Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20170206


Dossier : A-43-16

Référence : 2017 CAF 25

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE RENNIE

LA JUGE WOODS

 

ENTRE :

NOVA CHEMICALS CORPORATION

appelante

et

THE DOW CHEMICAL COMPANY, DOW GLOBAL TECHNOLOGIES INC. et

DOW CHEMICAL CANADA ULC

intimées

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 24 octobre 2016.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 6 février 2017.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE RENNIE

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LA JUGE WOODS

 


Date : 20170206


Dossier : A-43-16

Référence : 2017 CAF 25

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE RENNIE

LA JUGE WOODS

 

ENTRE :

NOVA CHEMICALS CORPORATION

appelante

et

THE DOW CHEMICAL COMPANY, DOW GLOBAL TECHNOLOGIES INC. et

DOW CHEMICAL CANADA ULC

intimées

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE RENNIE

I.  Introduction

[1]  Nova Chemicals Corporation (Nova) interjette appel du jugement par lequel la Cour fédérale a adjugé à The Dow Chemical Company, Dow Global Technologies Inc. et Dow Chemical Canada ULC (collectivement, Dow), partie victorieuse dans une action en contrefaçon de brevet (2014 CF 844, confirmée par 2016 CAF 216), sous forme de somme globale, des dépens de 6,5 millions de dollars, soit 2,9 millions de dollars au titre des honoraires d’avocat et 3,6 millions de dollars au titre des débours.

II.  Décision de la Cour fédérale

[2]  En Cour fédérale, Dow a demandé des dépens supérieurs au barème prévu au tarif B des Règles des Cours fédérales (DORS/98‑106) (les Règles). Elle a demandé une somme globale de 6,5 millions de dollars : 2,9 millions de dollars au titre des frais judiciaires (ce qui correspondait à 30 % des 9,6 millions de dollars effectivement engagés) plus 3,6 millions de dollars au titre des débours. Subsidiairement, Dow a demandé une somme globale de l’ordre de 4,7 à 6,5 millions de dollars, la moins élevée comprenant les mêmes débours, mais des frais calculés selon la colonne V du tarif B. Nova s’y est opposée, avançant que ni le dossier ni la preuve présenté par Dow ne suffisait à justifier sa demande de somme globale. Nova a demandé que les dépens soient taxés et que l’officier taxateur reçoive la directive de tenir compte d’un certain nombre de ses préoccupations.

[3]  Dans les motifs d’un jugement dont la référence est 2016 CF 91, le juge a qualifié l’instance d’« affaire de brevet extrêmement complexe qui a nécessité la participation de témoins […] experts ». Il a fait état de 22 allégations d’invalidité, de 33 jours d’interrogatoire préalable et de 32 jours d’audience, ajoutant qu’au final, les parties avaient présenté l’équivalent de plus de 700 pages d’observations écrites, et les plaidoiries finales avaient duré trois jours. Selon le juge, les deux parties ont soumis à des essais scientifiques exhaustifs et complexes les matériaux qui étaient au cœur du litige relatif au brevet. Le juge a conclu qu’il serait « tout à fait inapproprié » de s’en tenir au barème prévu dans la colonne V du tarif B, puisque Dow ne pourrait alors recouvrer que des dépens équivalant à 11 % des frais.

[4]  Compte tenu de ces facteurs, le juge a conclu que l’adjudication de dépens majorés était justifiée. Il a ensuite examiné la question de savoir s’il devait allouer les dépens sous forme de somme globale, comme l’a demandé Dow, ou les faire taxer par un officier taxateur, comme l’a demandé Nova. Selon ses dires, il « ne servirait à rien d’effectuer une taxation » vu les observations détaillées formulées par les deux parties ainsi que le temps et l’argent supplémentaires qui devraient être consacrés à la taxation des dépens. Il a jugé raisonnable une somme correspondant à 30 % des frais réellement engagés par Dow et à environ trois fois celle prévue au tarif.

