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Date : 20160906

Dossier : A-379-14

Référence : 2016 CAF 216

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

 

ENTRE :

NOVA CHEMICALS CORPORATION

appelante

et

THE DOW CHEMICAL COMPANY, DOW GLOBAL TECHNOLOGIES INC. ET DOW CHEMICAL CANADA ULC

intimées

Audience tenue à Toronto (Ontario), les 7 et 8 décembre 2015.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 6 septembre 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE WEBB

LE JUGE BOIVIN



Date : 20160906

Dossier : A-379-14

Référence : 2016 CAF 216

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

 

ENTRE :

NOVA CHEMICALS CORPORATION

appelante

Et

THE DOW CHEMICAL COMPANY, DOW GLOBAL TECHNOLOGIES INC. ET DOW CHEMICAL CANADA ULC

intimées

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DE MONTIGNY

[1]               La Cour est saisie de l'appel interjeté à l'encontre d'une décision du juge O'Keefe (le juge), par laquelle il a accueilli l'action en contrefaçon de brevet intentée par The Dow Chemical Company, sa filiale Dow Global Technologies Inc. et sa titulaire de licence Dow Chemical Canada ULC (collectivement Dow ou les intimées) contre Nova Chemicals Corporation (Nova ou l'appelante) relativement à son produit SURPASS. Les parties fabriquent toutes deux des copolymères de polyéthylène destinés à la production de pellicules qui sont notamment utilisées dans les emballages. The Dow Chemical Company est la propriétaire du brevet canadien no 2 160 705 (le brevet 705) pour des « Articles produits à partir de mélanges de polymères éthyléniques ».

[2]               Le juge a confirmé la validité du brevet 705, lequel était contesté pour absence d'utilité, revendications excessives, antériorité, évidence, double brevet et insuffisance du mémoire descriptif. Le juge a également interprété six termes contestés figurant dans les revendications du brevet, ce qui l'a amené à conclure que Nova avait contrefait le brevet. Ce faisant, le juge a préféré en général les témoignages des experts et des témoins des faits de Dow à ceux des experts de Nova.

[3]               Devant notre Cour, Nova interjette appel de toutes les conclusions du juge concernant la validité du brevet et conteste également l'interprétation de quatre termes figurant dans le brevet 705, de même que les conclusions résultantes sur la contrefaçon. Après avoir soigneusement examiné les observations orales et écrites des parties, je suis d'avis de rejeter l'appel; l'appelante n'a pas réussi à prouver une erreur de droit, et notre Cour n'a pas comme tâche d'examiner à nouveau l'appréciation qu'a faite le juge de la preuve dont il disposait.

I.                    Le brevet en cause

[4]               La demande visant le brevet 705 a été déposée au Canada le 19 avril 1994. Ce brevet revendique la priorité sur le fondement de la demande de brevet américain no US08/054,379 du 28 avril 1993. Le brevet a été publié le 10 novembre 1994 et a expiré le 19 avril 2014.

[5]               Le brevet vise principalement le polyéthylène utilisé pour fabriquer des « pellicules », c'est-à-dire des feuilles de plastique, comme des sacs à déchets en plastique et des emballages alimentaires. Pour certains types d'utilisations, les exigences en matière de résistance ne sont pas très élevées, mais elles le sont pour d'autres. Une solution consistait à fabriquer des « pellicules » plus épaisses, de sorte qu'elles soient plus résistantes. Toutefois, il faut utiliser dans ce cas davantage de plastique, ce qui entraîne des coûts plus élevés et davantage de déchets quand la pellicule de plastique est mise aux rebuts.

[6]               Le brevet mentionne la nécessité de mettre au point des polymères capables de former des pellicules plus minces offrant une résistance accrue :

[TRADUCTION]

Il est constamment nécessaire de mettre au point des polymères pouvant être transformés en articles ayant ces combinaisons de propriétés (p. ex. rigidité, élasticité, résistance à la rupture et résistance à la déchirure, de préférence une plus grande résistance au choc selon la méthode du mouton pour une élasticité donnée dans le cas des pellicules et une plus grande résistance au choc selon la méthode Izod dans le cas des pièces moulées). Le besoin de polymères capables de former des pellicules qui peuvent être rendues plus fines sans perdre leurs propriétés de résistance est particulièrement grand, puisqu'ils permettraient de réaliser des économies pour les fabricants de pellicules et les consommateurs, en plus de protéger l'environnement grâce à la réduction à la source.

Brevet 705, page 1, lignes 22 à 31

[7]               La personne versée dans l'art comprendrait qu'il faut souvent faire des compromis entre les différentes propriétés d'une pellicule, comme l'élasticité, la résistance à la rupture et la ténacité. La personne versée dans l'art saurait également qu'en matière de polymères, y compris les pellicules, il faut faire un compromis entre la résistance et la ténacité. Les efforts faits pour modifier un polymère afin d'améliorer sa résistance ont souvent entraîné une réduction de sa ténacité, comme il est mentionné dans le brevet 705 :

[TRADUCTION]

Des tentatives ont été faites antérieurement pour améliorer la résistance à la traction et l'élasticité de la pellicule en mélangeant divers polymères hétérogènes sur une base théorique. Bien que ces mélanges aient montré une réaction synergique augmentant l'élasticité de la pellicule, la résistance à la rupture de la pellicule suivait la loi des mélanges, et avait souvent une « synergie destructive » (c.‑à‑d. que la résistance à la rupture de la pellicule était en fait inférieure à celle de la pellicule comprenant l'un des deux composés utilisés pour le mélange).

Brevet 705, page 1, lignes 10 à 17

[8]               L'invention revendiquée et sa réalisation commerciale par Dow (ELITE) permettent une réduction à la source, les pellicules étant plus minces, mais tout aussi résistantes. Alors que les efforts précédents pour créer des polymères et des mélanges de polymères améliorés consistaient largement en tâtonnements, M. Lai, l'un des inventeurs, a témoigné au procès que les chercheurs de Dow avaient utilisé une approche différente pour déterminer le meilleur mélange selon la densité, la masse moléculaire et l'écrouissage (c'est‑à‑dire le durcissement du matériel sous l'action de l'étirement) du polymère. Ces travaux ont été divulgués dans le brevet 705, y compris la création de la pente du coefficient d'écrouissage pour déterminer quels polymères présentent un intérêt. Le brevet 705 décrit l'invention dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

Étonnamment, nous avons maintenant découvert des compositions utiles à la fabrication de pellicules et de pièces moulées possédant des propriétés physiques améliorées par la synergie, qui comprennent un mélange d'au moins un copolymère d'éthylène/α‑alcène ramifié homogène et d'au moins un copolymère d'éthylène/α‑alcène ramifié hétérogène.

En particulier, il a maintenant été découvert que les compositions formulées d'éthylène/α‑alcène présentent des propriétés physiques et mécaniques améliorées et sont utiles à la production d'articles. Les pellicules fabriquées à partir de ces nouvelles compositions présentent des caractéristiques de résistance à la rupture et aux chocs étonnamment bonnes, ainsi qu'une combinaison particulièrement bonne de rigidité, de résistance à la rupture et de ténacité (p. ex. résistance aux chocs).

Brevet 705, de la page 1, ligne 32, à la page 2, ligne 6

[9]               Chacune des 46 revendications du brevet 705 vise un mélange formé au moins de ces deux composants, chaque composant ayant certaines exigences, selon la revendication visée. Alors que les revendications font état de plusieurs restrictions, les principaux différends en l'espèce ne portent que sur deux d'entre elles. Pour le composant A, le différend porte sur le terme [TRADUCTION] « pente du coefficient d'écrouissage » figurant dans les revendications. Pour le composant B, le principal différend porte sur l'expression [TRADUCTION] « ramifié hétérogène » figurant dans les revendications. Toutes les revendications incluent ces termes.

[10]           Dow a déposé une déclaration le 9 décembre 2010, dans laquelle elle accuse Nova de contrefaçon de son brevet 705. Nova a déposé une demande reconventionnelle en invalidité du brevet et en enrichissement sans cause, mais a finalement abandonné sa prétention d'enrichissement sans cause. Dans sa déclaration introductive au procès, Dow a limité l'instance à seulement huit revendications de compositions, soit les revendications 11, 29, 30, 33, 35, 36, 41 et 42; Nova a de même limité sa demande reconventionnelle en invalidité à ces mêmes revendications. Par conséquent, le juge a commis une erreur en déclarant valide et contrefaite la revendication 15; Dow avait abandonné ses allégations portant sur cette revendication, et la mention de cette revendication au paragraphe 1 du jugement devrait être supprimée.

[11]           Le procès a débuté le 9 septembre 2013 et a duré 32 jours. Nova a fait entendre trois témoins experts (MM. Charles Stanley Speed, Francis Mirabella et Mukerrem Cakmak) et trois témoins des faits, tandis que Dow a fait entendre trois témoins experts (MM. Joao Soares, Robert Young et Christopher Scott) et un témoin des faits. Le jugement a été prononcé le 7 mai 2014, et les motifs du jugement ont été rendus le 5 septembre 2014. Le juge a conclu que toutes les revendications en litige étaient valides, et que Nova avait contrefait ces revendications en fabriquant au Canada et en distribuant, en offrant en vente, en vendant ou en mettant d'une autre façon à la disposition du public des polymères destinés à la fabrication de pellicules sous le nom SURPASS.

II.                 Les questions en litige

[12]           Nova affirme que le juge a commis des erreurs susceptibles de révision. J'estime que les questions en litige peuvent se ramener aux questions qui suivent :

Relativement à la validité du brevet 705 :

1)         Le juge a‑t‑il commis une erreur en concluant qu'il n'existait aucune promesse d'utilité synergique?

