Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20170117


Dossier : A-9-16

Référence : 2017 CAF 14

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE SCOTT

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

SYLVIE THERRIEN

appelante

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 17 janvier 2017.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 17 janvier 2017.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE GLEASON

 


Date : 20170117


Dossier : A-9-16

Référence : 2017 CAF 14

CORAM :

LE JUGE SCOTT

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

SYLVIE THERRIEN

appelante

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 17 janvier 2017)

LA JUGE GLEASON

[1]               Nous sommes saisis d’un appel de la décision de la Cour fédérale, rejetant la demande de contrôle judiciaire qu’a déposée l’appelante à l’égard de la décision du Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada dans laquelle le commissaire a déterminé qu’il n’avait pas le pouvoir de statuer sur la plainte de l’appelante pour représailles en vertu du paragraphe 19.3(2) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, L.C. 2005, ch. 46 (la LPFDAR). La décision de la Cour fédérale a été rendue le 9 décembre 2015, et ses motifs et son jugement sont publiés sous la référence Therrien c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1351, 261 A.C.W.S. (3d) 778.

[2]               Dans le présent appel, nous devons nous mettre à la place de la Cour fédérale et décider si cette dernière a choisi la bonne norme de contrôle et si elle l’a correctement appliquée : voir l’arrêt Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, aux paragraphes 45 à 47, [2013] 2 R.C.S. 559. Bien que nous soyons d’accord pour dire que la Cour fédérale a choisi les bonnes normes de contrôle, à savoir celle de la décision raisonnable à l’égard de la décision du commissaire en vertu du paragraphe 19.3(2) de la LPFDAR et celle de la décision correcte en ce qui concerne les allégations de l’appelante liées à l’équité procédurale, nous sommes d’avis que la Cour fédérale a commis des erreurs susceptibles de révision dans l’application de ces normes.

[3]               Plus précisément, dans les circonstances de l’espèce, nous sommes d’avis que le commissaire a violé les droits à l’équité procédurale de l’appelante puisque le personnel du Commissariat a déclaré à l’avocat de l’appelante que les facteurs que le commissaire envisagerait pour déterminer s’il enquêterait sur la plainte de l’appelante pour représailles étaient ceux qui étaient énumérés à l’alinéa 19.3(1)a) de la LPFDAR. L’appelante a donc présenté des observations au commissaire quant à la raison pour laquelle il ne devrait pas exercer son pouvoir discrétionnaire de refuser d’enquêter sur la plainte en vertu de l’alinéa 19.3(1)a) de la LPFDAR.

[4]               Toutefois, le commissaire n’a pas examiné la question en vertu de l’alinéa 19.3(1)a) de la LPFDAR. Il a plutôt rejeté la plainte en vertu du paragraphe 19.3(2) de la LPFDAR et n’a pas signalé à l’appelante que ce paragraphe pouvait servir de fondement pour refuser de mener enquête sur la plainte.

[5]               Il y a une différence significative entre les deux dispositions législatives. L’alinéa 19.3(1)a) de la LPFDAR confère au commissaire le pouvoir discrétionnaire de refuser de statuer sur une plainte lorsque celui-ci est d’avis que l’objet de la plainte a été instruit comme il se doit dans le cadre d’une procédure prévue par toute autre loi fédérale ou toute convention collective ou aurait avantage à l’être. Le paragraphe 19.3(2), quant à lui, est rédigé en termes impératifs et oblige le commissaire à rejeter une plainte lorsqu’un organisme (exception faite d’un organisme chargé de l’application de la loi) est saisi de l’objet de cette plainte au titre de toute autre loi fédérale ou de toute convention collective. Compte tenu de ces différences, un plaignant peut tout à fait faire observations dissemblables en vertu des deux dispositions.

