu’à la date du jugement, au double de ces dépens, mais non au double des débours.

 

(b) if the plaintiff fails to obtain judgment, the defendant is entitled to party-and-party costs to the date of the service of the offer and to costs calculated at double that rate, but not double disbursements, from that date to the date of judgment.

 

(3) Les paragraphes (1) et (2) ne s’appliquent qu’à l’offre de règlement qui répond aux conditions suivantes :

 

(3) Subsections (1) and (2) do not apply unless the offer to settle

 

a) elle est faite au moins 14 jours avant le début de l’audience ou de l’instruction;

(a) is made at least 14 days before the commencement of the hearing or trial; and

 

b) elle n’est pas révoquée et n’expire pas avant le début de l’audience ou de l’instruction.

(b) is not withdrawn and does not expire before the commencement of the hearing or trial.

[38]           L’article 420 des Règles vise à inciter les parties à en arriver à un règlement en imposant des pénalités financières aux parties qui n’acceptent pas une proposition raisonnable de règlement : Leuthold c. Société Radio-Canada., 2014 CAF 174, [2014] A.C.F. no 669, au paragraphe 11. Mais, pour être en mesure de se prévaloir de cette disposition, la partie qui fait l’offre doit satisfaire à certaines conditions. La première de ces conditions est que l’offre doit être faite au moins 14 jours avant le début de l’instruction et qu’elle n’expire pas avant le début de l’audience (alinéas 420(3)a) et b) des Règles).

[39]           La deuxième de ces conditions est que la partie qui fait l’offre doit obtenir un jugement au moins aussi avantageux que les conditions de l’offre (paragraphes 420(1) et (2) des Règles). Cela a des répercussions sur l’objet de l’offre. L’offre doit contenir des conditions que la Cour a le pouvoir d’accorder. Une offre contenant des conditions qui outrepassent la compétence de la Cour ne peut pas donner lieu à un jugement qui est au moins aussi avantageux que les conditions de l’offre, car la condition qui outrepasse la compétence ne peut jamais être égalée ou dépassée.

[40]           Si Beam voulait faire une offre de règlement en vertu de l’article 420 des Règles qui aboutirait à un double des dépens si la Cour lui donnait gain de cause, elle devait rédiger et présenter son offre de manière à ce qu’elle soit conforme à ces conditions. La preuve indique que c’est précisément ce que Beam a fait.

[41]           L’offre elle-même aurait été faite en vertu de l’article 420 des Règles ainsi qu’il ressort de son libellé qui est reproduit plus haut. De plus, elle était assortie d’un message faisant mention des conséquences financières possibles que pouvait entraîner un refus de l’offre de règlement.

[42]           En ce qui concerne la première condition, l’offre de règlement a été envoyée à l’avocate de Domaines en fin de journée le 30 mars. Si l’offre avait été faite après la conversation du 1er avril entre MM. Crawford et Graham, elle n’aurait pas respecté le délai minimal de 14 jours prévu à l’alinéa 420(3)a) et, par conséquent, n’aurait pas déclenché les conséquences financières énoncées à l’article 420 des Règles si Beam obtenait un jugement favorable au terme de l’instruction. Vraisemblablement, il s’agit de la raison pour laquelle l’offre faite par Beam en vertu de l’article 420 des Règles a eu lieu avant que M. Graham retourne l’appel téléphonique de M. Crawford et tente d’énoncer les éléments de l’offre contenus dans le plan A de Beam. Cette chronologie n’indiquait pas qu’il y avait eu un changement dans la position de négociation de Beam; celle-ci lui avait été imposée par l’écoulement du temps. Au bout du compte, Beam s’est retrouvée dans la position dans laquelle elle voulait précisément se retrouver : elle s’en allait en cour avec une offre de règlement faite en vertu de l’article 420 des Règles.

[43]           En ce qui concerne la seconde condition, je souligne que l’avocat de Beam a candidement reconnu devant le juge de la Cour fédérale que l’offre de Beam ne faisait pas mention de l’action en Cour supérieure parce que la Cour fédérale n’avait pas compétence à l’égard de cette action, et ne pouvait donc pas, dans un jugement final, ordonner son rejet : voir les motifs, au paragraphe 33.

[44]            Compte tenu de tous ces facteurs, je conclus que l’offre de Beam visait à satisfaire aux conditions énoncées dans l’article 420 des Règles, et, par conséquent, elle ne portait que sur l’action en Cour fédérale. L’offre ne pouvait pas comprendre l’action en Cour supérieure, car, comme l’avocat de Beam l’a reconnu, la Cour fédérale ne pouvait pas statuer sur cette action.

[45]           Maintenant, en ce qui concerne l’acceptation par Domaines de l’offre de Beam, celle-ci était inconditionnelle et a été communiquée à Beam par la lettre du 1er avril que l’avocate de Domaines a envoyée au greffe de la Cour fédérale. À première vue, nous sommes en présence d’une acceptation inconditionnelle d’une offre, ce qui a donné lieu à la formation d’un contrat valide : voir l’article 1387 du Code civil. Le juge de la Cour fédérale a conclu que les concessions réciproques, lesquelles sont un élément d’une transaction comme l’énonce l’article 2631 du Code civil, reproduit ci-après, portaient sur les économies qui seraient réalisées, sur le plan des frais et des débours, si l’action en Cour fédérale faisait l’objet d’un règlement : voir les motifs, au paragraphe 31. Par conséquent, l’entente conclue entre les parties, telle que formulée dans l’offre de règlement faite en vertu de l’article 420 des Règles qui a été acceptée, constituait une transaction en ce qui a trait à l’action en Cour fédérale :

2631. La transaction est le contrat par lequel les parties préviennent une contestation à naître, terminent un procès ou règlent les difficultés qui surviennent lors de l’exécution d’un jugement, au moyen de concessions ou de réserves réciproques.

