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Date : 20170112


Dossier : A‑199‑16

Référence : 2017 CAF 8

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE SCOTT

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

TEARLAB CORPORATION

appelante

et

I‑MED PHARMA INC.

intimée

et

THE REGENTS OF THE UNIVERSITY OF CALIFORNIA

intimés/titulaires du brevet

Audience tenue à Montréal (Québec), le 9 janvier 2017.

Jugement rendu à Montréal (Québec), le 12 janvier 2017.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE SCOTT

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

 


Date : 20170112


Dossier : A‑199‑16

Référence : 2017 CAF 8

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE SCOTT

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

TEARLAB CORPORATION

appelante

et

I‑MED PHARMA INC.

intimée

et

THE REGENTS OF THE UNIVERSITY OF CALIFORNIA

intimés/titulaires du brevet

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE SCOTT

[1]  La Cour est saisie d’un appel interjeté par TearLab Corporation (TearLab) contre une ordonnance de la Cour fédérale datée du 31 mai 2016 (2016 CF 606), par laquelle le juge Manson (le juge) a rejeté la requête en injonction interlocutoire qu’avait présentée TearLab en vue d’empêcher la vente du système i‑Pen par I‑MED Pharma Inc. (I‑MED) en attendant l’issue de son action en contrefaçon de brevet.

[2]  TearLab a appris en janvier 2016 qu’I‑MED acceptait des précommandes de son instrument de mesure de l’osmolarité, le système i‑Pen, dont les ventes commenceraient en mars 2016. Le 8 février 2016, TearLab a donc entamé une procédure en contrefaçon de brevet contre I‑MED, alléguant la contrefaçon de sa licence canadienne exclusive afférente au brevet no 2 494 540.

[3]  Dans une ordonnance datée du 24 mars 2016 (2016 CF 350), le juge Russell a rejeté la requête en injonction provisoire de TearLab au motif que celle‑ci n’avait pas présenté des témoins compétents et des éléments de preuve convaincants et qu’elle n’avait donc pas satisfait aux deux derniers volets du critère à trois volets relatif à l’octroi d’une injonction énoncé dans l’arrêt RJR‑MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311 (RJR‑MacDonald). Cela a porté un coup fatal à l’allégation de TearLab selon laquelle la continuation de la vente du système i‑Pen lui causerait un préjudice irréparable. Inversement, le juge Russell a conclu que la preuve convaincante et le témoin expert d’I‑MED établissaient que le préjudice appréhendé par TearLab pouvait être quantifié. En conséquence, cette dernière ne satisfaisait pas au deuxième volet du critère. Le juge a en outre conclu que la prépondérance des inconvénients jouait en faveur d’I‑MED.

[4]  La requête en injonction interlocutoire qui a suivi a été rejetée par le juge pour des motifs semblables. Selon lui, il était raisonnablement possible de quantifier les pertes attribuables à la contrefaçon alléguée étant donné que les droits afférents aux brevets sont de nature économique. TearLab, selon le raisonnement du juge, ne pouvait pas affirmer qu’elle subirait un préjudice irréparable simplement parce qu’elle avait de la difficulté à quantifier les pertes, ou qu’elle en était incapable. Le juge a conclu que TearLab, n’ayant pas produit de preuve claire et non conjecturale, n’avait pas satisfait au deuxième volet du critère RJR‑MacDonald, et que la prépondérance des inconvénients jouait en faveur d’I‑MED. 

[5]  Une seule question est en litige dans le présent appel : le juge a‑t‑il commis une erreur dans l’application des principes juridiques et dans l’appréciation de la preuve lorsqu’il a rejeté la requête en injonction interlocutoire de TearLab au motif qu’elle ne satisfaisait pas aux deux derniers volets du critère de l’arrêt RJR‑MacDonald?

[6]  Lorsqu’elle examine la légitimité d’une décision discrétionnaire sur une requête en injonction, notre Cour ne peut pas modifier une ordonnance de la Cour fédérale portant sur une question mixte de fait et de droit, à moins que le juge des requêtes n’ait commis une erreur manifeste et dominante; voir Corporation de soins de la santé Hospira c. Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215, [2016] A.C.F. no 943 (QL), aux paragraphes 79, 83 et 84; et Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235.

[7]  TearLab soulève trois arguments dans le cadre du présent appel : i) le juge a fixé un seuil de preuve inaccessible, conçu pour les injonctions relatives aux brevets pharmaceutiques, sans tenir aucun compte de la nature de son propre brevet, et il aurait dû appliquer un critère qui est favorisé par les tribunaux anglais (American Cyanamid Co. v. Ethicon Ltd., [1975] R.P.C. 92, [1975] UKHL 1 [Cyanamid]), selon lequel la question du préjudice irréparable est examinée selon la prépondérance des probabilités; ii) le risque de préjudice irréparable a été démontré par ses témoins, qui ont produit des éléments de preuve établissant sa vulnérabilité à des pertes impossibles à quantifier; et iii) le juge a commis une erreur en se fondant seulement sur le statu quo dans son évaluation de la prépondérance des inconvénients.