2)         Le juge a‑t‑il commis une erreur en concluant que l'invention n'était pas évidente?

3)         Le juge a‑t‑il commis une erreur en concluant que les revendications n'étaient pas d'une portée plus large que l'invention réalisée ou divulguée?

Relativement à la contrefaçon :

4)         Le juge a‑t‑il commis une erreur en déduisant que le coefficient d'écrouissage est calculé au moyen d'une courbe contrainte‑allongement?

5)         Le juge a‑t‑il commis une erreur dans son interprétation de l'expression [TRADUCTION] « ramifié hétérogène »?

6)         Le juge a‑t‑il commis une erreur dans son interprétation du terme [TRADUCTION] « qui comprennent »?

7)         Le juge a‑t‑il commis une erreur en concluant que la fraction à densité élevée représentait au moins 5 % du poids du mélange?

III.               Analyse

[13]           Il n'y a aucun différend entre les parties en ce qui concerne la norme de contrôle applicable. Suivant l'arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, la norme de contrôle applicable aux conclusions de fait est celle de l'erreur manifeste et dominante, alors que la norme applicable aux questions de droit est celle de la décision correcte. La norme de l'erreur manifeste et dominante s'applique également dans le cas des conclusions mixtes de fait et de droit, à moins qu'il n'existe une question de droit isolable, auquel cas la norme de la décision correcte s'applique.

[14]           Il convient de souligner ici que l'appréciation de la preuve par le juge de première instance emporte la retenue, en particulier pour ce qui est des témoignages des experts qui éclairent l'interprétation d'un brevet. Tout particulièrement, le juge peut soupeser les éléments de preuve et préférer certains témoignages. Ce n'est certes pas le rôle d'une cour d'appel d'instruire à nouveau l'affaire ni d'examiner à nouveau l'évaluation faite par le juge de première instance des faits de l'espèce ou des éléments de preuve. Un appelant qui souhaite contester des conclusions de fait devra par conséquent s'acquitter d'un lourd fardeau. Comme l'a conclu notre Cour dans l'arrêt R. c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165, au paragraphe 46, lorsque l'on invoque une erreur manifeste et dominante, « on ne peut se contenter de tirer sur les feuilles et les branches et laisser l'arbre debout. On doit faire tomber l'arbre tout entier. »

[15]           Par contre, l'interprétation du brevet doit être examinée selon la norme de la décision correcte. Comme l'a affirmé la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67, [2000] 2 R.C.S. 1067, au paragraphe 61, « l'interprétation des revendications est une question de droit ». Cela dit, je partage les préoccupations de mon collègue le juge Stratas selon lesquelles il sera souvent difficile, voire irréaliste et artificiel, de faire la différence entre les aspects de l'interprétation d'une revendication qui découlent, d'une part, de l'appréciation par le juge du procès de la preuve d'expert et, d'autre part, du libellé de la revendication en soi (voir Cobalt Pharmaceuticals Company c. Bayer Inc., 2015 CAF 116, [2015] 4 R.C.F. F‑1, aux paragraphes 16 à 24). Après tout, l'interprétation d'un brevet dépend beaucoup des témoignages des personnes versées dans l'art, et ces témoignages vont influer considérablement sur les conclusions du juge. C'est pourquoi j'accepte (comme je le dois) que l'interprétation d'un brevet est une question de droit susceptible de révision selon la norme de la décision correcte; cependant, il convient d'accorder aux juges de première instance une certaine latitude, puisqu'ils sont souvent mieux placés que les juges des cours d'appel pour comprendre les subtilités de l'art dont relève l'invention divulguée dans le brevet.

1)         Le juge a‑t‑il commis une erreur en concluant qu'il n'existait aucune promesse d'utilité synergique?

[16]           L'article 2 de la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P‑4, définit le terme « invention » comme suit : « Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l'un d'eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l'utilité. » En conséquence, le titulaire du brevet doit être en mesure de prouver l'utilité de l'invention ou de montrer qu'elle pouvait être prédite de façon valable au moment du dépôt de la demande de brevet (voir Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., 2002 CSC 77, [2002] 4 R.C.S. 153, au paragraphe 46, cité par notre Cour dans Apotex Inc. c. Sanofi‑Aventis, 2013 CAF 186, [2015] 2 R.C.F. 644, au paragraphe 46 (Apotex c. Sanofi)). Un inventeur n'a pas besoin de décrire l'utilité de son invention, la « moindre parcelle » d'utilité suffit. Toutefois, si un inventeur fait la promesse explicite d'un résultat précis, l'utilité de l'invention devra répondre à cette promesse; comme le dit la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Free World Trust c. Électro Santé Inc., 2000 CSC 66, [2000] 2 R.C.S. 1024, au paragraphe 51, l'inventeur ne peut alors « s'en prendre qu'à lui‑même » (voir également Apotex c. Sanofi, aux paragraphes 54 et 65 à 67).

[17]           Le juge a également clairement établi le processus par lequel l'existence et la portée de toute promesse doivent être déterminées : 1) on doit d'abord rechercher les promesses explicites ou les utilités présentées dans les revendications du brevet; 2) on doit ensuite considérer toute affirmation trouvée ailleurs dans la divulgation comme une « simple affirmation d'un avantage », à moins que l'inventeur n'ait « clairement et sans équivoque » affirmé que cet avantage fait partie de l'utilité promise de l'invention (motifs du jugement, paragraphe 183).

[18]           Cette démarche respecte en général la jurisprudence la plus récente de notre Cour et de la Cour fédérale, et Nova n'a pas contesté la validité des motifs du juge à cet égard (voir Apotex Inc. c. Pfizer Canada Inc., 2014 CAF 250, par. 65, 66 et 76 (Apotex c. Pfizer); Fournier Pharma Inc. c. Ministre de la Santé, 2012 CF 741, par. 126; Bauer Hockey Corp. c. Easton Sports Canada Inc., 2010 CF 361, [2010] 2 R.C.F. F‑7, par. 290, conf. par 2011 CAF 83, citant, au par. 182, l'ouvrage de H.G. Fox, Canadian Patent Law and Practice, 4e éd. (Toronto, Carswell, 1969), p. 152 à 154). La tâche du juge était donc d'interpréter le brevet afin de déterminer si une personne versée dans l'art conclurait qu'il promet explicitement que l'invention produira un certain résultat.

[19]           Une certaine ambiguïté subsiste quant à la promesse du brevet selon Nova. Au procès, Nova s'est appuyée sur un de ses témoins experts, M. Speed, selon qui « le brevet promet que tous les mélanges et leurs propriétés (visés par le brevet) doivent présenter une propriété physique améliorée par la synergie », pour reprendre les propos du juge (motifs du jugement, par. 186). Certes, lorsqu'on a insisté sur la question lors du contre‑interrogatoire, M. Speed a répondu [TRADUCTION] qu'« au moins quelques‑unes de ces propriétés » auraient un rendement particulièrement intéressant (contre‑interrogatoire de M. Speed, dossier d'appel, vol. 19, onglet 355, p. 18429). Toutefois, ce n'est pas ce qu'a compris M. Scott du rapport d'expert de M. Speed (voir le rapport d'expert de M. Scott, dossier d'appel, vol. 35, page 6033, par. 78), et on ne peut reprocher au juge d'avoir compris le rapport de M. Speed de la même façon que l'a fait M. Scott.

[20]           Dans ses observations écrites finales, l'avocat de Nova a résumé la promesse du brevet en ces termes : [TRADUCTION] « la résistance à la rupture, tout au moins, sera supérieure à la loi des mélanges et d'autres propriétés comme la résistance à la traction, l'élasticité et la rigidité sont étonnamment améliorées dans les compositions nouvellement découvertes ». En appel, Nova a résumé la promesse de manière quelque peu différente, parlant de compositions ayant [TRADUCTION] « des propriétés améliorées », « une résistance à la rupture et à la traction supérieure à la loi des mélanges », et « des propriétés améliorées par la synergie, une résistance à la traction et à la rupture étonnamment bonne, ou des améliorations aux propriétés » (mémoire des faits et du droit de Nova, par. 28, 40 et 45). Est‑il nécessaire de dire que de telles variantes dans la formulation de la promesse contestée sont incompatibles avec l'obligation selon laquelle la promesse doit être explicite et claire?

[21]           Quoi qu'il en soit, et peu importe de quelle manière la promesse est interprétée, la principale difficulté de la thèse de Nova est qu'elle repose exclusivement sur l'expression [TRADUCTION] « propriétés améliorées par la synergie » employée à deux occasions à la page 1 du brevet, précédemment citée aux paragraphes 7 et 8 des présents motifs.

[22]           Après avoir cité les rapports d'expert de M. Speed et de M. Scott, le juge a conclu que les inventeurs n'avaient pas promis explicitement un résultat précis, et que le brevet 705 visait plutôt certaines compositions précises utiles. Il est arrivé à cette conclusion essentiellement pour deux motifs. D'abord, il n'a trouvé aucune mention dans les revendications du brevet d'une promesse explicite de [TRADUCTION] « propriétés physiques améliorées par la synergie », ni d'un degré précis d'amélioration. Selon le juge, les revendications affirment simplement que les compositions ont des propriétés améliorées. Ensuite, il a préféré le témoignage de M. Scott à celui de M. Speed, parce que M. Scott a traité le brevet dans son ensemble, alors que M. Speed n'a pas tenu compte de l'expression entre parenthèses dans le brevet définissant une [TRADUCTION] « synergie destructive », ni des exemples donnés dans le brevet.