[5]  Le juge s’est ensuite penché sur la prétention de Nova selon laquelle Dow n’avait pas fourni la « preuve » des débours qu’elle a engagés, comme l’exige le paragraphe 1(4) du tarif B. Plus particulièrement, Nova a dénoncé l’absence d’affidavit présenté à l’appui et l’impossibilité de contre‑interroger Dow au sujet de débours de 1,6 million de dollars qui correspondraient aux frais que cette dernière a engagés pour effectuer à l’interne les essais du produit contrefait. Le juge a rejeté l’objection de Nova, soulignant que, tout comme pour la taxation, « l’avocat aurait pu établir le montant des débours » sans affidavit. Il s’est dit convaincu que les renseignements fournis par Dow, plus particulièrement le mémoire de frais et ses annexes, lui permettaient de statuer sur le caractère raisonnable de cette partie des débours. Il a accordé à Dow les 3,6 millions de dollars demandés, jugeant qu’il disposait d’« assez de détails » pour ce faire vu le caractère raisonnable des débours.

III.  Analyse

[6]  Dans Corporation de soins de la santé Hospira c. Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215, notre Cour a confirmé que la norme de contrôle applicable aux appels de décisions discrétionnaires de la Cour fédérale est celle énoncée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, à savoir la norme de l’erreur manifeste et dominante pour ce qui est des conclusions de fait et les conclusions mixtes de fait et de droit et la norme de la décision correcte pour ce qui est des questions de droit isolables. Tel qu’il est indiqué ci-après, Nova soutient que deux erreurs justifient l’intervention de notre Cour.

[7]  Tout d’abord, Nova fait valoir que le tarif B devrait régir l’adjudication des dépens et qu’il n’y a lieu d’y déroger que dans des cas exceptionnels. Or, ce n’est pas parce que les frais judiciaires de la partie victorieuse sont supérieurs au barème prévu au tarif qu’il est justifié d’y déroger. À son avis, le juge a commis une erreur en adjugeant les dépens en fonction d’un pourcentage des frais effectivement engagés par Dow, notamment parce qu’il n’aurait pas vérifié si les honoraires des avocats de Dow étaient raisonnables ou justifiés ni si les frais effectivement engagés par Dow (qui ont servi au calcul du pourcentage) comprenaient des sommes injustifiées.

[8]  Par ailleurs, Nova remet en question le caractère suffisant des éléments de preuve dont était saisi le juge concernant les frais et les débours réclamés. Elle soutient à cet égard que [traduction] « la Cour ne devrait pas adjuger une somme globale sur la foi de simples allégations, sans aucune preuve ni explication » et que le juge n’avait pas le droit de conclure que les frais judiciaires de Dow étaient raisonnables simplement parce qu’elle, Nova, n’a présenté aucun renseignement sur les frais qu’elle a effectivement engagés. Nova fait également valoir que le juge était tenu de décider si les services rendus en contrepartie des frais réclamés étaient « raisonnablement nécessaire[s] dans les circonstances » et qu’il ne pouvait, sur la foi des éléments de preuve qui lui ont été présentés, effectuer un examen approfondi du dossier puis en arriver à une décision éclairée relativement à cette exigence. En outre, selon Nova, le juge chargé de fixer le montant des dépens devrait disposer d’un dossier de preuve s’apparentant à celui qui serait présenté à un officier taxateur afin qu’il exerce à bon droit son pouvoir discrétionnaire; or, puisque les éléments de preuve présentés en l’espèce étaient insuffisants, le juge a décidé à tort de ne pas ordonner la taxation.

[9]  Même si, dans ses observations, Nova soulève des préoccupations auxquelles le juge aurait pu mieux répondre, je ne suis pas convaincu que le juge a eu tort d’adjuger les dépens sous forme de somme globale ou d’en établir le montant en fonction d’un pourcentage des frais effectivement engagés par Dow. Je ne suis pas convaincu non plus que le juge a accordé à mauvais droit les débours relatifs aux essais, sans affidavit à l’appui. Avant de motiver mes conclusions, je tiens à passer en revue les principes applicables.

A.  Adjudication de sommes globales – généralités

[10]  Selon le paragraphe 400(1) des Règles des Cours fédérales, la Cour « a le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens [et] de les répartir ». Ce principe a été décrit comme « le principe premier de l’adjudication des dépens » : Consorzio del Prosciutto di Parma c. Maple Leaf Meats Inc., 2002 CAF 417, [2003] 2 C.F. 451, au para. 9 (Consorzio).

[11]  Le paragraphe 400(4) des Règles porte expressément sur l’adjudication d’une somme globale au titre des dépens au lieu d’une taxation des dépens selon le tarif B.

400 (4) La Cour peut fixer tout ou partie des dépens en se reportant au tarif B et adjuger une somme globale au lieu ou en sus des dépens taxés.

400 (4) The Court may fix all or part of any costs by reference to Tariff B and may award a lump sum in lieu of, or in addition to, any assessed costs.

