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Date : 20160902


Dossiers : A-231-15

A-63-16

A-67-16

Référence : 2016 CAF 217

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

A-231-15

ENTRE :

BELL CANADA ET BELL MÉDIA INC.

appelantes

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

et

NATIONAL FOOTBALL LEAGUE, NFL INTERNATIONAL LLC ET NFL PRODUCTIONS LLC

intervenantes

A-63-16

ENTRE :

NATIONAL FOOTBALL LEAGUE, NFL INTERNATIONAL LLC ET NFL PRODUCTIONS LLC

appelantes

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

A-67-16

ENTRE :

BELL CANADA ET BELL MÉDIA INC.

appelantes

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

et

TELUS CORPORATION

intimée

Audience tenue à Montréal (Québec), le 20 juin 2016.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 2 septembre 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE BOIVIN

 


Date : 20160902


Dossiers : A-231-15

A-63-16

A-67-16

Référence : 2016 CAF 217

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

A-231-15

ENTRE :

BELL CANADA ET BELL MÉDIA INC.

appelantes

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

et

NATIONAL FOOTBALL LEAGUE, NFL INTERNATIONAL LLC ET NFL PRODUCTIONS LLC

intervenantes

A-63-16

ENTRE :

NATIONAL FOOTBALL LEAGUE, NFL INTERNATIONAL LLC ET NFL PRODUCTIONS LLC

appelantes

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé


A-67-16

ENTRE :

BELL CANADA ET BELL MÉDIA INC.

appelantes

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

et

TELUS CORPORATION

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DE MONTIGNY

[1]               La Cour est saisie de trois appels réunis, interjetés en vertu du paragraphe 31(2) de la Loi sur la radiodiffusion L.C. 1991, ch. 11 (la Loi). Les appelantes demandent la cassation de deux politiques réglementaires de radiodiffusion adoptées par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le Conseil) concernant la substitution simultanée, dans le cadre desquelles le Conseil a adopté des règlements visant à offrir des recours en cas d’erreurs dans la substitution simultanée, et a annoncé son intention de mettre en œuvre une politique visant à interdire la substitution simultanée pendant la diffusion du Super Bowl, et pour la diffusion générale sur les canaux spécialisés, et ce, à compter de 2017.

[2]               Les trois appels ont été réunis en vertu d’une ordonnance de la Cour rendue le 12 avril 2016 dans le dossier A-231-15, désigné comme l’appel principal. Conformément à cette ordonnance, les motifs suivants seront versés au dossier de l’appel principal et une copie sera versée aux dossiers d’appel A-63-16 et A-67-16.

[3]               Pour les motifs exposés ci-après, je suis d’avis que ces appels devraient être rejetés.

I.                    Contexte

[4]               Depuis plus de 40 ans, la substitution simultanée fait partie intégrante du système canadien de radiodiffusion. Ainsi, le signal d’une station éloignée (habituellement une station américaine) qui diffuse au Canada est remplacé par le signal d’un diffuseur local canadien qui diffuse des émissions comparables au même moment, de telle sorte que les téléspectateurs canadiens qui ont synchronisé une chaîne américaine verront en fait la même émission diffusée par un diffuseur canadien, avec des messages publicitaires canadiens. La substitution permet au diffuseur détenant les droits de commercialiser l’émission au Canada et de maximiser son auditoire et les revenus qu’il tire de la publicité.

[5]               Le régime de substitution simultanée est décrit dans le Règlement sur la distribution de radiodiffusion, DORS/97-555 (le Règlement sur la distribution). La règle générale, prévue à l’article 7, veut que le signal d’un service de programmation ne puisse être modifié ou supprimé. À titre d’exception, les articles 38 et 51 du Règlement sur la distribution permettent ou exigent le remplacement de signaux de moindre priorité (habituellement des signaux américains) par des signaux ayant une priorité plus élevée (habituellement des signaux locaux) si le service de programmation peut être supprimé et le service de programmation qui doit y être substitué sont « comparables et diffusés simultanément » (al. 38(2)a)(i) et 51(1)a) du Règlement sur la distribution).

[6]               En octobre 2013, le Conseil a annoncé le début d’une vaste initiative de consultation publique sur l’avenir du système de télédiffusion intitulée Parlons télé : une conversation avec les Canadiens (Parlons télé). Cette consultation s’est déroulée en trois phases : 1) recueillir les commentaires du public par divers moyens; 2) compiler et diffuser l’information recueillie et offrir un questionnaire interactif; 3) procurer au public d’autres occasions, notamment par la tenue d’une audience publique, d’émettre des commentaires sur les propositions concernant de nouvelles approches en matière de réglementation de la télédiffusion au Canada (voir Avis d’invitation, dossier d’appel conjoint, vol. 2, onglet 6, p. 413 à 415). Le Conseil a indiqué que l’initiative Parlons télé devait mener à des changements fondamentaux importants dans la réglementation de la télévision, afin de faire en sorte que le système de radiodiffusion continue à servir la population canadienne vu l’évolution rapide de ce secteur.

[7]               Au début de la troisième phase, le Conseil a publié l’Avis de consultation de radiodiffusion CRTC 2014-190 (l’Avis 2014-190) dans lequel il sollicitait les interventions et les observations sur divers sujets, notamment la substitution simultanée. L’Avis 2014-190 mentionnait les plaintes concernant les erreurs de substitution, particulièrement pendant la diffusion en direct d’événements sportifs, ainsi que les plaintes des spectateurs qui préféraient voir les messages publicitaires américains présentés à l’occasion du Super Bowl et sollicitait des observations sur l’opportunité de maintenir la substitution simultanée et la meilleure façon de procéder aux changements. Peu avant le début de l’audience publique qui s’est déroulée du 8 au 19 septembre 2014, le Conseil a publié l’Avis de consultation de radiodiffusion CRTC 2014-190-3 et a sollicité des observations sur différentes propositions concernant la réglementation du système canadien de radiodiffusion. En ce qui concerne la substitution simultanée, le Conseil a présenté deux propositions à des fins de discussion. Suivant l’option A, les entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR) ne seraient plus autorisées à effectuer des substitutions simultanées, tandis que suivant l’option B, elles n’y seraient pas autorisées lorsqu’il s’agit de diffusion en direct (comme un événement sportif ou une remise de prix).

[8]               Dans la Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2015-25 publiée le 29 janvier 2015, (la première politique), le Conseil a annoncé qu’il continuerait en général à permettre les substitutions simultanées, sauf pour les canaux spécialisés (c.-à-d. les canaux dont le signal n’est pas transmis sur les ondes et auxquels les spectateurs doivent s’abonner par l’intermédiaire d’une entreprise de distribution de radiodiffusion) et pour le Super Bowl (à compter de la saison 2016-2017) et qu’il modifierait le Règlement pour en retirer les privilèges de substitution simultanée et obliger les titulaires de licence à verser des remises compensatoires lorsque des erreurs importantes récurrentes sont commises dans la substitution simultanée.