[23]           Nova conteste ces conclusions pour un certain nombre de raisons. Elle affirme que le juge a accordé trop d'importance à la présomption selon laquelle une déclaration d'utilité figurant ailleurs que dans les revendications du brevet constitue non pas une promesse, mais une simple affirmation d'un avantage. Je ne suis pas d'accord. Le juge ne s'est pas fondé sur une telle présomption, et il n'était aucunement nécessaire d'invoquer un tel expédient.

[24]           Peu importe la façon dont on examine le brevet 705, deux faits d'une importance cruciale ressortent : il n'y a aucune déclaration d'utilité dans les revendications de Dow, comme le reconnaît Nova, et une seule mention ailleurs dans le mémoire descriptif permet d'étayer l'affirmation qu'il y a une utilité améliorée. Je suis d'accord avec Dow pour dire que la Cour doit hésiter à définir la promesse du brevet à la lumière d'un membre de phrase isolé à la page 1. Cela serait clairement contraire à une autre présomption, selon laquelle un inventeur ne devrait être tenu à une norme rigoureuse que si une promesse claire et non ambiguë a été faite. Conformément à ce qu'affirme la Cour dans l'arrêt Apotex c. Pfizer, au paragraphe 66 : « Lorsque la validité d'un brevet est contestée au motif que la promesse n'a pas été respectée, le brevet sera interprété en faveur du titulaire du brevet lorsque la personne versée dans l'art pourrait raisonnablement comprendre que le brevet ne contient pas cette promesse. »

[25]           Le juge n'a pas commis d'erreur manifeste et dominante en concluant que la première mention d'une [TRADUCTION] « synergie destructive », au deuxième paragraphe de la page 1 du brevet, n'a rien à voir avec l'interprétation proposée par M. Speed, selon laquelle le brevet promet un degré d'utilité explicite. Ce passage décrit clairement les tentatives précédentes en matière de mélanges de polymères hétérogènes et les compromis faits.

[26]           Quant à la deuxième mention d'une [TRADUCTION] « synergie destructive » à la page 1 du brevet (la seule référence pertinente à une promesse explicite d'un résultat précis), je suis également d'avis qu'il était loisible au juge de conclure que cela ne suffisait nullement pour inférer un degré précis d'amélioration. Elle ne mentionne aucun mélange particulier, aucune propriété particulière, ni aucune utilisation particulière.

[27]           Il convient de souligner que l'expression [TRADUCTION] « améliorées par la synergie » n'est pas définie dans le brevet. Il s'agit là sans aucun doute d'un bon indice de l'importance de ces mots : s'ils devaient constituer une promesse explicite d'un résultat précis, l'on se serait attendu à ce qu'ils soient définis d'une façon quelconque. En fait, Nova reproche au juge de ne pas avoir interprété ces termes, et de ne pas avoir adopté la définition fournie par M. Speed dans son rapport d'expert et son témoignage.

[28]           D'après le sens communément donné à l'expression [TRADUCTION] « loi des mélanges », les propriétés d'un mélange sont comparables au rapport des masses des polymères qui le composent, et sont prévisibles à partir de celui‑ci. Selon M. Speed, une [TRADUCTION] « réaction synergique » signifie que les propriétés d'un mélange sont supérieures aux prévisions établies par la loi des mélanges; une [TRADUCTION] « synergie destructive » signifie que les propriétés d'un mélange sont inférieures à la loi des mélanges. Pour le citer :

[TRADUCTION]

Une personne versée dans l'art comprendrait que l'expression « améliorées par la synergie » indique qu'une propriété d'un mélange est meilleure que les prévisions établies par la loi des mélanges et que l'expression « synergie destructive » implique une propriété inférieure à celle des prévisions.

Rapport d'expert de M. Speed, dossier d'appel, vol. 43, onglet 300, au paragraphe 100

[29]           Cette interprétation pose un certain nombre de problèmes, dont le moindre n'est pas qu'elle ne respecte pas le libellé du brevet lui‑même. Entre les parenthèses qui suivent la première mention d'une [TRADUCTION] « synergie destructive », on explique que celle‑ci signifie que la valeur d'un mélange est inférieure à celle de l'un ou l'autre de ses deux composants à l'état pur. Il est vrai, comme l'a souligné l'avocat de Nova, que M. Speed connaissait cette définition; cependant, il l'a rejetée dans une note de bas de page, au motif qu'une personne versée dans l'art n'adopterait pas pareille [TRADUCTION] « définition littérale » (voir le rapport d'expert de M. Speed, dossier d'appel, vol. 43, onglet 300, p. 9231, par. 115, note de bas de page no 2).

[30]           Même si l'interprétation mise de l'avant par M. Speed était bien fondée, le juge avait le droit de préférer le témoignage de M. Scott sur la question. Le juge a cité de longs passages des rapports d'expert de M. Speed et de M. Scott, et a conclu que M. Scott avait examiné le brevet dans son ensemble et ne s'était pas limité à deux passages de la première page du brevet. En particulier, M. Scott a examiné les exemples aux pages 16 à 26 du brevet, lesquels montrent que les compositions définies dans les revendications ont des propriétés améliorées par rapport au principal type de polymères qui servaient auparavant à la fabrication de pellicules et par rapport aux mélanges comparables de polymères hétérogènes. Résumant ces comparaisons, le brevet mentionne à la page 26 une [TRADUCTION] « bonne combinaison » de propriétés, des « améliorations » et des « valeurs plus élevées ». Selon M. Scott, cela ne constitue pas une promesse explicite de résultats précis, mais plutôt une affirmation que les mélanges visés par le brevet 705 sont améliorés par rapport aux polymères et aux mélanges de polymères antérieurs (voir également le premier paragraphe de la page 2 du brevet, cité au paragraphe 8 des présents motifs).

[31]           Monsieur Scott a également témoigné que les termes [TRADUCTION] « synergie » et [TRADUCTION] « synergique » possèdent diverses définitions dans le métier, selon le contexte dans lequel ils sont utilisés. L'analyse de M. Speed du terme [TRADUCTION] « amélioration synergique » (c.‑à‑d. qu'une propriété d'un mélange est supérieure aux prévisions établies selon la loi des mélanges) ne représente qu'une des significations possibles; selon M. Scott, on l'appellerait plutôt un [TRADUCTION] « écart positif par rapport à la loi des mélanges ». Parce qu'il part du principe que le brevet concerne une « amélioration synergique », selon ce qu'il entend par ce terme, M. Speed a été amené non seulement à faire abstraction du passage entre parenthèses à la fin du deuxième paragraphe de la page 1 du brevet, mais aussi à mal interpréter les données du tableau 3. L'objectif de ce tableau était de comparer des mélanges visés par l'invention avec les propriétés des pellicules faites d'un copolymère ramifié hétérogène équivalent, avec une densité comparable et, dans certains cas, un indice de fluidité comparable. M. Speed déclare que des comparaisons incorrectes ont été faites parce que les exemples figurant dans le brevet ne visent pas à démontrer s'il y a ou non une amélioration synergique. Cependant, le brevet 705 ne visait pas une telle amélioration synergique. La comparaison ne visait qu'à souligner des améliorations de propriétés précises, et non de toutes les propriétés de tous les mélanges.

[32]           Une telle interprétation cadre avec le problème de compromis invoqué dans le brevet, selon lequel les travaux antérieurs en vue d'améliorer une propriété d'un polymère ont souvent nui à une autre propriété. L'objectif serait donc d'atteindre un bon équilibre des propriétés, et d'améliorer uniquement les propriétés importantes pour l'utilisation précise qui est envisagée. Il faut également souligner qu'on ne compare nulle part dans le brevet les propriétés des exemples de l'invention avec les propriétés des polymères composant un mélange, comme il faudrait le faire pour démontrer l'amélioration synergique selon la définition de cette expression donnée par M. Speed. Les exemples et les tableaux présentés dans le brevet ont plutôt pour but de comparer les exemples de l'invention avec des polymères ayant une densité et un indice de fluidité similaires (soit les deux paramètres les plus importants quand on compare les propriétés mécaniques de polymères).

[33]           L'interprétation du brevet faite par M. Scott est certainement aussi crédible et convaincante que celle de M. Speed, et le juge pouvait sans aucun doute préférer son témoignage à celui de M. Speed. Qui plus est, l'interprétation que fait M. Scott du brevet est conforme à celle avancée par M. Soares, qui est également d'avis qu'il n'existe pas de définition normalisée du terme « synergie »; dans son rapport présenté en contre‑preuve, il déclare [TRADUCTION] qu'« il n'existe pas une seule « loi des mélanges » pouvant s'appliquer à toutes les propriétés des mélanges de polyalcènes et que le brevet 705 ne fait aucune promesse concernant un tel comportement » (contre‑expertise de M. Soares, dossier d'appel, vol. 36, onglet 194, par. 103). En contre‑interrogatoire, il n'a pas changé d'avis (contre‑interrogatoire de M. Soares, dossier d'appel, vol. 22, onglet 362, p. 19755 à 19758).

[34]           Comme je l'ai mentionné précédemment, il faut faire preuve de retenue à l'égard de l'appréciation de la preuve par le juge. Cela est vrai tant pour les témoignages d'experts que pour tout autre type d'élément de preuve (Bell Helicopter Textron Canada Limitée c. Eurocopter, société par actions simplifiée, 2013 CAF 219, par. 73 et 74; Corlac Inc. c. Weatherford Canada Ltd., 2011 CAF 228, par. 24; Mylan Pharmaceuticals ULC c. AstraZeneca Canada Inc., 2012 CAF 109, par. 20; Wenzel Downhole Tools Ltd. c. National‑Oilwell Canada Ltd., 2012 CAF 333, [2014] 2 R.C.F. 459, par. 44; Zero Spill Systems (Int'l) Inc. c. Heide, 2015 CAF 115, [2015] 4 R.C.F. F‑2, par. 43. Le juge était de toute évidence conscient des points de vue divergents des experts relativement à la promesse — ou à l'absence de promesse — faite par les inventeurs dans le brevet, et il a justifié sa préférence pour l'interprétation avancée par les experts de Dow. Une telle conclusion est inattaquable.