[8]  Malgré les savantes observations présentées par les avocats de TearLab, je ne suis pas convaincu que le juge a commis une erreur de droit susceptible de contrôle ou qu’il a fait une mauvaise appréciation des faits ou de la preuve justifiant l’intervention de notre Cour. Il a formulé une conclusion qu’il lui était permis de tirer compte tenu du dossier dont il disposait.

[9]  Les observations de TearLab reposent largement sur une preuve factuelle tendant à étayer son argument selon lequel la contrefaçon alléguée de son brevet par I‑MED lui causera un préjudice irréparable puisque ses pertes sont impossibles à quantifier. TearLab demande ainsi à notre Cour d’apprécier à nouveau la preuve déjà examinée par le juge, notamment le fait qu’il ait accordé plus de poids aux déclarations du témoin expert d’I‑MED, selon lesquelles les pertes pouvaient être quantifiées, qu’à celles des témoins de TearLab démontrant qu’elles ne pouvaient l’être.

[10]  Il n’appartient pas à notre Cour, saisie d’un appel relatif à une injonction interlocutoire, de rendre une décision de novo sur la question; voir Canada (Procureur général) c. Simon, 2012 CAF 312, au paragraphe 2 (Simon). Notre Cour doit plutôt faire preuve de retenue à l’égard des conclusions du juge des requêtes s’il n’y a pas une erreur fondamentale dans son appréciation de la preuve.

[11]  Le juge n’a pas commis d’erreur dans son application du deuxième volet du critère, qui exige la production d’éléments établissant que le préjudice allégué ne pourra pas être indemnisé par l’octroi de dommages‑intérêts après le procès (RJR‑MacDonald, au paragraphe 64). Il a suivi les principes applicables, tels qu’ils sont énoncés dans la jurisprudence de notre Cour, et il les a appliqués correctement. Ni l’arrêt de 1975 de la Chambre des lords (Cyanamid), ni les décisions dépassées de la Cour fédérale et de notre Cour, sur lesquels TearLab voudrait se fonder, ne peuvent remplacer l’arrêt de principe de la Cour suprême du Canada que constitue RJR‑MacDonald, auquel il faut ajouter Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110, et les arrêts de notre Cour qui ont suivi : Simon; Astrazeneca Canada Inc. c. Apotex Inc., 2011 CAF 211 et L’Institut professionnel de la Fonction publique du Canada c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 163, [2016] A.C.F. no 581 (QL). On ne m’a pas convaincu que le juge a commis une erreur manifeste et dominante en concluant qu’un tel préjudice pourrait être quantifié plus tard avec plus de précision puisque les méthodes de calcul proposées par le témoin expert d’I‑MED constituaient un moyen de quantifier raisonnablement les pertes après le procès. En outre, le juge ne s’est pas trompé dans l’application de la jurisprudence pertinente de notre Cour, étant donné que TearLab n’avait pas atteint le seuil de preuve nécessaire pour satisfaire au critère de l’arrêt RJR‑MacDonald.

[12]  Contrairement à l’argument de TearLab selon lequel le juge aurait limité au statu quo son analyse de la prépondérance des inconvénients, j’estime qu’il a valablement apprécié la preuve dont il disposait et qu’il a pris en considération l’intégralité du contexte, y compris les activités des deux parties, avant de conclure que ladite prépondérance des inconvénients jouait en faveur d’I‑MED.

[13]  En conséquence, je rejetterais l’appel avec dépens.

« A.F. Scott »

j.c.a.

« Je suis d’accord

Richard Boivin, j.c.a. »

« Je suis d’accord

Yves de Montigny, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIER :

A‑199‑16

 

INTITULÉ :

TEARLAB CORPORATION c. I‑MED PHARMA INC. ET THE REGENTS OF THE UNIVERSITY OF CALIFORNIA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (QuÉbec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 JANVIER 2017

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE SCOTT

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

DATE DES MOTIFS :

LE 12 JANVIER 2017

 

COMPARUTIONS :

Patrick Smith

Scott Foster

Emily Feil‑Fraser

 

POUR L’APPELANTE

TEARLAB CORPORATION

 

Brian Daley

Vanessa Rochester

 

POUR L’INTIMÉE

I‑MED PHARMA INC.

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

GOWLING WLG (CANADA) S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR L’APPELANTE

TEARLAB CORPORATION

 

NORTON ROSE FULBRIGHT CANADA S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Montréal (Québec)

 

POUR L’INTIMÉE

I‑MED PHARMA INC.

 

 

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