[9]               À l’appui de ces décisions, le Conseil a expliqué que, comme le régime de substitution simultanée constitue une exception à la règle générale interdisant la modification ou la suppression d’un service de programmation au moment de la distribution, le « fardeau de preuve » incombe aux diffuseurs et aux entreprises de distribution de radiodiffusion. De l’avis du Conseil, le dossier démontre que la substitution simultanée demeure très avantageuse pour les radiodiffuseurs canadiens puisqu’elle leur permet de rentabiliser au maximum les droits de programmation qu’ils achètent et de réinvestir dans la production d’émissions canadiennes. Cependant, le Conseil estimait que la pratique devait prendre fin pour les canaux spécialisés. À la lumière des observations du public et du fait que la publicité américaine fait partie intégrante du Super Bowl, le Conseil a déclaré que la substitution simultanée serait interdite pour cette émission à compter de la saison 2016-2017. Le Conseil a reconnu que le contrat du titulaire actuel de droits s’étendait au-delà de cette saison, mais il a jugé que ce dernier disposait d’un délai raisonnable pour prendre les arrangements nécessaires. Enfin, le Conseil a déclaré que les diffuseurs et les distributeurs sont tenus de veiller à ce que la substitution simultanée soit effectuée correctement et qu’ils n’atteignent actuellement pas le niveau de service requis. Il a annoncé son intention de modifier le Règlement de manière à ce que les diffuseurs qui commettent des erreurs de substitution perdent leur privilège de substitution simultanée pour une période précise ou pour un ou plusieurs types d’émission et d’obliger les entreprises de distribution de radiodiffusion à accorder une remise compensatoire à leurs clients.

[10]           Le Conseil n’a pas précisé la manière dont il comptait mettre à exécution ces réformes de politique, mais il a déclaré qu’il publierait un avis de consultation de radiodiffusion sollicitant des observations sur le libellé des modifications qu’il envisageait d’apporter au Règlement sur la distribution.

[11]           Le 5 mai 2015, la Cour a autorisé Bell Canada et Bell Média Inc. (collectivement désignées Bell) à interjeter appel de la première politique dans le dossier A-231-15. La NFL a obtenu l’autorisation d’intervenir.

[12]           Bell Canada est la société mère de Bell Média Inc., un diffuseur qui détient les droits exclusifs au Canada de diffusion du Super Bowl jusqu’à la saison 2018-2019 en vertu d’un contrat conclu en 2013 avec NFL International LLC (NFLI). Bell Média Inc. diffuse aussi sur certains canaux spécialisés. Bell Canada est aussi la société mère de Bell ExpressVu Limited Partnership, une entreprise de distribution de radiodiffusion qui est partie aux instances portant les numéros de dossier A-63-16 et A-67-16.

[13]           La National Football League (la Ligue) est une association non constituée en société de 32 clubs membres détenus séparément, chacun exploitant une équipe de football professionnelle. NFL International (NFLI) et NFL Productions (Productions) sont des sociétés à responsabilité limitée dont les activités consistent entre autres à produire et à distribuer des programmes se rapportant au football de la NFL et à accorder les licences afférentes. La Ligue, NFLI et Productions sont collectivement appelées la NFL.

[14]           Dans le présent appel, Bell et la NFL contestent la première politique pour les motifs ci-après : i) déni d’équité procédurale; ii) discrimination illégale en droit administratif; iii) règlementation rétroactive non autorisée et non-respect de droits acquis; iv) caractère déraisonnable; v) défaut de compétence pour instaurer un régime sanctionnant les erreurs de substitution simultanée. Le procureur général a également soulevé des questions, à savoir si la première politique constituait ou non une « décision » pouvant faire l’objet d’un appel et si l’appel était prématuré.

[15]           Le 23 juillet 2015, le Conseil a publié l’Avis de consultation de radiodiffusion CRTC 2015‑330 (Avis 2015-330) et le Bulletin d’information de radiodiffusion CRTC 2015-329 (Bulletin 2015-329) intitulé « Erreurs de substitution simultanée ». Ces documents apportaient des précisions sur les modifications que le Conseil avait décidé d’apporter au régime de substitution simultanée et sollicitaient des observations sur le projet de règlement prévoyant des pénalités et des remises sanctionnant les erreurs de substitution simultanée, conformément à l’annonce faite par le Conseil dans sa première politique. Suivant le Bulletin 2015-329, l’élimination des droits de substitution simultanée dont bénéficiaient les diffuseurs à l’occasion du Super Bowl serait appliquée, non pas par voie de règlement, comme il était indiqué dans la première politique, mais par voie d’ordonnance rendue en vertu de l’alinéa 9(1)h) de la Loi sur la radiodiffusion. Bell et la NFL ont soumis leurs observations sur l’Avis 2015-330.

[16]           Dans sa Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2015-513, adoptée le 19 novembre 2015 (la deuxième politique), le Conseil annonçait la prise et l’entrée en vigueur du Règlement sur le retrait et la substitution simultanée de services de programmation, DORS/2015-240 (le Règlement sur la substitution), lequel prévoit un mécanisme sanctionnant les erreurs de substitution. Les dispositions pertinentes sont ainsi rédigées :

Décision du Conseil

4(3) Le titulaire ne peut retirer un service de programmation et y substituer un autre service de programmation si le Conseil rend une décision, en vertu du paragraphe 18(3) de la Loi sur la radiodiffusion, portant que le retrait et la substitution ne sont pas dans l’intérêt public.

Decision by Commission

4(3) A licensee must not delete a programming service and substitute another programming service for it if the Commission decides under subsection 18(3) of the Broadcasting Act that the deletion and substitution are not in the public interest.

Indemnisation

5(2) Le titulaire doit indemniser ses clients dans les cas où le Conseil rend une décision, en vertu du paragraphe 18(3) de la Loi sur la radiodiffusion, portant que le retrait et la substitution entraînent, en raison des agissements du titulaire, des erreurs substantielles récurrentes et que celui-ci n’a pas démontré avoir fait preuve de diligence afin de les éviter.

Compensation

5(2) A licensee must provide compensation to its customers if the Commission decides under subsection 18(3) of the Broadcasting Act that the licensee deleted and substituted a programming service in a manner that, through its own actions, resulted in recurring substantial errors and did not establish that it exercised due diligence to avoid those errors.

[17]           Le Conseil mentionne, à propos de la perte du droit de demander la substitution simultanée qui découle du paragraphe 4(3) du Règlement sur la substitution, qu’il était déjà habilité, par le mécanisme de substitution simultané précédent, à interdire la substitution simultanée lorsque celle-ci n’était pas dans l’intérêt public. Le Conseil explique que le paragraphe 5(2) du Règlement sur la substitution, qui prévoit une remise compensatoire, ne crée pas un nouveau pouvoir, mais que cette disposition apporte simplement les modifications nécessaires pour garantir l’atteinte des objectifs politiques. Selon le Conseil, la disposition prévoit une réparation et non des pénalités administratives monétaires. Enfin, le Conseil annonce son intention de rendre une ordonnance en vertu de l’alinéa 9(1)h) de la Loi en vue de soustraire le Super Bowl à l’application du régime de substitution simultanée.