[35]            Dans un effort ultime en vue de convaincre la Cour que le brevet 705 contient une promesse explicite, selon laquelle [TRADUCTION] « la résistance à la rupture, tout au moins, sera supérieure à la loi des mélanges et d'autres propriétés comme la résistance à la traction, l'élasticité et la rigidité sont étonnamment améliorées dans les compositions nouvellement découvertes », Nova a affirmé que le brevet devait être traité comme un brevet en sélection. Le mémoire descriptif de ce type de brevet doit définir clairement la nature de la caractéristique du composé sélectionné pour lequel le titulaire du brevet revendique un monopole (Apotex Inc. c. Sanofi‑Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, [2008] 3 R.C.S. 265, par. 114).

[36]           Le hic, c'est que rien ne prouve qu'une personne versée dans l'art interpréterait le brevet ainsi. Qui plus est, le juge a conclu que ni l'un ni l'autre des brevets invoqués par Nova n'enseignait l'invention du brevet 705 ou ne constituait une antériorité. Comme Nova n'a pas interjeté appel de cette conclusion, elle ne peut avancer que le brevet est un brevet de sélection et donc qu'une promesse explicite d'utilité est nécessaire pour que le brevet soit valide.

[37]           Compte tenu de ce qui précède, je suis d'avis que le juge pouvait conclure que les inventeurs n'avaient pas fait une promesse explicite quant à un résultat précis et que le brevet satisfaisait au critère de la « moindre parcelle » d'utilité. Nova n'a pas contesté sérieusement cette conclusion, et un de ses propres experts a reconnu que l'invention apportait une solution au « problème de compromis » (contre‑interrogatoire de M. Brown, dossier d'appel, vol. 15, onglet 347, p. 17015 et 17016). Par conséquent, ce motif d'appel est rejeté.

2)         Le juge a‑t‑il commis une erreur en concluant que l'invention n'était pas évidente?

[38]           Nova affirme que le juge a commis une erreur en rejetant la prétention relative à l'évidence. Selon Nova, le brevet ne divulgue aucune avancée technique, parce que le mélange de tous les types de polymères d'éthylène était connu et courant. Par conséquent, une revendication d'un nouveau mélange ne pouvait être inventive. Cet argument n'a pas été défendu avec beaucoup de vigueur à l'audience, et ce, à juste titre.

[39]           D'abord, il convient de répéter que les conclusions de fait découlant de l'application du critère de l'évidence ne peuvent être infirmées en l'absence d'une erreur manifeste et dominante. En l'espèce, Nova ne remet pas en question la détermination qu'a faite le juge des principes juridiques applicables, et elle doit par conséquent assumer le lourd fardeau de convaincre la Cour que le juge a commis des erreurs évidentes et d'une importance cruciale en appliquant le droit aux faits. Elle n'a pas réussi à le faire.

[40]           J'ouvre une parenthèse pour souligner que l'argument de Nova est quelque peu tortueux puisque, selon la demande de brevet déposée en 2002 par Nova elle‑même pour son produit SURPASS, le mélange de divers types de polymères n'est pas exempt d'erreurs; le juge a cité un extrait de ce brevet au paragraphe 248 de ses motifs. Qui plus est, l'expert de Nova elle‑même a reconnu l'avancée technique de l'invention de Dow, en déclarant que l'invention de Dow avait réussi à surmonter le problème de « compromis » reconnu dans les techniques antérieures (voir le contre‑interrogatoire de M. Brown, dossier d'appel, vol. 15, onglet 347, p. 17009 à 17013). On pourrait s'arrêter ici et rejeter l'argument de Nova pour ce seul motif. Mais ce n'est pas tout.

[41]           Le juge a souligné à juste titre que M. Speed avait envisagé la question de l'évidence du mauvais point de vue. Il est bien établi depuis l'arrêt de la Cour dans Beloit Canada Ltée c. Valmet Oy, [1986] A.C.F. no 87 (QL), que l'on examine l'évidence non pas du point de vue de l'inventeur compétent, mais plutôt de celui du technicien versé dans son art, mais « qui ne possède aucune étincelle d'esprit inventif ou d'imagination ». En contre‑interrogatoire, M. Speed a clairement indiqué qu'il avait abordé l'évidence selon le point de vue d'une personne versée dans l'art qui raisonne par induction et a de l'imagination, une erreur que le juge a soulignée et qui a par conséquent affaibli son analyse.

[42]           Le juge a également refusé de tenir compte d'un autre brevet (le « brevet de M. Garza »), publié en avril 1994, pour décider si le brevet 705 était évident, ou plus précisément si la revendication 11 du brevet 705 était évidente. Comme je l'ai dit précédemment, la demande relative au brevet 705 a été déposée le 19 avril 1994, mais il revendique la priorité sur le fondement d'une demande de brevet déposée le 28 avril 1993 aux États‑Unis. L'avocat de Nova a soutenu que le brevet américain ne divulgue pas l'ensemble de la plage de densités indiquée à la partie A de la revendication 11, et que par conséquent la date de la revendication est la date du dépôt du brevet 705. Si tel était le cas, il aurait fallu tenir compte du brevet de M. Garza pour se prononcer sur l'évidence de la revendication 11.

[43]           Le juge a refusé de se prononcer sur la date de priorité de la revendication 11, à défaut de preuve. Il a conclu que Nova n'avait pas réussi à établir que Dow ne pouvait réclamer l'avantage de la date de priorité d'avril 1993 pour sa revendication 11. Il s'agit d'une pure conclusion de fait, et Nova ne peut obtenir gain de cause en appel en reformulant simplement l'argument avancé au procès et rejeté par le juge sans démontrer l'existence d'une erreur manifeste et dominante.

[44]           Par conséquent, la prétention de Nova doit être rejetée.

3)         Le juge a‑t‑il commis une erreur en concluant que les revendications n'étaient pas d'une portée plus large que l'invention réalisée ou divulguée?

[45]           Nova affirme que le juge a commis une erreur en tirant la conclusion que les revendications du brevet n'étaient pas d'une portée plus large que l'invention réalisée ou que l'invention divulguée dans le mémoire descriptif. La portée du monopole auquel peut valablement prétendre un inventeur est restreinte de deux manières bien établies (voir Farbwerke Hoechst AG vormals Meister Lucius & Bruning v. Commissioner of Patents, [1966] R.C.É. 91, par. 20, 31 Fox Pat. C. 64, conf. par [1966] R.C.S. 604). La première restriction est une question de fait, alors que la seconde est une question d'interprétation.

[46]           Dans son rapport, M. Speed a laissé entendre qu'il n'avait pu trouver dans les documents des inventeurs des travaux montrant qu'ils avaient préparé des mélanges possédant plus d'un copolymère ramifié homogène ou possédant plus d'un copolymère ramifié hétérogène, ou qu'ils aient même envisagé de le faire. Pourtant, le juge disposait d'éléments de preuve montrant que les inventeurs avaient envisagé des mélanges composés de plus d'un polymère A ou B. Quoi qu'il en soit, le juge a également retenu le témoignage de M. Lai, selon lequel l'invention ne nécessitait que les composants A et B, et qu'on pouvait ajouter d'autres composants pour arriver à d'autres améliorations (contre‑interrogatoire de M. Lai, dossier d'appel, vol. 12, onglet 341, p. 15992 à 15994). Dans son rapport d'expert, M. Scott a également déclaré que les personnes versées dans l'art n'auraient pas besoin d'essais avec d'autres composants, puisqu'elles comprendraient d'après les expériences menées sur les mélanges réalisés avec les composants polymères A et B que l'on pourrait inclure d'autres polymères de ce type dans les mélanges sans altérer l'avantage global que procurent les mélanges (rapport d'expert de M. Scott, dossier d'appel, vol. 35, onglet 192, p. 6054, par. 168). Ce point de vue va dans le même sens que le témoignage de M. Soares, selon qui la personne versée dans l'art comprendrait que d'autres polymères, en plus des composants A et B revendiqués, pourraient entrer dans les mélanges, à condition qu'ils n'altèrent pas les propriétés du composé (voir la contre‑expertise de M. Soares, dossier d'appel, vol. 36, onglet 194, par. 44; interrogatoire principal de M. Soares, dossier d'appel, vol. 22, onglet 361, p. 19581 et 19582). Il était loisible au juge de préférer ce témoignage à celui de M. Speed.

[47]           Il est également clair que l'opinion de M. Speed selon laquelle les revendications ont une portée plus large que l'invention divulguée était fondée sur son hypothèse voulant que le brevet 705 promette un degré d'utilité amélioré ou des [TRADUCTION] « propriétés améliorées par la synergie » pour tous les mélanges. Il a donc conclu que dans toutes les revendications, il manquait au moins une caractéristique qui, d'après le brevet, est requise des copolymères qui sont utiles pour les mélanges revendiqués. Toutefois, ayant rejeté cette interprétation du brevet et de sa promesse, le juge a été inexorablement amené à conclure que l'analyse de M. Speed concernant ce qui est essentiel et ce qui manque dans les revendications était viciée. Je ne constate aucune erreur dans une telle conclusion.

