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Date : 20161110


Dossier : A­50­16

Référence : 2016 CAF 276

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE NEAR

LA JUGE WOODS

 

 

ENTRE :

PHILIP METTE

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 9 novembre 2016.

Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 10 novembre 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE DAWSON

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NEAR

LA JUGE WOODS

 


Date : 20161110


Dossier : A­50­16

Référence : 2016 CAF 276

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE NEAR

LA JUGE WOODS

 

 

ENTRE :

PHILIP METTE

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DAWSON

[1]  Le demandeur, Philip Mette, s’est vu opposer un refus à la demande de prestations d’invalidité qu’il a présentée au titre du Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1985), ch. C­8. En 2004, un tribunal de révision a rejeté l’appel formé par le demandeur contre ce refus. En 2012, le demandeur a présenté une demande en annulation ou en modification de la décision du tribunal de révision au titre du paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada, sur la foi de prétendus nouveaux éléments de preuve.

[2]  La division générale du Tribunal de la sécurité sociale a rejeté cette dernière demande du fait de l’expiration du délai d’appel d’un an suivant la communication au demandeur de la décision du tribunal de révision. Elle a également conclu que les éléments de preuve en question n’étaient pas « nouveaux » suivant les critères juridiques applicables. En effet, il ne s’agissait pas de faits nouveaux substantiels dont il y avait des raisons valables de croire qu’ils auraient pu influer sur le résultat de la décision rendue par le tribunal de révision.

[3]  Le demandeur a obtenu la permission d’interjeter appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Dans la décision défavorable (appel no AD­14­427) au demandeur qu’elle a rendue, la division d’appel a statué que la division générale avait conclu à mauvais droit à l’expiration du délai d’appel applicable, mais avait conclu à juste titre à l’absence de « faits nouveaux ». La Cour est saisie de la demande de contrôle judiciaire de la décision de la division d’appel.

[4]  En l’espèce, le demandeur tente d’obtenir deux ordonnances : l’une annulant la décision de la division d’appel et l’autre renvoyant l’affaire à l’instance décisionnelle compétente pour qu’elle tranche la question des faits nouveaux.

[5]  Le demandeur fait valoir que la décision de la division d’appel est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Je suis du même avis.

[6]  Il convient à cette étape de l’analyse d’expliquer en quoi consiste le contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

[7]  L’article 68 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, L.C. 2005, ch. 34, (la Loi) porte qu’une décision du Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal) est « définitive et sans appel; elle peut cependant faire l’objet d’un contrôle judiciaire aux termes de la Loi sur les Cours fédérales ».

[8]  En ne permettant qu’un contrôle judiciaire effectué par notre Cour, le législateur a choisi de conférer au Tribunal le pouvoir de constater les faits, d’interpréter la Loi et les textes législatifs connexes, de décider de l’issue de demandes et de prendre les mesures de réparation voulues. Notre Cour ne peut instruire à nouveau les litiges, elle ne peut qu’effectuer le contrôle judiciaire des décisions du Tribunal.

[9]  La Cour suprême du Canada exige qu’une latitude considérable soit donnée aux tribunaux administratifs. Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau­Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, elle s’exprime en ces termes au paragraphe 47 :

La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[Non souligné dans l’original.]

[10]  Commençons par l’application de la norme de la décision raisonnable à la décision de la division d’appel. Selon cette dernière, la division générale avait énoncé correctement le critère juridique à appliquer pour déterminer ce qui constitue des « faits nouveaux » au titre du Régime de pensions du Canada, avait exposé avec clarté et précision la preuve présentée au tribunal de révision ainsi que les éléments constituant de présumés faits nouveaux et n’avait pas fait une évaluation erronée de ces derniers.

[11]  Au vu du dossier dont était saisie la division d’appel, nous estimons que le demandeur n’a pas démontré l’existence, dans ces conclusions, d’une erreur pouvant justifier l’intervention de notre Cour. Autrement dit, la décision de la division d’appel se justifie, elle est transparente et intelligible, et elle appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[12]  Quant à la prétention du demandeur voulant qu’elle ait commis une erreur au paragraphe 37 de ses motifs en observant que, dans un rapport, le docteur Hamilton avait conjecturé au sujet de l’état de santé du demandeur lors de la période minimale d’admissibilité, la division d’appel en est venue à la conclusion que le rapport n’était pas admissible en preuve. Comme elle l’a indiqué à juste titre au paragraphe 38 de ses motifs, elle pouvait tenir compte uniquement des éléments de preuve présentés à la division générale.

[13]  Un dernier commentaire vise l’observation du procureur général au sujet de la décision de la division d’appel de ne pas accorder la permission d’interjeter appel relativement à la question de savoir si la division générale avait conclu à tort que les éléments de preuve en cause n’étaient pas « nouveaux » suivant les critères juridiques applicables. Le procureur général fait valoir que la division d’appel a alors commis une erreur en tenant compte de ce moyen d’appel dans son examen au fond de l’instance et que, quoi qu’il en soit, cette conclusion privait d’objet l’appel interjeté à la division d’appel.

[14]  Selon son interprétation du paragraphe 58(2) de la Loi, la division d’appel pouvait examiner tous les moyens invoqués, parce que l’ordonnance autorisant l’appel ne visait pas uniquement les moyens offrant une chance raisonnable de succès. La décision précisait simplement que « [l]a demande de permission d’en appeler présentée devant la division d’appel est accueillie ».

[15]  Lors de sa plaidoirie, le procureur général a soutenu, en s’appuyant sur le paragraphe 58(2) de la Loi, que la division d’appel devait refuser d’accorder la permission d’en appeler pour tout moyen qu’elle jugeait sans fondement. Toutefois, le paragraphe 58(2) porte que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ». La disposition n’exige pas le rejet de moyens d’appel individuels. En effet, l’étroite corrélation entre les moyens d’appel peut rendre très difficile leur analyse distincte de sorte qu’un seul moyen valable serve de justification à la permission d’en appeler.

[16]  Le procureur général n’a pas démontré que la division d’appel avait interprété sa loi constitutive de manière déraisonnable. À mon avis, son interprétation appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[17]  Cela dit, il est inhabituel, j’en conviens, pour un décideur d’accorder la permission d’interjeter appel d’un point de droit — en l’espèce la question de savoir si la demande de réouverture fondée sur de nouveaux éléments de preuve était prescrite —, alors que celui-ci avait conclu à l’absence de fondement des faits à l’origine de ce point. Dès lors qu’elle a rejeté la prétention voulant que la division générale ait conclu à tort que le demandeur n’avait pas présenté de faits nouveaux, la division d’appel devait rendre une décision défavorable au demandeur. Quant à l’argument juridique selon lequel la demande de réouverture reposant sur des faits nouveaux n’était pas frappée de prescription, il était sans fondement, parce qu’il n’était étayé d’aucun élément de preuve.

[18]  Pour ces motifs, je rejetterais la présente demande de contrôle judiciaire. Comme le défendeur ne demande pas de dépens, je n’adjugerais aucuns dépens.

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

D.G. Near, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Judith M. Woods, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Andrée Morin, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A­50­16

 

 

INTITULÉ :

PHILIP METTE c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 NOVEMBRE 2016

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE DAWSON

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NEAR

LA JUGE WOODS

DATE DES MOTIFS :

LE 10 NOVEMBRE 2016

COMPARUTIONS :

Philip Mette

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Me Hasan Junaid

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous­procureur général du Canada

Gatineau (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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