Date : 20161124
Dossier : A-122-16
Référence : 2016 CAF 298
[TRADUCTION FRANÇAISE]
CORAM :
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LE JUGE STRATAS
LE JUGE WEBB
LA JUGE WOODS
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ENTRE :
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PAUL LAUZON
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appelant
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et
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SA MAJESTÉ LA REINE
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intimée
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Audience tenue à Toronto (Ontario), le 23 novembre 2016.
Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 24 novembre 2016.
MOTIFS DU JUGEMENT :
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LA JUGE WOODS
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Y ONT SOUSCRIT :
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LE JUGE STRATAS
LE JUGE WEBB
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Date : 20161124
Dossier : A-122-16
Référence : 2016 CAF 298
CORAM :
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LE JUGE STRATAS
LE JUGE WEBB
LA JUGE WOODS
|
ENTRE :
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PAUL LAUZON
|
appelant
|
et
|
SA MAJESTÉ LA REINE
|
intimée
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MOTIFS DU JUGEMENT
LA JUGE WOODS
[1]
L’appelant, Paul Lauzon, porte en appel un jugement de la Cour canadienne de l’impôt (2016 CCI 71) confirmant l’imposition d’une pénalité pour faute lourde dans des circonstances où de fausses pertes d’entreprise ont été déclarées. La pénalité pour faute lourde a été imposée en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la « Loi »).
[2]
Dans sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2008, M. Lauzon a déclaré des pertes d’entreprise nettes de 308 073 $ et demandé un remboursement de 19 178 $ pour cette année.
[3]
M. Lauzon a également signé une demande de report rétrospectif de pertes en vue d’obtenir un remboursement d’impôt pour les trois années précédentes en utilisant le solde des pertes qu’il n’avait pas pu utiliser en 2008. Si ces pertes devaient être admises en entier, la totalité des impôts payés par M. Lauzon pour les années 2005 à 2008 lui serait remboursée.
[4]
Dans une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2008, le ministre du Revenu national a refusé la déduction et a imposé une pénalité pour faute lourde.
[5]
Il s’est avéré que les pertes étaient entièrement fictives, ayant été créées par un spécialiste en déclarations de revenus de Fiscal Arbitrators. La Cour canadienne de l’impôt a jugé que M. Lauzon avait été victime d’une fraude.
[6]
L’appel de M. Lauzon auprès de la Cour canadienne de l’impôt porte uniquement sur la pénalité. Le juge suppléant Masse (le juge du procès) a rejeté l’appel au motif que M. Lauzon avait commis une faute lourde en déclarant de fausses pertes d’entreprise dans sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2008.
[7]
Dans le présent appel, M. Lauzon soutient que le juge du procès : (1) [traduction] « a commis une erreur de droit en appliquant le critère juridique visant l’imposition de pénalités pour faute lourde de manière objective plutôt que subjective »
; (2) a commis des erreurs manifestes et dominantes en appliquant le critère juridique aux faits.
[8]
La Cour s’est récemment prononcée sur le critère juridique applicable pour conclure à la faute lourde dans le contexte de l’imposition de pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi dans Strachan c. La Reine, 2015 CAF 60, au paragraphe 4 :
La faute lourde peut être établie dans le cas où le contribuable fait preuve d’ignorance volontaire au sujet des faits pertinents lorsqu’il ressent le besoin de se renseigner, mais refuse de le faire parce qu’il ne veut pas connaître la vérité (Canada (Procureur général) c. Villeneuve, 2004 CAF 20, 327 N.R. 186, au paragraphe 6; Panini c. Canada, 2006 CAF 224, [2006] A.C.F. no 955, aux paragraphes 41 à 43).
[9]
Le passage ci-dessus fait mention d’une décision antérieure de la Cour : Panini c. Canada, 2006 CAF 224. Au paragraphe 43 des motifs de cette décision, la Cour a dit ce qui suit :
[…] le droit imputera une connaissance au contribuable qui, dans des circonstances qui lui commanderaient ou lui imposeraient de s’enquérir de sa situation fiscale, refuse ou néglige de le faire sans raison valable.
[10]
En l’espèce, le juge du procès a conclu que M. Lauzon était coupable d’une faute lourde parce qu’il « avait le devoir de remplir sa déclaration de revenus avec soin et exactitude, mais il a failli à ce devoir en ne faisant absolument aucun effort pour s’assurer que les renseignements inscrits dans sa déclaration étaient exacts et complets »
(paragraphe 45 des motifs).