[48]           Il est indubitable qu'une revendication peut être d'une portée trop large si elle donne au titulaire du brevet une protection plus large que ce à quoi l'autorise sa découverte. Comme l'a déclaré le président Thorson dans Radio Corp. of America v. Raytheon Manufacturing Co., [1956‑60] R.C.É. 98, 27 C.P.R. 1, à la page 22 :

[TRADUCTION]

Je crois qu'il est conforme aux principes de dire que, lorsqu'un mémoire descriptif divulgue l'invention d'un procédé pour la fabrication d'un article, fabrication dans laquelle l'utilisation d'une particularité de l'invention est essentielle à la réussite du procédé inventé, l'inventeur n'a pas le droit de revendiquer un procédé pour la fabrication de cet article où ne serait pas utilisée cette particularité spéciale. Il n'a pas le droit de revendiquer un monopole plus large qu'il n'est nécessaire pour protéger ce qu'il a inventé. [...]

[49]           En l'espèce, Nova prétend que les revendications de Dow sont trop larges parce que le brevet ne précise pas certaines limites quant à l'« utilité ». L'une de ces limites est que [TRADUCTION] « les copolymères d'éthylène/α‑alcène ramifiés homogènes ne contiennent pas une fraction de polymère présentant une ramification égale ou inférieure à 2 méthyles/1000 carbones ». Une autre est que [TRADUCTION] « les copolymères d'éthylène/α‑alcène ramifiés homogènes ne contiennent pas une fraction de polymère présentant une ramification égale ou supérieure à 30 méthyles/1000 carbones ». Comme les revendications 41 et 43 n'énoncent pas la première limite et qu'aucune revendication n'énonce la seconde limite, Nova affirme que toutes les revendications en litige sont invalides parce qu'elles sont d'une portée plus large que l'invention divulguée.

[50]           Le juge a rejeté cet argument, non seulement parce qu'il se rapporte à l'argument vicié présenté par M. Speed concernant une prétendue promesse de synergie, mais aussi parce qu'aucun élément de preuve ne montre que la personne versée dans l'art aurait conclu que l'un ou l'autre de ces éléments manquants était essentiel. Le fait qu'il soit question d'une caractéristique dans le mémoire descriptif ne signifie pas nécessairement que cette caractéristique soit essentielle au brevet (Whirlpool Corporation c. Camco Inc., 1997 CanLII 16944, [1997] A.C.F. no 1086 (QL) (C.F. 1re inst.); Lovell Manufacturing Co. v. Beatty Brothers Ltd. (1962), 41 C.P.R. 18, à la p. 66, 23 Fox Pat. C. 112 (C. de l'É.)). Pourtant, M. Speed semble supposer que chaque caractéristique des composants A et B mentionnée dans la divulgation est essentielle.

[51]           Messieurs Soares et Scott ont affirmé qu'une personne versée dans l'art déduirait à partir de la description que chaque plage de valeurs préférables indiquée est essentielle pour réaliser l'invention et pour comprendre comment en fabriquer les mélanges. Le juge a préféré leurs témoignages et a convenu qu'il fallait examiner les propriétés des mélanges de polymères comme un tout et non isolément. Cette interprétation est étayée par le fait que certaines réalisations divulguées dans le brevet n'incluent pas les caractéristiques supposément essentielles, ce qui tend à confirmer les avis de MM. Soares et Scott, selon lesquels une personne versée dans l'art ne considérerait pas ces caractéristiques comme étant essentielles. Par conséquent, je ne vois pas d'erreur manifeste et dominante dans les conclusions du juge.

4)         Le juge a‑t‑il commis une erreur en déduisant que le coefficient d'écrouissage est calculé au moyen d'une courbe contrainte‑allongement?

[52]           Dans sa déclaration modifiée, Dow a affirmé que les copolymères de polyéthylène destinés à la production de pellicules que fabrique et vend Nova sous la marque SURPASS satisfaisaient aux limites du composant A figurant dans toutes les revendications, puisqu'ils présentaient un coefficient d'écrouissage égal ou supérieur à 1,3, et qu'ils contrefaisaient ainsi le brevet 705. La méthode de calcul du coefficient d'écrouissage est essentielle à cet argument. Nova affirme que le juge a commis une erreur en retenant l'argument de Dow selon lequel le coefficient d'écrouissage doit être déterminé au moyen d'une courbe contrainte‑allongement, puisque le brevet enseigne qu'il doit être déterminé au moyen d'une courbe charge‑déformation.

[53]           Le brevet enseigne que les améliorations aux propriétés désirées du composant A peuvent être prédites selon la pente du coefficient d'écrouissage. Il indique aussi que, dans le cas des copolymères utilisés dans l'invention, la pente du coefficient d'écrouissage [TRADUCTION] « est supérieure à 1,3, et de préférence supérieure à 1,5 », et qu'elle sera généralement [TRADUCTION] « inférieure à 10, plus souvent inférieure à 4, et le plus souvent inférieure à 2,5 ».

[54]           Les experts ne contestent pas le fait que la personne versée dans l'art possédant les connaissances générales courantes de 1994 comprendrait que le « coefficient d'écrouissage », pour les besoins du brevet 705, est le taux de variation d'une contrainte par rapport à l'allongement à la région de l'écrouissage et de l'indice de fluidité, qui est une constante pour un polymère donné. La nature exacte de cette relation est énoncée à la page 10 (lignes 10 à 13) du brevet : [TRADUCTION] « coefficient d'écrouissage = pente d'écrouissage × (I2)0,25, où I2 est l'indice de fluidité en g/10 min ».

[55]           Le brevet indique également la façon de mesurer la pente d'écrouissage et la méthode pour la calculer. On y lit notamment :

[TRADUCTION]

Les propriétés de traction de l'échantillon d'essai sont testées à l'aide d'un appareil de traction Instron à une vitesse de tête d'équerre de 1 po par minute (2,5 cm par minute). La pente d'écrouissage est calculée à partir de la courbe de traction résultante, en traçant une ligne parallèle à la région d'écrouissage de la courbe contrainte‑allongement résultante. On obtient la région d'écrouissage après la traction initiale de l'échantillon (c'est‑à‑dire la contrainte), généralement avec un allongement faible ou nul pendant la traction initiale, et après avoir fait subir à l'échantillon un léger allongement, généralement avec peu ou pas d'augmentation de la traction, mais avec une augmentation de l'allongement (c'est‑à‑dire la déformation). Dans la région d'écrouissage, la traction et l'allongement de l'échantillon continuent tous deux à augmenter. La traction augmente dans la région d'écrouissage à un taux beaucoup plus faible que dans la région de traction initiale, et l'allongement augmente également, mais encore une fois, à un taux plus faible que dans la région d'écrouissage. Le tableau 1 illustre les différentes étapes de la courbe contrainte‑allongement utilisée pour calculer la pente d'écrouissage. On détermine ensuite la pente de la ligne parallèle à la région d'écrouissage.

Brevet 705, de la page 9, ligne 29, à la page 10, ligne 9

[56]           Comme le juge l'a souligné, le principal différend entre les parties sur cette question se résume au type de courbe de traction qui devrait être utilisé. Nova opte pour la courbe contrainte‑allongement utilisée en génie, alors que Dow affirme qu'il faut utiliser les données par défaut sur la contrainte et l'allongement selon l'appareil de traction Instron. De toute évidence, ces deux types de courbes donneraient des valeurs différentes.

[57]           Nova soutient que le juge a commis une erreur en n'interprétant pas le terme « courbe contrainte‑allongement » selon le sens qui lui était généralement attribué dans le domaine le 10 novembre 1994. Après avoir tenu compte des témoignages des experts et des plaidoiries des avocats, le juge a tranché en faveur de Dow et a adopté l'interprétation du brevet selon laquelle le coefficient d'écrouissage est mesuré au moyen d'une courbe contrainte‑allongement.

[58]           En appel, Nova a présenté à peu près les mêmes observations qu'au procès. Par exemple, Nova affirme que le juge a commis une erreur en n'examinant pas le brevet dans son ensemble et en rejetant l'exemple 3. Selon l'un des experts de Nova (M. Cakmak), qui a procédé à des essais de traction en utilisant le même appareil que celui mentionné dans le brevet avec divers échantillons des produits de Dow, aucune courbe contrainte‑allongement ne peut donner un coefficient d'écrouissage de 1,5, mais ce serait possible avec certaines courbes charge‑déformation. De l'avis de Nova, l'exemple 3 devrait éclairer le terme « courbe charge‑déformation », et le juge a commis une erreur en ne tenant pas compte de ce fait.

[59]           D'abord, le juge n'a pas omis de tenir compte de cet argument, et y a explicitement fait référence dans ses motifs (motifs du jugement, par. 93). Le fait qu'il ait finalement préféré le témoignage de M. Young ne saurait vouloir dire qu'il a oublié ou mal compris l'observation de Nova. Dans son rapport d'expert et dans son rapport de contre‑expertise, M. Young a clairement indiqué qu'une personne versée dans l'art n'entreprendrait pas une analyse complexe et fastidieuse comme celle qu'a menée M. Cakmak, parce que le brevet est complet en soi et invite la personne versée dans l'art à tracer une courbe contrainte‑allongement d'un échantillon ayant une géométrie donnée. Il ne serait pas nécessaire de le confirmer avec un exemple. M. Young a en outre fourni dans son rapport un certain nombre de raisons expliquant pourquoi une personne versée dans l'art comprendrait que cet exemple est mauvais.

[60]           En fait, M. Cakmak a lui‑même reconnu dans son rapport qu'une personne versée dans l'art n'essaierait pas de refaire l'exemple 3 pour interpréter le brevet. Il est arrivé à son avis sur l'interprétation de la courbe contrainte‑déformation pour d'autres raisons, et il semble avoir analysé l'exemple principalement pour d'autres motifs qui ne sont pas pertinents à l'appel.