[18]           Après y avoir été autorisées, la NFL et Bell ont chacune interjeté appel de la deuxième politique, le 24 février 2016 (dossier A-63-16) et le 29 février 2016 (dossier A-67-16) respectivement. Elles soutiennent que la décision de soustraire, par voie d’ordonnance, le Super Bowl à l’application du mécanisme de substitution simultanée outrepasse les pouvoirs que l’alinéa 9(1)h) de la Loi sur la radiodiffusion confère au Conseil et que cette décision va à l’encontre de la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, c. C-45, et de traités internationaux. Elles ajoutent que le Conseil n’est pas habilité à adopter le Règlement sur la substitution. Comme il est mentionné précédemment, les trois appels ont été réunis le 12 avril 2016. La Société Telus a obtenu un droit de participation limitée à l’audience dans l’appel réuni à titre d’intimée, car elle avait pris part aux consultations tenues devant le Conseil et dont émanent les instances.

[19]           Le 3 février 2016, le Conseil a publié l’Avis de consultation de radiodiffusion CRTC 2016‑37 (Avis 2016-37) sollicitant les observations sur un projet d’ordonnance de distribution, qui serait rendue en vertu de l’alinéa 9(1)h) de la Loi, visant à interdire la substitution simultanée à l’occasion du Super Bowl à compter de 2017.

II.                 Questions en litige

[20]           Les parties ont soulevé des questions concernant les deux politiques. Dans le cadre du premier appel, le procureur général fait valoir que la première politique n’appartient pas aux « décisions ou ordonnances », au sens où il faut l’entendre pour l’application de l’article 31 de la Loi, qui permet l’appel d’une décision ou d’une ordonnance seulement, et qu’un appel est prématuré. Par suite de la deuxième politique, le Conseil a pris le Règlement sur la substitution et a ainsi cristallisé ses décisions de politique, sur le plan du fond et de la forme, visant à créer un régime prévoyant des pénalités et des remises applicables aux erreurs de substitution simultanée. En conséquence, dans le dossier A-67-16 concernant la deuxième politique, le procureur général n’a pas soulevé d’argument préliminaire concernant le régime de réparation.

[21]           On peut donc récapituler en ces termes les questions qui doivent être tranchées dans le présent appel :

A.                 Est-ce que l’appel interjeté à l’encontre de la décision de politique visant à interdire la substitution simultanée à l’occasion du Super Bowl et sur les canaux spécialisés est prématuré?

B.                 Est-ce que le Conseil est incompétent pour créer un régime de réparation visant les erreurs de substitution simultanée?

III.               Analyse

A.                 Est-ce que l’appel interjeté à l’encontre de la décision de politique visant à interdire la substitution simultanée à l’occasion du Super Bowl et sur les canaux spécialisés est prématuré?

[22]           En vertu du paragraphe 31(2) de la Loi sur la radiodiffusion, on peut interjeter appel à la Cour uniquement contre les « décisions ou ordonnances » du Conseil. Le procureur général soutient que les deux politiques, dans la mesure où elles concernent l’interdiction d’effectuer des substitutions simultanées à l’occasion de la diffusion du Super Bowl dès 2017, s’apparentent à des énoncés de l’intention d’exercer les pouvoirs légaux. Par conséquent, ces politiques ne constitueraient pas des décisions ou des ordonnances au sens où il faut l’entendre pour l’application du paragraphe 31(2). Je souscris à cet argument.

[23]           Bell soutient que le Conseil a pris une décision définitive et exécutoire en interdisant la substitution simultanée à l’occasion du Super Bowl à compter de 2017 et qu’une telle décision ne saurait être contestée. Bell fonde sa thèse sur la terminologie employée par le Conseil, qui renvoie à ce changement de politique en employant le terme « décision ». Ainsi, par exemple, sous la rubrique « Mise en œuvre », le Conseil déclare dans la première politique qu’il publiera un avis de consultation « sollicitant des observations sur le libellé des modifications qu’il propose d’apporter au Règlement de façon à réaliser les changements de politiques énoncés dans la présente décision » (voir Première politique; dossier d’appel conjoint, vol. 2, onglet 3, p. 243, par. 23). Dans sa réponse à l’argument du procureur général visant la prématurité dans le dossier A-231-15, Bell mentionne également que le Conseil a sollicité des observations, non pas sur la décision comme telle d’interdire la substitution simultanée à l’occasion du Super Bowl, mais seulement sur le libellé du projet de modification du Règlement sur la distribution nécessaire pour mettre sa décision à exécution. Dans son récent Avis 2016-37, publié le 3 février 2016, le Conseil a lancé son Appel aux observations sur un projet d’ordonnance de distribution interdisant la substitution simultanée lors du Super Bowl (Appel aux observations sur le Super Bowl) et il a réitéré que le projet d’ordonnance comporterait la mise en application d’une « décision » de politique (Avis 2016-37, dossier d’appel conjoint, vol. 1, onglet F, p. 37).

[24]           Ces arguments sont loin d’être déterminants, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, le Conseil qualifie également le projet de modification d’ « énoncé d’intention » ou de « décision de politique » (voir, par exemple, la deuxième politique, dossier d’appel conjoint, vol. 1, onglet G, p. 47 à 49, par. 20 et 27). Plus particulièrement, c’est le fond et l’effet de la « décision » contestée qui importent, non pas les mots choisis par le Conseil pour y référer.

[25]           Fait intéressant, le Conseil lui- même estime que les arguments présentés par la NFL en réponse à son Appel aux observations sur le projet de Règlement sur le retrait et la substitution simultanée de services de programmation (Appel aux observations sur le retrait et la substitution) sont prématurés, parce qu’il n’a pas encore rendu d’ordonnance soustrayant la diffusion du Super Bowl au régime de substitution simultanée (Deuxième politique, dossier d’appel conjoint, vol. 1, onglet G, p. 48, par. 26). Dans les faits, le projet de réforme des politiques envisagé par le Conseil n’a aucun effet direct, immédiat ou juridique sur les appelantes tant que cette réforme n’est pas mise en application par voie de règlement ou d’ordonnance. L’article 6 de la Loi énonce clairement que les directives formulées par le Conseil sur des questions relevant de sa compétence ne lient pas le Conseil. En revanche, l’article 7 prévoit que les instructions d’application générale au chapitre des grandes orientations données par le gouverneur en conseil lient le Conseil.

[26]           Dans un arrêt précédent, notre Cour a jugé que les directives données par le Conseil, en vertu de la Loi sur les télécommunications, L.C. 1993, ch. 38, ne peuvent être assimilées à des « décisions » (voir Institut Canadien des Compagnies Immobilières Publiques et Privées c. Bell Canada, 2004 CAF 243, [2004] A.C.F. no 1103 [Institut Canadien]). Dans cette affaire, le Conseil avait imposé une condition à toutes les entreprises de services locaux qui fournissaient des services téléphoniques locaux à des clients habitant des immeubles à logements multiples (ILM), mais avait expressément refusé d’imposer de telles conditions aux propriétaires privés d’ILM. Il avait plutôt établi des lignes directrices conçues pour aider les parties à négocier en temps utile des modalités d’accès à des conditions raisonnables et avait déclaré que si les négociations échouaient, il prendrait les mesures appropriées et, au besoin, rendrait une ordonnance. La Cour a convenu avec les intimés pour dire que ces lignes directrices du Conseil ne sont pas des « décisions » au sens où il faut l’entendre pour l’application du paragraphe 64(1) de la Loi sur les télécommunications, lequel a essentiellement le même effet que le paragraphe 31(2) de la Loi sur la radiodiffusion. Pour citer la Cour :

Le paragraphe 64(1) de la Loi confère le droit d’interjeter appel, sur autorisation de notre Cour, des « décisions » du CRTC sur des questions de droit ou de compétence. L’ordonnance par laquelle notre Cour a accordé l’autorisation d’interjeter appel a été rendue sous réserve du droit des intimés de plaider que notre Cour ne peut connaître de l’appel et que l’appel est prématuré. À notre avis, notre Cour n’a pas compétence pour instruire le présent appel parce que les propos qu’a tenus le CRTC au sujet de sa compétence éventuelle ne constituent pas une « décision » au sens du paragraphe 64(1) de la Loi. Le CRTC n’a imposé aucune condition ou ordonnance obligatoire ayant une incidence sur les droits reconnus par la loi aux propriétaires privés d’ILM. [...] Il a simplement dit que, selon les circonstances, il serait disposé à prendre éventuellement ce type de mesure. Il n’a pas précisé dans quelles circonstances il conviendrait qu’il publie une ordonnance ni de quelles modalités il pourrait assortie cette ordonnance.

