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Date : 20161128


Dossier : A-432-15

Référence : 2016 CAF 301

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE NADON

LE JUGE RENNIE

LE JUGE DE MONTIGNY

 

ENTRE :

EASY WAY CATTLE OILERS LTD.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Saskatoon (Saskatchewan), le 14 novembre 2016.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 28 novembre 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NADON

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE RENNIE

LE JUGE DE MONTIGNY

 


Date : 20161128


Dossier : A-432-15

Référence : 2016 CAF 301

CORAM :

LE JUGE NADON

LE JUGE RENNIE

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

EASY WAY CATTLE OILERS LTD.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NADON

[1]  La Cour est saisie d’un appel de la décision (2015 CCI 211) rendue le 21 août 2015 par le juge D’Arcy de la Cour canadienne de l’impôt (le juge), qui a rejeté l’appel concernant une nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi sur l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la Loi) pour l’année d’imposition 2008 de l’appelante.

[2]  Selon la conclusion du juge, l’appelante, en omettant de respecter les exigences de l’alinéa 127(9)m) de la Loi, n’avait pas droit à un crédit d’impôt à l’investissement pour son année d’imposition 2008 en ce qui a trait à certaines dépenses de recherche scientifique et de développement expérimental (dépenses de RS&DE). Plus précisément, de l’avis du juge, l’appelante avait omis de déposer, au plus tard le 30 juin 2010, le formulaire prescrit par le ministre pour l’application de l’alinéa 127(9)m), à savoir le formulaire T2SCH31 (le formulaire prescrit).

[3]  Le paragraphe 127(9) de la Loi, plus précisément l’alinéa m), prévoit ce qui suit :

Toutefois aucun montant n’est inclus dans le total calculé selon l’un des alinéas a) à e.2) au titre d’une dépense qui, s’il n’était pas tenu compte des paragraphes (26) et 78(4), serait engagée ou effectuée par le contribuable en vue de gagner un revenu au cours d’une année d’imposition, et aucun montant n’est ajouté, aux termes de l’alinéa b), dans le calcul du crédit d’impôt à l’investissement du contribuable à la fin d’une année d’imposition au titre d’une dépense engagée ou effectuée par une fiducie ou une société de personnes en vue de gagner un revenu, si, selon le cas :

Except that no amount shall be included in the total determined under any of paragraphs (a) to (e.2) in respect of an outlay, expense or expenditure that would, if this Act were read without reference to subsections 127(26) and 78(4), be made or incurred by the taxpayer in the course of earning income in a particular taxation year, and no amount shall be added under paragraph (b) in computing the taxpayer’s investment tax credit at the end of a particular taxation year in respect of an outlay, expense or expenditure made or incurred by a trust or a partnership in the course of earning income, if

[…]

m) le contribuable ne présente pas au ministre un formulaire prescrit contenant les renseignements prescrits relativement au montant au plus tard le jour qui suit d’une année la date d’échéance de production qui lui est applicable pour l’année en question. (investment tax credit)

m) the taxpayer does not file with the Minister a prescribed form containing prescribed information in respect of the amount on or before the day that is one year after the taxpayer’s filing-due date for the particular year; (crédit d’impôt à l’investissement)

(Non souligné dans l’original.)

[4]  Par conséquent, pour respecter les exigences prévues à l’alinéa 127(9)m), le contribuable qui désire demander un crédit d’impôt à l’investissement concernant ses dépenses de RS&DE doit présenter au ministre le formulaire prescrit contenant les renseignements prescrits au plus tard dans l’année suivant la date d’échéance de production applicable pour l’année d’imposition en question.

[5]  On ne conteste pas la date du 30 juin 2010, échéance à laquelle l’appelante devait présenter le formulaire prescrit contenant les renseignements prescrits, ni le fait que l’appelante devait présenter le formulaire prescrit avant cette échéance, ce qu’elle a fait défaut de faire. Cependant, le 30 juin 2010, l’appelante a produit le formulaire T661 dûment rempli pour appuyer sa demande de déduction concernant ses dépenses de RS&DE. Même s’il a admis l’inscription des dépenses de RS&DE produite par l’appelante, le ministre a refusé la demande de crédit d’impôt à l’investissement parce que le formulaire prescrit n’avait pas été produit au 30 juin 2010. Le dépôt ne s’est fait que le 16 août 2010.