[61]           Ce qui est davantage pertinent, comme l'a souligné le juge, c'est le libellé du brevet lui‑même. Dans l'extrait reproduit précédemment au paragraphe 55, les termes [TRADUCTION] « charge » et « déformation » sont utilisés à plusieurs reprises. Je suis d'accord avec Nova pour dire que compter les occurrences des termes utilisés ne revient pas à les interpréter. Toutefois, je n'ajoute pas foi à l'affirmation de Nova selon laquelle associer « charge » à « contrainte » et « déformation » à « allongement » alors que le brevet se lit [TRADUCTION] « la traction initiale de l'échantillon (c'est‑à‑dire la contrainte) » et « l'allongement (c'est‑à‑dire la déformation) » ne serait qu'un pléonasme s'il faut utiliser la courbe charge‑allongement, puisque la personne versée dans l'art sait que la contrainte augmente proportionnellement à la charge et que la déformation augmente proportionnellement à l'allongement. Comme l'a expliqué M. Young, lorsque, dans le brevet, on associe charge à contrainte et allongement à déformation, on cherche peut‑être simplement à définir les termes « charge » et « allongement » comme étant les types précis de « contrainte » et de « déformation » envisagées. Nova n'a pas clairement démontré que le juge a commis une erreur manifeste et dominante en préférant cette interprétation à celle avancée par l'expert de Nova.

[62]           Une telle interprétation cadrerait avec l'affirmation de M. Young selon laquelle le terme « courbe contrainte‑allongement » est souvent un terme général qui désigne à la fois la charge par rapport à la déformation, la contrainte par rapport à l'allongement (ou la contrainte utilisée en génie par rapport à l'allongement utilisé en génie), et la contrainte réelle par rapport à l'allongement réel. Le juge a retenu cette affirmation. En appel, Nova a affirmé qu'il s'agissait d'une erreur, parce que ce n'était pas le sens accepté de ce terme au moment de la publication du brevet. Je conviens que M. Young n'a pas fourni autant d'exemples qu'il aurait pu de l'utilisation générale du terme « courbe contrainte‑allongement » dans les ouvrages spécialisés, mais il a affirmé catégoriquement à de nombreuses reprises que de tels exemples abondaient.

[63]           Qui plus est, M. Cakmak a également reconnu (après l'avoir initialement nié) que le terme « courbe contrainte‑allongement » pouvait désigner d'autres types de courbes qu'une courbe contrainte‑allongement utilisée en génie, après qu'on lui eut montré en contre‑interrogatoire des exemples où le terme était utilisé pour d'autres types de courbes. Le juge a souligné dans ses motifs que l'avis de M. Cakmak avait vacillé (motifs du jugement, par. 87). Il n'est pas raisonnable de dire, comme le voudrait M. Cakmak, que l'emploi du terme « charge‑déformation » pour désigner une courbe contrainte‑allongement est erroné.

[64]           Le juge n'a pas fait grand cas du témoignage de M. Lai dans ses motifs, mais il a indiqué que tout comme M. Young, M. Lai utilise le terme « courbe contrainte‑allongement » comme terme général désignant différents types de courbes de traction, y compris les courbes charge‑déformation. Nova soutient que cela était erroné, puisque M. Lai n'était pas un témoin expert et ne pouvait donner son opinion sur l'interprétation du brevet. Or, le juge était manifestement au courant du statut de M. Lai, et le fait qu'il ait mentionné MM. Young et Lai dans la même phrase ne suffit pas à estomper cette distinction; il renvoie de toute évidence au témoignage de M. Lai afin de montrer que l'emploi du terme « courbe contrainte‑allongement » comme terme général était connu et accepté par les personnes versées dans l'art à l'époque.

[65]           Le juge a donné une autre raison de conclure que la courbe contrainte‑allongement doit être mesurée à l'aide d'une courbe charge‑déformation : l'appareil de traction Instron (appareil qui, selon le brevet, doit être utilisé pour mener l'essai de traction) produit des données sur la charge et la déformation, et le résultat par défaut est une courbe charge‑déformation. Nova affirme qu'on ne peut tirer une telle déduction puisque la méthode de conversion d'une courbe charge‑déformation en une courbe contrainte‑allongement faisait partie des connaissances générales courantes. Soit; le juge reconnaît aussi qu'une telle conversion est possible. Toutefois, cela ne change rien à l'opinion de M. Young selon laquelle une personne versée dans l'art comprendrait que le brevet fait référence à une courbe charge‑déformation quand il mentionne que la pente d'écrouissage est calculée à partir de la [TRADUCTION] « courbe de traction résultante » (voir le brevet 705, p. 9, lignes 31 à 33), vu que l'appareil Instron produit des données sur la charge et la déformation et une courbe charge‑déformation. Manifestement, le juge n'a pas commis d'erreur manifeste et dominante en ajoutant foi à cette interprétation.

[66]           Le dernier motif ayant conduit le juge à accepter la thèse selon laquelle la pente d'écrouissage doit être mesurée à l'aide d'une courbe charge‑déformation pour les besoins du brevet a trait au fait que le brevet ne précise pas la longueur entre les repères ou l'aire transversale à utiliser pour convertir les données charge‑déformation en valeurs contrainte‑allongement utilisées en génie. Cette conclusion est étayée par le témoignage de M. Young, selon lequel il faudrait préciser une longueur type entre les repères pour créer une courbe contrainte‑allongement utilisée en génie. En l'absence d'une telle donnée, de nombreux choix s'offrent à la personne versée dans l'art quant à la longueur entre les repères pour un échantillon du brevet, et les valeurs contrainte‑allongement utilisées en génie obtenues dépendraient de ce choix. L'expert de Nova elle‑même, M. Cakmak, a en fait envisagé deux longueurs possibles entre les repères pour ses expériences avec l'exemple 3 du brevet.

[67]           En appel, Nova prétend qu'il faudrait également que la longueur entre les repères soit indiquée pour mesurer la charge et la déformation, et que M. Young a déduit, à partir de la géométrie de l'échantillon, la longueur entre les repères qu'utiliserait une personne versée dans l'art. Je conviens avec l'avocat de Dow qu'il s'agit d'une mauvaise interprétation du témoignage de M. Young. Non seulement a‑t‑il affirmé à de nombreuses reprises qu'il n'est pas nécessaire de déterminer la longueur entre les repères pour mesurer la charge et la déformation, mais il a déduit, à partir des spécifications de l'échantillon décrites dans le brevet, non pas la longueur entre les repères, mais la distance entre les mors. Même s'il ne fait pas expressément cette distinction dans ses motifs, le juge définit ce qu'est la longueur entre les repères (au par. 89) dans la partie de ses motifs portant sur la thèse de Nova à cet égard, et fait référence à la distance entre les mors ailleurs dans ses motifs (voir notamment les par. 140 à 146). Par conséquent, je conclus que le juge avait saisi la différence entre les deux concepts et qu'il n'a pas commis d'erreur manifeste et dominante en tirant la conclusion, fondée sur le témoignage de M. Young, que l'absence de données concernant la longueur entre les repères dans le brevet démontre également que la pente d'écrouissage doit être calculée au moyen d'une courbe charge‑déformation.

[68]           Le dernier argument de Nova concernant l'interprétation de la courbe contrainte‑allongement veut que le juge ait fait fi des témoignages de MM. Cakmak et Speed selon lesquels la pratique courante consistait à convertir les données de charge et de déformation en données contrainte‑allongement afin de neutraliser les effets de différences dans les dimensions, et qu'il ait négligé le fait que M. Young utilise une formule de correction polynomiale pour tenir compte de ces différences. En effet, M. Young a reconnu qu'une personne versée dans l'art aurait su que la pente d'écrouissage devrait augmenter selon l'épaisseur de l'échantillon (autrement dit, un échantillon plus épais nécessitera une plus grande force pour être allongé de la même distance qu'un échantillon plus mince). Toutefois, conformément à son interprétation générale du brevet, il a choisi d'utiliser une formule mathématique pour tenir compte des différences dans l'épaisseur de l'échantillon au lieu de convertir les données charge‑déformation en données contrainte‑allongement.

[69]           Il vaut la peine de souligner que M. Young n'a pas utilisé sa formule de correction pour interpréter le brevet, mais seulement pour déterminer si l'essai de traction effectué sur les échantillons de produits de Nova prouvait une contrefaçon du brevet. En fait, et contrairement à l'argument de Nova, le juge aborde cette formule de correction dans ses motifs (au par. 139) dans son analyse de la question de la contrefaçon. Il semble aussi d'après la preuve que M. Cakmak lui‑même a utilisé par le passé une formule similaire pour ajuster ses données, et que dans certaines circonstances, il s'agit d'une approche raisonnable et adéquate. Par conséquent, je ne peux voir comment le juge a commis une erreur manifeste et dominante en retenant l'approche de M. Young.

[70]           Pour les motifs qui précèdent, je conclus que le juge n'a pas commis d'erreur en interprétant le brevet et en déduisant que le coefficient d'écrouissage est calculé au moyen d'une courbe contrainte‑allongement. Qui plus est, Nova ne conteste pas la contrefaçon en ce qui a trait aux limites du coefficient d'écrouissage s'il signifie la courbe contrainte‑allongement. Ainsi, il faut confirmer la conclusion du juge selon laquelle les polymères du composant A du produit SURPASS de Nova contrefont les revendications du brevet, puisqu'ils présentent tous un coefficient d'écrouissage égal ou supérieur à 1,3.

5)         Le juge a‑t‑il commis une erreur dans son interprétation de l'expression [TRADUCTION] « ramifié hétérogène »?

