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Date : 20160823


Dossier : A-5-16

A-33-16

Référence : 2016 CAF 209

[TRADUCTION FRANÇAISE]

En présence de monsieur le juge WEBB

ENTRE :

VENNGO INC.

appelante

et

CONCIERGE CONNECTION INC. faisant affaire sous la dénomination sociale de PERKOPOLIS, MORGAN C. MARLOWE ET RICHARD THOMAS JOYNT

intimés

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 23 août 2016.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE WEBB

 


Date : 20160823


Dossier : A-5-16

A-33-16

Référence : 2016 CAF 209

En présence de monsieur le juge WEBB

ENTRE :

VENNGO INC.

appelante

et

CONCIERGE CONNECTION INC. faisant affaire sous la dénomination sociale de PERKOPOLIS, MORGAN C. MARLOWE et RICHARD THOMAS JOYNT

intimés

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE WEBB

[1]               Venngo Inc. (Venngo) avait intenté à la Cour fédérale une action pour violation de marque de commerce. L’action a été rejetée le 5 décembre 2015. Venngo a interjeté appel de ce jugement (numéro de dossier de l’appel : A-5-16). À la suite de la décision relative à l’action pour violation, la Cour fédérale a rendu une ordonnance à l’égard des dépens. Venngo a également interjeté appel de cette ordonnance (numéro de dossier de l’appel : A-33-16). En conséquence, les deux appels, soit les dossiers A-5-16 et A-33-16, découlent de la même action : un appel est interjeté à l’encontre de la décision ayant rejeté l’action et l’autre, à l’encontre de l’adjudication des dépens.

[2]               Sur ordonnance de notre Cour, datée du 19 avril 2016, ces appels ont été réunis, après quoi Venngo a présenté une requête en vue d’obtenir une ordonnance prorogeant le délai pour signifier son mémoire des faits et du droit. La prorogation de délai a été accordée, quoique plus courte que ce que Venngo avait demandé. Venngo a ensuite déposé et signifié deux mémoires des faits et du droit : un mémoire comptant 30 pages relativement au dossier A-5-16 et un mémoire comptant 16 pages relativement au dossier A-33-16.

[3]               Les intimés ont présenté la requête dont nous sommes saisis en vue d’obtenir la radiation de ces mémoires pour le motif que la réunion des appels fait en sorte que Venngo devait déposer un seul mémoire, plutôt que deux.

[4]               Le paragraphe 70(4) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, prévoit que « [...] le mémoire ne peut contenir plus de trente pages, abstraction faite de sa partie V [liste de la jurisprudence et de la doctrine] et des annexes ». Les intimés soutiennent que Venngo, en déposant deux mémoires qui comptent au total 46 pages, contourne cette disposition, sans l’autorisation de notre Cour.

[5]               Venngo fait valoir que bien que les appels aient été réunis, elle est toujours autorisée à déposer un mémoire d’au plus 30 pages pour chaque appel.

[6]               L’article 105 des Règles est ainsi rédigé :

105 La Cour peut ordonner, à l’égard de deux ou plusieurs instances :

105 The Court may order, in respect of two or more proceedings,

a) qu’elles soient réunies, instruites conjointement ou instruites successivement;

(a) that they be consolidated, heard together or heard one immediately after the other;

b) qu’il soit sursis à une instance jusqu’à ce qu’une décision soit rendue à l’égard d’une autre instance;

(b) that one proceeding be stayed until another proceeding is determined; or

c) que l’une d’elles fasse l’objet d’une demande reconventionnelle ou d’un appel incident dans une autre instance.

(c) that one of the proceedings be asserted as a counterclaim or cross-appeal in another proceeding.

[7]               Les Règles font une distinction entre les instances réunies et celles instruites conjointement. Venngo soutient que, lorsque deux instances sont réunies, un seul dossier d’appel est déposé, mais qu’elle a droit par ailleurs de déposer deux mémoires (un pour chaque appel). Le dépôt du cahier de jurisprudence et celui du plaidoyer sont les seules autres étapes dans le cas de l’appel. Comme le plaidoyer sera vraisemblablement le même que les appels soient réunis ou instruits conjointement, la seule autre étape pouvant être touchée par la réunion des appels ou leur instruction conjointe est le dépôt du cahier de jurisprudence. Je suis d’avis qu’il ne serait pas nécessaire de réunir les appels simplement pour avoir un cahier de jurisprudence commun. Si les appels sont entendus conjointement, il paraît logique qu’un cahier de jurisprudence combiné serve pour tous les appels qui seront entendus conjointement. De la même façon, si les parties n’arrivent pas à s’entendre sur un seul cahier de jurisprudence conjoint, chacune pourrait déposer un cahier de jurisprudence distinct susceptible de servir pour les appels entendus conjointement. Par conséquent, selon Venngo, la seule différence entre des appels réunis et des appels entendus conjointement serait le nombre de dossiers d’appel déposés.