[11]
Le juge du procès s’est également appuyé sur une kyrielle de faits énoncés dans les motifs qui, à son avis, étayaient la conclusion de faute lourde compte tenu de la jurisprudence. Les facteurs qui selon lui devaient être pris en considération étaient : « a) l’importance de l’omission relative au revenu déclaré; b) la faculté du contribuable de découvrir l’erreur; c) le niveau d’instruction du contribuable et son intelligence apparente; d) l’effort réel de se conformer à la loi »
(paragraphe 29 des motifs). Il présente également un ensemble non exhaustif de facteurs cités par la Cour canadienne de l’impôt dans la décision Torres c. La Reine, 2013 CCI 380, confirmée par la Cour dans l’arrêt Strachan, précité.
[12]
En l’espèce, il est évident que le juge du procès disposait de suffisamment d’éléments de preuve pour conclure qu’il était satisfait au critère applicable à la faute lourde décrit dans les décisions Strachan et Panini, précitées. Sa conclusion n’est pas viciée par une erreur manifeste et dominante.
[13]
En particulier, le juge du procès a conclu que M. Lauzon était un homme intelligent, sophistiqué et instruit qui, dans le passé, avait préparé lui-même ses déclarations de revenus. Il connaissait le montant du remboursement demandé et, au procès, on lui a demandé pourquoi il n’avait pas remis en question un montant si élevé. Le juge du procès a estimé que sa réponse n’était pas plausible (paragraphe 7 des motifs). Sur la base de cette conclusion et sur une kyrielle d’autres circonstances factuelles qui sont bien décrites dans les motifs, le juge du procès a conclu (au paragraphe 24) que M. Lauzon avait acquiescé à la présentation de faux énoncés dans sa déclaration de revenus ce qui, dans les circonstances, équivaut à une faute lourde. Il n’y a aucun motif justifiant que soit modifiée cette conclusion bien étayée.
[14]
M. Lauzon soutient aussi que des erreurs manifestes et dominantes ont été commises dans l’application du critère juridique aux faits. Je ne suis pas de cet avis. Aucune des conclusions de fait du juge du procès ne comporte d’erreur manifeste et dominante.
[15]
Enfin, j’aimerais commenter en particulier sur une observation de l’avocat de M. Lauzon, celle selon laquelle [traduction] « aucun élément de preuve ne contredit le fait que M. Lauzon n’avait aucun soupçon au moment de signer sa déclaration de revenus, car il ignorait qu’il déclarait des pertes d’entreprise et il ne savait pas que quelqu’un d’autre avait préparé sa déclaration de revenus pour l’année en cause »
(paragraphe 43a)(i) du mémoire). Cette déclaration fait abstraction du fait que le juge du procès n’a pas cru l’explication donnée par M. Lauzon pour se justifier de ne pas avoir remis en question la réclamation d’une somme aussi élevée.
[16]
À mon avis, le juge du procès n’a commis aucune erreur susceptible de révision en concluant que M. Lauzon était coupable d’une faute lourde. Je rejetterais l’appel, avec dépens.
« Judith M. Woods »
j.c.a.
« Je suis d’accord.
David Stratas, j.c.a. »
« Je suis d’accord.
Wyman W. Webb, j.c.a. »
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Dossier :
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A-122-16
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APPEL D’UN JUGEMENT DU JUGE ROMMEL G. MASSE DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT RENDU LE 21 MARS 2016, DOSSIER NO 2013-2945(IT)G
INTITULÉ :
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PAUL LAUZON c. SA MAJESTÉ LA REINE
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Toronto (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Le 23 novembre 2016
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MOTIFS DU JUGEMENT :
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LA JUGE WOODS
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Y ONT SOUSCRIT :
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LE JUGE STRATAS
LE JUGE WEBB
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DATE DES MOTIFS :
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Le 24 novembre 2016
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COMPARUTIONS :
Jeffrey Radnoff
Charles Haworth
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Pour l’appelant
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Alisa Apostle
Annette Evans
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Pour l’intimée
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Radnoff Law Offices
Avocats
Toronto (Ontario)
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Pour l’appelant
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William F. Pentney
Sous-procureur général du Canada
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Pour l’intimée
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