[71]           Dans ses motifs, le juge a adopté l'interprétation proposée par Dow de l'expression [TRADUCTION] « ramifié hétérogène », qui constitue un qualificatif essentiel du composant B dans toutes les revendications, définissant l'expression par la négative (c.‑à‑d. l'absence de ramification homogène). Il a cité la définition du brevet de l'expression [TRADUCTION] « ramifié homogène » et a ensuite conclu que [TRADUCTION] « ramifié hétérogène » signifiait « un polymère dont la ramification est distribuée de manière différente et plus large que dans un [polymère] ramifié de manière homogène qui présente une masse moléculaire et des moyennes de ramification en chaîne courte similaires ». En appel, Nova affirme que le juge a commis une erreur en assimilant la définition du terme [TRADUCTION] « ramifié homogène » que l'on trouve dans le brevet à la définition du terme « polymère homogène » donnée par M. Soares, sans comprendre qu'il s'agit là de termes différents. Ainsi, le juge a conclu à tort que les produits de Nova comportaient un composant B « ramifié hétérogène » et contrevenaient par conséquent à toutes les revendications.Les parties conviennent qu'un copolymère de polyéthylène a une ramification soit homogène soit hétérogène. Comme la définition du terme [TRADUCTION] « ramifié hétérogène » donnée dans le brevet est dépendante du concept « ramifié homogène » (puisqu'elle fait référence à un polymère dont la ramification est distribuée « de manière différente et plus large » que celle d'un polymère ramifié homogène), la définition du terme « ramifié homogène » aura de toute évidence une incidence directe sur ce que doit présenter un polymère pour être « ramifié hétérogène ».

[72]           Selon Nova, le juge a mal interprété la définition donnée dans le brevet d'un polymère « ramifié homogène » et a adopté une définition trop étroite de ces termes parce qu'il avait assimilé le terme « ramifié homogène » à la définition que donne M. Soares d'un « polymère homogène », sans comprendre les différences entre ces deux termes. Dans son rapport d'expert, M. Soares définit un « polymère homogène » comme étant fabriqué dans des conditions de polymérisation uniformes d'un catalyseur à site unique dans un réacteur continu idéal qui est parfaitement homogène (voir le rapport d'expert de M. Soares, dossier d'appel, vol. 25, onglet 28, aux par. 37 à 41, 55 à 59, 75, 82 à 92 et 111 à 115). Il a ajouté qu'un tel polymère affichera les distributions statistiques de masse moléculaire et de ramification les plus étroites possibles d'un point de vue théorique, et présentera une relation indépendante entre sa ramification moyenne et sa masse moléculaire. Sans contester cette définition, l'avocat de Nova soutient qu'un « polymère homogène » peut être homogène de bien des façons, et que les revendications font uniquement référence à des polymères « ramifiés homogènes », et non à la classe plus restreinte des « polymères homogènes ».

[73]           Selon moi, cet argument doit être rejeté. D'abord, je souligne que cette interprétation du brevet n'a pas été présentée au procès. Nova a plutôt proposé d'utiliser un indice de distribution pour démarquer les deux types de polymères. Le juge a facilement rejeté cette proposition, puisque les experts de Nova elle‑même ne s'entendaient pas entre eux sur la ligne de démarcation, et Nova n'a pas contesté cette conclusion en appel.

[74]           Qui plus est, une lecture attentive du brevet révèle que les deux termes sont utilisés indifféremment et que le choix de l'un par opposition à l'autre ne signifie rien. Il convient également de souligner que le brevet, à la page 12, mentionne que les polymères ramifiés hétérogènes diffèrent des polymères ramifiés homogènes [TRADUCTION] « principalement » par la distribution de leur ramification, ce qui semble indiquer qu'ils diffèrent également par d'autres caractéristiques. Quoi qu'il en soit, le juge avait le droit de préférer l'interprétation de M. Soares à celle de M. Mirabella.

[75]           Enfin, Nova soutient que ce que le brevet enseigne va à l'encontre de la définition étroite de l'expression « ramifié homogène » adoptée par le juge. Premièrement, le brevet indique différentes plages pour la distribution de la masse moléculaire pour un polymère ramifié homogène, et toutes les revendications précisent la plage la plus large; ces plages excèdent la distribution de la masse moléculaire la plus étroite possible que l'on pourrait attendre d'un polymère fabriqué dans les conditions idéales décrites par M. Soares et suivent ce qu'on appelle communément la « distribution de Flory ». Deuxièmement, le brevet n'exige pas qu'un polymère ramifié homogène ait la distribution de ramification la plus étroite possible. Troisièmement, le brevet ne mentionne pas l'existence d'un rapport indépendant entre la ramification moyenne et la masse moléculaire qui caractérise un polymère fabriqué dans les conditions uniformes d'un catalyseur à site unique, dans un réacteur continu.

[76]           Je n'ai pas à examiner ces arguments, puisque le juge n'a pas conclu que l'expression « ramifié homogène » signifiait que le polymère est fabriqué à un catalyseur à site unique dans un réacteur continu idéal, avec une distribution de la masse moléculaire et de la ramification la plus étroite possible. Loin de traiter les polymères fabriqués dans ces conditions comme étalons ou comme les seuls polymères pouvant être considérés comme étant « ramifiés homogènes », le juge a adopté la définition donnée dans le brevet lui-même et l'a appliquée aux revendications. Il est vrai qu'en citant M. Soares au paragraphe 62 de ses motifs, le juge peut donner l'impression qu'il utilise pareil étalon pour faire des comparaisons, mais il n'a pas conclu que cet extrait donnait une définition du terme « ramifié homogène ».

[77]           Toutefois, contrairement à ce qu'avance Nova, le brevet fait bien mention d'un rapport indépendant entre la ramification moyenne et la masse moléculaire. Le brevet définit un copolymère « ramifié homogène » comme celui [TRADUCTION] « dans lequel presque toutes les molécules de copolymères ont le même rapport éthylène/comonomère dans le copolymère ». Autrement dit, la fréquence de ramification moyenne (qui est une mesure du rapport éthylène/comonomère) du polymère ramifié homogène ne change pas selon la répartition de la masse moléculaire. Par conséquent, la relation entre la ramification et la masse moléculaire constitue l'un des critères permettant de départager les polymères homogènes et hétérogènes, et la conclusion du juge selon laquelle cela était bien connu avant 1994 est étayée par les témoignages, et même par les témoins de Nova elle‑même (voir le rapport d'expert de M. Soares, dossier d'appel, vol. 25, onglet 28, aux par. 124 à 126; le contre‑interrogatoire de M. Kelusky, dossier d'appel, vol. 14, onglet 345, aux p. 16557, 16558, 16566 et 16567; le contre‑interrogatoire de M. Mirabella, dossier d'appel, vol. 17, onglet 351, à la p. 17788).

[78]           Compte tenu de ce qui précède, je suis d'avis que le juge n'a commis aucune erreur manifeste et dominante dans son interprétation de l'expression « ramifié hétérogène » dans le brevet. Il s'ensuit que le juge n'a pas utilisé le mauvais critère pour conclure que les produits de Nova contenaient un composant B « ramifié hétérogène ».

6)         Le juge a‑t‑il commis une erreur dans son interprétation du terme [TRADUCTION] « qui comprennent »?

[79]           Nova soutient que le juge a commis une erreur quand il a conclu que le terme [TRADUCTION] « qui comprennent » (qui figure dans toutes les revendications) signifiait « notamment, mais non uniquement ». Selon Nova, une telle interprétation signifierait que les revendications du brevet seraient contrefaites par un mélange pouvant contenir jusqu'à 85 % de polymères non revendiqués, puisque les pourcentages minimaux revendiqués des composants A et B sont respectivement de 10 p. 100 et de 5 p. 100. C'est apparemment le cas du produit SURPASS de Nova, qui serait constitué à 50 p. 100 de polymères non revendiqués. Selon Nova, le mot [TRADUCTION] « comprennent » laisse entendre que les mélanges sont « essentiellement » constitués des composants A et B, avec « peut‑être » de petites quantités d'additifs, comme l'indique le brevet aux lignes 14 à 20 de la page 8. Nova justifie cette interprétation par le fait que les exemples fournis dans le brevet comprennent uniquement les composants A et B, et que les valeurs limites extrêmes des revendications totalisent 100 p. 100 des compositions.

[80]           Une telle interprétation du brevet pose problème, car elle ne respecte pas le sens ordinaire du terme [TRADUCTION] « qui comprennent ». Comme le juge l'a souligné, il existe une présomption de cohérence des revendications, selon laquelle un mot a le même sens d'une revendication à l'autre d'un brevet et au sein d'une même revendication (voir, par exemple, Burton Parsons Chemicals Inc. c. Hewlett‑Packard (Canada) Ltd. (1972), 7 C.P.R. (2d) 198, p. 225 et 226 (C.F. 1re inst.), inf. par [1973] C.F. 405 (C.A.F.), décision de la C.A.F. infirmée et celle de la C.F. 1re inst. rétablie, [1976] 1 R.C.S. 555; Johnson & Johnson Inc. c. Boston Scientifique Ltée, 2008 CF 552, par. 208 et 213). En l'espèce, l'expert de Nova elle‑même, M. Speed, reconnaît non seulement que le sens traditionnel du terme [TRADUCTION] « qui comprennent » est « notamment, mais non uniquement », mais en outre lui attribue ce sens traditionnel dans son interprétation de ce terme dans la revendication 41 (brevet 705, p. 36, ligne 14), mais non dans le premier paragraphe de cette revendication (brevet 705, p. 35, ligne 17). Le juge avait certes le droit d'invoquer cet argument peu orthodoxe pour justifier de préférer l'interprétation plus traditionnelle avancée par Dow du terme [TRADUCTION] « qui comprennent ».