[6]               Dans les circonstances de l’espèce, lorsque le personnel du Commissariat a indiqué à l’appelante que seul l’alinéa 19.3(1)a) serait pris en considération par le commissaire, ce dernier devait indiquer qu’il tenait également compte du paragraphe 19.3(2) de la LPFDAR avant de décider de rejeter la plainte en vertu de cette dernière disposition. En omettant de le faire, le commissaire a violé les droits de l’appelante à l’équité procédurale puisque l’appelante a été mal informée quant aux questions qui étaient examinées par le commissaire. L’appelante n’avait donc aucun moyen de savoir à quelles exigences elle devait répondre.

[7]               Bien que ce qui précède soit suffisant pour statuer sur cet appel, nous estimons qu’il est également prudent d’examiner l’interprétation faite par le commissaire du paragraphe 19.3(2) de la LPFDAR, et ce, dans le but de fournir des directives pour le nouvel examen qui doit être effectué par le commissaire.

[8]               Nous sommes d’avis que la décision du commissaire selon laquelle l’objet de la plainte de l’appelante était instruit par un organisme agissant dans le cadre du processus de règlement des griefs prévu par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22 (la LRTFP), était déraisonnable étant donné que le commissaire n’a pas vérifié si la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEFP) entendrait les griefs de suspension et de rejet sur le fond et, dans l’affirmative, si elle examinerait l’objet des plaintes pour représailles. Il s’avère que l’employeur s’est opposé à la compétence de la CRTEFP pour entendre le bien-fondé des griefs contestant la suspension de l’appelante et la cessation de son emploi, faisant valoir que les décisions contestées étaient administratives plutôt que disciplinaires. Si la position de l’employeur est confirmée, la CRTEFP ne procédera pas à un examen des décisions concernant la suspension, la révocation de la cote de fiabilité et la cessation de l’emploi de l’appelante pour évaluer si l’employeur avait des motifs de les imposer.

[9]               Le fait de ne pas avoir examiné ces questions rend la décision du commissaire déraisonnable puisque le paragraphe 19.3(2) de la LPFDAR exige que la CRTEFP examine le bien-fondé d’un grief portant sur l’objet de la plainte pour représailles. La CRTEFP peut être appelée à examiner l’objet d’une plainte pour représailles lorsqu’elle entend un grief qui fait valoir qu’il y a eu violation d’une disposition anti-représailles dans une convention collective ou lorsqu’elle examine les allégations de représailles dans le contexte d’un grief disciplinaire dans le cadre de son évaluation de la question de savoir si l’employeur avait des motifs de prendre les mesures visées.. Ainsi, dans le contexte d’un grief, ce n’est que lorsque le commissaire est convaincu que le contenu d’une plainte pour représailles est instruit sur le fond par la CRTEFP que le paragraphe 19.3(2) de la LPFDAR peut raisonnablement être jugé applicable. Pour vérifier si tel est le cas, il est souvent nécessaire que le commissaire attende l’issue de la procédure devant la CRTEFP avant de déterminer si le paragraphe 19.3(2) de la LPFDAR s’applique.

[10]           L’interprétation du commissaire, qui a conclu que le simple renvoi d’un grief à la CRTEFP était visé par le paragraphe 19.3(2) de la LPFDAR, est incompatible avec l’objet et l’esprit de la LPFDAR, laquelle vise à protéger les fonctionnaires contre les représailles en plus des droits qu’ils possèdent en vertu de la LRTFP.

[11]           Il s’ensuit donc que nous accueillons le présent appel avec dépens devant notre Cour et devant la Cour fédérale et que nous renvoyons la plainte de l’appelante pour représailles au Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada pour réexamen conformément aux présents motifs. Les dépens sont adjugés pour un montant global de 2 500 $ devant la Cour fédérale et pour un montant global de 2 500 $ devant notre Cour.

« Mary J.L. Gleason »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-9-16

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

SYLVIE THERRIEN c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 17 janvier 2017

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE SCOTT

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE GLEASON

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LA JUGE GLEASON

COMPARUTIONS :

David Yazbeck

 

Pour l’appelante

 

Caroline Engmann

 

Pour l’intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Raven, Cameron, Ballantyne & Yazbeck s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

Pour l’appelante

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Pour l’intimé

 

 

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