Institut Canadien, par. 5

[27]           L’avocat de Bell soutient que la présente affaire se distingue de l’arrêt Institut Canadien parce que le Conseil a lui-même déclaré qu’il avait rendu une décision concernant l’objet de l’appel. Certes, le Conseil semble résolu à mettre à exécution sa décision de politique. Toutefois, tant qu’il n’a pas agi, son inaction ne tire pas à conséquence pour la présente instance. Le Conseil a lui-même indiqué clairement à plus d’une occasion que ses décisions de politique seront mises à exécution par voie de règlement ou d’ordonnance (voir, par exemple l’Avis 2015-330, dossier d’appel conjoint, vol. 1, onglet H, p. 54 et 56; Bulletin 2015-329, dossier d’appel conjoint, vol. 1, onglet I, p. 65 et 69).

[28]           Il ressort de l’arrêt Institut Canadien que, du moins pour l’application du paragraphe 64(1) de la Loi sur les télécommunications (et, partant, du paragraphe 31(2) de la Loi sur la radiodiffusion), une décision se caractérise par une « condition ou ordonnance obligatoire ayant une incidence sur les droits reconnus par la loi » à une partie. Autrement dit, l’annonce des mesures qu’un décideur administratif compte prendre à l’avenir n’a aucun effet juridique. Les décisions invoquées par Bell au soutien de son argument ne s’écartent pas de ce principe, mais confirment plutôt la règle générale voulant que les décisions et les ordonnances doivent être définitives pour être prises en considération par les tribunaux (voir Brink’s Canada Ltée c. Canada (Commission des droits de la personne), [1996] 2 R.C.F. 113, par. 46 et 51, 1996 CanLII 4023); Ipsco Inc. c. Sollac, Aciers d’Usinor, 1999 CarswellNat 1026, par. 4, 1999 CanLII 8080 (CAF); Wilson c. Énergie atomique du Canada limitée, 2015 CAF 17, par. 24 à 41, [2015] 4 R.C.F. 467; Tomen c. Ontario Teachers’ Federation, [1994] O.J. no 1585, par. 26, 19 O.R. (3d) 371 (Div. gén.). En fait, les « décisions » de politique du Conseil, comme la première politique, rappellent de nombreuses caractéristiques des livres blancs dans lesquels les gouvernements soumettent leurs préférences politiques avant de déposer un projet de loi et pour obtenir les réactions des intéressés et des parties touchées par le changement politique envisagé. Ces documents ne sont manifestement pas justiciables et il en va de même pour les politiques contestées du Conseil, car celles-ci n’ont pas été mises en application par voie de règlement ou d’ordonnance.

[29]           Il existe aussi de solides raisons de principe qui empêchent notre Cour d’intervenir à cette étape précoce du processus. Premièrement, comme l’affirme l’intimé, la Cour ne dispose pas d’un dossier complet lui permettant de mesurer la portée du pouvoir du Conseil. On s’attend, à la suite de la publication de son Appel aux observations sur le Super Bowl dans l’Avis 2016-37, à ce que le Conseil peaufine son analyse et présente la justification à l’appui de toute ordonnance qu’il pourrait rendre lorsqu’il aura pris connaissance des arguments des appelantes. La Cour devrait s’en remettre à l’expertise, à l’expérience et au raisonnement du Conseil avant de tirer ses propres conclusions quant à la validité d’une telle ordonnance (voir Forest Ethics Advocacy Association c. Canada (Office national de l’énergie), 2014 CAF 245, par. 42 à 44, [2015] 4 R.C.F. 75). Il faut passer par la filière, et les appelantes ne devraient pas être autorisées à la contourner en présentant ce qui constitue, en pratique, une demande d’opinion juridique. En vertu de l’article 17 de la Loi, le Conseil a le pouvoir de trancher des questions de droit, ce qui équivaut à trancher des questions portant sur son propre pouvoir. Je partage par conséquent l’avis de l’intimé voulant que notre Cour dispose de l’analyse effectuée par le Conseil à l’égard des arguments des appelantes pour pouvoir s’acquitter à bon droit de ses fonctions d’appel.

[30]           En outre, il ressort de l’historique de la présente instance que beaucoup pourrait survenir d’ici à ce que le Conseil mette à exécution sa décision de politique. Comme il est mentionné plus haut, le Conseil a tout d’abord annoncé son intention d’interdire la substitution simultanée à l’occasion du Super Bowl par voie de modification du Règlement sur la distribution (voir première politique, dossier d’appel conjoint, vol. 2, onglet 3, p. 243, par. 22 et 23). Le Conseil a changé son fusil d’épaule et a annoncé que l’interdiction se ferait plutôt par voie d’ordonnance rendue en vertu du paragraphe 9(1)h) de la Loi (voir deuxième politique, dossier d’appel conjoint, vol. 1, onglet G, p. 48, par. 27).

[31]           L’avocat de Bell réplique que le Conseil a sollicité des observations, non pas sur la décision en soi, mais sur le libellé du projet d’ordonnance visant la substitution simultanée à l’occasion de la diffusion du Super Bowl. Certes, mais, à vrai dire, rien n’empêche le Conseil de ne pas mettre sa décision à exécution ou de modifier l’ordonnance pour en élargir la portée (p. ex., pour l’étendre à d’autres types de manifestations télévisuelles) ou en retarder l’application jusqu’à l’expiration de l’entente entre la NFL et Bell. Il ne faudrait pas préjuger du résultat des consultations. Il convient de laisser ce régime administratif suivre son cours avant de demander à un tribunal de rendre un jugement sur une question susceptible de se révéler théorique. Non seulement cette manière de procéder est plus respectueuse à l’égard de l’organisme spécialisé chargé par le législateur de surveiller le régime administratif instauré dans ce secteur complexe, mais elle permet aussi d’optimiser les ressources judiciaires limitées.