[6]  La seule question en litige dans le présent appel est de savoir si le juge a commis une erreur dans sa conclusion, à savoir qu’il faut produire le formulaire prescrit pour demander un crédit d’impôt à l’investissement concernant des dépenses de RS&DE en application de l’alinéa 127(9)m) de la Loi. Pour les motifs suivants, je conclus que le juge n’a commis aucune erreur susceptible de révision.

[7]  Le seul argument que l’appelante avance dans le présent appel est que le fait de ne pas présenter le formulaire prescrit au ministre au plus tard le 30 juin 2010 n’est pas fatal parce que, ce jour-là, le ministre disposait déjà de tous les renseignements prescrits. Plus précisément, l’appelante affirme que tous les renseignements prescrits dont le ministre avait besoin pour calculer le crédit d’impôt à l’investissement demandé se trouvaient sur le formulaire T661 ainsi que sur le formulaire T2 Déclaration de revenus des sociétés pour l’année d’imposition 2008, qui a été produite le 30 septembre 2009.

[8]  L’appelante indique que les renseignements contenus dans le formulaire T661 et dans sa déclaration de revenus T2 sont présentés de façon [TRADUCTION] « suffisamment claire et complète » pour permettre au ministre de calculer le crédit d’impôt à l’investissement demandé. Par conséquent, selon l’appelante, le ministre est en mesure, avec ces renseignements, de produire les calculs nécessaires à la détermination du crédit d’impôt à l’investissement de l’appelante en ce qui a trait aux dépenses de RS&DE.

[9]  À l’appui de sa thèse, l’appelante nous cite l’article 32 de la Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, qui prévoit ce qui suit :

32 L’emploi de formulaires, modèles ou imprimés se présentant différemment de la présentation prescrite n’a pas pour effet de les invalider, à condition que les différences ne portent pas sur le fond ni ne visent à induire en erreur.

32 Where a form is prescribed, deviations from that form, not affecting the substance or calculated to mislead, do not invalidate the form used.

[10]  Au paragraphe 16 de son mémoire des faits et du droit, l’appelante dit que :

[TRADUCTION]

Les tribunaux du Canada ont constamment conclu que l’article 32 de la Loi d’interprétation s’applique de façon à garantir que l’emploi de formulaires se présentant différemment de la présentation prescrite n’a pas pour effet de les invalider. Il existe une abondante jurisprudence allant en ce sens, et l’examen de quelques décisions pertinentes démontrera que la décision du juge du procès était erronée en droit.

[11]  À mon avis, le recours à l’article 32 de la Loi d’interprétation, vu les faits en l’espèce, est erroné.

[12]  Premièrement, le formulaire prescrit et le formulaire T661 sont employés à des fins différentes, même si certains des renseignements qu’ils contiennent se recoupent. Le formulaire T661, dont la fin est décrite sur le formulaire lui-même, sert à fournir des renseignements techniques sur les projets de RS&DE, à calculer les dépenses de RS&DE et à calculer les dépenses de RS&DE admissibles à un crédit d’impôt à l’investissement, advenant une demande de crédit d’impôt. Selon les fins énoncées, le formulaire prescrit permet aux sociétés, entre autres choses, de demander un crédit d’impôt à l’investissement concernant les dépenses de RS&DE.

[13]  Deuxièmement, l’objectif évident de l’article 32 de la Loi d’interprétation consiste, à mon avis, à éviter de pénaliser un contribuable qui a essentiellement respecté une disposition qui demande la production d’un formulaire prescrit contenant des renseignements prescrits. En d’autres mots, l’article 32 s’applique lorsque le contribuable a produit les renseignements prescrits, mais n’a pas utilisé le formulaire prescrit pour ce faire. Néanmoins, ce contribuable aura respecté essentiellement les exigences du formulaire en fournissant au ministre les renseignements dont il a besoin concernant la demande du contribuable. En l’espèce, il ne fait aucun doute que l’appelante n’avait pas produit les renseignements prescrits le 30 juin 2010. En d’autres mots, l’appelante n’a produit aucun formulaire qui contenait les renseignements prescrits dans le but de demander un crédit d’impôt à l’investissement concernant ses dépenses de RS&DE avant cette échéance.