Les tribunaux privilégient de plus en plus l’adjudication de sommes globales au titre des dépens, et ce, pour la bonne raison que cette formule fait épargner aux parties temps et argent en plus de contribuer à la réalisation de l’objectif des Règles des Cours fédérales d’apporter « une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible » (article 3 des Règles). Lorsqu’il peut adjuger les dépens sous forme de somme globale, le tribunal n’a pas à faire une analyse détaillée et les audiences portant sur l’adjudication des dépens ne se transforment pas en exercice de comptabilité.

[12]  Il peut convenir d’adjuger une somme globale dans des affaires relativement simples ou encore dans des affaires particulièrement complexes où un calcul précis des dépens serait inutilement laborieux et onéreux : Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 157, au para. 11.

[13]  Comme le montrent les faits de l’espèce, il arrive que les dépens, même s’ils se situent à l’extrémité supérieure de la colonne V du tarif B, n’aient à peu près rien à voir avec l’objectif de la contribution raisonnable au coût du litige. Le barème prévu au tarif a été qualifié d’insuffisant à cet égard, mais le mot est très faible lorsque les Cours fédérales sont saisies de litiges complexes opposant des parties averties. Néanmoins, ce n’est pas parce les frais effectivement engagés par la partie qui obtient gain de cause sont de beaucoup supérieurs au barème prévu au tarif qu’il est justifié d’adjuger des dépens majorés : Wihksne c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 356, au para. 11. Il incombe à la partie qui demande l’adjudication de dépens majorés de démontrer en quoi ses circonstances le justifient.

B.  Considérations en matière de preuve

[14]  Généralement, il est indiqué de joindre aux demandes d’adjudication de sommes globales un mémoire de frais et un affidavit concernant les débours dont le montant n’est pas connu de l’avocat. Dans la plupart des cas, ces documents fourniront un bon point de départ à l’exercice du pouvoir discrétionnaire.

[15]  L’adjudication d’une somme globale au titre des dépens doit être justifiée au regard des circonstances de l’affaire et des objectifs qui sous‑tendent l’adjudication des dépens. Il ne s’agit pas d’en fixer le montant ou le pourcentage de façon arbitraire. Toutefois, je ne souscris pas à la thèse de Nova voulant que la preuve soumise à l’examen du juge chargé d’adjuger une somme globale doive être d’une ampleur comparable à celle qui serait exigée dans le cadre d’une taxation effectuée par un officier taxateur qui ne connaît pas bien le dossier. À mon sens, agir ainsi irait à l’encontre de l’objet visé par l’adjudication d’une somme globale, à savoir épargner aux parties le temps et l’argent qui auraient par ailleurs été consacrés au processus de taxation.

(1)  Frais judiciaires

[16]  Est bien établie dans la jurisprudence la pratique consistant à adjuger au titre des dépens une somme globale calculée selon un pourcentage des frais qui ont été raisonnablement engagés. Au paragraphe 4 de Philip Morris Products S.A. c. Marlboro Canada limitée, 2015 CAF 9, notre Cour a fait remarquer que, « dans le cas de parties commerciales averties, il n’est pas rare d’adjuger une somme globale calculée selon un pourcentage ». Tel que l’a mentionné la Cour fédérale au paragraphe 22 de H‑D U.S.A., LLC c. Berrada, 2015 CF 189, citant un extrait du paragraphe 36 de la décision Eli Lilly and Company and Eli Lilly Canada Inc. c. Apotex Inc., 2011 CF 1143, il semble exister une « tendance dans la jurisprudence récente favorisant l’adjudication d’une somme globale établie en fonction d’un pourcentage des frais effectivement engagés lorsqu’il s’agit de plaideurs commerciaux avertis ayant manifestement les moyens d’assumer le coût de leurs choix juridiques ».

[17]  Il ressort d’un examen de la jurisprudence que les dépens majorés adjugés sous forme de somme globale correspondent généralement à un pourcentage allant de 25 à 50 % des frais effectivement engagés. Toutefois, certaines circonstances pourraient justifier un pourcentage plus ou moins élevé.