[32]           Bell soutient également que les appelantes ne disposeront d’aucun véritable recours contre les décisions de politique du Conseil si le présent appel est rejeté au motif qu’il est prématuré. Cet argument repose également sur la notion voulant que le Conseil ait pris deux décisions distinctes, la première étant la décision de politique et l’autre sa mise en application par voie d’ordonnance ou quelque autre moyen. Or, je tente de démontrer aux paragraphes précédents des présents motifs que cette filière aboutira éventuellement à une ordonnance. Je ne vois pas ce qui pourrait empêcher Bell d’interjeter appel de l’ordonnance, s’il en est, tout particulièrement vu que le présent appel est rejeté (à l’égard de la substitution simultanée à l’occasion de la diffusion du Super Bowl) parce qu’il est prématuré.

[33]           La NFL soutient aussi que le présent appel revêtira un caractère théorique si la validité d’une ordonnance interdisant la substitution simultanée à l’occasion du Super Bowl n’est pas déterminée avant le prochain Super Bowl, qui se tiendra en février 2017. Il est évidemment à l’avantage de tous les intéressés que le Conseil prenne une décision finale bien avant ce moment pour qu’une demande d’autorisation d’interjeter appel puisse être déposée en temps opportun. Quoi qu’il en soit, et comme le reconnaît l’avocat de la NFL, notre Cour pourrait être saisie de requêtes en sursis et en accélération de l’instruction si le temps pressait.

[34]           Pour les motifs qui précèdent, je suis d’avis qu’un pourvoi ne peut être interjeté en vertu du paragraphe 31(2) de la Loi relativement à ce qui était, au moment de l’audience, un projet d’ordonnance de distribution ou de règlement interdisant la substitution simultanée à l’occasion du Super Bowl. Notre Cour a été informée qu’à la suite de l’audience dans l’instance, le Conseil a rendu publiques, le 19 août 2016, la Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2016-334 et l’Ordonnance de radiodiffusion CRTC 2016-335. En vertu de l’alinéa 9(1)h) de la Loi, le Conseil a rendu une ordonnance de distribution en vertu de laquelle la substitution simultanée ne serait plus autorisée à l’occasion du Super Bowl, qui prenait effet le 1er janvier 2017. Toutefois, notre formation n’est pas saisie de cette ordonnance et ne saurait donc exprimer d’opinion quant à sa légalité.

[35]           Le même raisonnement s’applique, et ce plus encore, à la décision de politique d’interdire la substitution simultanée au bénéfice des canaux spécialisés. Dans son avis d’appel dans le dossier A‑231-15, Bell soutient qu’on a porté atteinte à son droit à l’équité procédurale parce que le Conseil ne l’avait pas informée des interdictions qu’il envisageait de mettre en application relativement aux canaux spécialisés et avait imposé après coup le fardeau aux diffuseurs et aux entreprises de distribution de radiodiffusion de démontrer que la substitution simultanée avait toujours sa raison d’être. Je remarque que Bell n’a pas mentionné ce moyen dans le dossier A‑67‑16.

[36]           On ne peut pas évaluer des consultations avant qu’elles ne soient terminées. Dans sa première politique, le Conseil indique qu’à son avis, les entreprises de distribution de radiodiffusion ne devraient plus être autorisées à fournir la substitution simultanée à l’égard des services spécialisés et mentionne son intention de modifier en ce sens le Règlement sur la distribution (première politique, dossier d’appel conjoint, vol. 2, onglet G, p. 47, par. 18). Sous la rubrique « Mise en œuvre », il indique également son intention de publier un avis de consultation en vue d’obtenir des commentaires sur le libellé du projet de modification du Règlement sur la distribution nécessaire pour donner effet au changement d’orientation que cette décision représente. Comme il est mentionné précédemment, un Appel aux observations sur le Super Bowl a fini par été lancé relativement à un projet d’ordonnance de distribution interdisant la substitution simultanée à l’occasion du Super Bowl, mais aucune consultation n’a été tenue jusqu’à maintenant relativement au projet de modification du Règlement sur la distribution visant à effectuer le changement d’orientation en matière de substitution simultanée pour les canaux spécialisés. En conséquence, la mise en œuvre de ce changement d’orientation est encore moins imminente que celle d’une ordonnance interdisant la substitution simultanée à l’occasion du Super Bowl.

[37]           Quoi qu’il en soit, même si cela n’est pas absolument nécessaire, compte tenu que j’estime l’appel prématuré, j’ajouterais que le Conseil n’a pas manqué à l’équité procédurale. À la lumière des facteurs énoncés dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, aux paragraphes 23 à 28, 1999 CanLII 699, pour déterminer la teneur des obligations en matière d’équité procédurale dans un contexte donné, je crois que les exigences sont minimales en l’espèce. La « décision » devant être prise par le Conseil s’apparente à une « décision » de politique, qui emporte l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire très vaste et la prise en compte de multiples facteurs polycentriques. Ce n’est pas le genre de décision qui appelle un degré élevé d’équité procédurale. Bell avait le droit de faire entendre et prendre en compte ses arguments, mais ne pouvait légitimement s’attendre à une issue donnée.

[38]           Un examen minutieux du dossier montre clairement que Bell a eu un préavis suffisant que la substitution simultanée dans son ensemble allait faire l’objet de discussions et qu’elle a été informée des préoccupations soulevées par la population canadienne au cours des phases I et II des consultations menées dans le cadre de l’exercice Parlons télé. Avant l’audience publique qui a débuté le 8 septembre 2014, le Conseil avait résumé ces préoccupations et avait mentionné expressément la préférence de la population canadienne pour la diffusion des messages publicitaires américains pendant le Super Bowl (voir l’Avis 2014-190, par. 54 à 61). En ce qui concerne l’interdiction de la substitution simultanée pour les services spécialisés et l’introduction d’un régime de réparation, il ressort de la transcription que la question a été soulevée par le Conseil durant l’exposé de Bell (voir la transcription des observations orales de Bell, par. 5329-5341 et 5358, dossier d’appel conjoint, vol. 11, onglet 69, p. 3392 et 3393). Par conséquent, on ne peut avancer que Bell n’avait pas été informée des questions examinées par le Conseil et des moyens qu’il envisageait. Bell a eu amplement l’occasion de présenter des observations et de prévenir le Conseil des répercussions prévisibles de sa décision, et elle ne peut avancer qu’elle a été limitée par le fait que ce dernier n’a pas énoncé toutes les issues possibles des consultations.

B.                 Est-ce que le Conseil est incompétent pour créer un régime de réparation visant les erreurs de substitution simultanée?

[39]           En ce qui concerne le deuxième appel de Bell, qui concerne la promulgation du Règlement sur la substitution, il est bien établi que les règlements jouissent, comme les lois, d’une présomption de validité. En conséquence, il incombe à la partie appelante de démontrer l’invalidité du règlement contesté, et les tribunaux préféreront dans la mesure du possible l’interprétation selon laquelle il est valide (voir Katz Group Canada Inc. c. Ontario (Santé et Soins de longue durée)), 2013 CSC 64, par. 25 et 26, [2013] 3 R.C.S. 810; John Mark Keyes, Executive Legislation, 2e éd. (Markham, LexisNexis, 2010), p. 544 à 550 [Keyes, Executive Legislation]; Donald J. M. Brown et John M. Evans, Judicial Review of Administrative Action in Canada (feuilles mobiles) (Toronto, Cavasback Publishing, 2009), par. 15:3200 et 15:3230. Il va sans dire que les facteurs économiques ou politiques qui sous-tendent le règlement ne sont pas soumis à l’examen que mène notre Cour lorsqu’il s’agit d’en déterminer la validité, ni d’ailleurs la probabilité qu’il permette d’atteindre les objectifs formulés (Thorne’s Hardware Ltd. c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 106, p. 112 et 113, 1983 CanLII 20; CKOY Ltd. c. La Reine, [1979] 1 R.C.S. 2, p. 12, 1978 CanLII 40 [CKOY]; Keyes, Executive Legislation, p. 266).