[14]  Ce que l’appelante demande, à mon humble avis, c’est de transformer le formulaire T661 et le formulaire T2 de la déclaration de revenus des sociétés en un formulaire prescrit qui aurait été produit au 30 juin 2010. L’intimée, au paragraphe 40 de son mémoire des faits et du droit, explique à bon droit que l’approche de l’appelante est la suivante :

[TRADUCTION]

L’appelante tente de convertir les renseignements du formulaire T2 et du formulaire T661 que le ministre aurait pu utiliser pour calculer le crédit d’impôt à l’investissement de l’appelante en une application autonome de calcul des CII [crédits d’impôt à l’investissement] qui serait équivalente à l’annexe 31 [le formulaire prescrit] et viciée seulement par la présentation. C’est aller trop loin.

[15]  De l’avis de l’intimée, dans le cas où l’approche de l’appelante serait approuvée par la Cour, le ministre serait dans l’obligation de deviner l’intention du contribuable concernant les crédits d’impôt à l’investissement lors du traitement du formulaire T661 qui, comme je l’ai déjà indiqué, sert à des fins bien différentes. En d’autres mots, le ministre, lorsqu’il apprend l’intention du contribuable après l’échéance, aurait l’obligation de revoir le dossier du contribuable et de faire les calculs que le contribuable aurait dû faire au moment de produire le formulaire prescrit. Manifestement, cette approche ne peut être juste.

[16]  Soit dit en tout respect, il incombe au contribuable d’informer le ministre qu’il demande un crédit d’impôt à l’investissement concernant ses dépenses de RS&DE. Pour communiquer cette intention au ministre, le contribuable doit produire le formulaire prescrit contenant les renseignements prescrits au plus tard à l’échéance prescrite. En l’espèce, l’appelante n’a pas communiqué son intention de demander un crédit d’impôt à l’investissement concernant ses dépenses de RS&DE avant de produire le formulaire prescrit le 16 août 2010.

[17]  Par conséquent, l’article 32 de la Loi d’interprétation ne peut être d’aucun secours à l’appelante. En raison des faits de l’espèce, le fait que l’appelante a omis de produire le formulaire prescrit au plus tard le 30 juin 2010 ou tout autre formulaire en application des exigences de l’alinéa 127(9)m) est fatal à son appel concernant la nouvelle cotisation du ministre de son année d’imposition 2008.

[18]  Enfin, pour appuyer sa thèse dans le présent appel, l’appelante nous renvoie à un certain nombre de décisions rendues par la Cour canadienne de l’impôt, la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale concernant des exemptions. À mon avis, toutes ces affaires sont différentes des circonstances présentes et n’étayent pas la thèse de l’appelante.

[19]  Comme rien ne justifie la modification de la décision du juge, je rejetterais l’appel avec dépens.

« M. Nadon »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Donald J. Rennie, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Yves de Montigny, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme.

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-432-15

(APPEL D’UNE DÉCISION DU 21 AOÛT 2015 DU JUGE D’ARCY DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT, DOSSIER NO 2012-1217(IT)G)

INTITULÉ DE LA CAUSE :

EASY WAY CATTLE OILERS LTD. c. LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Saskatoon (Saskatchewan)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 novembre 2016

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NADON

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE RENNIE

LE JUGE DE MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :

Le 28 novembre 2016

 

COMPARUTIONS :

Adam Hnatyshyn

Pour l’appelante

John Krowina

Pour l’intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Hnatyshyn Gough

Saskatoon (Saskatchewan)

 

Pour l’appelante

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

Pour l’intimée

 

 

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