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Date : 20161215


Dossier : A-488-15

Référence : 2016 CAF 313

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE NADON

LE JUGE NEAR

LE JUGE RENNIE

 

 

ENTRE :

MASIH BOROUMAND

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 7 décembre 2016.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 15 décembre 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NEAR

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LE JUGE RENNIE

 


Date : 20161215


Dossier : A-488-15

Référence : 2016 CAF 313

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE NADON

LE JUGE NEAR

LE JUGE RENNIE

 

 

ENTRE :

MASIH BOROUMAND

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NEAR

[1]  L’appelant, Masih Boroumand, interjette appel de l’ordonnance rendue par la Cour canadienne de l’impôt le 15 octobre 2015, modifiée le 5 novembre 2015 (2015 CCI 239). Dans cette décision, la juge en chef adjointe Lamarre (la juge) a rejeté les appels de l’appelant interjetés à l’encontre de nouvelles cotisations établies au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.), et de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15, pour les années d’imposition 2004, 2006 ainsi que 2007, et a accueilli ceux relatifs aux années d’imposition 2003 et 2005, aux seules fins d’ajuster le revenu non déclaré afin qu’il reflète les concessions de l’intimée.

[2]  La juge a conclu que l’appelant a omis de déclarer des revenus de 3 669 458 $ et qu’il n’avait pas démontré que la source des fonds non déclarés n’était pas imposable. La juge a également conclu que le ministre du Revenu national (le ministre) avait eu raison d’établir une nouvelle cotisation à l’égard des années d’imposition après l’expiration de la période prévue par la loi et d’imposer des pénalités pour faute lourde. Pour arriver à sa décision, la juge a refusé d’admettre en preuve des documents d’entreprises de transfert de fonds censés démontrer que l’appelant avait reçu près de deux millions de dollars provenant de l’Iran. Le principal motif d’appel de l’appelant est que la juge a commis une erreur en refusant d’admettre en preuve les documents au titre d’une exception à la règle excluant la preuve par ouï‑dire.

[3]  La Cour suprême du Canada a conclu que « [l]e juge du procès est bien placé pour déterminer dans quelle mesure les dangers du ouï‑dire sont préoccupants dans une affaire donnée et s’ils peuvent être suffisamment atténués ». En outre, il faut faire preuve de déférence à l’égard du juge de première instance pourvu que sa décision sur l’admissibilité se fonde sur les principes juridiques pertinents (R. c. Blackman, 2008 CSC 37, [2008] 2 R.C.S. 298, au paragraphe 36). À mon avis, il n’y a pas de raison de modifier la décision de la juge sur l’admissibilité des documents relatifs aux transferts de fonds.

[4]  Il n’a pas été contesté que les documents pertinents constituaient du ouï‑dire et qu’ils étaient donc présumés inadmissibles.

[5]  L’article 30 de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985, ch. C-5 (la LPC), prévoit une exception à la règle du ouï‑dire pour les pièces établies dans le cours ordinaire des affaires (c.‑à‑d. les pièces commerciales).

[6]  Pour déterminer si l’exception s’applique aux éléments de preuve, la cour peut, en vertu du paragraphe 30(6) de la LPC, examiner les documents, entendre des témoins sur les circonstances de la création des documents et tirer toute conclusion raisonnable. Malgré les assertions de l’appelant selon lesquelles les documents relatifs aux transferts de fonds avaient été établis dans le cours ordinaire des affaires des entreprises de transfert de fonds, ces assertions n’étaient pas étayées par des éléments de preuve. Aucune preuve par affidavit n’a été présentée, et l’appelant n’a pas appelé de témoins des entreprises de transfert de fonds. La juge a conclu que l’appelant n’avait offert aucune explication quant aux circonstances dans lesquelles les pièces avaient été établies (paragraphe 49 des motifs). Ainsi, il n’y a aucune raison de modifier la conclusion de la juge.

[7]  De plus, le paragraphe 30(7) de la LPC exige de l’appelant qu’il donne à l’intimée un avis de sept jours de son intention de produire les documents relatifs aux transferts de fonds en tant que pièces commerciales. La juge a conclu que l’appelant n’avait pas fourni l’avis requis (paragraphe 45 des motifs). L’appelant a fait valoir qu’il avait satisfait à cette exigence en produisant les documents relatifs aux transferts de fonds avec d’autres documents lors de la communication préalable. En outre, un jour avant l’audience, l’ancien avocat de l’appelant a demandé à l’avocat de l’intimée s’il allait admettre [traduction] l’« importante documentation provenant des entreprises ayant reçu l’argent » en tant que pièces commerciales ou s’il était nécessaire d’assigner des témoins. L’avocat de l’intimée a répondu qu’il s’attendait à ce que son confrère suive les règles de preuve (D.A., vol. 3, onglet I (1), à la page 695). Bien que la LPC ne précise pas la forme que doit prendre l’avis, celui‑ci devrait décrire suffisamment les documents qui seront produits et mentionner que ceux-ci seront produits en tant que pièces commerciales. Par conséquent, je ne décèle aucune erreur susceptible de révision dans la conclusion de la juge selon laquelle l’appelant n’avait pas fourni l’avis requis. En outre, bien que la juge eût pu, en vertu du paragraphe 30(7), écarter l’exigence relative à l’avis, l’appelant n’a fourni aucun motif, hormis les possibles fautes de son ancien avocat, justifiant que soit modifiée la décision de la juge de maintenir l’exigence.