[18]  Lorsqu’une partie demande l’adjudication de dépens sous forme de somme globale fixée selon un pourcentage des frais judiciaires effectivement engagés et que cette somme est supérieure au barème prévu au tarif, il est indiqué pour la partie de produire un mémoire de frais et des éléments de preuve étayant les frais effectivement engagés. Il est également indiqué de fournir une description des services rendus en contrepartie qui permet de justifier l’indemnisation de la partie. Ainsi, la preuve de la nature et de l’étendue des services fournis doit être suffisante pour permettre à la partie de prendre une décision éclairée quant au règlement des frais ou à leur contestation et à la Cour de conclure au caractère raisonnable des frais effectivement engagés et du pourcentage adjugé dans le cadre d’un litige.

[19]  Comme je l’ai mentionné, le juge qui accorde les dépens sous forme de somme globale dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire, qui n’est toutefois pas absolu. Je le répète, il ne s’agit pas d’en fixer le montant de façon arbitraire. Le juge doit exercer son pouvoir discrétionnaire avec circonspection. Les facteurs énumérés au paragraphe 400(3) des Règles, la jurisprudence et les objectifs qui sous‑tendent l’adjudication de dépens figurent au nombre des éléments pertinents. L’efficacité dans l’administration de la justice est l’une des valeurs sous‑jacentes à l’adjudication de sommes globales, mais il faut également que les dépens soient prévisibles et cohérents afin que les avocats puissent bien conseiller leurs clients et que ceux-ci puissent prendre des décisions éclairées quant aux risques associés aux litiges. La capacité de prévoir le montant des dépens influe à la fois sur la capacité des parties de parvenir à un règlement et sur la question de l’accès à la justice.

(2)  Débours

[20]  Les débours doivent être, selon le libellé du tarif, « raisonnable[s] ». Il doit donc s’agir de dépenses justifiées au regard des questions en litige. Lorsque l’avocat ne connaît pas le montant des débours, il convient généralement de fournir par affidavit à la Cour la preuve qu’ils ont effectivement été engagés et qu’ils étaient raisonnablement requis.

C.  Application

(1)  Frais judiciaires

[21]  Selon Nova, la preuve au dossier ne permettait pas de conclure au caractère raisonnable des services pour lesquels les frais judiciaires ont effectivement été engagés par Dow. Toutefois, les parties au présent litige sont des sociétés averties qui ont décidé d’intenter une poursuite longue et complexe. De l’avis du juge, l’adjudication d’une somme globale permettrait aux parties d’épargner le temps et l’argent supplémentaires qui devraient être consacrés à la taxation des dépens. Je ne constate aucune erreur de droit ni aucune erreur de fait manifeste et dominante dans la décision du juge de déroger au barème prévu au tarif et d’adjuger les dépens sous forme d’une somme globale correspondant à 30 % des frais judiciaires effectivement engagés par Dow. Il appartient au juge de fixer le pourcentage des dépens majorés à appliquer, puisque, comme en l’espèce, il est bien placé pour évaluer la complexité de l’instance sur le plan juridique et sur le plan de la preuve, l’issue de l’action, le comportement des parties et d’autres facteurs utiles à la taxation des dépens. Le juge s’est attardé aux facteurs énumérés au paragraphe 400(3) des Règles, lesquels constituent des balises utiles pour ce qui est de l’adjudication d’une somme globale. Le calcul effectué à cette fin n’est pas une science exacte, mais le résultat correspond à ce que le tribunal estime être une contribution raisonnable aux frais judiciaires effectivement engagés par la partie victorieuse : Consorzio, au para. 8.

[22]  En outre, le dossier dont est saisi le juge qui entend la requête en adjudication des dépens ne contient pas uniquement les documents relatifs à la requête; y figurent également tous les documents se rapportant aux questions préalables à l’audience et aux questions examinées à l’audience qu’il a présidée. En l’espèce, le juge avait une connaissance approfondie du dossier. Un mémoire de frais, ainsi qu’un résumé des frais avocat‑client effectivement engagés par Dow ont tous les deux été fournis au juge. L’adjudication d’une somme correspondant à 30 % des frais engagés par Dow tenait compte des objections de Nova à l’inclusion de certaines étapes dans le calcul des dépens et permettait d’éviter aux parties l’exercice coûteux d’analyse détaillée de telles étapes. Le juge a conclu que les dépens demandés sous forme de somme globale représentaient un pourcentage des frais effectivement engagés qui étaient raisonnables dans les circonstances.

(2)  Débours

[23]  Nova soutient qu’une preuve par affidavit était nécessaire pour justifier le coût des essais effectués à l’interne, puisque le juge n’a pas été saisi d’éléments de preuve étayant le coût des essais ni ne les connaissait. Plus particulièrement, Nova fait valoir que le juge a conclu à tort que les avocats de Dow auraient été en mesure de justifier les débours en litige, comme l’exige le paragraphe 1(4) du tarif B, car ils ne connaissaient pas le coût des essais effectués à l’interne.