[8]               Je ne suis pas d’avis qu’il s’agisse là du résultat d’une réunion. Si la seule différence entre des instances réunies et entendues conjointement est le nombre de dossiers d’appel pouvant être déposés, il n’y aurait alors aucune distinction substantielle entre les deux. Il importe peu qu’un ou deux dossiers d’appel soient déposés, si le nombre total de pages est environ le même. Si le dépôt de deux dossiers d’appel entraînait une duplication importante de documents, il pourrait y avoir d’autres moyens que la réunion d’instances pour l’éviter. À mon avis, les Règles ne prévoient pas la réunion d’instances dans le seul but de réduire la duplication possible de documents dans le cas où deux dossiers d’appel ou plus seraient déposés.

[9]               La réunion d’instances a pour effet que ces dernières sont traitées comme si elles ne formaient qu’une seule instance, aux fins de l’application des Règles. Dans l’affaire Wood v. Farr Ford Ltd., [2008] O.J. no 4092, 67 C.P.C. (6th) 23, le juge Quinn fait l’observation suivante au par. 26 :

[traduction]

26        Bien qu’il ait été souligné que « [l]a différence entre la réunion d’actions et l’ordonnance rendue à l’égard de l’instruction conjointe d’actions soit plus technique que réelle » (voir The Civil Litigation Process, ibid.), je suis d’avis que la différence peut être bien réelle si la décision est prise rapidement. Les demandes instruites conjointement permettent essentiellement d’économiser temps et argent, et pour des raisons de commodité lors du procès. Cependant, la réunion d’instances offre ces mêmes avantages plus tôt dans la l’instruction, notamment un seul acte de procédure, un seul exemplaire des affidavits, la tenue d’une seule enquête préalable, un seul mémoire relatif à la conférence préparatoire et la tenue d’une seule conférence préparatoire.

[10]           Cet extrait vient confirmer que la réunion d’instances permet le dépôt d’un seul mémoire.

[11]           Dans l’affaire Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1573, [2005] 3 R.C.F. 82, le juge Russell a fait les observations suivantes :

[62]      Le dernier aspect de la mesure de redressement que les demandeurs demandent dans la présente requête (dans l’éventualité où la conversion, la jonction et la réunion sont autorisées) est l’autorisation de modifier les actes de procédure dans les dossiers IMM-577-04, IMM-1467-04, IMM-576-04 et IMM-10140-03 en une déclaration.

[63]      À mon avis, l’autorisation de modifier, selon les faits qui sont soumis à la Cour, suit inévitablement la conversion et la réunion. [...].

[12]           Puisque la réunion d’instances entraîne inévitablement le dépôt d’une seule déclaration, la réunion d’appels entraînerait également, par la force des choses, le dépôt d’un seul mémoire.

[13]           Je n’accepte pas l’argument de Venngo selon lequel elle devrait être autorisée à déposer un seul mémoire pour chaque appel. Les appels sont réunis parce qu’ils sont liés et qu’il est plus efficace dans ce cas d’en instruire deux ou plus ensemble comme s’ils constituaient un seul appel. En l’espèce, l’ordonnance réunissant les présents appels mentionne que [traduction] « les dossiers sont liés sur les plans juridique et factuel ». Les dossiers peuvent donc être instruits comme s’ils formaient un seul appel.

[14]           La thèse de Venngo mènerait logiquement à la conclusion que si trois appels étaient réunis, elle serait autorisée à déposer, sous forme de mémoires, jusqu’à 90 pages, et jusqu’à 120 pages dans le cas de la réunion de quatre appels, et ainsi de suite. Il ne peut s’agir là du résultat de la réunion d’instances.

[15]           Par conséquent, les mémoires déposés par Venngo doivent être radiés du dossier, et cette dernière est tenue, au plus tard le 23 septembre 2016, de déposer un seul mémoire relatif aux appels réunis, conforme aux Règles.

[16]           Quoi qu’il en soit, Venngo a demandé l’autorisation de déposer un mémoire de plus de 30 pages. Elle n’a cependant pas fourni de motifs de justification suffisants. La simple affirmation selon laquelle elle avait déjà rédigé 46 pages et devrait en conséquence être autorisée à déposer un mémoire de cette longueur ne nous permet pas de savoir pourquoi Venngo n’est pas en mesure de restreindre son mémoire à 30 pages, conformément aux Règles.