[40]           Bell soutient que le Conseil n’a pas la compétence requise pour imposer des pénalités ou pour exiger le versement de remises monétaires visant à indemniser des erreurs commises pendant le processus de substitution simultanée. Le procureur général a admis que le paragraphe 18(3) de la Loi, aux termes duquel « [l]es plaintes et les observations présentées au Conseil, de même que toute autre question relevant de sa compétence au titre de la présente loi, font l’objet de telles audiences, d’un rapport et d’une décision [...] » ne suffit pas pour fonder le régime de réparation instauré par le Conseil. Comme le prétend Bell, l’interprétation des « dispositions omnibus » de ce genre est fonction du cadre législatif dont elles sont issues; même si l’article 18 de la Loi traite des audiences et de la procédure devant le Conseil, il ne traite nullement de sanctions ou de remises. Une affaire doit relever par ailleurs de la compétence du Conseil pour que celui-ci soit habilité à entendre une plainte et à en décider.

[41]           Bell soutient également que le législateur doit conférer expressément au Conseil le pouvoir d’ordonner des réparations tels que des pénalités et des remises, comme il l’a fait dans la Loi sur les télécommunications aux articles 72.001 à 72.2. Selon Bell, la Loi sur la radiodiffusion ne fait état d’aucun pouvoir de ce genre. Selon l’article 12 de cette dernière, le Conseil peut uniquement rendre une ordonnance enjoignant à une personne de faire ce que la Loi l’oblige à faire ou lui interdisant de faire ce que la Loi interdit; une telle ordonnance est assimilée à une ordonnance de la Cour fédérale ou d’une cour supérieure d’une province et est exécutoire au même titre qu’une ordonnance d’un de ces tribunaux (voir l’article 13 de la Loi sur la radiodiffusion). Le non-respect d’un règlement ou d’une ordonnance constitue une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire en application du paragraphe 32(2) de la Loi sur la radiodiffusion. Ce sont les seules pénalités prévues expressément dans la Loi.

[42]           En l’espèce, la question de savoir si le Conseil détient ou non le pouvoir d’instaurer un régime de réparation doit être tranchée selon la norme de la décision raisonnable. Même si Bell est de l’avis contraire, il ne fait aucun doute, selon moi, que l’interprétation donnée par l’organe administratif de sa loi habilitante emporte la déférence. Non seulement ce principe a-t-il été solidement établi par la Cour suprême dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 54, [2009] 1 R.C.S. 190, mais il a été réitéré depuis (voir par exemple Smith c. Alliance Pipeline Ltd., 2011 CSC 7, par. 28, [2011] 1 R.C.S. 160; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, par. 30, [2011] 3 R.C.S. 654; McLean c. ColombieBritannique (Securities Commission), 2013 CSC 67, par. 33, [2013] 3 R.C.S. 895). Toutefois, notre Cour a confirmé dans Bell Canada c. Amtelecom Limited Partnership, 2015 CAF 126, aux paragraphes 37 à 39, que l’expertise du Conseil lui permet de déterminer son champ de compétence dans l’application de ses lois habilitantes. En conséquence, notre Cour n’interviendra que si l’interprétation par le Conseil de ses pouvoirs délégués n’appartient pas aux issues possibles et acceptables.

[43]           Selon un ancien principe, aucune sanction pécuniaire ne peut être imposée à un sujet sauf lorsqu’une disposition législative claire et distincte l’autorise (Liverpool Corp. c. Arthur Maiden Ltd., [1938] 4 All E.R. 200; Assoc. canadienne de télévision par câble c. American College Sports Collective of Canada Inc., [1991] 3 C.F. 626, [1991] A.C.F. no 502 (C.A.F.)). C’est précisément la raison pour laquelle les régimes de sanctions administratives pécuniaires, tels que celui que prévoit la Loi sur les télécommunications à ses articles 72.001 à 72.2, sont expressément autorisés par des lois (voir entre autres Law Reform Commission of Saskatchewan, Administrative Penalties: A Consultation Paper (juin 2009), où l’on cite différentes lois qui prévoient de tels régimes, notamment la Securities Act, 1988, S.S. 1988-89, ch. S-42.2; la Loi sur les valeurs mobilières, L.R.O. 1990, ch. S.5; The Saskatchewan Insurance Act, R.S.S. 1978, ch. S-26; The Trust and Loan Corporations Act, 1997, S.S. 1997, c. T-22.2; et la Loi de 1997 sur la réglementation des boissons alcoolisées et des jeux de hasard, S.S. 1997, ch. A-18,011).

[44]           Le Conseil, dans différentes décisions, et le procureur général, dans ses observations écrites et orales, soutiennent que le régime de réparation dont il est question dans le Règlement sur la substitution n’est pas de nature punitive, mais vise plutôt à servir l’intérêt public et à favoriser l’atteinte des objectifs de politique de la Loi. Dans son Bulletin 2015-329, le Conseil déclare que les modifications envisagées au régime de substitution simultanée ont pour objet de « s’assurer que les objectifs de politique de la Loi continuent d’être atteints » et qu’elles « ne se veulent pas punitives ». Il ajoute que « [l]eur seul objectif est de fournir un recours à des membres particuliers du système de radiodiffusion afin que le système, dans son ensemble, puisse poursuivre l’atteinte des objectifs de la Loi [...] » (voir Bulletin 2015-329, dossier d’appel conjoint, vol. 1, onglet I, p. 66 et 67).

[45]           Dans sa deuxième politique, qui annonçait la prise du Règlement sur la substitution, le Conseil a répété que le régime de substitution simultanée joue généralement un rôle important, en ce qui concerne l’atteinte des objectifs de politique de la Loi, ajoutant que les erreurs substantielles récurrentes dans la façon dont les radiodiffuseurs et les EDR effectuent la substitution simultanée « compromettent l’intégrité de ce mécanisme dans son ensemble », ainsi que sa « capacité à contribuer aux objectifs de la Loi en général ». Il a ajouté :

Quant à l’article 4(3) du Règlement en ce qui concerne la perte du droit d’exiger la substitution simultanée, le mécanisme actuel de substitution simultanée comprend déjà, tel que noté ci-dessus, une disposition qui permet au Conseil d’ordonner le retrait de la substitution simultanée s’il estime que celle-ci n’est pas dans l’intérêt public.

En ce qui a trait à l’article 5(2) du Règlement à l’égard de l’indemnisation des clients, cette exigence est nécessaire pour être en mesure de pallier les dommages au système de radiodiffusion. Ainsi, en établissant ce Règlement, le Conseil ne crée pas un nouveau pouvoir ou n’instaure pas une nouvelle règle. Il modifie plutôt le mécanisme actuel de substitution simultanée lorsque nécessaire pour s’assurer qu’il continue à respecter les objectifs de la Loi. Ces révisions sont par nature correctives et ne peuvent être assimilées à des SAP [sanctions administratives pécuniaires]

Deuxième politique, dossier d’appel conjoint, vol. 1, onglet G, p. 48, par. 24 et 25.