[81]           Évidemment, Nova a raison d'affirmer qu'une présomption ne doit pas être appliquée de façon rigide comme une règle, et que les mots doivent être interprétés en tenant compte du contexte. Cela dit, je ne crois pas que le juge ait commis une erreur en rejetant l'argument de Nova selon lequel, dans le brevet 705, le terme [TRADUCTION] « qui comprennent » indique que les compositions doivent être constituées essentiellement des composants A et B, avec peut‑être de petites quantités d'additifs dont il est fait mention aux lignes 14 à 20 de la page 8 du brevet. Les témoins experts de Dow ont fourni des éléments de preuve crédibles du contraire.

[82]           Dans son rapport de contre‑expertise, M. Soares a affirmé qu'une personne versée dans l'art saurait d'après l'emploi du terme [TRADUCTION] « qui comprennent » que les revendications ne se limitent pas aux composants A et B, mais peuvent inclure d'autres polymères, tant que le type, la nature et la quantité de ces autres polymères ne privent pas les mélanges des avantages escomptés. Selon M. Soares, une personne versée dans l'art arriverait [TRADUCTION] « très facilement » à cette conclusion grâce à ses connaissances des mélanges de polymères et de l'utilisation projetée du mélange de polymères divulgué dans le brevet 705 (rapport de contre‑expertise de M. Soares, dossier d'appel, vol. 36, onglet 194, par. 44). M. Scott était exactement du même avis (rapport d'expert de M. Scott, dossier d'appel, vol. 35, onglet 192, par. 115). En fait, M. Speed a lui‑même été équivoque sur cette question et a reconnu à un moment qu'un mélange contenant les composants A et B en plus d'un composant C constituerait une contrefaçon du brevet (contre‑interrogatoire de M. Speed, dossier d'appel, vol. 19, onglet 354, p. 18359 et 18360).

[83]           Quant à la conclusion du juge selon laquelle la revendication 11, à tout le moins, était contrefaite, peu importe le sens donné au terme [TRADUCTION] « qui comprennent », elle était étayée par les témoignages des experts. Il n'est pas contesté que le composant B de la revendication 11 dépend de la revendication 10, et qu'il doit par conséquent représenter de 5 % à 90 % en poids du mélange total, avoir une densité de 0,91 à 0,965 g/cm3 (comparativement à une densité de 0,93 à 0,965 g/cm3 pour les autres revendications) et être ramifié de manière hétérogène. Il n'est pas contesté non plus que le matériau du réacteur 2 satisfait à la première et à la deuxième caractéristiques de la revendication 11. Le seul point de désaccord entre les parties concerne la troisième exigence, soit que le composant B soit ramifié de manière hétérogène.

[84]           En appel, Nova affirme que son produit SURPASS ne contrefait pas le composant B dans la revendication 11, parce que les polymères du réacteur 2 ne sont pas ramifiés de manière hétérogène. Le juge a retenu le témoignage de M. Soares, selon lequel les matériaux au réacteur 2 sont mal mélangés et seraient un continuum de substances qui sont, dans l'ensemble, ramifiées de manière hétérogène. Faisant valoir le témoignage de son propre expert, M. Mirabella, Nova affirme que M. Soares n'a pas tenu compte du fait qu'il y a deux composants distincts au réacteur 2.

[85]           Une fois encore, je suis d'avis que Nova n'a pas réussi à prouver que le juge a commis une erreur manifeste et dominante dans sa conclusion. Il s'agit d'un autre cas où on demande à la Cour d'instruire à nouveau l'affaire et d'examiner à nouveau l'appréciation faite par le juge de première instance des éléments de preuve dont il disposait. Naturellement, un autre juge aurait pu adopter un point de vue différent et en arriver à une conclusion différente au vu des mêmes éléments de preuve, mais ce n'est pas là le critère applicable en appel.

7)         Le juge a‑t‑il commis une erreur en concluant que la fraction à densité élevée représentait au moins 5 % du poids du mélange?

[86]           Nova affirme également que le juge a commis une erreur en concluant à une contrefaçon de la partie B de toutes les revendications. Dow a affirmé que les polymères SURPASS de Nova contrevenaient à toutes les revendications du brevet 705 si l'on retenait l'affirmation de Nova selon laquelle le composant à densité élevée fabriqué dans la région mal mélangée de son réacteur 2 est un polymère distinct. Le juge a d'abord souligné qu'il y avait au départ trois questions sur lesquelles les parties ne s'entendaient pas à cet égard, soit les questions de savoir si le composant à densité élevée est lui‑même ramifié de manière hétérogène, si le composant à densité élevée représente 5 p. 100 ou plus en poids de la composition totale du produit SURPASS, et si le composant à densité élevée a une densité de 0,93 g/cm³ à 0,965 g/cm³. Le juge a ensuite indiqué que, selon les observations finales de Nova, le troisième point ne faisait plus l'objet d'un litige. Il a par la suite traité exclusivement de la première question, sans déterminer si le composant à densité élevée satisfaisait au deuxième point.

[87]           À n'en pas douter, il s'agit d'un oubli de la part du juge, mais cet oubli n'équivaut pas à une erreur manifeste et dominante. Même si le juge aurait dû aborder cette question sur laquelle les parties ne s'entendaient pas, à l'évidence, ce n'était pas le point le plus important, et suffisamment d'éléments de preuve étayent une conclusion favorable à Dow sur cette question précise.

[88]           Les experts conviennent qu'il n'est pas possible de séparer nettement le composant à densité élevée des autres composants se trouvant dans le réacteur 2. Une correction mathématique est donc nécessaire pour séparer le composant à densité élevée de chacun des types du produit SURPASS afin de déterminer s'il contrefait le brevet. Le désaccord entre M. Soares et M. Mirabella concerne le processus de correction nécessaire pour obtenir une séparation plus nette entre le pic de densité plus élevée (et le pourcentage en poids correspondant) et la contamination de la fraction de densité moins élevée. Selon M. Mirabella, M. Soares n'a pas suivi ses propres directives et n'a pas fait chuter sa ligne de correction au même endroit sur les graphiques montrant les distributions de la composition chimique et les profils des polymères du produit ELITE de Dow et du produit SURPASS de Nova (à la gauche du [TRADUCTION] « creux entre les deux pics » dans le cas du produit SURPASS et [TRADUCTION] « le plus près possible du creux » dans le cas du produit ELITE de Dow). Ainsi, M. Soares aurait surestimé le pourcentage en poids du composant à densité élevée dans les polymères SURPASS de Nova.

[89]           Dow réplique que selon les tests internes de Nova et ses produits, le composant à densité élevée dépassait 5 p. 100 en poids de la composition de chaque type représentatif du produit en cause, comme le précisent les revendications en cause du brevet (voir le rapport d'expert de M. Soares, dossier d'appel, vol. 25, onglet 28, par. 212 à 216). Nova a aussi admis au cours de l'interrogatoire préalable que la majorité des résines avaient un composant à densité élevée représentant environ 5 p. 100 en poids du produit (voir la transcription de l'interrogatoire préalable de Nova, dossier d'appel, vol. 29, onglet 108, p. 2374 et 2382). Enfin, je souligne que M. Soares a demandé des échantillons de toutes les fractions recueillies dans les installations de Nova pour les expériences de fractionnement afin de vérifier leur contenu, mais que Nova a refusé de les fournir. Nous ne pouvons donc compter que sur l'explication de M. Soares pour comprendre pourquoi les résultats obtenus par M. Mirabella relativement au pourcentage en poids du composant à densité élevée sont inférieurs à 5 p. 100, c'est‑à‑dire que les fractions à densité élevée qu'il a utilisées pour ses expériences ne comprenaient pas tous les composants à densité élevée.

[90]           Vu cet élément de preuve non contesté de Dow, je suis d'avis que l'omission par le juge d'examiner cette question était sans conséquence et ne mine pas sa conclusion globale portant que même en tenant uniquement compte du composant à densité élevée du réacteur 2, il satisfait tout de même à la partie B des revendications 11, 29, 30, 33, 35, 36, 41 et 42. Et, quoi qu'il en soit, comme je l'ai dit précédemment, le juge n'a pas commis d'erreur manifeste et dominante en concluant que le polymère entier fabriqué dans le réacteur 2 satisfaisait à la partie B de la réclamation 11.

IV.              Conclusion

[91]           Pour les motifs qui précèdent, je suis d'avis de rejeter l'appel, avec dépens. Les arguments soulevés par l'appelante ne traduisent qu'une opposition aux conclusions de fait du juge et à son évaluation des témoignages des experts. Le juge n'a pas commis d'erreur de droit, et il lui était loisible de préférer le témoignage de certains experts à celui d'autres; en fait, c'est précisément la tâche qui lui était confiée, et l'appelante n'a pas réussi à établir qu'il a commis une erreur manifeste et dominante en accomplissant cette tâche.

« Yves de Montigny »

j.c.a.

« Je suis d'accord.

Wyman W. Webb, j.c.a. »

« Je suis d'accord.

Richard Boivin, j.c.a. »


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

A-379-14

 

INTITULÉ :

NOVA CHEMICALS CORPORATION c. THE DOW CHEMICAL COMPANY, DOW GLOBAL TECHNOLOGIES INC. ET DOW CHEMICAL CANADA ULC

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Les 7 et 8 DÉCEMBRE 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE WEBB

LE JUGE BOIVIN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 6 septembre 2016

 

COMPARUTIONS :

Robert MacFarlane

Michael Charles

Andrew McIntosh

Joshua Spicer

Amrita Singh

 

Pour l'appelante

 

Ronald Dimock

Ryan Evans

Steven Garland

Jeremy Want

 

Pour les intimées

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bereskin & Parr, S.E.N.C.R.L./s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour l'appelante

 

Dimock Stratton LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

Smart & Biggar

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

Pour les intimées

 

 

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