[24]  Nova prétend également que Dow n’aurait pas dû être autorisée à recouvrer les frais généraux qui pourraient faire partie intégrante des débours et que les éléments de preuve ne permettaient pas de vérifier si ces frais étaient réclamés ou s’ils étaient raisonnables. Elle soutient que le juge a eu tort de conclure au caractère raisonnable des débours sur la foi d’une considération non pertinente, soit l’éventualité du coût plus élevé des essais si ceux-ci avaient été effectués par un établissement à but lucratif.

[25]  Normalement, il faudrait une preuve par affidavit étayant des débours de cette ampleur. Toutefois, dans les circonstances uniques de l’espèce, le juge disposait d’éléments suffisants pour conclure que les débours réclamés par Dow pour les essais qu’elle a effectués étaient raisonnables. Le juge était bien placé pendant l’audience pour évaluer le caractère utile des essais effectués à l’interne. Les essais, soit quand et comment ils devaient être effectués, les mesures nécessaires pour protéger les droits de propriété intellectuelle ainsi que les facteurs opérationnels, y compris la supervision, les coûts et la communication des résultats, figuraient tous au nombre des éléments visés par une requête contestée dans le cadre de laquelle une preuve par affidavit a été déposée. Le juge a également entendu durant l’audience des témoignages portant sur le déroulement et les résultats des essais et il a observé par vidéo certaines parties des essais. Les avocats de Nova et de Dow ont tous les deux assisté aux essais et étaient bien placés pour présenter des observations quant au caractère raisonnable ou non des frais réclamés dans la requête en adjudication des dépens. En outre, le juge savait qu’un certain nombre des essais effectués à l’interne n’étaient pas nécessaires et qu’ils découlaient de la thèse initiale de Nova selon laquelle elle n’était pas en mesure de reproduire un des polymères pertinents. Nova a abandonné cette thèse pendant l’audience. Dans ces circonstances, le juge était en mesure d’évaluer l’affirmation selon laquelle le coût des essais était limité aux dépenses engagées uniquement aux fins de présentation à l’audience et qu’ils étaient raisonnables dans les circonstances. Le juge disposait également d’un autre point de référence lui permettant d’évaluer le caractère raisonnable des débours : l’estimation effectuée par un tiers indépendant.

[26]  À l’instar de Nova, j’estime que, de façon générale, une dépense engagée à l’interne ne peut se justifier au seul motif qu’il serait plus coûteux d’obtenir le même service ailleurs. Il faut tout de même que la dépense soit « raisonnable », selon le libellé du tarif, et justifiée relativement aux questions en litige. La compensation versée à la partie qui obtient gain de cause ne doit pas être excessive. En général, les frais généraux permanents d’une partie liés aux essais effectués à l’interne ne devraient pas être transférés à l’autre partie. Cependant, le juge a conclu que ces préoccupations ne modifiaient pas le caractère raisonnable de la dépense. Dans les circonstances de l’espèce, je ne constate aucune erreur de droit ni aucune erreur manifeste et dominante de la part du juge.

IV.  Conclusion

[27]  Je rejetterais l’appel avec dépens.

« Donald J. Rennie »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Eleanor R. Dawson j.c.a. »

« Je suis d’accord.

J. Woods, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Andrée Morin, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR FÉDÉRALE DONT LES MOTIFS SONT DATÉS DU 14 janvier 2016 (confidentiels) et du 22 janvier 2016 (publics)

No T‑2051‑10 (2016 CF 91)

DOSSIER :

A‑43‑16

 

INTITULÉ :

NOVA CHEMICALS CORPORATION c. THE DOW CHEMICAL COMPANY et AUTRES

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 24 octobre 2016

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE RENNIE

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LA JUGE WOODS

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :

Le 6 février 2017

COMPARUTIONS :

Me Adam Bobker

Me Anastassia Trifonova

POUR L’APPELANTE

Me Steven Garland

Me Kevin Graham

Me Ryan T. Evans

POUR LES INTIMÉES

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bereskin & Parr s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR L’APPELANTE

Smart & Biggar

Ottawa (Ontario)

DLA Piper (Canada) S.E.N.C.R.L.

Toronto (Ontario)

POUR LES INTIMÉES

 

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