[46]           Est-ce que ces déclarations constituent de la frime ou un écran de fumée? Je ne le crois pas. Les tribunaux doivent présumer qu’un organe administratif doté de pouvoirs réglementaires tel que le Conseil est franc et transparent lorsqu’il énonce publiquement les raisons qui sous-tendent l’exercice des pouvoirs qu’il estime posséder. Dans la présente instance, rien ne permet de croire que le Conseil tente d’accomplir par des moyens détournés ce qu’il ne pouvait faire explicitement ou de manière plus directe. En outre, le retrait des privilèges de substitution simultanée qui avaient été accordés aux diffuseurs et l’indemnisation devant être payée par une entreprise de distribution de radiodiffusion à ses clients seront déterminés en droit administratif et réglementaire dans le cadre d’une instance intentée en vertu du paragraphe 18(3) de la Loi. Ils ne feront pas l’objet d’une instance criminelle ou quasi‑criminelle. Comme notre Cour le mentionne dans l’arrêt Genex Communications Inc. c. Canada (Procureur Général), 2005 CAF 283, au paragraphe 166, [2005] A.C.F. no 1440, l’objet d’une audience publique tenue en vertu du paragraphe 18(3) n’est pas de déterminer à des fins punitives si un titulaire a commis une infraction, mais bien de voir s’il y a lieu de prendre l’une des mesures énumérées au paragraphe 18(1) (dont l’ordonnance visée au paragraphe 12(2)) dans l’intérêt public et le respect des valeurs de la Charte et pour la mise en œuvre de la politique canadienne de radiodiffusion. Il convient également de mentionner que les remises que les entreprises de distribution de radiodiffusion peuvent être tenues d’appliquer en guise d’indemnisation doivent être versées aux clients et non à l’organe de réglementation ou à l’État. Je suis d’accord avec le procureur général pour dire que ces éléments appuient la conclusion voulant qu’il s’agisse d’une mesure de réparation et non d’une mesure punitive.

[47]           Enfin, je pense que le régime de réparation que le Conseil a mis en place doit être considéré à juste titre comme un ajout nécessaire ou un complément implicite aux larges pouvoirs qui lui ont été conférés pour lui permettre d’atteindre les objectifs fixés par le législateur. En fait, une lecture attentive de la Loi confirme les vastes pouvoirs discrétionnaires dont dispose le Conseil pour lui permettre de mettre en application la politique canadienne de radiodiffusion. Comme l’affirme la Cour suprême dans le Renvoi relatif à la Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2010-167 et l’ordonnance de radiodiffusion CRTC 2010-168, 2012 CSC 68, au paragraphe 15, [2012] 3 R.C.S. 489 [Renvoi relatif à la Politique réglementaire de radiodiffusion] :

Il est incontestable que le CRTC dispose de vastes pouvoirs en matière de réglementation et d’attribution de licences. Aux termes de la Loi sur la radiodiffusion, le CRTC a pour mission de réglementer et de surveiller « tous les aspects du système canadien de radiodiffusion en vue de mettre en œuvre la politique canadienne de radiodiffusion » (par. 5(1)).

[48]           Vus sous cet angle, les pouvoirs du Conseil sont effectivement aussi vastes qu’ils peuvent l’être. Même s’ils portent essentiellement sur la teneur de la programmation, les objectifs de politique énumérés au paragraphe 3(1) de la Loi énoncent également divers facteurs économiques, surtout en lien avec les entreprises de distribution de radiodiffusion. Cela dit, et aussi vastes que puissent être ces objectifs de politique, ils ne sauraient constituer le critère déterminant la compétence du Conseil et ne suffiront pas à eux seuls pour fonder un pouvoir réglementaire. En réponse à un argument fondé sur une déclaration faite dans l’arrêt CKOY et selon laquelle pour décider si un règlement est valide, il faut voir s’il porte sur un sujet mentionné à l’article 3 de la Loi, la Cour suprême opine ainsi :

[...] l’arrêt CKOY ne permet pas d’affirmer que la possibilité d’établir l’existence d’un lien — aussi ténu soit-il — entre un règlement projeté et un objectif de politique énuméré à l’article 3 de la Loi constitue un critère suffisant pour donner compétence au CRTC. Un tel raisonnement irait à l’encontre du principe suivant lequel des énoncés de politique ont pour effet de circonscrire le pouvoir discrétionnaire conféré à un organisme de réglementation subalterne.

Renvoi relatif à la Politique réglementaire de radiodiffusion, par. 25 [en italiques dans l’original]

[49]           Par conséquent, c’est à la lumière de l’article 10 de la Loi — qui confère au Conseil son pouvoir délégué de prendre des règlements — que la Cour doit déterminer la validité de tout règlement du Conseil. Je ne veux pas dire par là qu’il faut faire fi complètement des politiques et des objectifs en matière de radiodiffusion qui sont énumérés à l’article 3 de la Loi lorsqu’il s’agit de déterminer la portée des pouvoirs de réglementation conférés au Conseil, car, comme le reconnaît la Cour suprême dans le Renvoi relatif à la Politique réglementaire de radiodiffusion, il faut présumer que le législateur a conféré au Conseil le pouvoir de prendre des mesures favorisant l’atteinte de ces objectifs. Somme toute, le défi pour la Cour consiste toujours à interpréter avec souplesse les pouvoirs de réglementation du Conseil tout en évitant de les élargir au-delà de ce que le législateur entendait. Pour reprendre la mise en garde formulée à juste titre par la Cour suprême dans l’arrêt Bell Canada c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), [1989] 1 R.C.S. 1722, à la page 1756, 1989 CanLII 67 :

Les pouvoirs d’un tribunal administratif doivent évidemment être énoncés dans sa loi habilitante, mais ils peuvent également découler implicitement du texte de la loi, de son économie et de son objet. Bien que les tribunaux doivent s’abstenir de trop élargir les pouvoirs de ces organismes de réglementation par législation judiciaire, ils doivent également éviter de les rendre stériles en interprétant les lois habilitantes de façon trop formaliste.

Voir également les arrêts ATCO Gas & Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy & Utilities Board), 2006 CSC 4, aux paragraphes 50, 51 et 73, [2006] 1 R.C.S. 140; R. c. 974649 Ontario Inc., 2001 CSC 81, au paragraphe 70, [2001] 3 R.C.S. 575.

[50]           Je partage l’avis de l’avocat du procureur général selon lequel les alinéas 10(1)c) et 10(1)g) de la Loi prévoient un fondement juridique exprès relativement au régime de réparation sanctionnant les erreurs de substitution simultanée. Aux termes de ces dispositions, le Conseil a le pouvoir de prendre des règlements pour « fixer » les normes visant les programmes et « régir » la fourniture de services de programmation par les entreprises de distribution de radiodiffusion. Le libellé des dispositions de Loi qui confèrent ces pouvoirs est général, ce qui habilite le Conseil à assurer l’atteinte des objectifs énumérés à l’article 3. Il n’est pas déraisonnable de croire que si une programmation n’est pas fournie aux abonnés d’une manière qui leur permet de la voir intégralement et sans erreur de répétition, le système canadien de radiodiffusion n’aura pas atteint ses objectifs énoncés, qui appellent le Conseil « à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure culturelle, politique, sociale et économique du Canada » (Loi, sous-al. 3(1)d)(i)) et à « assurer efficacement, à l’aide des techniques les plus efficientes, la fourniture de la programmation à des tarifs abordables » (Loi, sous‑al. 3(1)t)(ii)).