Elle est indivisible quant à son objet.

2631. Transaction is a contract by which the parties prevent a future contestation, put an end to a lawsuit or settle difficulties arising in the execution of a judgment, by way of mutual concessions or reservations.

A transaction is indivisible as to its subject.

[46]           Par conséquent, je souscris à la décision rendue par le juge de la Cour fédérale relativement à la requête présentée par Domaines. On ne m’a pas convaincu que le juge a commis une erreur qui puisse justifier l’intervention de la Cour.

[47]           J’estime qu’il est important de souligner aux avocats les conséquences inattendues de leur argumentation dans la présente affaire. En prétendant qu’il n’y avait aucune transaction parce qu’il n’y avait pas d’intention commune, l’avocat de Beam les a forcément mis dans la position de dire que des conditions non écrites étaient rattachées à l’offre de règlement faite par Beam en vertu de l’article 420 des Règles. Par conséquent, la seule façon dont Beam pouvait tirer avantage de l’offre de règlement qu’elle avait faite en vertu de l’article 420 des Règles était de ne pas divulguer ces conditions à la Cour dans l’éventualité où elle obtiendrait un jugement favorable. La divulgation aurait eu pour conséquence d’exclure Beam du champ d’application de l’article 420 des Règles. La position de Beam dans le présent litige, si elle est acceptée, permettrait à une partie dénuée de principes de tirer avantage, sans justification, de l’article 420 des Règles, et d’induire la Cour en erreur en ne parlant pas des conditions non écrites de l’offre, ou pire encore, en faisant délibérément une présentation erronée des conditions de l’offre. Selon moi, cela n’était pas l’intention des avocats en l’espèce, mais il serait difficile de convaincre ceux qui pensaient autrement qu’ils n’étaient pas raisonnables.

[48]           Beam demande également à la Cour d’intervenir et de modifier les motifs du juge de la Cour fédérale afin de supprimer les propos peu flatteurs tenus à l’égard de M. Graham et de Beam. Il peut être interjeté appel d’un jugement d’un tribunal et non des motifs d’un jugement : Narvey c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CAF 85, [2001] A.C.F. no 428, au paragraphe 5; Huartt c. Specialized Property Evaluation Control Services Ltd, 2016 ABCA 142, [2016] A.J. No. 449, au paragraphe 6.

[49]           Les conclusions à l’égard desquelles une opposition est soulevée résultent directement de l’approche adoptée par Beam à l’égard du litige. La crédibilité est devenue une question en litige parce que Beam a soutenu que M. Crawford a accepté l’offre de règlement qu’elle lui a faite en vertu de l’article 420 des Règles en sachant très bien, à la suite de sa conversation avec M. Graham, qu’elle voulait que l’offre comprenne le désistement de l’action en Cour supérieure. Dans son argumentation, Beam a accusé M. Crawford d’avoir recours à un « stratagème trompeur » et d’être de mauvaise foi lorsqu’il a prétendu que l’offre faite en vertu de l’article 420 des Règles ne s’appliquait qu’à l’action en Cour fédérale. Le juge de la Cour fédérale a examiné la question et a conclu que, en fait, c’était Beam qui était de mauvaise foi : motifs, au paragraphe 46.

[50]           Le juge de la Cour fédérale a examiné soigneusement la preuve et les circonstances et il a expliqué de façon détaillée comment il en est arrivé à cette conclusion : voir les motifs, aux paragraphes 43 à 48. Ces motifs, considérés dans leur ensemble, étayent ses conclusions quant à la mauvaise foi de Beam et ses conclusions quant à la crédibilité de M. Graham, nonobstant toute conclusion dite erronée qu’a pu tirer le juge de la Cour fédérale.

[51]           Lorsqu’une partie accuse une autre partie d’être de mauvaise foi, elle doit s’attendre à ce que sa propre conduite fasse l’objet d’un examen attentif. Parfois, cet examen donne des résultats inattendus et non désirés.

[52]           Je suis donc d’avis de rejeter l’appel avec dépens.

 « J.D. Denis Pelletier »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Johanne Gauthier, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

A.F. Scott, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRIT AU DOSSIER


 

DoSSIER :

A-272-15

 

INTITULÉ :

BEAM SUNTORY INC., BEAM CANADA INC. ET JIM BEAM BRANDS CO. c. DOMAINES PINNACLE INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (QuÉbec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 7 mars 2016

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

le juge PELLETIER

 

Y A SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE SCOTT

 

DATE DES MOTIFS :

le 31 AOÛT 2016

 

COMPARUTIONS :

Christopher C. Van Bar

Suzie Lanthier

 

pour les appelantes

BEAM SUNTORY INC., BEAM CANADA INC. et JIM BEAM BRANDS CO.

 

Magalie Fournier

 

pour l’intimée

DOMAINES PINNACLE INC.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling Lafleur Henderson LLP

Ottawa

pour les appelantes

BEAM SUNTORY INC., BEAM CANADA INC. ET JIM BEAM BRANDS CO.

 

Brouillette & Partners LLP

Montréal

POUR L’INTIMÉE

DOMAINES PINNACLE INC.

 

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