[17]           Dans l’affaire Forestethics Advocacy Association c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 182, le juge Stratas a fait les observations suivantes :

[21]      L’article 70 des Règles des Cours fédérales, précité, dispose que le nombre limite est de 30 pages. Le mot « concis » y est répété trois fois. La limite de 30 pages et la répétition à trois reprises de l’exigence de la concision s’appliquent même aux appels sur le fond les plus complexes et aux enjeux élevés. Par conséquent, la présence de [traduction] « questions importantes et complexes », à elle seule, ne saurait justifier une augmentation de la limite de pages : Canada c. Capital Générale Électrique du Canada Inc., 2010 CAF 92, au paragraphe 5.

[22]      De plus, c’est le mot « mémoire » qui figure à l’article 70, pas le mot « encyclopédie ». L’objet de l’article 70 est d’obliger les avocats à ne présenter que les points essentiels et importants, et non pas tout ce qu’il est possible d’imaginer. Les meilleurs mémoires cernent l’idée maîtresse de l’affaire, c’est-à-dire l’aspect précis du critère juridique sur lequel celle‑ci repose. Puis, après quelques renseignements de base, ils n’exposent que les faits et la jurisprudence pertinente quant à la thèse avancée sur l’idée maîtresse. Et ils sont émaillés de citations précises permettant de vérifier ce que nous venons de lire et de rechercher les éléments plus subtils.

[23]      Malheureusement, telle n’est pas la norme. Trop souvent, on nous entraîne dans un tourbillon de banalités, d’explications pesantes de choses élémentaires et sans conséquence, de simples assertions sans preuve ni référence, d’observations répétitives, de séries de citations d’une longueur ahurissante, de résumé après résumé de précédents mal choisis, non condensés et sans synthèse. Tout cela gonfle le nombre de pages et dissipe la force de l’argumentation, parfois jusqu’au point de lui enlever toute valeur probante. À ce sujet, mon ancien collègue, le juge John Evans, qui a lu des milliers de mémoires durant sa carrière exemplaire, écrit avec justesse :

La concision est une qualité toujours recherchée, mais qui, si je me fie à mon expérience, brille souvent par son absence dans les mémoires exposant les faits et le droit déposés devant la Cour. Je ne me souviens d’aucun cas où j’ai pensé qu’ajouter encore 10 pages à un mémoire aurait amélioré les choses. À dire vrai, c’est tout le contraire.

(Bande de Sawridge c. Canada, 2006 CAF 52, au paragraphe 20; voir aussi, le juge John I. Laskin, « Forget the Windup and Make the Pitch : Some Suggestions for Writing More Persuasive Factums » (1999) 18 Adc. Soc. J. no 2, aux pages 3 à 12, et le juge Marvin A. Catzman, « The Wrong Stuff : How to Lose Appeals in the Court of Appeal » (2000) 19 Adc. Soc. J. no 1, aux pages 1 à 5.)

[24]      C’est pour ces raisons que les demandes visant à obtenir l’autorisation de dépasser la limite de 30 pages sont « accordées avec parcimonie » par la Cour et sont exceptionnelles : General Electric, précité, au paragraphe 5.

[18]           Venngo n’a pas démontré pourquoi les arguments qu’elle veut soulever sont plus complexes que ceux sur lesquels portent d’autres appels où les parties sont en mesure de déposer un mémoire qui respecte la longueur prescrite. En conséquence, le mémoire déposé par Venngo comptera au plus 30 pages, comme le prévoient les Règles.

[19]           Pour les motifs qui précèdent, la requête est accueillie, et les mémoires tels qu’ils ont été déposés par Venngo sont radiés du dossier. Venngo devra, au plus tard le 23 septembre 2016, déposer un mémoire des faits et du droit relativement aux appels réunis qui respecte les Règles. Venngo devra payer aux intimés les dépens afférents à la requête, lesquels ont été fixés à 1 500 $.

« Wyman W. Webb »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-5-16

A-33-16

INTITULÉ :

VENNGO INC. c. CONCIERGE CONNECTION INC. faisant affaire sous la dénomination sociale de PERKOPOLIS, MORGAN C. MARLOWE et RICHARD THOMAS JOYNT

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE WEBB

DATE :

Le 23 août 2016

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Melanie K. Baird

James S.S. Holtom

Pour l’appelante

David M. Reive

Pour les intimés

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lenczner Slaght Royce Smith Griffin LLP

Toronto (Ontario)

Pour l’appelante

Miller Thomson LLP

Toronto (Ontario)

Pour les intimés

 

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