[51]           En outre, le législateur a élargi davantage la portée générale des pouvoirs de réglementation du Conseil en décrétant qu’il pouvait « prendre toute autre mesure qu’il estime nécessaire à l’exécution de sa mission » (Loi, al. 10(1)k)). Le critère subjectif qui ressort du libellé démontre clairement l’intention du législateur de conférer au Conseil une vaste marge d’appréciation dans sa fonction de réglementation. En conséquence, les tribunaux concluent invariablement qu’un tel libellé réduit considérablement la marge d’intervention judiciaire. Pour citer Elmer A. Driedger :

[traduction]

Un pouvoir plus vaste est accordé si un critère subjectif de nécessité est prescrit. En conséquence, le gouverneur en conseil peut être investi du pouvoir de prendre les règlements qu’il juge nécessaires (souhaitables, expéditifs) pour atteindre les objectifs de la Loi. Dans un tel cas, [...] l’organe de réglementation est seul juge de la nécessité, et les tribunaux ne remettront pas sa décision en question, sauf s’il est établi qu’il a fait preuve de mauvaise foi. Il existe donc une différence entre les deux exemples ci-après de la teneur du pouvoir qui est conféré :

Peut, par règlement, prendre toute mesure nécessaire à l’application de la présente loi. Peut, par règlement, prendre toute mesure qu’il juge nécessaire à la bonne exécution de la présente loi.

Un pouvoir plus important est conféré lorsque le délégué est habilité à prendre les règlements qu’il juge nécessaires à l’atteinte de l’objectif énoncé [...]

Elmer A. Driedger, « Subordinate Legislation » (1960) 38 Can. B. Rev. 1, p. 28 et 29 [en italiques dans l’original], cité dans Aves v. Nova Scotia (Public Utilities Board) (1973), 39 D.L.R. (3d) 266, par. 25 et 26, 5 N.S.R. (2d) 370 (N.S. C.A.). Voir également Apotex Inc. c. Canada (Procureur général), [2000] 4 C.F. 264, par. 66, [2000] A.C.F. no 634 (C.A.F.); Teal Cedar Products (1977) Ltd. c. Canada (C.A.), [1989] 2 C.F. 158, par. 15 et 16 (C.A.F.); Keyes, Executive Legislation, p. 322 et 328.

[52]           Je suis conscient du fait que le règlement pris en vertu de l’alinéa 10(1)k) — aussi général soit-il — doit avoir un lien rationnel et plausible avec les objectifs de la Loi. Dans la présente instance, je suis disposé à accepter qu’un tel lien a été établi. Le règlement adopté pour régler les problèmes de substitution simultanée est le fruit de consultations à grande échelle auprès de la population canadienne. Comme l’a mentionné le Conseil, la fréquence des erreurs durant le mécanisme de substitution simultanée semble être une source constante de frustration. Tout en reconnaissant que la substitution simultanée demeure très avantageuse pour les diffuseurs canadiens, puisqu’elle leur permet d’exploiter et de rentabiliser au maximum les droits de programmation qu’ils achètent puis de réinvestir dans la production d’émissions canadiennes, le Conseil était d’avis qu’il fallait intervenir pour assurer l’intégrité du mécanisme de substitution simultanée même et l’atteinte des objectifs de politique énoncés dans la Loi. Rien dans cette justification ne me paraît trop éloigné des objectifs réels de la Loi. Au contraire, le régime de réparation me semble une solution mesurée à une situation qui constitue, de l’avis du Conseil, une véritable déficience du système de radiodiffusion. En conséquence, ce régime s’inscrit dans le pouvoir de réglementation que lui confère l’alinéa 10(1)k) de la Loi.

[53]           En outre, je suis d’accord avec Bell pour dire qu’une disposition omnibus libellée en termes généraux comme l’alinéa 10(1)k) ne peut être lue isolément et doit plutôt être interprétée à la lumière de l’ensemble de l’article dont elle est issue, comme le dit la Cour suprême dans le Renvoi relatif à la Politique réglementaire de radiodiffusion, au paragraphe 29. Toutefois, la présente affaire se distingue de ce renvoi en ce sens que certaines des matières énumérées au paragraphe 10(1) concernent en effet la substitution simultanée et la création d’un régime d’application afférent. À mon avis, il ne faut pas estimer que la déclaration de la Cour suprême dans le Renvoi relatif à la Politique réglementaire de radiodiffusion prive de sens toute disposition générale comme l’alinéa 10(1)k). La Cour suprême voulait simplement dire que le contenu d’une disposition « est enrichi par le reste de l’article dans lequel il est situé », ce qui équivaut simplement à une autre manière de formuler la méthode d’interprétation moderne. Dans un cas comme celui qui nous occupe, où il est possible de rattacher à d’autres dispositions le pouvoir d’un décideur administratif de prendre les textes réglementaires envisagés, l’existence d’une disposition omnibus ne fait que confirmer un tel pouvoir.

IV.              Conclusion

[54]           Pour les motifs qui précèdent, je suis d’avis que le régime de réparation énoncé dans la deuxième politique a été pris à bon droit et que les appels doivent être rejetés.

[55]           Les parties ont informé la Cour qu’elles ne réclament pas de dépens.

« Yves de Montigny »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Johanne Gauthier, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Richard Boivin, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Marie-Luc Simoneau, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

A-231-15

 

INTITULÉ :

BELL CANADA et al. c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et al.

 

ET DOSSIER :

A-63-16

 

INTITULÉ :

NATIONAL FOOTBALL LEAGUE et al c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

ET DOSSIER :

A-67-16

 

INTITULÉ :

BELL CANADA et al. c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et al.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 20 juin 2016

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

 

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE BOIVIN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 2 septembre 2016

 

COMPARUTIONS :

Me John B. Laskin

Me Vitali Berditchevski

 

Pour les appelantes

BELL CANADA ET BELL MÉDIA INC.

 

Me Neil Finkelstein

Me Steven Mason

Me Brandon Kain

Me Richard J. Lizius

Me Adam Goldenberg

 

Pour LES APPELANTES ET les intervenantEs

NATIONAL FOOTBALL LEAGUE, NFL INTERNATIONAL LLC ET NFL PRODUCTIONS LLC

 

Me Michael H. Morris

Me Roger Flaim

Me Laura Tausky

 

Pour l’intimé

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

Me Christopher Rootham

Me Stephen Schmidt

Pour l’intimée

TELUS CORPORATION

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Torys LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour les appelantes

BELL CANADA ET BELL MÉDIA INC.

 

McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour LES APPELANTES ET les intervenantes

NATIONAL FOOTBALL LEAGUE, NFL INTERNATIONAL LLC ET NFL PRODUCTIONS LLC

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Pour l’intimé

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

Nelligan O’Brien Payne s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

Pour l’intimée

TELUS CORPORATION

 

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