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Date : 20170323


Dossier : A-460-15

A-459-15

Référence : 2017 CAF 57

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE SCOTT

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

GINETTE JONCAS ET ALBAN LANGLOIS

défendeurs

Audience tenue à Québec (Québec), le 22 mars 2017.

Jugement rendu à Québec (Québec), le 23 mars 2017.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE SCOTT

Y A (ONT) SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE DE MONTIGNY

 


Date : 20170323


Dossier : A-460-15

A-459-15

Référence : 2017 CAF 57

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE SCOTT

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

GINETTE JONCAS ET ALBAN LANGLOIS

défendeurs

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE SCOTT

[1]  Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire déposée par le Procureur général du Canada (le demandeur) à l’encontre de deux décisions rendues le 23 septembre 2015 par la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale (TSS-DA). Ce dernier a rejeté les appels de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission), à l’encontre de la décision du Conseil arbitral du 26 mars 2013, qui a accueilli l’appel de madame Ginette Joncas et de monsieur Alban Langlois (les défendeurs) à l’encontre de la décision de la Commission, leur refusant le versement de prestations d’assurance emploi pour cause de départ volontaire.

[2]  Le TSS-DA a conclu qu’à la lumière des circonstances particulières de leur dossier, les défendeurs n’avaient pas quitté volontairement leur emploi.

[3]  Depuis 1999, le Centre de tri de Grande-Rivière en Gaspésie exploite une usine où des matières recyclables, provenant des MRC du Rocher-Percé et de La Côte-de-Gaspé, sont acheminées afin d’y être triées.

[4]  Il existait une pratique depuis le commencement des opérations de l’usine de créer artificiellement des emplois saisonniers. Cette façon de faire fut consacrée dans une lettre d’entente signée le 12 janvier 2001 entre la partie syndicale et l’employeur. Ainsi, il fut convenu que deux équipes d’employés se partageraient le travail sur deux périodes de six mois. La quatrième clause de l’entente prévoyait que lors des changements d’équipe, les employés ne pourraient exercer, leur droit de supplantation selon l’ancienneté prévu par l’article 9.09 de la convention collective. Durant la « période de repos », les employés, dont les défendeurs, Ginette Joncas et Alban Langlois, réclamaient et bénéficiaient des prestations d’assurance-emploi. Cette pratique qui est contraire à la Loi s’est déroulée sans interruption pendant treize ans. Ce n’est qu’en novembre 2012 que Service Canada a avisé l’employeur que lorsqu’un employé n’exerce pas son droit d’ancienneté alors qu’il y aurait eu du travail pour lui, sa situation est alors assimilée à un départ volontaire au sens de l’article 30 de la Loi.

[5]  Malgré cet avis, les défendeurs ont été mis à pied comme à l’habitude pour permettre à la seconde équipe d’entrer au travail pour une période de six mois à compter du 11 janvier 2013. Le certificat de relevé d’emploi émis par l’employeur des défendeurs indiquait manque de travail comme cause de départ. Les défendeurs ont essuyé un refus de bénéfices de la Commission pour cause de départ volontaire. Par la suite et dès qu’ils furent informés que la lettre d’entente ne tenait plus, soit le 11 février 2013, les défendeurs ont fait valoir leur droit de supplantation et sont retournés au travail et en ont appelé subséquemment de la décision de la Commission.

[6]  Le demandeur fait valoir deux arguments à l’encontre de la décision du TSS-DA qui a déterminé que les défendeurs n’avaient pas quitté volontairement leur emploi. Il allègue d’abord que le TSS-DA a erré en concluant qu’il n’y avait aucune preuve que les défendeurs avaient été préalablement informés par l’employeur, ou le syndicat de l’annulation de la lettre d’entente sur le travail partagé, et partant de leur obligation de faire valoir leur droit de supplantation vu leur ancienneté. Puis il souligne la jurisprudence constante de cette Cour et des décisions des juges arbitre, voulant qu’un prestataire qui n’exerce pas son droit de supplantation, vu son ancienneté, est censé avoir quitté volontairement son travail sans justification et n’est donc pas éligible à recevoir des prestations d’assurance-emploi (voir Hamel c. Canada(Commission de L’emploi et de L’immigration), 1993 A.C.F. No 53, confirmant Hamel et al, CUB 20198, juge-arbitre Jérôme, le 11 juillet 1991, CUB 18526, juge arbitre Pratte décision du 23 mai 1991, Duguay, CUB 26546 juge-arbitre Rouleau).

[7]   Il est établi que la norme de la décision raisonnable s’applique à l’égard d’une décision du TSS-DA portant sur l’admissibilité d’un prestataire à recevoir ou non des prestations d’assurance-emploi aux termes de la Loi, puisqu’il s’agit de questions de fait ou mixtes de fait et de droit (voir Chemouny c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 48 aux paragraphes 5-6, [2015] A.C.F. no 228, Thibodeau c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 167 au paragraphe 41, [2015] A.C.F. no 928, et Canada (Procureur général) c. Jean, 2015 CAF 242, [2015] A.C.F. no 1315).

[8]  Dans sa décision, le TSS-DA ne traite pas de la justification liée au départ des employés, mais plutôt du caractère volontaire de celui-ci compte tenu des circonstances particulières à ce dossier.

[9]  Je suis d’avis que dans les circonstances propres à ce dossier, les conclusions de fait tirées par TSS-DA sont raisonnables puisqu’elles s’appuient sur les témoignages entendus et sur les autres éléments de preuve documentaire au dossier. Le TSS-DA pouvait raisonnablement conclure que les défendeurs n’ont pas choisi de refuser de travailler afin de permettre à un autre employé de travailler à leur place, au vu de l’absence de preuve devant le conseil arbitral selon laquelle les défendeurs avaient été préalablement informés par leur employeur, le syndicat ou l’appelante, de l’annulation de la lettre d’intention signée le 12 janvier 2001 par l’employeur et le syndicat. Le TSS-DA n’avait donc pas à déterminer si les défendeurs étaient justifiés de quitter leur emploi.

[10]  Par ailleurs, je tiens à souligner que la trame factuelle et la décision du TSS-DA dans ce dossier particulier ne remettent nullement en cause le principe bien établi dans la jurisprudence de cette Cour, et qui énonce que toute entente portant sur le travail partagé ayant pour effet qu’un employé renonce à l’exercice de son droit de supplantation, est contraire à la Loi. En somme  un employé qui, compte tenu de son ancienneté, a le droit de travailler mais choisit de refuser pour permettre à un autre employé de travailler, a quitté volontairement son emploi et n’a pas établi une justification au sens de la Loi.

[11]  Pour ces motifs je suis d’avis de rejeter cette demande de contrôle judiciaire.

« A.F. Scott »

j.c.a.

«Je suis d’accord.

Johanne Gauthier, j.c.a.»

«Je suis d’accord.

Yves de Montigny, j.c.a.»

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-460-15 et A-459-15

INTITULÉ :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. GINETTE JONCAS ET ALBAN LANGLOIS

LIEU DE L’AUDIENCE :

Québec (Québec)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 mars 2017

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE SCOTT

 

 

Y ONT (A) SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

DATE DES MOTIFS :

LE 23 mars 2017

 

 

COMPARUTIONS :

Carole Vary

 

Pour le demandeur

Marlène Jacob

 

Pour leS DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

Pour le demandeur

MÉNARD, MILLIARD, CAUX, Avocats

Québec (Québec)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

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