[8]  À titre subsidiaire, l’appelant a fait valoir que les documents qui ne satisfont pas aux exigences de l’article 30 de la LPC pouvaient quand même être admis en preuve au titre de l’exception de common law relative aux pièces commerciales. Puisque l’appelant n’a fourni aucune preuve quant aux circonstances dans lesquelles les documents relatifs aux transferts de fonds avaient été établis, il ne peut satisfaire aux trois exigences de l’exception de common law relative aux pièces commerciales, à savoir : les créateurs des pièces avaient une connaissance personnelle des renseignements consignés; les pièces étaient contemporaines à l’acte dont elles faisaient état; les créateurs avaient l’obligation de consigner les renseignements (Ares c. Venner, [1970] R.C.S. 608).

[9]  L’appelant a aussi soutenu que les documents relatifs aux transferts de fonds étaient admissibles selon la méthode d’analyse raisonnée. Comme l’a correctement mentionné la juge, la présomption d’exclusion des éléments de preuve par ouï‑dire peut être combattue s’il est démontré qu’ils sont fiables et nécessaires (paragraphe 47 des motifs). La preuve par ouï-dire ne peut être admise selon la méthode d’analyse raisonnée que si son contenu est fiable en raison de la manière dont elle a été créée ou si les circonstances permettent, en fin de compte, au juge des faits d’en déterminer suffisamment la valeur (R. c. Khelawon, 2006 CSC 57, [2006] 2 R.C.S. 787, aux paragraphes 2 et 3). En plus du fait que l’appelant n’avait produit aucun élément de preuve quant à la création des documents relatifs aux transferts de fonds, la juge a constaté que certains des documents mentionnaient l’appelant comme étant l’expéditeur et le destinataire des fonds. En outre, l’appelant a témoigné qu’il avait, à l’occasion, fait des prêts à une des entreprises de services monétaires, ce qui, a conclu la juge, soulevait des questions sur leurs liens (paragraphe 49 des motifs). À la lumière de ces constatations, la juge a conclu que les éléments de preuve par ouï-dire ne satisfaisaient pas à l’exigence de fiabilité. La juge n’a pas commis d’erreur en refusant d’admettre en preuve, pour ce motif, les documents relatifs aux transferts de fonds.

[10]  Les autres questions soulevées par l’appelant sont des questions de fait ou des questions mixtes de fait et de droit, et la Cour ne peut intervenir que si une erreur manifeste et dominante est établie (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235).

[11]  L’appelant soutient que, du fait que la juge n’a pas admis les documents relatifs aux transferts de fonds, elle a commis une erreur manifeste et dominante en concluant que l’appelant n’avait pas identifié la source des fonds ni démontré que ceux‑ci ne constituaient pas des revenus imposables. Puisque je suis d’avis que la juge a décidé à juste titre que les éléments de preuve par ouï-dire étaient inadmissibles, l’argument de l’appelant est sans fondement. Ainsi, je ne décèle aucune erreur susceptible de révision dans les conclusions de la juge. Quoi qu’il en soit, je suis d’avis que, même si la juge avait admis les éléments de preuve par ouï-dire, les documents relatifs aux transferts de fonds n’identifieraient pas la source des fonds ni ne démontreraient que ceux‑ci n’étaient pas imposables.

[12]  L’appelant allègue également que la juge a commis une erreur manifeste et dominante en maintenant la nouvelle cotisation que le ministre avait établie après l’expiration de la période prévue par la loi ainsi que l’imposition de pénalités pour faute lourde au titre du sous‑alinéa 152(4)a)(i) et du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Il n’est allégué aucune erreur relativement à l’exposé qu’a fait la juge concernant les conditions requises pour l’application de ces dispositions. La juge a conclu que l’appelant avait omis de déclarer des revenus et qu’il n’avait pas fourni d’explication plausible pour la divergence entre ses revenus déclarés et son avoir net (paragraphe 67 des motifs). La juge a également conclu que l’appelant avait fait d’importantes omissions quant à ses revenus déclarés et qu’il avait fourni une preuve incohérente et incomplète (paragraphe 70 des motifs). Rien ne justifie de modifier la décision de la juge selon laquelle le ministre s’était acquitté de son fardeau et  pouvait imposer des pénalités pour faute lourde et établir une nouvelle cotisation après l’expiration de la période prévue par la loi.

[13]  Je rejetterais l’appel avec dépens.

« David G. Near »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

M. Nadon, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Donald J. Rennie, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL D’UNE ORDONNANCE DE LA JUGE LAMARRE DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT RENDUE LE 15 OCTOBRE 2015 (2015 CCI 239)

DOSSIER :

A-488-15

 

 

INTITULÉ :

MASIH BOROUMAND c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 DÉCEMBRE 2016

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NEAR

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 15 DÉCEMBRE 2016

 

COMPARUTIONS :

Jason Rosen

Jeff Kirshen

 

POUR L’appelant

 

John Grant

Rishma Bhimji

 

POUR L’intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Rosen Kirshen Tax Law

Toronto (Ontario)

 

POUR L’appelant

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

POUR L’intimée

 

 

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